Le Saker
L’axe du mal de Hillary Clinton
Pepe Escobar
Dimanche 16 octobre 2016
Par Pepe
Escobar – Le 12 octobre 2016 – Source
Russia Insider
«Garder le
doigt de Hillary Clinton loin du bouton
nucléaire est une question de vie ou de
mort»
Allons droit
au but : Hillary Clinton est prête à
entrer en guerre contre la Russie en
Syrie – avec des conséquences
thermonucléaires intrinsèques
potentiellement terrifiantes.
Anticipant le
résultat de l’élection présidentielle
américaine comme une répétition du
tremblement de terre de Nixon en 1972,
Hillary a également fabriqué une version
remixée de l’axe du mal : la Russie,
l’Iran et «le régime d’Assad», dans le
plus pur style de George Debeliou Bush.
Cela sans
même compter la Chine, qui, par
l’intermédiaire d’une «agression» dans
la mer de Chine méridionale, se mettra
également en vedette comme un ennemi
certifié pour la Mère fondatrice du
pivot vers l’Asie.
Et comme si
tout cela n’était pas suffisamment
préoccupant, la Turquie semble
maintenant en route pour rejoindre
l’axe. Les présidents Poutine et Erdogan
se sont réunis à Istanbul. Moscou s’est
montré disposé à développer à grande
échelle la coopération
militaro-technique avec Ankara.
Cela inclut,
bien sûr, la construction, par Rosatom,
de quatre centrales nucléaires à Akkuyu
pour $20 milliards, et l’impulsion pour
«accélérer les travaux» du pipeline
Turkish-Stream, qui renforcera encore
plus, de facto, la position de la Russie
sur le marché européen du gaz, en
contournant l’Ukraine pour de bon, tout
en scellant la position d’Ankara comme
carrefour énergétique clé entre l’Est et
l’Ouest.
En outre,
Moscou et Ankara soutiennent la position
de l’envoyé spécial des Nations Unies
en Syrie, Staffan de Mistura, disant
que les «rebelles modérés» – selon le
jargon washingtonien –, qui retiennent
des otages à l’est d’Alep, doivent être
éradiqués.
La nouvelle
donne géopolitique va de soi. Autant
Erdogan peut être un derviche tourneur
politique, insondable et peu fiable,
autant Poutine est un maître du jeu
stratégique à long terme, les intérêts
d’Ankara et de Moscou ont tendance à
converger dans le Nouveau Grand Jeu,
présageant une intégration plus étroite
à l’aube du siècle eurasien.
Presque une
coupe de ciguë pour Hillary Clinton, qui
a déjà assimilé Poutine à Hitler.
Changement
de régime ou guerre chaude ?
Pendant
le spectacle épouvantable qui
s’est déroulé lors du deuxième round du
match interminable Trump / Clinton,
Donald Trump a avancé une fois de plus
un point rationnel – exprimant son
souhait d’une relation de travail
normalisée avec la Russie. Pourtant,
c’est un anathème absolu pour le parti
de la guerre, dans la nébuleuse néocons
/ néolibérauxcons de l’axe
Washington–Wall Street.
La
Clinton-cash-machine contrôlée par les
démocrates a une nouvelle fois condamné
Trump comme outil de Poutine, alors que
les républicains désorientés condamnent
Trump parce qu’il va à l’encontre de la
«pensée républicaine dominante».
Voici ce
qu’a dit Trump : «Je n’aime pas du tout
Assad, mais Assad tue ISIS. La Russie
est en train de tuer ISIS et l’Iran est
en train de tuer ISIS.»
Les
perspectives de Trump en Asie du
Sud-Ouest vont dans une seule
direction : détruire ISIS / ISIL / Daesh.
Voilà ce que le conseiller et ancien
directeur de la Defense Intelligence
Agency (DIA), le lieutenant-général
Michael Flynn, aujourd’hui retraité, a
réussi à caser dans le crâne de Trump,
dans un de ses moments d’attention
notoirement courts.
Flynn a beau
avoir admis officiellement que
l’expansion de ISIS / ISIL / Daesh était
une décision «volontaire» prise par
l’administration Obama, pourtant, dans
son livre décousu Field of Fight [Champ
de bataille], Flynn insiste sur le fait
que «les Russes n’ont pas été très
efficaces pour lutter contre les
djihadistes sur leur propre territoire»,
qu’ils sont «de connivence avec les
Iraniens», et que «la plus grande partie
de leurs efforts vise les opposants au
régime d’Assad».
Ces propos
sont une formule consacrée néocon. Sans
surprise, le co-auteur du livre de Flynn
est le néocon Michael Ledeen.
Depuis
le rusé American Enterprise Institute
(AEI) et le Washington Institute for Near
East Policy (WINEP), des «experts» en
chambre et d’anciens conseillers du
Département d’État souscrivent tous à
l’idée risible que l’axe remixé du mal –
désormais pleinement adopté par Hillary
– est inutile contre les djihadistes.
Les bons gars qui font le travail
difficile sont ceux de «la coalition
menée par les USA». Et que ceux qui
osent critiquer les «modérés relatifs»
soutenus par la CIA aillent au diable.
Ce que Trump
dit n’est pas seulement un anathème pour
l’establishment républicain qui méprise
Obama, car il ne lutte pas contre l’axe
du mal remixé par Hillary, c’est aussi
un péché mortel car il «ne tient pas
compte» de la base du consensus
bipartisan des États-Unis en politique
étrangère, jugé sacré comme la Bible.
D’où le
succès du Pentagone, dirigé par le
néocon Ash Carter, dans le sabotage de
l’accord de cessez-le-feu Kerry–Lavrov
qui impliquait des frappes aériennes
coordonnées contre ISIS / ISIL / Daesh
d’une part et le Front de la conquête
d’autre part, anciennement Jabhat al-Nusra,
alias al-Qaïda en Syrie.
Les néocons
et les républicains traditionnels
blâment l’équipe du canard boiteux Obama
pour sa «dépendance malsaine» à la
Russie et à l’Iran, tandis que les
néolibérauxcons blâment la Russie par
principe. Et très haut sur l’autel de la
vertu, l’hystérie règne, avec le
président des néocons de la
NED [ONG pour les Droits de l’homme
blanc, NdT] demandant au gouvernement
américain de «rassembler sa volonté»
pour un changement du régime Poutine.
Prêt à
passer au nucléaire ?
Hillary
Clinton continue d’insister sur le fait
que les États-Unis ne sont pas en guerre
contre l’islam. Les États-Unis sont de
facto en guerre en Afghanistan, en Irak,
en Syrie, au Yémen, en Somalie, et dans
les zones tribales du Pakistan ;
également impliqués dans la guerre
secrète en Iran ; et ont totalement
détruit la Libye. Il est facile de faire
le calcul.
En parallèle,
le discours assourdissant à propos de
Washington avançant maintenant un plan C
en Syrie est un non-sens. Il n’y a
jamais eu de plan C mais seulement
un plan A, qui était d’attirer la Russie
dans un autre Afghanistan. Le piège
n’ayant pas fonctionné avec la
démolition contrôlée de l’Ukraine, il ne
fonctionnera pas non plus en Syrie.
Moscou est prêt à fournir beaucoup
d’aide aérienne et la puissance
de ses missiles, mais pas de bottes sur
le terrain, quoi qu’il arrive. C’est
l’affaire de l’armée arabe syrienne, de
l’Iran, des milices chiites, et
du Hezbollah.
Ash Carter a
menacé la Russie de «conséquences».
Après avoir sabordé le cessez-le-feu, le
Pentagone – soutenu par le Joint Chiefs
of Staff [état-major interarmes] –
colporte maintenant l’idée de
«frappes potentielles» sur la force
aérienne syrienne pour «punir le régime»
de ce que le Pentagone a effectivement
fait : détruire le cessez-le-feu. On ne
peut pas faire ce genre de choses.
Le
major-général Igor Konachenkov,
porte-parole du ministère russe de la
Défense, a envoyé un message rapide à
«nos collègues de
Washington» : réfléchissez à deux fois,
si vous croyez que vous pouvez vous en
sortir avec le lancement d’une guerre
chaude furtive contre la Russie.
Celle-ci va cibler tous les aéronef
furtifs ou inconnus attaquant des cibles
du gouvernement syrien – et ils seront
abattus.
La seule
question sérieuse est alors de savoir si
un Pentagone hors de contrôle va
obliger la force aérienne russe – fausse
bannière et autrement – à abattre des
avions de combat de l’US Air Force, et
si Moscou a la puissance de feu
suffisante pour les détruire tous.
Donc, dans
cette fenêtre de trois mois des «affres
de la mort» de l’ère Obama, avant
l’intronisation probable de la Reine de
la guerre, la question est de savoir si
le Pentagone va risquer de lancer la
Troisième guerre mondiale parce qu’«Alep
tombe».
Ensuite, les
choses sont destinées à être encore plus
meurtrières. Le gouvernement américain
maintient ouverte l’option d’une
première frappe nucléaire contre la
Russie. Hillary soutient cette option
fermement, alors que Trump a précisé
qu’il «ne frapperait pas le premier».
La
perspective de voir l’obsédée de l’axe
du mal, Hillary Clinton, avec un doigt
sur le bouton nucléaire doit être
considérée comme l’issue la plus
vitale de tout ce cirque.
Article original paru
sur Sputnik – Russian news agency
Pepe
Escobar est l’auteur
de Globalistan
: How the Globalized World is Dissolving
into Liquid War (Nimble Books,
2007), Red
Zone Blues : a snapshot of Baghdad
during the surge (Nimble Books,
2007),
Obama does Globalistan (Nimble
Books, 2009), Empire
of Chaos (Nimble Books) et le petit
dernier,
2030, traduit en français.
Traduit et
édité par jj, relu par nadine pour le
Saker Francophone
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