Syrie
Armes chimiques en Syrie :
la France et les USA ont menti
Nicolas Bourgoin
© Sana /
AFP
Samedi 15 mars 2014
On s’en doutait mais c’est désormais une
certitude : la France et les Etats-Unis
ont menti à propos des attaques
chimiques en Syrie en les attribuant aux
forces de Bachar Al-Assad. Un rapport
publié à la mi-janvier, passé sous
silence par la quasi-totalité des medias
officiels (à l’exception notable du
Point), contredit les arguments
avancés en septembre dernier par Paris
et Washington pour justifier une
intervention militaire en Syrie.
Interrogé au sujet de ce rapport, le 4
février dernier,
Laurent Fabius a décrété que celui-ci
contestait l’évidence. Il est
pourtant réalisé par deux experts de
renommée internationale : Richard Llyod,
ancien expert auprès de l’ONU
spécialiste des missiles et Theodore
Postol, professeur au prestigieux
Massachusets Institute of Technology.
Ils affirment que les missiles qui se
sont abattus sur la banlieue de Damas le
21 août dernier n’ont pu être tirés des
positions gouvernementales mais bien des
zones tenus par les « rebelles »
syriens. Pour se prononcer, les deux
experts américains ont étudié des
"centaines" de photos et des vidéos
d’ogive, de restes de roquettes,
d’impacts sur le sol, et de barils
contenant le gaz sarin. Quand Laurent
Fabius affirme qu’une "enquête des
Nations Unies a établi de la façon la
plus ferme qu’il y a eu un massacre
chimique et que ce massacre chimique
trouvait son origine dans les rangs du
régime", il oublie au passage que l’ONU
n’a jamais identifié les responsables
de l’attaque, n’ayant pas de mandat pour
le faire.
Le scénario est bien rôdé : attribuer
à un État voyou (comprendre "hostile aux
intérêts d’Israël") des agissements
criminels ou un arsenal prohibé afin de
pouvoir justifier une guerre et
bénéficier du soutien de l’opinion
publique nationale. La Serbie et
l’invention du
génocide commis sur les Albanais,
l’Afghanistan après les attentats du 11
septembre 2001, l’Irak et ses fausses
armes de destruction massive en 2003, la
Lybie de Khadafi en 2011 et ses
prétendues
menaces de bain de sang,… avec dans
le collimateur l’Iran et son arme
nucléaire (pour l’instant totalement
virtuelle)…, la liste est longue
de tous les États victimes de ce que
l’on peut appeler le « syndrome
de Pearl Harbour » : inverser les
rôles en faisant passer la victime pour
l’agresseur et l’agression préventive
pour une mesure de défense contre
celui-ci.
Dans le cas Syrien, la mécanique de
cette propagande apparaît plus fragile
du fait des informations disponibles sur
la nature et la composition des forces
d’opposition syriennes. Il est notoire
que la « rébellion » syrienne est
infiltrée par des djihadistes étrangers,
dont un certain nombre
venant de France. On sait également
que les groupes armés de l’opposition
ont accès à ces armes chimiques et qu’ils
s’en sont déjà servi plusieurs mois
auparavant, d’ailleurs sans susciter la
moindre réprobation de la part de la
« communauté internationale », tandis
que le régime de Damas n’a aucun intérêt
à le faire : il est en position de force
sur le terrain et sait bien que l’usage
d’armes chimiques, aisément décelable,
l’exposerait à une intervention
extérieure qui lui serait sans doute
fatale. Pour ces raisons, une majorité
de citoyens français et américains
sont opposés à la guerre.
En réalité, cela fait belle lurette
que le gouvernement baasiste est dans le
collimateur des puissances occidentales
et le renversement de Bachar-al-Assad
était dans l’agenda américain bien avant
l’épisode des armes chimiques, déjà au
lendemain des attentats du 11 septembre.
L’administration Bush
prévoyait de s’attaquer à la Syrie
immédiatement après l’Irak et avant
une liste de pays qu’elle estimait
devoir être détruits : le Liban, la
Lybie, la Somalie, le Soudan et l’Iran,
le tout sur 5 ans.
Pour le cas Syrien, les USA et les
monarchies du Golfe ont construit un
gigantesque appareil de propagande,
notamment avec l’aide financière du
gouvernement américain, pour renverser
le régime de Damas en manipulant
l’opinion mondiale et
la préparer à une guerre. Les
mobiles affichés pour justifier une
intervention n’étant pas crédibles, il
semblerait que les motivations réelles
soient une fois de plus de nature
géo-stratégique et économique (voir à ce
sujet la
déclaration du Parti Communiste Syrien).
La Syrie représente à la fois un
obstacle aux volontés expansionnistes
des USA au Moyen-Orient et un réservoir
fantastique de matières premières,
notamment gazières. Face au poids de
ces enjeux géopolitiques, il aura fallu
toute l’habileté de
la diplomatie russe pour désamorcer
les risques d’un conflit militaire aux
conséquences potentiellement
dévastatrices.
Le dossier
Syrie
Les dernières mises à jour
|