UJFP
Des antisémites favorables au sionisme ?
Il y en a toujours eu et il y en aura
toujours !
Des sionistes favorables au fascisme,
aussi !
Pierre Stambul
Pierre
Stambul
Mardi 14 juillet 2020
L’État d’Israël et ceux qui le
soutiennent inconditionnellement
prétendent aujourd’hui définir ce qu’est
l’antisémitisme et décréter qui est
antisémite. Ils s’emparent de la mémoire
de l’antisémitisme et du génocide nazi.
Et pourtant,
antisémitisme et sionisme n’ont jamais
été incompatibles.
Les Chrétiens
sionistes
Quand apparaît le
protestantisme, la Bible est traduite
dans les différentes langues
européennes. Ses épisodes et ses
personnages entrent dans la vie
quotidienne des fidèles. C’est surtout
dans les églises évangéliques que va
naître une nouvelle théologie. Ceux qui
émigrent dans les colonies dites « de
peuplement » (Amérique du Nord,
Australie, Afrique du Sud …) auront
souvent l’impression de revivre la
conquête de Canaan dans leur lutte
contre les peuples indigènes.
Dans leur
interprétation, Dieu a fait don de la
terre d’Israël et de Jérusalem au peuple
juif. Les Chrétiens sionistes veulent
« restaurer » les Juifs en Terre Sainte
et les convertir. Cette conversion est
considérée comme un préalable au retour
du Christ et à l’avènement de la fin des
temps.
Ces Chrétiens
sionistes n’aiment pas les Juifs réels,
au contraire. Pour eux, les Juifs qui ne
se convertiraient pas doivent
disparaître.
Les Chrétiens
sionistes vont jouer un grand rôle dans
l’avènement et le développement du
sionisme juif. Le sioniste chrétien
William Hechler, à la fin du XIXe
siècle, a été un ami d’Herzl et l’a
inspiré.
Plus tard, les
dirigeants britanniques Lloyd George et
Balfour seront très influencés par les
Chrétiens sionistes. Quand il est
Premier ministre en 1905, Balfour défend
une loi ouvertement antisémite qui vise
directement les immigrés juifs venus
d’Europe de l’Est. En 1917, il signe la
fameuse déclaration Balfour qui
« offre » la Palestine aux sionistes. Il
n’y a aucune contradiction. Pour
Balfour, les Juifs en Europe sont des
parias asiatiques inassimilables semant
la révolution à Londres. En partant en
Terre Sainte, ils deviennent des colons
européens en Asie pour les services de
Sa Gracieuse Majesté.
Après la création
de l’État d’Israël et surtout après le
début de la colonisation de ce qu’ils
appellent la Judée-Samarie en 1967, les
Chrétiens sionistes, très influents aux
Etats-Unis, vont se rapprocher de la
droite israélienne. Ils joueront un rôle
essentiel dans le financement de la
colonisation.
Ont-ils changé dans
leurs sentiments vis-à-vis des Juifs ?
Il suffit de lire
dans le texte John Hagee et Robert
Jeffress qui donnent la bénédiction
religieuse chrétienne lors de
l’inauguration de l’ambassade
états-unienne à Jérusalem le 14 mai
2018.
Le Pasteur Hagee
est le fondateur de Chrétiens Unis
pour Israël. Cet homme a pourtant
déclaré dans un sermon « qu’Hitler était
en partie d’origine juive » et surtout
« qu’il était l’instrument d’un dessein
supérieur » dès lors que la Shoah avait
poussé les Juifs à se rassembler en
Israël.
Le prédicateur
Jeffress a déclaré dans son émission de
télévision Chemins vers la Victoire
« qu’aucun Juif ne peut être sauvé ».
Les étranges
rencontres de Theodor Herzl
Dans la pensée
d’Herzl, l’antisémitisme est une donnée
immuable, bien ancrée dans la société
humaine et qui ne peut pas être résorbée
par l’assimilation. Lui-même partageait
avec les antisémites un mépris raciste
contre les « Ostjuden », les Juifs
d’Europe de l’Est qu’il traite de
« youpins » dans son journal Die Welt.
Il était logique
que le projet d’Herzl de faire partir
les Juifs d’Europe rencontre un écho
favorable parmi les antisémites
européens.
Quand il est mis au
courant du congrès de Bâle par son
ambassadeur, l’empereur allemand
Guillaume II griffonnera ces mots :
« Laissez les youpins aller en
Palestine, le plus tôt sera le mieux. Je
ne suis pas pour qu’on leur mette des
bâtons dans les roues ». Herzl
rencontrera l’empereur à deux reprises.
« Père » de
l’antisémitisme français, Édouard
Drumont a lu, dès sa parution en 1896,
l’ouvrage d’Herzl « L’État des Juifs ».
Dans son commentaire, il écrit que ce
qu’il a lu confirme ce qu’il a toujours
dit : « les Juifs constituent une
race ». Sur l’idée qu’un Juif puisse
proposer à ses coreligionnaires de
quitter la France comme solution de la
question juive, il écrit dans La
Libre Parole (30 août 1897) que
« les Juifs font leur bonheur en faisant
le nôtre ».
Parmi les
événements qui ont marqué Herzl, il y a
le pogrom de Kichinev (aujourd’hui
capitale de la Moldavie) en avril 1903.
L’organisateur des pogroms qui
ensanglantent l’empire tsariste est le
ministre de l’intérieur Vyacheslav
Plehve. Cet antisémite veut enrayer la
montée des idées révolutionnaires en
détournant la colère populaire contre
les Juifs. Herzl rencontre Plehve le 8
août 1903 à Saint-Pétersbourg. Ce
dernier s’engage à s’entremettre auprès
du sultan ottoman et à autoriser
l’émigration juive de Russie. Les deux
hommes ont un but commun : qu’un maximum
de Juifs quittent la Russie.
Le fascisme italien
Le sionisme a connu
des scissions et, dans les années 1920,
apparaît le courant qui s’est lui-même
intitulé « révisionniste ». Minoritaires
à l’intérieur du sionisme jusqu’en 1977,
les révisionnistes sont aujourd’hui
largement hégémoniques. Le fondateur de
ce courant, Vladimir Jabotinsky a
toujours été attiré par les régimes
autoritaires. Et le père de Nétanyahou a
été secrétaire de Jabotinsky.
Pendant la
révolution russe, Jabotinsky soutient le
dirigeant contre-révolutionnaire
ukrainien Petlioura. Les troupes de
celui-ci ont pourtant commis des
massacres systématiques contre les
Juifs. On évalue à 60 000 morts le bilan
de ces massacres.
Quand Mussolini
prend le pouvoir en Italie, Jabotinsky
trouve un allié. Les premiers contacts
entre les révisionnistes et le régime
fasciste datent de 1932. Entre 1934 et
1938, en pleine période fasciste, des
centaines de jeunes Juifs du Betar,
arrivant d’Europe de l’Est, suivent des
cours à l’École Maritime de
Civitavecchia. C’est dans cette ville
que les révisionnistes installent leur
radio. Mussolini s’est montré
enthousiaste et s’est livré à Nahum
Goldman, fondateur du Congrès Juif
Mondial, en 1934 : « pour que le
sionisme gagne, vous avez besoin d’un
État juif, d’un drapeau juif et d’une
langue juive. La personne qui comprend
cela, c’est votre fasciste, Jabotinsky. »
Le même Mussolini s’alliera au nazisme
en 1936 et finira par promulguer et
appliquer des lois anti-juives.
Alors que la
deuxième guerre mondiale a éclaté, un
des groupes terroristes révisionnistes,
le Lehi, alors dirigé par Avraham Stern,
croira signer le 18 septembre 1940 un
accord avec l’Italie fasciste : l’Italie
reconnaîtrait un « gouvernement
provisoire hébreu » et celui-ci
accorderait une base militaire à la
flotte militaire italienne. L’accord
échouera parce qu’un des intermédiaires
était un agent britannique.
Avec le nazisme :
ambiguïté ou connivence ?
La décision des
nazis d’exterminer tous les Juifs date
probablement de 1940, avec la
préparation de l’attaque contre l’Union
Soviétique. Jusque-là, les Juifs étaient
brutalisés, parfois tués, mais surtout
expulsés. En août 1933, l’Agence Juive
signe avec les autorités nazies les
accords de Haavara (= transfert en
hébreu). L’accord permet aux Juifs
allemands fortunés d’émigrer en
Palestine en conservant une partie de
leur patrimoine. 50 000 personnes
environ émigreront dans le cadre de cet
accord. Il y a une contrepartie : de
fait, le boycott lancé par de nombreux
Juifs contre l’Allemagne perd son
efficacité. En brisant le boycott
individuel, on brisait toute perspective
de boycott d’État. L’Allemagne a eu
accès au marché du pétrole et de l’acier
sans limites, ce qui a facilité son
réarmement. De plus, un mécanisme
financier complexe a fait que la
Palestine mandataire a été inondée de
produits allemands.
En signant cet
accord, les nazis signifiaient qu’ils
préféraient envoyer les Juifs en
Palestine plutôt que vers les pays
occidentaux. Et les sionistes montraient
qu’ils privilégiaient totalement la
construction de leur futur État par
rapport à la lutte contre le nazisme.
En 1937, quelques
années avant de devenir un assassin de
masse, Eichmann reçoit à Berlin un
représentant de la Haganah, Feivel
Polkes. Eichmann veut visiter la
Palestine mandataire pour superviser
l’application de l’accord de Haavara.
Les autorités britanniques ne lui
permettront que 24 h de séjour à Haïfa.
Dans son livre
« Comment le terrorisme a créé Israël »,
Thomas Suarez qui a eu accès aux
archives de la Haganah, de l’Irgoun, du
Lehi, de l’armée britannique et des
journaux de l’époque, montre que tous
les groupes armés sionistes de l’époque
ont continué à tuer des soldats
britanniques, même quand la deuxième
guerre mondiale battait son plein. Le
Lehi ira plus loin. Il écrira dans un
tract que le sort des Juifs du ghetto de
Varsovie est plus enviable que celui des
Juifs en Palestine sous mandat
britannique, il enverra sans succès des
émissaires prendre contact avec les
Allemands. Et il assassinera en novembre
1944 au Caire Lord Moyne, haut
représentant britannique en Égypte.
En mai 1942, la
conférence de Biltmore (États-Unis)
réunit 600 délégués sionistes. On aurait
pu croire qu’elle allait concentrer tous
ses efforts pour combattre le nazisme.
Eh bien non ! La résolution finale
condamne la décision britannique de 1939
de limiter l’immigration juive en
Palestine et elle appelle à
l’établissement d’un État juif sur
l’ensemble de la Palestine.
Nous laissons au
lecteur le soin de décider si les faits
décrits ci-dessus font ou non de leurs
auteurs des « collabos ». Ce qui est
sûr, c’est que, même dans les pires
moments, quand l’extermination
anéantissait le judaïsme dans l’Europe
occupée, la préoccupation principale des
dirigeants sionistes n’était pas la
lutte antinazie.
Après la création
de l’État d’Israël, Ben Gourion entamera
des négociations avec l’Allemagne
fédérale qui aboutiront à
l’indemnisation des victimes juives du
nazisme. Le négociateur allemand, devenu
principal conseiller d’Adenauer était
Hans Globke, un des principaux auteurs,
quelques années plus tôt, des lois
raciales de Nuremberg.
L’extrême droite pro
israélienne
L’État d’Israël a
entretenu ou continue d’entretenir des
liens étroits avec des régimes ou des
mouvements d’extrême droite, très
souvent antisémites ou issus
idéologiquement de l’antisémitisme.
L’Afrique du Sud à
l’époque de l’apartheid a eu
d’excellentes relations politiques et
économiques avec Israël. Certains des
dirigeants de ce régime, comme John
Vorster étaient pourtant d’anciens
soutiens du nazisme.
En Argentine, les
dirigeants de la junte militaire
responsable de la disparition de 30 000
personnes, étaient clairement
antisémites. Pourtant la junte a été
soutenue militairement par Israël.
Jacobo Timmerman, argentin d’origine
juive, à la tête du journal La
Opinion et qui a été séquestré
pendant plusieurs années par les
tortionnaires, a dénoncé cette
collusion. Un grand nombre des victimes
de la junte étaient juives.
Plus récemment, le
président brésilien Bolsonaro a déclaré
en visitant le mémorial Yad Vashem de
Jérusalem en avril 2019 : « le nazisme
est une idéologie de gauche, il n’y a
pas de doute là-dessus, non ? ». On est
ahuri qu’une déclaration aussi
clairement révisionniste ait été
accueillie avec le sourire par ses
hôtes.
En Europe occidentale, les premiers
rapprochements entre sionistes et
extrême droite ont lieu dès la guerre
d’Algérie. On retrouve plus tard Claude
Goasguen, un ancien du mouvement Ordre
Nouveau, à la tête du groupe
parlementaire d’amitié France-Israël.
En 2010, plusieurs
dirigeants de l’extrême droite
européenne visitent Israël, à
l’invitation, notamment d’Avigdor
Liberman. Parmi eux, l’Autrichien
Strache dont le parti, le FPÖ regroupe
tous les nostalgiques du nazisme. On y
trouve aussi le Néerlandais Wilders qui
propose d’interdire le Coran aux
Pays-Bas (pour lui, l’islamophobie
remplace l’antisémitisme), le Flamand
Dewinter qui réclame l’amnistie des
Flamands qui ont collaboré pendant
l’occupation ou l’Allemand Brinkman, un
ancien du parti néonazi NPD.
En Hongrie, Viktor
Orban a entrepris la réhabilitation du
régime de l’Amiral Horthy, celui qui a
participé avec Eichmann à
l’extermination des Juifs hongrois. Lors
d’une campagne électorale, Orban a tenu
des propos violents, sur fond
d’antisémitisme à peine masqué, contre
le milliardaire états-unien d’origine
juive hongroise Georges Soros.
Netanyahou a été le premier à féliciter
Orban de sa réélection. Il a fait une
visite officielle en Hongrie et a
qualifié Soros d’ennemi d’Israël.
Dans les Pays Baltes ou en Ukraine, les
partis qui se réclament de ceux qui ont
participé à l’extermination des Juifs
ont été réhabilités, ce qui n’empêche
pas les gouvernements de ces pays de
défendre inconditionnellement la
politique israélienne.
Aux États-Unis,
Steve Bannon a accompagné Trump dans sa
marche vers le pouvoir et il a été
pendant quelques temps son principal
conseiller. Bannon a dirigé le site
Breitbar News qui donne régulièrement la
parole à tout ce que le pays compte de
suprématistes et de néonazis. Pourtant
la ZOA (Organisation sioniste
américaine) a salué la promotion de
Bannon qui est un défenseur
inconditionnel d’Israël.
Trump lui-même a déclaré « aux électeurs
juifs » (décembre 2019) :.« Je vous
connais très bien. Vous êtes des tueurs
brutaux. Vous n’êtes pas vraiment des
personnes gentilles. Vous n’avez pas
d’autre choix. Je peux vous dire que
vous n’allez pas voter Pocahontas
(Elizabeth Warren). Vous n’allez pas
voter en faveur de l’impôt sur la
fortune. Même si vous ne m’aimez pas et
c’est ce qui est le cas d’ailleurs pour
certains d’entre vous. En effet, je
n’aime pas aussi certains d’entre vous.
Mais vous serez quand même mes plus
grands soutiens car s’ils remportent les
élections, vous vous retrouverez sans
emploi en 15 minutes. »
Gideon Lévy,
journaliste anticolonialiste israélien a
écrit dans le journal Haaretz le 20
novembre 2016 un article intitulé « nos
amis antisémites » : « Tout à coup, il
n’est plus si horrible d’être
antisémite. Soudain, il est devenu
excusable de haïr les musulmans et les
Arabes à condition « d’aimer Israël ».
Les droites juive et israélienne ont
décrété une large amnistie aux amants
antisémites d’Israël. Et ce sont ces
derniers qui vont bientôt exercer le
pouvoir à Washington. »
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