Actualité
Israël est devenu le modèle à suivre
pour les racistes
et les islamophobes du monde entier
Ramzy Baroud & Romana Rubeo
Les forces israéliennes d'occupation
kidnappent un jeune Palestinien lors
d'affrontements entre
des manifestants
et les forces d'occupation dans la ville
de Hébron, en Cisjordanie occupée,
le 28
juillet 2017 - Photo :
Hazem Bader
Jeudi 11 avril 2019 Adulé par
l’extrême droite, Israël s’est joint à
un mouvement mondial pour promouvoir les
politiques d’extrême droite et la haine
anti-musulmane.
Le 17 mars, la Cour
suprême israélienne a interdit à Michael
Ben Ari, chef du parti néo-fasciste
Otzma Yehudit (Pouvoir juif) de
participer aux élections générales du 9
avril, affirmant que le fait de lui
permettre de concourir pour un siège à
la Knesset reviendrait à « légitimer le
racisme ».
Cette décision est
intervenue moins d’un mois après la
conclusion d’une alliance électorale
entre Otzma Yehudit et le Likoud, parti
dextrême-droite du Premier ministre
Benjamin Netanyahu, qui a provoqué choc
et colère dans certains milieux
politiques israéliens et étrangers.
« La place des gens
qui croient en la supériorité de la race
est derrière les barreaux, pas au
parlement », a déclaré Tamar Zandberg,
le chef du parti d’opposition Meretz,
dans un communiqué publié après
l’annonce de l’alliance électorale. Même
la haineuse
American Israel Public Affairs Committee
(AIPAC), l’influent groupe de pression
pro-israélien et proche allié de
Netanyahu, semblait déstabilisée par
cette décision. « Les opinions d’Otzma
Yehudit sont répréhensibles. Elles ne
reflètent pas les valeurs fondamentales
qui constituent le fondement même de
l’État d’Israël », a
tweeté l’AIPAC.
Mais pour les
Palestiniens, qui sont la cible du
racisme, de l’occupation militaire et de
l’apartheid institutionnalisés par
Israël, il n’y a pas de différence entre
Otzma Yehudit et le Likoud ou tout autre
parti israélien traditionnel. Ils savent
que la longue histoire du racisme en
Israël est en constante mutation.
En mai dernier, en
effet, Israël a promulgué une loi sur l’État-nation
mettant fin définitivement à toute
confusion présumée quant à l’identité
d’Israël. La nouvelle loi proclame
ouvertement Israël comme « l’État-nation
du peuple juif », faisant totalement
abstraction du peuple palestinien et
marginalisant ses droits, sa culture, sa
langue et son histoire.
La
plate-forme politique d’Otzma
Yehudit et les nombreuses déclarations
racistes et violentes de Michael Ben Ari
ne sont pas fondamentalement différentes
du texte de la loi sur l’État-nation ou
de la myriade de déclarations agressives
faites régulièrement par les principaux
politiciens israéliens tels qu’Ayelet
Shaked, Naftali Bennett et Ariel Uri.
Pourtant, les
Israéliens et les partisans d’Israël
prétendent toujours insister sur la
distinction entre l’extrême droite
israélienne et le courant politique
dominant, car ils veulent préserver
l’illusion qu’Israël défend les valeurs
de démocratie et de transparence, et les
droits de l’homme.
Cela vise à tenter
de dissimuler la « bête immonde »
israélienne de la suprématie raciale, de
l’occupation militaire et de
l’apartheid, et du rôle qu’il joue
actuellement dans la menace émergente de
l’extrême droite au niveau mondial.
Ce n’est pas un
hasard si les idéologues d’extrême
droite et les groupes néo-fascistes
célèbrent son racisme et sa violence
contre ce qu’il considèrent comme
l’ennemi commun : les musulmans. Ils
considèrent la « guerre contre le
terrorisme » et la victimisation des
musulmans comme un modèle.
Cependant, ce lien
entre Israël et les mouvements d’extrême
droite à travers le monde ne repose pas
uniquement sur leur haine commune pour
l’islam et les musulmans ou sur les
objectifs communs du sionisme et de la
suprématie blanche.
Il est de plus en
plus évident qu’Israël et des groupes
d’extrême droite du monde entier
convergent au sein d’un mouvement
mondial qui vise à promouvoir et à
développer l’idéologie et la politique
d’extrême droite.
La théorie du
complot du « grand remplacement »
énoncée par l’idéologue français
néo-fasciste Renaud Camus dans son livre
« Le Grand Remplacement » est au cœur de
cette union qui se fait jour. Camus
propose une interprétation extrême du
« choc des civilisations » de Samuel
Huntington, affirmant que l’Europe est
confrontée à une invasion musulmane qui
entraînera un « changement de
civilisation ».
Cette idée s’est
répandue au-delà de l’Europe et s’est
étendue jusqu’en Amérique du Nord et du
Sud, en Inde, en Australie, etc… Israël
y voit un reflet de sa propre inquiétude
démographique quant au fait que les
Palestiniens ont été et restent la
majorité dans ce qui est leur pays : la
Palestine.
Et bien que cette
théorie ait également acquis en certains
endroits des nuances antisémites – comme
aux États-Unis, où en 2017 une marche
d’extrême droite
scandait « Les Juifs ne nous
remplaceront pas! » – Israël a
activement encouragé à sa diffusion.
Les idéologues
néo-fascistes européens et les groupes
qui souscrivent à la théorie du complot
du « grand remplacement » sont également
tous d’ardents partisans d’Israël.
Camus lui-même a
exprimé son admiration pour Israël à
plusieurs reprises. En décembre 2017,
après que Donald Trump ait
déplacé l’ambassade des États-Unis à
Jérusalem, il avait
tweeté : « Jérusalem est la capitale
d’Israël. Israël est un modèle de
résistance. Nous devons faire de
l’Europe un plus grand Israël ».
Lors d’un discours
en 2015, le député néerlandais Geert
Wilders, réputé pour son islamophobie, a
déclaré: « Il n’y a rien de mal à
préserver notre propre civilisation
judéo-chrétienne. C’est notre devoir […]
Regardez Israël, apprenez d’Israël,
Israël est une île dans une mer de
barbarie islamique. Israël est un phare
de liberté et de prospérité dans une
région de ténèbres islamiques. Israël
refuse d’être envahi par les djihadistes.
Nous devrions faire de même. »
Ancien dirigeant de
la English Defence League, Tommy
Robinson a affirmé que « le peuple juif
est persécuté [par des musulmans] et que
personne ne le défend. »
Wilders et Robinson
ont tous deux
reçu des fonds du think tank
pro-israélien, le Middle East Forum,
afin de couvrir leurs frais de justice
après avoir été inculpés d’incitation à
la haine contre les musulmans.
Heinz-Christian
Strache, le vice-chancelier autrichien
et chef du parti néo-fasciste Freedom
Party, qui a appelé à une
« immigration zéro » et à « la fin de la
politique d’islamisation » en Autriche,
s’est rendu à plusieurs reprises en
Israël ces dernières années et soutien
un projet de déplacement de l’ambassade
d’Autriche à Jérusalem.
Le ministre italien
de l’Intérieur, Matteo Salvini, lié aux
PEGIDA (Européens patriotes
allemands contre l’islamisation de
l’Occident), a choisi de lancer sa
campagne électorale pour les élections
italiennes lors d’une
visite en Israël en 2016, où il a
déclaré: « Israël incarne l’équilibre
parfait des différentes réalités, tout
en garantissant l’ordre public. Il
s’agit certainement d’un modèle pour les
politiques de sécurité et de lutte
contre le terrorisme. » Deux ans plus
tard, Salvini remporta suffisamment de
voix pour former un gouvernement de
coalition avec le mouvement populiste
Cinq Étoiles.
Le succès électoral
de Salvini, ainsi que ceux de Strache en
Autriche et de Viktor Orban en Hongrie,
ont maintenant incrusté des idées
d’extrême droite dans la gouvernance
européenne. Dans les pays d’Europe,
d’Asie du Sud et du Sud-Est et des
Amériques où l’extrême droite n’a pas
réussi à s’imposer dans les
gouvernements, celle-ci a tout de même
fait pencher les politiques nationales
plus à droite.
Ce mouvement
mondial d’extrême droite a également
poussé à plus de violence, où une
islamophobie enragée est associée à une
admiration pour Israël.
Alexandre
Bissonnette, qui a assassiné six fidèles
dans une mosquée du Québec en 2017,
était un fan de l’armée israélienne et
de groupes pro-israéliens tels que
« United with Israel ».
Brenton Tarrant,
qui a massacré 50 fidèles musulmans à
Christchurch et fait référence à la
théorie du complot de Camus dans son
manifeste, s’est rendu en Israël, ainsi
que dans d’autres pays, où il cherchait
le fameux et prétendu « choc
des civilisations » et luttait
contre les « envahisseurs musulmans ».
Il a récemment été découvert qu’il avait
fait don d’argent au groupe d’extrême
droite anti-musulman
Mouvement identitaire autrichien.
Compte tenu du
degré de violence aujourd’hui associé à
ces groupes et à ces partis
néo-fascistes, il est essentiel que
notre compréhension ne se limite pas à
analyser leurs liens possibles, mais à
affronter tous les canaux de soutien
politique et de reconnaissance qu’ils
gagnent, y compris de la part d’Israël.
Le fait qu’Israël
réussisse à faire de sa guerre contre
les Palestiniens une cause mondiale,
partagée par les idéologues
néo-fascistes du monde entier, n’est pas
seulement un danger pour la paix dans le
monde, mais un précurseur de violences
encore plus meurtrières, de
Gaza à Québec, en passant par
Christchurch.
*
Ramzy Baroud est journaliste,
auteur et rédacteur en chef de
Palestine Chronicle. Son prochain
livre est «The
Last Earth: A Palestine Story» (Pluto
Press). Baroud a un doctorat en études
de la Palestine de l’Université d’Exeter
et est chercheur associé au Centre
Orfalea d’études mondiales et
internationales, Université de
Californie. Visitez son site web:
www.ramzybaroud.net.
*
Romana Rubeo est traductrice
freelance et vit en Italie. Elle est
titulaire d’une maîtrise en langues et
littératures étrangères et spécialisée
en traduction audiovisuelle et
journalistique. Passionnée de lecture,
elle s’intéresse à la musique, à la
politique et à la géopolitique.
29 mars 2019 –
Al-Jazeera – Traduction :
Chronique de Palestine – Lotfallah
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