L'Humanité
Syrie. Sur le Golan, Israël aide et
finance les rebelles
Pierre Barbancey
Des
combattants rebels se dirigent vers
leurs positions, bordant les hauteurs du
Golan.
Alaa Al-Faqir/Reuters
Mercredi 28 juin 2017
Le quotidien
américain
Wall Street Journal
révèle que
Tel-Aviv, qui aide certains groupes
depuis 2013, a mis sur pied une unité
pour leur permettre de rémunérer leurs
combattants.
Totalement inscrit
dans la stratégie régionale américaine
qui s’appuie sur un rapprochement entre
Israël et les monarchies du Golfe face à
l’Iran et ses alliés régionaux, Tel-Aviv
s’investit de plus en plus dans le
conflit syrien. Plus discrètement que
d’autres, Israël aussi « fait le
boulot », comme on dit. Et beaucoup plus
qu’on ne le pense. On savait déjà que
Tel-Aviv, qui occupe une partie du
plateau du Golan syrien, utilise cette
zone pour accueillir dans ses hôpitaux
les rebelles – la plupart de mouvances
islamistes – blessés, envoie ses avions
bombarder l’armée syrienne et les forces
engagées à ses côtés, jusqu’à Palmyre et
l’aéroport de Damas. Prétexte invoqué :
empêcher le Hezbollah d’installer des
postes militaires sur le Golan. Mais en
réalité Israël va plus loin encore et
tient sa place dans la stratégie
régionale décidée avec les États-Unis,
l’Arabie saoudite et d’autres pays du
Golfe.
« Nous n’aurions
jamais survécu sans Israël »
Le Wall Street
Journal vient de publier une enquête
intitulée « Israël fournit une aide
secrète aux rebelles syriens ». Une aide
en nourriture, médicaments, carburant
mais aussi en argent. « Israël nous
apporte une aide héroïque, explique
ainsi un représentant du groupe Fursan
al-Joulan, qui compte près de
400 combattants. Nous n’aurions jamais
survécu sans Israël », estime-t-il. Le
groupe recevrait près de 5 000 dollars
par mois de Tel-Aviv. « La plupart des
gens veulent coopérer avec Israël »,
souligne un responsable du groupe Liwaa
Ousoud al-Rahman, également présent sur
le plateau du Golan. Une unité spéciale
israélienne aurait été mise sur pied en
2016, afin de coordonner le transfert
d’argent et de matériel humanitaire,
permettant à ces groupes rebelles de
rémunérer leurs soldats, d’acheter des
armes et des munitions, ainsi que de se
soigner. L’armée israélienne, de son
côté, se dit simplement « engagée dans
une opération de sécurisation » de ses
frontières.
Un rapport des
Nations unies, publié au mois de mai,
s’alarmait déjà de la présence dans la
zone tampon entre la partie occupée du
Golan et celle restée syrienne de
« différents groupes armés, dont Jabhat
Fatah al-Cham (ex-Front al-Nosra affilié
à al-Qaida) et l’Armée Khaled ibn
el-Walid », qui a prêté allégeance à
Daech. Des groupes qui se déplacent le
long de la ligne de cessez-le-feu,
utilisent ces positions pour pilonner
l’armée syrienne qui ne peut riposter,
« craignant que tout tir lié au
débordement du conflit ne provoque la
réaction habituelle des forces de
défense israéliennes », insistait l’ONU,
faisant également état de contacts près
du mont Hermon entre « des inconnus,
armés et non armés » et l’armée
israélienne aboutissant à
« l’acheminement de fournitures dans les
deux directions ».
La bataille de
Mossoul, en Irak, touche à sa fin et
celle de Raqqa, en Syrie, est bien
engagée. À terme, l’organisation dite de
l’« État islamique » (Daech), l’ennemi
commun – en tout cas sur le papier – des
forces présentes sur le terrain et
antagonistes, sera défaite
politiquement. Même s’il est à craindre
que ses capacités de nuisance ne
perdurent plusieurs années. Se pose donc
dès maintenant la question de l’avenir
de la Syrie comme entité nationale et,
dans une moindre mesure, celui de l’Irak
(le gouvernement régional kurde a
annoncé la tenue, en septembre, d’un
référendum sur son indépendance).
Washington soutient
les Kurdes syriens du Rojava
Paradoxalement
donc, et même si les affrontements sont
encore nombreux en Syrie (l’armée ne
contrôle toujours pas l’ensemble de la
périphérie de Damas pas plus que la
province d’Idleb, bien que son offensive
sur la pétrolifère Deir ez-Zor semble
gagnante), les zones frontalières font
l’objet de toutes les attentions.
D’autant que les États-Unis n’ont
toujours pas abandonné l’idée de
renverser le régime de Bachar Al Assad.
Comme en attestent les nouvelles menaces
proférées par Donald Trump. En
attendant, Washington soutient les
Kurdes syriens du Rojava – qui, avec les
Forces démocratiques syriennes (FDS,
composées des YPG kurdes et de milices
arabes), entament le siège de Raqqa – en
fournissant de l’armement, au grand dam
de « l’otanesque » Turquie, également
présente. Des Kurdes de Syrie qui ont
d’ores et déjà proclamé l’autonomie
administrative de ce qu’ils appellent le
Rojava.
Menaces
américaines contre Damas
Les États-Unis
accusent la Syrie de préparer
« une autre
attaque chimique »,
sans toutefois donner plus de
précisions. Des accusations démenties
par Damas.
« Toute nouvelle attaque lancée à
l’encontre de la population syrienne
sera attribuée à Assad, mais également à
la Russie et à l’Iran »,
a lancé l’ambassadrice américaine à
l’ONU. Une annonce qui pourrait
signifier une attaque imminente de la
part des États-Unis. Ces derniers
tablent toujours sur un changement de
régime ou une partition de la Syrie sur
des bases ethnico-confessionnelles.
Moscou a réagi et qualifié d’ « inadmissibles
de telles menaces ».
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Publié le 1er juillet 2017 avec l'aimable
autorisation de
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