Vu du Droit
Alain Juppé au Conseil constitutionnel :
une grande expérience du droit pénal…
Régis de Castelnau
Vendredi 15 février 2019 Introduction
Richard Ferrand,
président de l’actuelle Assemblée
Nationale vient donc d’utiliser son
pouvoir de nomination au Conseil
constitutionnel pour y envoyer Alain
Juppé. Extraordinaire petite séquence
concoctée par Emmanuel Macron dont
personne ne pourrait croire qu’il n’est
pas l’organisateur de ce qui constitue
quand même une nouvelle preuve de son
absence totale de principe. Nous avons
là un ancien socialiste sur lequel
pèsent de très lourds soupçons
d’infractions pénales, mais qui
bénéficiant pour l’instant de la
protection de la haute fonction publique
judiciaire, propulse à la Cour suprême
de notre pays un personnage condamné par
la justice en application du chapitre
des « atteintes à la probité » du
Code pénal, qui a fait la démonstration
dans le passé de ses rapports très
élastiques avec la morale et le droit.
Pas besoin de
beaucoup réfléchir pour identifier les
ressorts grossiers de l’opération qui
vient de se produire. Macron a besoin
d’un Conseil Constitutionnel à sa main
pour faire avaliser sa stratégie
législative liberticide. Et mettre en
place la société illibérale dont il
pense qu’elle est le moyen indispensable
pour perdurer au pouvoir et mettre en
œuvre la politique voulue par ses
commanditaires. Le Conseil
Constitutionnel se comporte de plus en
plus comme le lieu d’où émane la
souveraineté législative dans notre
pays. Il y a tellement d’exemples comme
celui récent de l’acrobatie de
l’incorporation, d’une partie de la
devise de la république, dans le bloc
juridique de constitutionnalité pour
dépénaliser les trafics de main-d’œuvre
migrante. Et celui encore plus étonnant
de l’approbation de la loi fake news
portant gravement atteinte à la liberté
d’expression. En attendant l’examen de
la « loi anticasseurs » pour lequel on
peut craindre le pire. Et comme le même
Conseil Constitutionnel aura à se
prononcer sur le référendum que nous
concocte le locataire de l’Élysée pour
essayer de se tirer du guêpier gilets
jaunes, on comprend qu’Emmanuel Macron
ne souhaite rien laisser au hasard.
Compte tenu de ces
enjeux, va pour un politicien au rancart
et au lourd passé judiciaire. J’entends
dire qu’Alain Juppé a payé sa dette à la
société et que par conséquent,
aujourd’hui pur comme l’agneau qui vient
de naître, il n’y a aucun inconvénient à
le nommer à notre cours suprême, celle
chargée de la mission la plus importante
et la plus délicate, à savoir contrôler
l’expression législative de la volonté
populaire exprimée par ses
représentants. Cet argument ne tient pas
debout, et il est même dégradant. La
nomination de l’ancien professeur en
exil au Canada est effectivement
juridiquement possible, mais elle pose
d’abord un problème moral, et aussi
politique. Quelle est la légitimité
d’Alain Juppé au plan des compétences
juridiques pour accomplir sa nouvelle
mission ? Sa vie a montré qu’elle était
nulle. Il a fait la démonstration à
plusieurs reprises non seulement de son
mépris du droit et de sa capacité à le
violer, mais également de son
incompétence dans ce domaine. On
ajoutera à ce stade que le fait qu’il
ait payé pour Chirac est une fable qu’il
a lui-même inventée et fait circuler.
Alain Juppé n’a payé que pour ses
propres turpitudes. Quelle est sa
légitimité politique ensuite, lui qui
s’est toujours considéré comme le plus
intelligent, mais a toujours perdu dès
lors qu’il a fallu se confronter au
suffrage des Français ? Des
circonscriptions sur-mesure ou des
scrutins de liste lui ont permis
d’accéder à certaines responsabilités,
mais dès lors qu’il a fallu directement
s’adresser aux Français, ceux-ci n’ont
pas voulu de lui.
Revenons sur
quelques étapes récentes de la carrière
de ce boulet politique que nous traînons
depuis si longtemps. (Cliquer sur les
liens pour accéder aux articles)
Où l’on réfléchit
en octobre 2014 devant l’opération qui
se profile à ce moment-là. Faire d’Alain
Juppé, vieux cheval de retour le
successeur de François Hollande, en
imaginant qu’il pourrait prendre
Emmanuel Macron comme premier ministre.
Ce chapitre est prémonitoire sur l’échec
qui attend le maire de Bordeaux. En
revanche il se plante lourdement sur le
possible retour de Nicolas Sarkozy. Ceci
équilibrant cela. Premier petit retour
sur la carrière de Juppé.
Où l’on constate
que l’oligarchie ne mégote pas dans la
campagne visant à propulser le « (pas)
meilleur d’entre nous » à la
magistrature suprême. À coups de
sondages bidons et d’analyses frelatées.
Alain Juppé lui-même n’est pas en reste
et donne tous azimuts des leçons de
bien-pensance. L’Élysée vaut bien
quelques contorsions.
Où l’on apprend que
les ennuis d’Alain Juppé ne se sont pas
limités à sa condamnation par la cour
d’appel de Versailles. Et qu’il n’a
jamais payé pour Chirac n’étant condamné
que pour ses propres turpitudes. Il
s’est inventé cette fable afin de se
redonner un visage convenable en se
présentant comme une victime capable
d’accepter de se sacrifier. Histoire
complètement bidon. On trouvera dans ce
chapitre une citation de l’arrêt de la
cour d’appel de Versailles, concernant
les responsabilités et l’attitude
d’Alain Juppé lors de la procédure. Sa
lecture est particulièrement édifiante
concernant la stature d’homme d’État
qu’on lui prête.
Où l’on constate,
après qu’il eut été écrasé à la primaire
de la droite, en constatant que ce
n’était pas la première fois et que la
carrière d’Alain Juppé fut celle d’un
looser. Qui subit humiliation sur
humiliation, comme à l’occasion des
législatives de 1997 où il dut céder la
place à Philippe Seguin entre les deux
tours pour essayer sans succès de sauver
les meubles. Ou de celle de 2007 où il
trouvera le moyen de se faire battre à
plate couture à Bordeaux pendant la
vague bleue considérable qui avait suivi
l’élection de Nicolas Sarkozy. La
constante incompréhension qu’il afficha
à chacune de ses très nombreuses
défaites peuvent provoquer quelques
doutes sur ses capacités politiques.
Conclusion
L’arrivée d’un
politicien incompétent et au lourd passé
judiciaire au Conseil Constitutionnel
est un scandale de plus pour ce pouvoir.
Qui témoigne répétons-le d’une totale
absence de principe et d’une volonté
d’instrumentaliser notre cour suprême.
Et cette mesure est soutenue voire
applaudie, par tous ceux qui avaient
fait des gorges chaudes contre la
nomination à la cour suprême des
États-Unis par Donald Trump d’un
magistrat respecté, à qui on reprochait
sans preuve des paroles soi-disant
inconvenantes prononcées 50 ans plus
tôt, à l’âge de 17 ans dans une
surprise-partie.
Ces gens-là sont
prêts à tout.
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