Politique
Etat d'urgence permanent: la dictature
en marche
Philippe Alain

Samedi 10 juin 2017
Sous prétexte de renforcer les mesures
contre le terrorisme, le gouvernement
Macron s'apprête à faire passer dans la
loi les principales mesures d'exception
de l'état d'urgence. En l'absence de
tout contrôle judiciaire chaque préfet
aura désormais le droit de
perquisitionner ou d'assigner à
résidence tout citoyen qui le dérange.
L'état d'urgence a été instauré par le
gouvernement Valls le 14 novembre 2015
suite à l'attentat du Bataclan. Prolongé
systématiquement depuis cette date, il
permet en particulier au préfet, sans
aucun contrôle du juge, de procéder à
des perquisitions, d'assigner à
résidence mais aussi de fermer des sites
Internet, d'interdire des
manifestations, de dissoudre des
associations... Bref toute la panoplie
de la parfaite petite dictature digne de
la Corée du Nord. Les médias tout
puissants, relais officiels de la
propagande d'Etat, nous ont longtemps
expliqué qu'il s'agissait de mesures
provisoires visant à lutter contre le
terrorisme. Ah bon ?
Prenons les
assignations à résidence par exemple.
Cette mesure permet aux préfets
d'assigner à résidence toute personne: "dont
son comportement constitue une menace
pour la sécurité et l'ordre public".
Et comment le préfet sait-il qu'une
personne constitue une menace pour la
sécurité et l'ordre public ? Une boule
de cristal ? Bingo, presque.
Généralement le préfet est informé par
une note blanche des service de
renseignements, notre Stasi
bleu-blanc-rouge.
La note blanche ne
possède pas d'en-tête, elle n'est pas
datée, pas signée et ne comporte même
pas de référence. Depuis le décret
royal, on n'a pas trouvé mieux pour
décider du sort d'un citoyen en le
privant de toute liberté.
Alors vous vous
dites, quel outil fantastique contre les
candidats terroristes dont on soupçonne
qu'ils pourraient un jour passer à
l'acte mais dont on n'est pas sûr...
Dans le doute aller hop, on les assigne
tous.
Le premier problème
c'est que l'assignation à résidence ne
garantit en rien que la personne ne
passera pas à l'acte. il suffit juste
pour cela qu'elle ne rende pas à son
contrôle judiciaire et qu'elle
disparaisse dans la nature.
Le second problème
c'est que l'assignation à résidence
n'est pas utilisée uniquement contre les
terroristes. Elle est également utilisée
contre les opposants politiques comme
les militants écologistes qui ont été
perquisitionnés et assignés à résidence
juste avant la COP 21 en novembre 2015.
Si on se souvient
des interdictions de manifester qui
touchaient les manifestants contre la
loi travail quand ce n'étaient pas les
manifestations elles-mêmes qui étaient
interdites, on commence à comprendre le
véritable objectif de tout cela.
Une des premières
mesures du gouvernement Macron consiste
à casser définitivement le code du
travail en allant encore plus loin que
la loi El-Khomri. Même le PS ou du moins
ce qu'il en reste s'en indigne, c'est
pour dire.
Et bien demain,
Niet, Nada, Verboten. On nous interdira
de manifester contre la loi travail au
nom du risque de trouble à l'ordre
public. Ca y est, vous avez compris ?
Vous avez encore un
doute sur le caractère liberticide de ce
projet de loi ? Et bien lisez l'article
L228-4 qui indique que « le ministre
de l’intérieur peut, après en avoir
informé le procureur de la République de
Paris faire obligation à toute (personne
ciblée par l’autorité administrative) de
déclarer ses identifiants de tout moyen
de communication électronique dont elle
dispose ou qu’elle utilise, ainsi que
tout changement d’identifiant ou tout
nouvel identifiant ».
Quoi ? Comment ? Un
préfet peut vous obliger à déclarer vos
identifiants Internet comme ça ?
Simplement parce qu'il a des raisons de
penser que, peut-être, votre
comportement peut présenter une menace
pour l'ordre public ? Et oui, vous avez
maintenant tout compris. La France,
patrie autoproclamée des droits de
l'homme va devenir la patrie des non
droits de l'homme. Qui que vous soyez,
où que vous soyez Big Brother vous
suivra à la trace et saura tout sur
vous. Ils auront accès à votre boîte
mail, votre compte Twitter, votre compte
Facebook...
Alors bien sur,
quelques personnes ont vu l'escroquerie
qui se profile et commencent à se
manifester. L'Union Syndicale des
Magistrats par exemple vient de publier
un communiqué de presse dans lequel elle
dénonce la mise en place d'un "Etat
policier". (1)
Elle souligne en
particulier l'absence de tout contrôle
par les juges et conclue que: "dans
un Etat démocratique,
sortir de l’état
d'urgence ne signifie
pas introduire dans
le droit commun des mesures
d'exceptions et exclure le contrôle de
l'autorité judiciaire."
La Ligue des Droits
de l'Homme, elle, rappelle que "loin
de ne concerner que les actes de
terrorisme, ces mesures s'appliqueraient
indifféremment à une large gamme de
délits. Chacun pourrait alors être
victime de cet arbitraire. Aujourd'hui
déjà, nous voyons des dispositions
inscrites dans l'état d'urgence
utilisées contre des militants
associatifs, syndicaux ou politiques."
(2)
L'indifférence
générale des Français devant ces mesures
liberticides en dit long sur l'état de
notre pays. Dans l'ère assumée du chacun
pour soi, la plupart des sujets du Roi
Macron se disent que cela ne les
concerne pas et ne les concernera
jamais. L'égoïsme de chacun est
aujourd'hui devenu officiellement l'un
des principaux piliers de notre
démocratie moribonde.
Le 21 décembre
2016, à l'occasion d'une nième
prolongation de l'état d'urgence, la
France a écrit au Conseil de l'Europe
pour le prévenir qu'elle allait
continuer à violer la Convention
Européenne des Droits de l'Homme en
raison de la "persistance de la
menace terroriste". Avec l'Ukraine
et la Turquie, la France est le 3ème
pays qui déroge ainsi à la CEDH.
Demain, la loi
permettra donc de mettre en oeuvre des
mesures de violation des libertés
fondamentales contre toute personne "à
l'égard de laquelle il existe des
raisons sérieuses de penser que son
comportement constitue une menace pour
la sécurité et l'ordre publics",
c'est-à-dire vous ou moi pour peu qu'on
ne la ferme pas suffisamment.
Après chaque
attentat, on nous explique pourtant que
c'est notre mode de vie que les
terroristes veulent détruire, nos
valeurs et surtout notre liberté. Avec
cette loi Macron liberticide, la
victoire des terroristes sera totale. Au
nom de la préservation de nos libertés,
on nous prive de nos libertés publiques
et individuelles. Elle est pas belle
l'hypocrisie de nos dirigeants ?
Dimanche, la France
va voter pour donner à Macron une
majorité afin de mettre en oeuvre ses
projets de saccage de nos libertés
fondamentales. Dans quelques mois, ce
sera la gueule de bois quand ils se
rendront compte qu'à défaut d'une
République en marche, c'est une
Dictature en marche qu'ils viennent de
porter au pouvoir.
(1)
http://www.union-syndicale-magistrats.org/web2/fr/vers-etat-policier-_news_1053
(2)
http://www.ldh-france.org/president-republique-gouvernement-cocktail-risques-les-libertes/
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