Vu du Droit
Mantes la Jolie :
Castaner et
Belloubet duettistes de la honte
Régis de Castelnau
Vendredi 7 décembre 2018
L’adage selon
lequel le diable se niche dans les
détails se vérifie toujours.
L’affaire des lycéens de Mantes-la-Jolie
objets d’une arrestation de masse,
pour être entreposés ensuite à genoux et
menottés dans le dos pour les uns et
mains sur la tête pour les autres agit
comme un révélateur. Une vidéo filmée
complaisamment puis diffusée ensuite sur
les réseaux nous permet d’assister à un
drôle de spectacle où l’on voit des ados
dans une position humiliante entourés de
CRS en uniforme qui roulent des
mécaniques en jouant les
gardes-chiourmes militaires et
assortissant leur pantomime de
réflexions parfaitement audibles. Il est
fort probable que les promoteurs de ce
vilain spectacle qui doivent se
situer à un haut niveau de l’État
poursuivaient un objectif. Celui de
montrer que l’État était ferme et qu’il
allait mater la populace qui a osé le
défier. On retrouve dans la séquence la
même haine, la même violence symbolique
que celle qu’affichent tous les petits
laquais du néolibéralisme macronien
quand ils insultent en cadence ces
couches populaires qui leur font si
peur. Ils seront rejoints dans les
commentaires par tous les apeurés qui ne
rêvent que d’une chose, c’est qu’on tire
dans le tas de ces gueux indociles. Avec
au passage l’avantage qu’à
Mantes-la-Jolie, dans le tas il doit
bien aussi y avoir du basané, et
qu’ainsi on va pouvoir faire d’un tir
deux coups, en amalgamant gilets jaunes
et racailles. De quoi
s’agit-il ?
Que voyons-nous en
effet ? Près de 150 jeunes garçons à
peine sortis de l’enfance dans une
position, manifestement inutile, à la
fois humiliante et dégradante. La
position des enfants et l’attitude des
CRS participant de cette volonté de
souligner l’abaissement et de
réaffirmer sa force. La violence
symbolique est considérable et gageons
que ces images vont faire le tour du
monde provoquant exactement l’effet
inverse à celui recherché. Depuis le
début de la crise des gens du pouvoir
nous y ont habitués avec l’expression
constante de cette brutalité autiste et
arrogante, qui nourrissant la colère l’a
transformée en rage.
Que nous a-t-on dit
ensuite ? Que c’était une opération de
police normale, à la suite d’incidents
sérieux survenus devant un lycée de
Mantes-la-Jolie. On pourrait se poser la
question de savoir si cette localisation
dans une banlieue difficile, n’a pas
joué son rôle dans le choix de cette
mise en scène et de sa diffusion.
Opération de police normale, sûrement
pas, mais peut être nécessaire ? Soit,
une opération de prévention et une
volonté de prévenir des incidents plus
graves pouvaient effectivement amener à
l’organisation d’une nasse et à la mise
en garde à vue c’est-à-dire en privation
de liberté d’un certain nombre de jeunes
se trouvant à proximité. Mais on ne fera
croire à personne que tous les 148
arrêtés avaient des responsabilités
directes dans les incidents survenus.
Cela étant, qu’on ait pris à cette
occasion quelques libertés avec les
règles applicables lors d’une
interpellation pouvait ne pas être
inacceptable. Mais ce qui s’est passé
après l’est totalement. Avec
l’accord probable des autorités de
l’État, on a réalisé ensuite ce montage
dans un lieu privé à ciel ouvert visible
de partout, montage dont la vocation
violente et humiliante saute aux yeux.
Malheureusement, cerise sur le gateau,
c’est non seulement politiquement
insupportable, mais gravement illégal.
Et le droit dans
tout ça ?
Rappelons un peu le
cadre juridique dans lequel tout ceci
aurait dû se dérouler.
Commençons par le
Code de déontologie de la police
nationale et de la gendarmerie nationale
qui nous dit dans son article R. 434-17
-relatifs à la protection et respect des
personnes privées de liberté : «
Toute personne appréhendée est placée
sous la protection des policiers ou des
gendarmes et préservée de toute forme de
violence et de tout traitement inhumain
ou dégradant »
Certes, le
traitement n’a pas peut-être pas été
inhumain mais drôlement dégradant quand
même. Les policiers qui ont organisé
cette séquence et permis qu’on la filme
ont donc violé leurs obligations légales
et doivent faire l’objet de poursuites
et de sanctions disciplinaires. Ainsi
bien sûr, que leurs supérieurs
hiérarchiques qui ont donné les ordres
ou laissé faire.
Sur un plan
général, ceux qui ont permis la
réalisation (les policiers) des images,
ceux qui les ont réalisées et ensuite
diffusées tombent sous les articles
suivants du code pénal :
– l’article 226-2 du Code pénal
qui sanctionne d’1 an d’emprisonnement
et 45 000 euros d’amende le fait de
capter, conserver, diffuser ou laisser
diffuser l’image d’une personne prise
dans un lieu privé sans le consentement
de celle-ci.
–
l’article 226-1 du même code qui
sanctionne d’1 an d’emprisonnement et
45 000 euros d’amende le fait de
photographier ou filmer sans son
consentement, une personne se trouvant
dans un lieu privé ou de transmettre
l’image ou la vidéo (même sans
diffusion) si la personne n’était pas
d’accord pour qu’on la photographie ou
la filme.
De plus,
l’article 226-8 du Code pénal punit
d’1 an d’emprisonnement et de 15 000
euros d’amende le fait de publier, par
quelque voie que ce soit, le montage
réalisé avec l’image d’une personne sans
son consentement.
Il est peu
probable, n’est-ce pas, que le
consentement de tous ces ados repérables
et identifiables sur les photos et
vidéos n’a pas été recueilli un à un….
Quant au caractère du lieu de rétention
des interpellés, à l’évidence c’est un
jardin privé.
Enfin,
l’article 803 du Code de procédure
pénale sur la protection de la
présomption d’innocence et les droits
des victimes prévoit :
« Lorsqu’elle
est réalisée sans l’accord de
l’intéressé, la diffusion, par quelque
moyen que ce soit et quel qu’en soit le
support, de l’image d’une personne
identifiée ou identifiable mise en cause
à l’occasion d’une procédure pénale mais
n’ayant pas fait l’objet d’un jugement
de condamnation et faisant apparaître,
soit que cette personne porte des
menottes ou entraves, soit qu’elle est
placée en détention provisoire »
Eh bien oui, la
police détient une parcelle de la
violence légitime de l’État, mais à la
condition d’utiliser dans le cadre de sa
propre légalité. À défaut cette violence
devient illégitime. Radicalement.
Le prix du
déshonneur
À ce stade, je ne
vois pas ce que l’on peut faire d’autres
que de demander un ban
d’applaudissements pour tous ceux,
Christophe Castaner multirécidiviste en
tête, qui ont voulu montrer les petits
muscles de leurs petits bras, en montant
une opération lamentable, symboliquement
désastreuse et en montrant la façon dont
ils envisageaient de respecter la loi
française. Encore Bravo!
On gage qu’il n’y a
absolument aucune chance, que le
ministre de l’intérieur engage les
procédures disciplinaires que justifie
cette grossière violation de la loi par
ses fonctionnaires. De la même façon, on
n’imagine pas Madame Belloubet, Garde
des Sceaux, se précipiter au parquet de
Versailles pour en cravacher les membres
afin qu’ils engagent des
poursuites qu’exigeraient toutes ces
violations de la loi pénale. Elle
l’avait pourtant sans vergogne fait au
parquet de Paris pour exciter les
substituts à la répression la plus
sévère contre les gilets jaunes.
En revanche il est
probable qu’elle ait passé ses consignes
à Versailles puisque l’on apprend qu’à
la demande du parquet,
des mineurs seraient entendus en garde à
vue sans assistance d’avocat.
Ignominie interdite par la loi française
et toutes les conventions
internationales ratifiées par notre
pays.
Ces gens-là,
n’entendent pas respecter la loi et
servir la république, mais soutenir de
toutes leurs forces un président
détesté. Et à n’importe quel prix, y
compris celui de leur déshonneur.
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