Vu du Droit
La Pitié-Salpêtrière : menteurs c’est
sûr,
mais délinquants aussi ?
Régis de Castelnau
Dimanche 5 mai 2019 La destruction
du mensonge : dimensions politiques
Ce qui s’est passé dans notre pays le 1er
mai a livré par un étonnant dévoilement
la radiographie d’un système macronien à
nu. Se pose maintenant
la question des conséquences immédiates,
et en particulier celle des suites
judiciaires qu’appellent à l’évidence le
comportement des gens du pouvoir et ceux
qui les soutiennent. Occasion
supplémentaire d’interpeller la Justice
française sur le fait qu’elle pourrait
ainsi et enfin manifester sa volonté de
faire respecter l’État de droit.
Nous avons assisté
à la production de mensonges d’État
relayés par un dispositif de
communication hégémonique et qui se sont
cependant fracassés sur la réalité et la
vérité produite grâce à Internet et aux
réseaux, outils que précisément Emmanuel
Macron veut faire taire. Révélation
irréfutable de plusieurs choses à
commencer par la duplicité liberticide
d’un pouvoir qui porte atteinte aux
libertés d’expression et de
manifestation en prétendant les
protéger. Cette fois-ci, toutes les
ficelles sont à nu.
Comme est désormais
irréfutable l’existence d’intolérables
violences policières délibérées, depuis
que dans ses vœux du nouvel an Emmanuel
Macron a annoncé son refus d’une
solution politique à la crise. Pour s’en
remettre exclusivement aux répressions
violentes et punitives telles que les
ont déployées police et justice contre
une partie du peuple français. Mais
cette fois-ci, des secteurs entiers de
la société se sont cabrés devant
l’énormité du mensonge, et précipités
sur les réseaux qui dévoilaient non
seulement la fake news d’État, mais
étalaient au travers de vidéos et
témoignages irréfutables, la réalité
d’une violence policière aussi
dangereuse et irresponsable que
délibérément organisée.
Alors bien sûr,
tout ceux, gauche politique en tête, qui
avaient appelé en mai 2017 à faire
barrage se précipitent à la recherche
d’un bouc émissaire. Ce sera la cible
facile, du calamiteux et presque
toujours grotesque ministre de
l’intérieur Christophe Castaner. Il le
mérite largement et on ne va pas
s’apitoyer sur l’amateur de vodka. En
revanche il conviendra de ne pas oublier
un Premier ministre dont on a fini par
constater l’absence totale de culture
démocratique, et tous ces ministres et
parlementaires LREM, accompagnés des
supplétifs médiatiques du pouvoir
macronien qui se sont précipités pour
relayer le mensonge. Nous permettant par
la suite d’assister au spectacle de leur
recul en désordre fait d’éléments de
langage standard, de raisonnements
tortueux, de contorsions, et d’analyses
sémantiques hilarantes. Jamais d’excuses
en revanche, il ne faut pas trop en
demander.
Menteurs mais
aussi délinquants
Alors qu’on donc
fait tous ces braves gens qui devrait
connaître des suites judiciaires, si
depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron
l’État de droit dans notre pays n’était
pas à ce point devenu à géométrie
variable ? On ne parlera pas des
violences policières largement
documentées, et qui provoquent le pieux
silence de parquets occupés à poursuivre
d’ignobles criminels qui ont osé scander
« Castaner assassin » dans une
manifestation. Ce sera pour une autre
fois.
En revanche il y a
au moins trois infractions pénales qui
devraient encourir les sanctions prévues
par la loi, tant pour l’auteur principal
du mensonge que pour ceux qui l’ont
délibérément relayé ou utilisé.
La première est
celle qu’incrimine
l’article L 97 du Code électoral,
puisque nous sommes à quelques jours
d’un scrutin national : «Ceux qui, à
l’aide de fausses nouvelles, bruits
calomnieux ou autres manœuvres
frauduleuses, auront surpris ou détourné
des suffrages, déterminé un ou plusieurs
électeurs à s’abstenir de voter, seront
punis d’un emprisonnement d’un an et
d’une amende de 15 000 euros ».
L’intention frauduleuse des menteurs est
assez évidente au regard de la campagne
menée par Nathalie Loiseau. Aucun
programme, simplement un appel au
barrage des vilains populistes
antisémites, homophobes et factieux que
sont les gilets jaunes. Mais si on lit
bien le Code on constate que l’intention
frauduleuse n’est pas nécessaire et
qu’il suffit que le mensonge ait eu pour
conséquence cette altération de la
sincérité du scrutin. La propagande
mensongère et sanctionnée. À notre sens,
mais nous ne sommes pas le juge,
l’infraction est constituée.
Il y a ensuite le
droit pénal général qui
avec l’article 322-14 du Code n’aime
pas trop que l’on crie « au loup ! » de
façon injustifiée. « Le fait de
communiquer ou de divulguer une fausse
information dans le but de faire croire
qu’une destruction, une dégradation ou
une détérioration dangereuse pour les
personnes va être ou a été commise est
puni de deux ans d’emprisonnement et de
30 000 euros d’amende. » Laissons de
côté tous les relais empressés de la
fausse nouvelle qu’il faudra pourtant
poursuivre, (n’est-ce pas Monsieur le
procureur) pour nous concentrer sur
Christophe Castaner. Que nous dit
Libération le 2 mai à 7h32 : « en
déplacement à l’hôpital, où un CRS a été
admis pour une blessure à la tête, le
ministre de l’Intérieur a évoqué une
«attaque» par des dizaines de militants
anticapitalistes d’ultragauche «black
blocs». «Des infirmières ont dû
préserver le service de réanimation. Nos
forces de l’ordre sont immédiatement
intervenues pour sauver le service de
réanimation ».
Mensonge total confirmé dans un tweet
du même ministre : « Ici, à la
Pitié-Salpêtrière, on a attaqué un
hôpital. On a agressé son personnel
soignant. Et on a blessé un policier
mobilisé pour le protéger. Indéfectible
soutien à nos forces de l’ordre : elles
sont la fierté de la République ».
Franchement, si le parquet faisait son
travail républicain, on ne voit pas
comment le ministre de l’intérieur
pourrait échapper à une saisine de la
Cour de justice de la république, à une
incrimination bonne et due forme et à
une condamnation. Pour les supplétifs ce
devrait être les tribunaux ordinaires.
Enfin,
tournons-nous à nouveau vers le droit
pénal spécial c’est-à-dire vers la loi
du 29 juillet 1881 qui organise la
liberté d’expression notamment par le
droit de la presse.
Il y a l’article 27 de cette loi qui
dit ceci : « La publication, la
diffusion ou la reproduction, par
quelque moyen que ce soit, de nouvelles
fausses, de pièces fabriquées,
falsifiées ou mensongèrement attribuées
à des tiers lorsque, faite de mauvaise
foi, elle aura troublé la paix publique,
ou aura été susceptible de la troubler,
sera punie d’une amende de 45 000 euros.
» La première observation sera de
rappeler que le droit positif permettait
très bien de lutter contre les fausses
nouvelles, et que la loi fake news avait
donc bien pour but exclusif de porter
atteinte à la liberté d’expression sur
les réseaux au profit du pouvoir
macronien. La deuxième observation pour
constater que Christophe Castaner est
bien entendu concerné comme tous ceux
qui se sont précipités pour relayer ses
mensonges. Et qu’il n’est pas nécessaire
que ces mensonges aient troublé la paix
publique mais été seulement
susceptibles de le faire. Concernant
l’excuse de « bonne foi » qu’avancerait
un des hommes les plus informés de
France, on se contentera de sourire…
Que doit faire
le parquet ?
Pour conclure, on
se tournera vers les autorités du
parquet et notamment celles du tribunal
de grande instance de Paris. On sait les
conditions dans lesquelles le successeur
de François Molins a été, grande
première dans l’histoire de la
République française, choisi directement
par Emmanuel Macron. Et que celui-ci,
face à la mansuétude dont ses amis font
l’objet et au zèle déployé dans la
répression des gilets jaunes, n’a eut
qu’à se féliciter de son choix. Mais il
se trouve que la trentaine de gardes à
vue consécutive aux incidents de la
Pitié-Salpêtrière ont été très
rapidement levées face à l’ampleur du
mensonge, l’inanité des motifs des
arrestations et la violence qui les
avait accompagnées.
Sage décision, et
il serait peut-être opportun de
confirmer ce retour à une certaine
rectitude juridique en ouvrant les
procédures qu’exige le respect de la
loi, contre les policiers gifleurs,
lanceurs de pavés, matraqueurs sans
raison, jusqu’ici soigneusement
préservés. Et surtout en poursuivant
tout ceux, ministre de l’intérieur en
tête, qui se sont permis de prendre de
telles libertés avec les lois qui
protègent la paix publique et
l’expression démocratique en période
électorale.
À ceux qui me
disent qu’il ne faut pas rêver, je
réponds que l’on n’est jamais à l’abri
d’une bonne surprise.
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