Opinion
Manuel Valls, l’homme de fer du MEDEF
Nicolas Bourgoin
Photo:
D.R.
Dimanche 28 février 2016
Joël Moreau, un militant et
responsable local de la CGT a
été condamné ce vendredi à 250 euros
d’amende plus 500 euros avec sursis,
pour « outrage » envers des forces de
l’ordre et le Premier ministre à
l’occasion d’une manifestation à
Mulhouse (Haut-Rhin). Le syndicaliste,
après avoir passé 48 heures en garde à
vue, comparaissait en procédure de
reconnaissance préalable de culpabilité.
Quels faits lui étaient reprochés
? Avoir « haussé la voix, dénoncé le
projet de loi, les attaques contre les
acquis sociaux » dans le cadre de la
manifestation organisée devant une
agence Pôle emploi où avait lieu la
visite gouvernementale.
Cette criminalisation de la parole
syndicale rappelle évidemment
l’épisode Goodyear où l’on a vu huit
salariés accusés de séquestration
condamnés à des peines de prison ferme,
fait inédit dans l’histoire des luttes
sociales des dernières décennies.
L’objectif de ce coup de force politique
étant clairement d’intimider les
salariés qui voudraient défendre leur
outil de travail, enjeu crucial à
l’heure où les « plans sociaux » se
multiplient. Rappelons qu’un an
auparavant, le Premier Ministre avait
déjà fait échouer un précédent mouvement
social d’Air France
en refusant la mise en place d’un
médiateur déclarant que cette grève
« insupportable » devait s’arrêter et
s’en prenant à « l’attitude égoïste »
des pilotes grévistes. Cette répression
sociale tous azimuts s’inscrit plus
généralement dans une logique de
confrontation brutale avec le monde du
travail comme le montre
le projet de loi El Khomri visant à
exaucer les voeux les plus fous du MEDEF
sur le dos des salariés.
Et pour faire ce sale boulot de casse
des acquis sociaux, Manuel Valls est
bien l’homme de la situation. Faible
avec les forts et fort avec les faibles
: la cible de son autoritarisme
outrancier est claire : au-delà des
syndicalistes en lutte, tous ceux qui
osent contester la politique
catastrophique du gouvernement
socialiste.
Les temps
sont durs pour les contestataires. En
prélude à la visite ministérielle,
Bernard Mezzadri, un maître de
conférences de l’université d’Avignon
s’était fendu, en mai 2015, d’un mail
ironique sur la liste de discussion
interne réservée aux
enseignants-chercheurs : « J’espère
qu’en cette grande occasion, la
délégation de l’université comptera
suffisamment de ‘‘blancos’’ (et pas trop
de basanés), afin de ne pas donner une
trop mauvaise image de notre
établissement. »
Dénoncé à la justice par le recteur et
le président de l’université, Bernard
Mezzadri a vu sa boutade prise au pied
de la lettre par le procureur de la
République au motif qu’il aurait
« provoqué à la discrimination, à la
haine ou à la violence à l’égard d’une
personne ou d’un groupe de personnes en
raison de leur origine ou de leur
appartenance ou de leur non-appartenance
à une ethnie, une nation, une race ou
une religion déterminée ». Un bel
exemple d’inversion accusatoire… et un
message clair envoyé à la communauté
universitaire : pas une tête ne doit
dépasser.
Manuel Valls, toujours droit dans ses
bottes, était en visite à Moirans, deux
semaines après les violentes émeutes qui
avaient agité la ville. Son « message de
fermeté » a bien été présent mais pas là
où on l’attendait : alors que celles-ci
n’ont donné lieu à aucune
interpellation, faisant pourtant de
lourds dégâts (pas moins d’une trentaine
de voitures incendiées dont certaines
jetées sur les voies SNCF, la gare ainsi
qu’un restaurant dévastés, la chaussée
gravement endommagée), un jeune homme
ayant osé faire le geste de la quenelle
au Premier Ministre a été interpellé par
la gendarmerie. Poursuivi pour outrage à
personne dépositaire de l’autorité
publique, il encourt une peine de six
mois de prison et 7.500 euros d’amende.
Enfin, le monde du travail côté petit
entrepreneur n’est pas oublié : lors de
l’université d’été du PS de l’été 2014,
Franck Gavoux avait profité de la venue
de Manuel Valls pour
l’interpeller sur ses promesses non
tenues ce qui avait valu à ce petit
patron, vice-président du collectif
« Sauvons nos entreprises », d’être
ceinturé et interpellé par la police. Le
tribunal correctionnel de La Rochelle
l’avait relaxé après avoir regardé les
deux vidéos mais le procureur de la
République (qui représente l’État),
avait fait appel. Lors du second procès,
Franck Gavoux a finalement été condamné
à 300€ d’amende pour outrage, un euro
symbolique de dommages et intérêt et
800€ au titre des frais d’avocat.
Syndicalistes ou simples citoyens se
voient poursuivis par la justice pour un
mot de trop. Cet acharnement révèle la
fébrilité du pouvoir face à la
contestation sociale montante dont la
mise en place de l’état d’urgence
prolongé est un autre symptôme. Coincé
entre les diktats de Bruxelles, la crise
financière et les exigences toujours
plus fortes du grand patronat, le
gouvernement n’a guère de marge de
manoeuvre et sa politique démontre
chaque jour son impuissance à satisfaire
les attentes des classes populaires.
L’autoritarisme est bien la marque d’un
pouvoir en panne de légitimité.
Voir
ici une vidéo de présentation de mes
travaux.
Voir également sur ce site : un
entretien à propos de mon dernier
ouvrage « La
République contre les libertés« .
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