Iran
La réponse de l’Iran à l’attaque de
Daech :
« Et alors ? »
Ramin Mazaheri
Jeudi 8 juin 2017
Source :
http://thesaker.is/irans-response-to-isil-attack-haha-that-was-nothing
Traduction :
http://sayed7asan.blogspot.fr
Donc Daech prétend
avoir réalisé sa première attaque en
Iran. La réponse en Iran semble être : «
Et alors ? »
Malgré le fait que l’attaque soit
survenue près de l’aéroport
international de Téhéran, il n’y a eu
aucune perturbation des vols. Les
citoyens ont été invités à ne pas
prendre le métro, mais il n’y a eu
aucune fermeture ou blocage. Il n’y a
pas eu de loi martiale. Pas même la
déclaration d’un état d’urgence. Aucune
liberté civile n’a été restreinte. Aucun
Patriot Act n’est en cours
d’élaboration. Il n’y a pas eu
d’élargissement des pouvoirs de
l’exécutif.
Malgré une attaque survenue près du
Parlement, les législateurs ont continué
à vaquer à leurs occupations, alors même
que des échanges de coups de feu avaient
lieu dans les bâtiments avoisinants. La
diffusion en direct de la séance
parlementaire n’a même pas été
interrompue.
Des politiciens assez courageux, hein ?
Je suppose que leurs électeurs se disent
qu’ils ont fait un bon choix.
(Les gens pensent qu’il est si courageux
d’aller en guerre l’arme au poing : mais
il est beaucoup plus difficile d’être ce
gars qui porte seulement un drapeau –
tout ce qu’ils ont, c’est la croyance et
l’abnégation.)
Les commentateurs étrangers parlent de
la façon dont l’Iran a finalement été
ciblée avec succès par Daech, comme si
nous [Iraniens] devions avoir peur
maintenant.
C’est vraiment improbable.
La raison est simple : la plupart des
Iraniens d’aujourd’hui ont combattu,
survécu ou grandi pendant la guerre
traditionnelle la plus mortelle jamais
menée entre les armées régulières de
pays en développement – la guerre
Iran-Irak de 1980-1988.
Peut-être qu’il s’avèrera que j’ai tort,
car j’écris ceci seulement quelques
heures après que l’attaque ait été
neutralisée, mais j’en doute. Je connais
l’Iran et je suis persuadé que les
terroristes ne gagneront pas en nous
effrayant et nous acculant à vivre de
manière soumise.
Donnez-leur du temps et je prédis que
les commentateurs occidentaux finiront
par admettre leur incompréhension face
au fait que le gouvernement iranien
n’utilise pas cet acte terroriste comme
moyen d’accroître son propre pouvoir et
de contrôler la population – après tout,
ils ont été si incroyablement efficaces
!
Cette attaque aide l’Occident à
montrer à quel point ses réponses sont
disproportionnées
Mais une telle réponse (« On continue
comme si de rien n’était ») est
impensable en Occident. Bien sûr, le
Royaume-Uni invite à « Rester calme et
continuer à vivre normalement », mais
nous savons tous que
ce n’est qu’un slogan vide destiné
aux consommateurs.
Sans blague, la BBC
a même faussement rapporté :
« Cependant, des responsables ont
annoncé un état d’urgence à l’échelle
nationale en réponse aux attaques. » Je
suppose qu’ils pensent avec arrogance
que nous continuons à les suivre
aveuglément ? Non pas que ce mauvais
journalisme puisse ternir leur
réputation, bien sûr...
Et qu’est-ce qui se passe aux États-Unis
? Eh bien, souvenons-nous de l’attentat
du marathon de Boston : un verrouillage
total de la ville. L’ensemble du système
de transport urbain a été fermé. 19 000
troupes de la garde nationale ont occupé
la ville.
« Des véhicules blindés roulant à vive
allure ont parcouru des quartiers
résidentiels en long et en large. Des
innocents ont été confrontés dans leurs
maisons par un fusil d’assaut ou ont vu
des armes pointées sur eux pour avoir
simplement regardé à travers les rideaux
de leurs propres fenêtres »,
se souvient The Atlantic. (Bien sûr,
le journal a totalement exonéré les
autorités, en écrivant : « Que personne
ne les condamne »).
Et pourtant, cet incident a inspiré la
phrase « Boston Strong » (« Boston est
fort »).
LOL, je suppose que cela signifie être
fort derrière vos portes verrouillées ?
Forte comme « les fiers-à-bras
d’internet », avec leurs rodomontades
menaçantes et ineptes balancées en ligne
?
Attention, je n’insulte certainement pas
les Bostoniens de lâches. Je sais
exactement pourquoi ils sont restés à la
maison – ils craignaient d’être arrêtés.
Ils savaient que s’ils n’obéissaient
pas, ils seraient jetés en prison et que
la clé de leur cellule serait jetée aux
oubliettes, pour la raison suivante :
c’est ça l’Amérique !
Les Bostoniens ne craignaient pas les
terroristes – ils craignaient la police.
Ils craignaient le système judiciaire.
Ils craignaient une armée domestique
prête à attaquer sans préavis et le
système juridique prêt à l’exonérer.
Bien sûr, les médias dominants ne disent
jamais cela. L’Américain moyen ne veut
même pas l’accepter, car cela causerait
une grande honte. Mais ça reste tout à
fait vrai.
Les Bostoniens se seraient probablement
tous courageusement réunis à Harvard
Square contre le terrorisme... s’il y
avait de véritables dirigeants. Mais il
n’y en a pas. A de tels moments, les
dirigeants se terrent dans leurs bunkers
: « Je suis trop important », l’essence
même de l’individualisme occidental.
Qu’en est-il de la France ? LOL, un état
d’urgence de six mois
a été déclaré à 4 heures du matin
après l’attaque du camion de Nice, et ce
n’était même pas le terrorisme
[international], mais l’acte solitaire
d’un détraqué
sans liens avec les organisations
terroristes.
Vous vous réveillez et : « Ah, bon?
Davantage de dictature d’État policier,
juste un niveau en-dessous de la loi
martiale ? Oh, bon, nous avons quand
même des croissants pour le petit
déjeuner... »
Et quelqu’un va-t-il prétendre que
c’était une opération sous « faux
drapeau », comme cela est habituellement
répandu en Occident ? Vous n’entendrez
que des exilés iraniens amers pour faire
de telles déclarations. Pouvez-vous
imaginer qu’un cubain dise une telle
chose à l’encontre de son gouvernement
juste et populaire ? Très difficilement.
Comme je l’ai montré, l’Iran est
effectivement une nation socialiste,
alors peut-être que c’est l’idée d’une «
guerre sociale permanente » qui renforce
la colonne vertébrale de l’Iran contre
l’abandon de nos libertés démocratiques
? Nous en avons certainement besoin
contre les capitalistes et les
impérialistes qui occupent presque tous
nos voisins, ainsi que beaucoup d’autres
pays.
L’Iran n’a pas
besoin d’utiliser de telles tragédies
pour terroriser sa propre population,
parce que l’Iran n’essaie pas de
terroriser quiconque où que ce soit.
L’Iran combat véritablement le
terrorisme – en Afghanistan, en Irak, en
Syrie et en Palestine.
Il ne fait aucun doute que la
manipulation des attaques terroristes
pour étouffer la démocratie est ce qui
se passe dans les pays occidentaux, et
la question est pourquoi ? Je dirais que
l’Occident a vraiment peur de voir remis
en cause son modèle social en raison des
actions illégitimes à répétition de ses
dirigeants.
Et pourquoi ne pas le remettre en cause,
dans cet âge d’austérité sans fin,
d’inégalités béantes, de xénophobie
rampante et d’avenir morose ?
Mais le gouvernement iranien n’a pas de
telles craintes, car le peuple le
considère comme légitime.
L’Occident ne comprend pas du tout
l’Iran
Le correspondant principal du New
York Times en Iran est Thomas
Erdbrink – ne vous tournez pas vers lui
pour une compréhension de l’Iran, même
s’il y est basé depuis 2002.
Il ne se rendra pas compte que cette
attaque terroriste n’est rien pour ceux
d’entre nous qui appartiennent à la
« Génération brûlée ».
Qu’est-ce que c’est que ça ? Eh bien,
d’après ce qu’il a écrit en 2012, ma
génération, « se dénomme la ‘Génération
brûlée’, car elle sent qu’elle est
perdante sur le cours naturel de la vie.
Alors que la génération de ses parents a
réussi à trouver un emploi, à se marier
et à acheter des maisons, les ambitions
de cette génération ont été très
limitées par les décisions politiques
des dirigeants iraniens et les pressions
étrangères qui ont suivi. »
Non : Nous nous désignons comme ça parce
que nous avons été brûlés par des armes
chimiques pendant la guerre Iran-Irak.
Cette génération a grandi en période de
guerre et a vu des atrocités.
C’est triste de voir à quel point les
gens peuvent être à côté de la plaque.
C’est presque de la négligence
criminelle : être considéré comme un
journaliste « de haut niveau » et
comprendre si mal quelque chose de si
important. Vous pouvez voir pourquoi je
n’ai pas oublié, après cinq ans, son
ignoble envolée.
Parce que je pense que, après avoir vécu
15 ans en Iran et avoir épousé une femme
iranienne, il connaît la vraie
définition de la « Génération brûlée ».
Mais je pense qu’il l’a tourné de cette
façon pour pousser son agenda
capitaliste et impérialiste et plaire à
ses patrons pro-sionistes.
Je suis surpris qu’il soit toujours
toléré en Iran. C’est une chose de faire
du journalisme critique, mais quand vos
reportages sont tellement faux, vous
n’êtes plus un journaliste mais un
propagandiste.
Ce n’est pas comme si Erdbrink était
seul, et il n’est certainement pas aussi
seul que lorsque l’Iran combattait
l’Irak. À l’époque, même l’URSS armait
l’Irak.
Fawaz Gerges, Professeur de relations
internationales à la London School of
Economics, a déclaré à CNN : « Le
message est fort et clair : ces
personnes attaquent la légitimité de la
République Islamique », a déclaré M.
Gerges.
Comment une attaque terroriste salafiste
pourrait-elle ne serait-ce qu’évoquer la
question de la légitimité du
gouvernement iranien ? Tout comme en
Syrie, les médias occidentaux
considèrent Daech comme des combattants
de la liberté... lorsqu’ils s’opposent à
un gouvernement moderne dans un pays
musulman.
Mais absolument personne ne vous croit à
l’intérieur de l’Iran, Gerges. En dehors
de l’Iran, vos idées ont été retweetées
par des officines comme France 24 (gérée
par l’État français), parce que tous les
médias occidentaux dominants abhorrent
le choix démocratique du peuple iranien
et utiliseront tout prétexte pour
attaquer sa légitimité.
Franchement, l’investissement
intelligent serait de tabler sur l’idée
que ce n’était même pas Daech.
Cela importe-t-il si c’était Daech ?
Qui est derrière Daech est la seule
question qui compte, n’est-ce pas ?
Était-ce vraiment Daech ? J’en doute. Je
parie que c’était le MKO, l’organisation
Mujaheedin Khalq (voici
un article que j’ai écrit à leur sujet
il y a des années, et qui a été
efficacement effacé de Google), parce
que c’est ce qu’ils ont toujours fait,
comme pour les assassinats de
scientifiques nucléaires de haut niveau,
après avoir été entraînés par le Mossad.
Ce culte insensé n’a aucune crédibilité
en Iran parce qu’il a combattu AVEC
Saddam Hussein et contre l’Iran pendant
la guerre Iran-Irak... intégrez bien
cela, et leur manque de crédibilité
domestique est assez facile à
comprendre, hein ?
Mais ils ont effectivement des
passeports iraniens, parlent la langue,
savent comment circuler et procéder,
peuvent s’insérer, etc. L’un des
terroristes aurait même ingéré du
cyanure pour se suicider, comme c’est
souvent le cas avec le MKO,
quand ils ne s’immolent pas par le feu
dans des capitales à travers l’Europe.
Le mausolée de l’Imam Khomeini a été
attaqué auparavant –
par un kamikaze en 2009. C’était
probablement le MKO cette fois aussi.
C’était d’autant plus dommage que je
venais de m’y rendre durant des travaux
d’expansion et d’embellissement majeurs
du site.
Le kamikaze ne les a pas empêchés – il
n’a fait que les ralentir. Ce sera la
même chose en 2017.
Quoi qu’il en soit, considérons que
Daech soit finalement entré en Iran. Qui
les aide à s’y rendre ?
Selon le Guide Suprême iranien Ali
Khamenei, « Daech, idéologiquement,
financièrement et logistiquement, est
pleinement soutenu et parrainé par
l’Arabie Saoudite – c’est une seule et
même chose. »
Nous savons tous cela. Du moins en
dehors de l’Occident.
L’Iran comprend ce qu’est le
fascisme, pas l’Occident
La veille des attaques en l’Iran, un
policier a été attaqué avec un marteau à
la cathédrale Notre-Dame de Paris.
600 personnes ont été retenues à
l’intérieur de Notre-Dame et
obligées de garder les mains en l’air.
En voilà une anecdote touristique hors
norme....
Les journalistes français m’ont exhorté
à abandonner ce que je faisais – couvrir
le
recul droitier imposé par Emmanuel
Macron au code du travail – pour
couvrir cette histoire. Même pas en
rêve....
Bien sûr, attaquer
un policier armé avec un marteau et deux
couteaux de cuisine est la définition de
la folie, mais l’homme a crié « C’est
pour la Syrie. »
Et pourtant,
un journaliste anglophone local a pu
écrire : « Les motivations de
l’homme armé du marteau sont
inconnues... »
Eh bien, si les journalistes n’ont
toujours pas compris que ce n’est pas
l’Islam qui est en cause, mais bien la
politique étrangère de la France, après
que la même chose ait été évoquée par
les frères Kouachi, Amedy Coulibaly et
presque tous les autres terroristes
français locaux depuis 2012... pourquoi
devrais-je espérer qu’ils le
comprendront maintenant ?
Et c’est la même chose que le lien entre
l’Arabie Saoudite, l’Occident et Daech :
un aveuglement volontaire. Mais c’est
aussi de l’apathie : les gens préfèrent
des prix bas à la pompe à essence plutôt
que d’obliger leurs politiciens à cesser
de soutenir l’organisation fasciste
Daech.
La Génération brûlée d’Iran et la
génération précédente savent ce que sont
la guerre et le fascisme. Les gens se
demandent pourquoi nous avons des photos
de soldats morts partout – ce n’est pas
[seulement] pour glorifier nos martyrs,
c’est pour montrer aux jeunes que la
guerre est une chose réelle. Car une
fois qu’ils oublient ou comprennent
mal... [les risques sont décuplés].
L’Occident ne comprend pas le fascisme –
il est même prêt à l’élire
démocratiquement au pouvoir en Europe.
Aux États-Unis, un fasciste a déjà
gagné.
Ils ne comprennent pas la guerre : la
France a mené des dizaines de guerres
depuis la Seconde Guerre mondiale,
toutes initiées par la France et se
déroulant en territoire étranger. Les
États-Unis n’ont pas eu de guerre dans
leur pays depuis 1865, et leur idée de
la guerre est donc déformée par une
ignorance bienheureuse.
L’Iran sait ce qu’est la guerre, et
n’est pas prêt de se mettre sur un
pathétique pied de fausse-guerre après
des attaques terroristes relativement
insignifiantes, contrairement à ce qu’on
fait ces deux nations.
La réponse correcte : cette attaque
était « insignifiante »
L’Occident a largement cité le Président
du parlement iranien Ali Larijani pour
avoir considéré les attaques comme une «
affaire insignifiante » prise en charge
par les forces de sécurité.
Je suppose que c’est pour le décrire
comme quelqu’un de cruel ou
d’impitoyable, ou, la pire des choses en
Occident aujourd’hui, d’insensible aux
sentiments des autres.
Mais les Iraniens savent exactement ce
qu’il voulait dire : une attaque
terroriste isolée n’est pas la même
chose que la guerre. Désolé de faire
éclater les bulles des faucons des
médias sur leurs fauteuils et des
généraux occidentaux écumant qui meurent
d’envie de jouer avec leurs nouveaux
jouets modernes, mais cette attaque
n’est qu’un pâle et éphémère fac-similé
de la guerre.
Et malgré ce que l’Occident souhaiterait
que les Iraniens croient après cette
attaque, nous ne serons pas dupés et
amenés à penser que tout notre modèle
social peut être remis en question par
des terroristes salafistes. Qui sont-ils
pour remettre en question notre société,
LOL ? Quoi qu’il en soit, il y a des
problèmes beaucoup plus pressants :
l’éducation, les soins, les salaires, la
protection des travailleurs, etc., qui
touchent absolument chaque personne pour
toute sa vie. Toutes mes condoléances
aux victimes et à leurs proches, bien
sûr.
Si la France veut jeter ses droits
légaux par la fenêtre pour ce qui
équivaut à une mauvaise journée en
Afghanistan, en Irak ou en Syrie, [des
sociétés véritablement en guerre], c’est
leur choix. Mais s’il vous plaît, ne
vous attendez pas à ce que l’Iran fasse
de même.
C’est une chose terrible, 12 personnes
décédées et des dizaines de victimes
(jusqu’à présent). Mais je pense que
beaucoup de personnes en Iran regardent
l’Irak, l’Afghanistan, la Syrie, la
Libye, la Palestine, le Mali, la
République centrafricaine... ainsi que
les États-Unis, la France et le
Royaume-Uni... et se disent : cela
pourrait être pire, bien pire.
J’aurais encore bien des choses à dire,
mais je veux m’assurer d’avoir un bon
siège au Champs de Mars ce soir pour
voir la Tour Eiffel changer de couleur.
Elle ne ressemblera pas au drapeau
iranien, bien sûr. Je me dis juste que
puisque la Tour Eiffel s’est fameusement
assombrie quand Al-Qaïda a finalement
été expulsé d’Alep, Paris voudra pleurer
l’échec constitué par le fait que l’Iran
n’a pas été vaincu par le terrorisme et
arborera la couleur de Daech – le noir.
Ramin Mazaheri
est le correspondant principal de Press
TV à Paris et vit en France depuis 2009.
Il a été journaliste quotidien aux
Etats-Unis et a exercé en Egypte, en
Tunisie, en Corée du Sud et ailleurs.
Ses articles ont été publiés dans divers
journaux, revues et sites Web, et il
apparaît à la radio et à la télévision.
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