Opinion
Hausse de la délinquance, baisse des
libertés…
le vrai bilan de Manuel Valls
Nicolas Bourgoin
Photo:
D.R.
Samedi 12 avril 2013
Aucun ministre de
l’Intérieur, en seulement deux ans
d’exercice, n’aura contribué à faire
reculer à ce point la démocratie et les
libertés publiques dans notre pays. Il
est vrai que l’autoritarisme étatique
est une tendance lourde des politiques
occidentales depuis les attentats du 11
septembre mais Manuel Valls a déployé un
zèle particulier dans ce domaine, au
détriment de la vraie protection des
citoyens qui était pourtant sa mission
première. Dissolution de groupes
contestataires, censure de twitter,
atteintes à la liberté d’expression
publique, répressions musclées des
manifestants, surveillance du Net,
multiplication des radars routiers,… ses
exploits en matière de contrôle des
citoyens contrastent singulièrement avec
les résultats médiocres de son bilan de
sécurité publique. De là à penser que sa
vraie priorité n’est pas la lutte contre
la délinquance mais la répression des
oppositions à la politique menée par le
gouvernement, il n’y a qu’un pas… que
l’on peut aisément franchir.
Hausse des vols et
des agressions contre les personnes
Les
dernières statistiques de délinquance montrent
une hausse des agressions constatées par
la police et la gendarmerie contres les
personnes et les biens : violences
sexuelles : + 10,5 % entre 2012 et 2013,
atteintes à l’intégrité physique : + 2,9
%, grande criminalité : + 5,2 %, vols à
main armée contre des commerces : + 8,4
%, règlements de compte : + 10 %,
cambriolages : + 9,3 %. Toutes les
familles d’infraction évoluent dans le
rouge… à l’exception notable des entrées
et séjours illégaux constatés sur le
territoire français qui voient leur
nombre divisé par deux au cours de la
période. Il est vrai que des changements
administratifs peuvent expliquer une
partie de la baisse observée :
la décision de la cour de cassation de
juillet 2012 qui réduit fortement
l’usage de la garde à vue en cas de
séjour irrégulier a pour effet de
dépénaliser un certain nombre de
procédures d’éloignement. Elle a
évidemment un impact très lourd sur la
statistique des délits du droit au
séjour comme le souligne
le communiqué du Ministère. Pour ce
qui est de l’ensemble des crimes et
délits, l’Observatoire National de la
Délinquance et des Réponses Pénales
(ONDRP) invoque
la mise en place d’un nouvel outil
pour recueillir les faits constatés qui
fausse les dernières statistiques (en
ouvrant des champs d’enregistrement
supplémentaires) et qui empêche toute
comparaison fiable avec les chiffres
antérieurs. Là encore on peut penser que
la modernisation des logiciels de saisie
explique une partie de la hausse
constatée, peu vraisemblablement la
totalité.
Plus grave : le
pourcentage d’affaires élucidées, qui
mesure la "réussite policière", baisse
nettement depuis l’été 2012 pour la
plupart des infractions constatées. Les
forces de l’ordre feraient-elles moins
bien leur travail ? Elles sont surtout
moins mobilisées. Le rapport note que
les missions de patrouille ont chuté de
6% côté police et de 3,4% côté
gendarmerie. Au total, les forces de
l’ordre ont collectivement diminué leur
présence de 2,5 millions d’heures sur le
terrain en un an.
Dissolution de
mouvements contestataires et réduction
de la liberté d’expression
Peu actif sur le
front de la délinquance, Manuel Valls
l’est en revanche sur celui des
mouvements d’opposition à sa politique
et à celle de son gouvernement. Les
organisations Troisième voie, L’Oeuvre
Française (qui existait depuis 1968
!) et les Jeunesses Nationalistes
Révolutionnaires furent rapidement
dissoutes à la suite d’un fait divers
tragique, la mort d’un jeune militant
antifasciste, dont
les zones d’ombres n’ont toujours
pas été éclaircies.
Des personnalités
ou des sites dissidents ont également
fait les frais de l’autoritarisme
politique du Ministre. Ce qu’il est
convenu d’appeler la « jurisprudence
Dieudonné » signe la fin des
libertés publiques en France en donnant
un cadre légal à l’interdiction
préventive de spectacles ou de réunions
publiques sous le prétexte de « troubles
à l’ordre public » ou celui de
"non-respect dû à la dignité de la
personne humaine", notions éminemment
floues et élastiques… (voir
la circulaire Valls à ce sujet).
Également dans le collimateur du
Ministre,
le site du dessinateur antiosioniste Joe
Lecorbeau. La diffusion d’une photo
du geste potache de la quenelle prise
devant l’école juive Ohr-Torah avait
déjà valu à ce dernier
une mise en examen le 28 janvier
dernier pour « provocation à la haine
raciale ». Le pouvoir, par la voix de la
LICRA, est récemment monté d’un cran en
demandant la fermeture pour et simple du
site du dessinateur, croah.fr… demande
refusée, le juge des référés ayant
prononcé pour vice de procédure la
nullité de l’assignation introduite par
le parquet. Les sites dissidents de même
que les réseaux sociaux, vecteurs de la
pensée contestataire, sont des cibles
prioritaires pour Manuel Valls qui n’a
pas hésité à
censurer allègrement twitter à la
demande d’associations sionistes comme L’Union
des Étudiants Juifs de France
(UEJF). Cet interventionnisme politique
a récemment valu à la France le titre
peu glorieux de
championne du monde de la censure sur
twitter.
Cybersurveillance
renforcée sous couvert de guerre contre
le terrorisme
Nouvellement élu,
le gouvernement n’a pas tardé à ajouter
un nouvel étage à l’empilement des lois
liberticides – que la gauche a pourtant
critiquées quand elle était dans
l’opposition – en promulguant
une énième loi antiterroriste dans
le sillage de l’affaire Merah, qui
renforce la surveillance des données de
connexion et pénalise la consultation de
certains sites Internet. Rappelons
qu’Internet faisait déjà l’objet d’une
étroite surveillance par les services de
renseignement avec la pléthore
de mesures des lois votées depuis 10 ans dans
le cadre de la "guerre contre le
terrorisme" ou contre la "criminalité
organisée" :
- obligation faite
à la charge des intermédiaires
techniques de l’Internet, de conserver
les données permettant d’identifier
toute personne ayant contribué à la
création d’un contenu en ligne (Loi
n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la
Confiance dans l’Economie Numérique) ;
cette loi est complétée par le décret
n°2011-219 du 25 février 2011 obligeant
les fournisseurs de services sur
Internet à conserver pendant un an les
mots de passe, les traces d’achats et
les commentaires laissés sur le Web par
les internautes et les mettre à
disposition de la police, du fisc, de
l’URSSAF, des douanes ou des services de
répression des fraudes,
- obligation faite
aux opérateurs télécoms, aux
Fournisseurs d’Accès à Internet et à
tout établissement public proposant un
accès au net, de conserver les données
de connexion jusqu’à un an (Loi
n°2006-64 du 23 janvier 2006 relative à
la lutte contre le terrorisme et portant
dispositions diverses relatives à la
sécurité et aux contrôles frontaliers),
- limitation de
l’information communiquée à la CNIL dans
le cas de fichiers intéressant la sûreté
de l’État, la Défense ou la sécurité
publique (même loi),
- possibilité de
filtrer des adresses IP désignées par
arrêté du ministre de l’Intérieur et
d’installer, à l’insu de l’utilisateur,
un dispositif technique enregistrant les
frappes au clavier ou des captures
d’écran. Afin de mettre en place ce «
mouchard », les enquêteurs ont le droit
de s’introduire dans le domicile de la
personne mise en cause, à son insu et,
si nécessaire, de nuit (Loi n°
2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation
et de programmation pour la performance
de la sécurité intérieure).
La multiplication
de ces dispositifs et lois sécuritaires
ont déjà valu à la France, en 2012,
d’être placée par l’association
Reporters sans frontières dans le
groupe des "pays à surveiller" (en
compagnie de 13 autres parmi lesquels la
Tunisie et la Turquie…) en raison
d’atteintes à la liberté de la
circulation de l’information en ligne.
Mais l’attaque la
plus sérieuse contre les libertés vient
de
la dernière loi de programmation
militaire qui entrera en vigueur en
janvier 2015. Son article 20 donne aux
services de renseignement la possibilité
de capter les données numériques de
dizaines de milliers de personnes par
an, en dehors de toute action judiciaire
et sans aucune autorisation auprès de
la CNCIS (Commission nationale de
contrôle des interceptions de sécurité),
sous couvert de guerre contre "le
terrorisme" ou la "criminalité
organisée", afin de repérer les
"comportements suspects" sur
Internet. Cette loi, copier/coller du
Patriot Act étasunien promulgué peu
après les attentats du 11 septembre,
signe la fin de la séparation, propre
aux États de droit, entre défense et
sécurité intérieure, droit pénal et
droit militaire, en plaçant les pouvoirs
entre les mains de l’exécutif et en
soumettant l’ensemble des citoyens
français à un régime de surveillance
renforcé. Pourront être mobilisées, non
seulement les forces de l’ordre mais
également toute la «communauté du
renseignement», de l’Intérieur à la
Défense en passant par Bercy, pour
éplucher tout ce que conservent et
traitent les opérateurs d’Internet et de
téléphonie « y compris les données
techniques relatives à l’identification
des numéros d’abonnement , mais aussi «
à la localisation des équipements
terminaux utilisés », sans parler bien
sûr de « la liste des numéros appelés et
appelant, la durée et la date des
communications ». La loi étend également
le droit de regard à toutes informations
et aux documents stockés par l’hébergeur
et plus seulement aux données
techniques : les traces des appels, des
SMS, des mails ainsi que les données de
géolocalisation en temps réel. Les
motifs justifiant la collecte de ces
données sont très larges, ce sont ceux
prévus à l’article 241-2 du Code de la
sécurité intérieure, c’est-à-dire
concernant : « la sécurité nationale, la
sauvegarde des éléments essentiels du
potentiel scientifique et économique de
la France, ou la prévention du
terrorisme, de la criminalité et de la
délinquance organisées ».Tellement large
qu’elle peut s’appliquer à un simple
appel à manifester diffusé par les
réseaux sociaux.
L’adoption du
projet par le Sénat s’est faite malgré
une forte mobilisation des acteurs du
numérique et
sans consultation de la CNIL qui
déplore que « la rédaction définitive du
texte et que le recours à la notion très
vague d’informations et documents
traités ou conservés par les réseaux ou
services de communications électroniques
semblent permettre aux services de
renseignement d’avoir accès aux données
de contenu, et non pas seulement aux
données de connexion ».
Le tournant
sécuritaire de la gauche… aux ordres de
la finance mondialisée
Au moins jusqu’à la
fin de la décennie 1980, l’arbitrage
entre sécurité et liberté, par principe
antinomiques – l’interdit pénal, en
proscrivant certains actes, réduit la
liberté individuelle et jouir de la
sécurité suppose de s’en remettre à
l’État en s’aliénant une part
d’autonomie personnelle – a été un
marqueur du clivage entre droite et
gauche. La première a souvent sacrifié
la liberté au nom de la sécurité,
notamment avec la Loi d’Orientation
et de Programmation relative à la
Sécurité (LOPS) de janvier 1995
légalisant la vidéosurveillance dans les
lieux publics, les lois antiterroristes
de 1986 et 1996, et l’hyperactivisme
légisaltif du quinquennat Sarkozy où ont
été votées
un nombre record de lois liberticides.
La gauche a pendant un temps fait
prévaloir la liberté sur la sécurité,
parfois en flirtant avec le laxisme
pénal, – les deux premières années du
Ministère Badinter précédant le tournant
de la rigueur de 1983 ont
indiscutablement faire progresser les
libertés publiques et la démocratie
judiciaire par certaines mesures parmi
lesquelles on compte : la possibilité
donnée aux citoyens français de saisir
la Cour Européenne des Droits de l’Homme
(1981), la dissolution du Service
d’Action Civique (1982), la suppression
des Tribunaux permanents des forces
armées (1982) et la création d’une
Charte de la formation de la Police
nationale (1983). Ce clivage s’atténuera
à partir du milieu des années 1990 quand
la gauche tentera maladroitement de
réconcilier ces deux notions en
promouvant un « droit à la sécurité » au
colloque de Villepinte de l’automne 1997
et plus encore avec la Loi sur la
Sécurité Quotidienne, fortement
liberticide, promulguée au lendemain des
attentats contre les tours jumelles.
En faisant
régresser à la fois la sécurité
et la liberté, l’action de Manuel Valls
présente une singularité dans ce schéma.
Sa politique sécuritaire s’appuie en
réalité sur une manipulation qui
consiste à substituer la sécurité
– la défense de l’ordre social et de
l’État – à la sûreté telle
qu’elle est définie dans la déclaration
des droits de l’Homme et du citoyen : la
protection de l’individu, de sa liberté,
de ses droits et de ses propriétés
contre l’arbitraire du pouvoir, afin de
liquider la seconde au profit de la
première.
Reste à savoir au
profit de quoi et de qui ont été
sacrifiées les libertés publiques. Une
obsession aura guidé l’action du
Ministre de l’Intérieur : la lutte
contre l’antisémitisme. Mais cette
préoccupation ne repose sur aucune
donnée objective : les statistiques les
plus récentes montrent que les
agressions physiques et verbales contre
les juifs
sont en diminution en France tandis
que
celles visant la communauté musulmane
explosent. Or cette dernière est non
seulement délaissée mais encore
stigmatisée par le gouvernement à
travers
les propos islamophobes du ministre de
l’Intérieur et les lois antivoile de ces
deux dernières années. La partialité
manifeste de Manuel Valls découle en
réalité de la ligne politique du PS : la
défense du sionisme sur toute la ligne,
à l’intérieur comme à l’extérieur en
politique étrangère et la soumission
totale aux intérêts de la finance
mondialisée. L’impérialisme se
radicalise avec la crise et plaide pour
la liquidation des démocraties
bourgeoisies et
la mise en place de régimes autoritaires
en Europe afin de faire plier
la résistance des peuples à ses
prédations. Après l’Ukraine, dont le
nouveau gouvernement est calqué sur ce
modèle –
ultralibéralisme économique et
autoritarisme politique -, la
France ? Il ne faut en tout cas pas
compter sur la « gauche » pour y faire
obstacle, elle qui a activement
soutenu le coup d’État de la place
Maïdan.
Et, de même qu’il a
abandonné depuis 30 ans la défense des
travailleurs contre le capital, le Parti
Socialiste a délaissé la défense de la
sécurité des Français au profit de celle
des intérêts de la communauté
judéo-sioniste en France, objet de
toutes les attentions et désignée par
l’ex-Ministre de l’Intérieur comme « l’avant-garde
de la République ». Les bataillons
de forces de l’ordre mobilisées autour
des lieux de spectacle de l’humoriste
Dieudonné montrent où sont les vraies
priorités. Ces revirements, en plus de
laminer la démocratie et la liberté
d’expression, ne peuvent que laisser le
champ libre à une hausse durable de la
délinquance… qui pourra même à
l’occasion servir à justifier de
nouvelles mesures sécuritaires de
surveillance et de contrôle ciblant les
forces politiques contestataires.
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