Palestine
Le projet « Blair-Erdogan-Mechaal »
pour Gaza
et ses répercussions en Syrie
Nasser Kandil
Mardi 25 août 2015
I. Que se passe-t-il
en coulisse des négociations menées par
Tony Blair pour la levée du blocus de
Gaza ?
La constante
stratégique occidentale étant la
sécurité et la suprématie d’Israël, je
me propose de vous exposer ce qui se
trame contre la Palestine historique et
plus particulièrement le projet
concernant le devenir de Gaza. Une
lecture personnelle certes, mais basée
sur des faits qui commencent à envahir
la presse, certains parlant de simples
pourparlers, d’autres de négociations
directes ou indirectes entre le Hamas et
Israël [1][2][3].
Un projet en cours d’arrangement
et dont le parrain marionnettiste est
Tony Blair, le promoteur est Rajab Tayib
Erdogan, et le complice apparent est
Khaled Mechaal [dirigeant du Bureau
politique du Hamas] sans que l’on puisse
présumer jusqu’à quel point il réussira
à convaincre les autres dirigeants du
Hamas et notamment les Brigades al-Qassam
[branche militaire du Hamas].
L’avenir le dira, mais en tout cas
ceci pourrait expliquer pourquoi Israël
a accusé le mouvement du Jihad islamique
palestinien d’avoir lancé, le Jeudi 20
août, des roquettes sur le plateau du
Golan syrien occupé et sur la Galilée
adjacente [4][5], alors qu’il sait
parfaitement qu’il n’y est pour rien.
Autrement dit, le raid israélien du 21
août sur le sud syrien à Al-Qunaitra, en
représailles à ces tirs de roquettes,
est un message adressé au Jihad
islamique et en relation avec la bande
de Gaza, non avec le Golan. Nous y
reviendrons […].
Il faut savoir que selon le mythe
sioniste c’est la Cisjordanie [ou
Judée-Samarie], de Tulkarem au nord
jusque Al-Khalil [Hébron] au sud, qui
ferait partie intégrante de la terre
promise, non Gaza qui a toujours été
sous tutelle égyptienne, ni Haïfa, ni
Yafa, ni la côte méditerranéenne. C’est
pourquoi je n’ai jamais cru qu’Israël
accepterait une solution de paix qui
l’obligerait à restituer les territoires
occupés en 1967 pour se contenter de ses
frontières de 1948.
Cela, aucun dirigeant israélien
n’oserait l’accepter, tout comme aucun
dirigeant palestinien n’oserait signer
l’unique alternative se résumant à des
directions autonomes, ici ou là, sous
contrôle de l’occupant. Hillary Clinton
n’a-t-elle pas essuyé le refus cinglant
de Netanyahou à sa proposition de
déménager 25 000 colons de Tulkarem à
Jéricho ?
D’où l’idée d’un État palestinien
à Gaza, [une bande de terre de
41 km de
long et de 6 à 12
km de large, Israël ayant procédé
unilatéralement au retrait de son armée
et d’environ 9000 colons en 2005], avec
ouverture des points de passage, port,
aéroport, passeport, électricité, eau,
reconstruction, élections, Assemblée
législative, etc… ; la Turquie
garantissant que Gaza ne menacerait plus
jamais la sécurité d’Israël ; le Hamas
parlant d’une « trêve de longue durée »
avec l’espoir de libérer le reste des
territoires occupés par la seule force
de ses négociations politiques [sic].
Ce qui signifie que sous le slogan
« Votre État palestinien est Gaza »,
Israël se prépare à éliminer l’Autorité
palestinienne et à poursuivre jusqu’au
bout son projet d’un État juif, lequel
devra coloniser toute la Cisjordanie et
Jérusalem au prix de souffrances et
d’exterminations qui dépasseront celles
endurées par le peuple palestinien en
1948 […]. Ce n’est plus une théorie qui
a germé depuis longtemps dans l’esprit
de certains, c’est bel et bien le projet
confié à Erdogan.
À Erdogan
coincé dans une situation désespérée en
attendant les élections législatives
anticipées du 1er novembre
prochain, où ceux qui ont voté pour lui
parce qu’ils pensaient qu’il était le
plus fort risquent de changer d’avis ;
où ceux qui n’ont pas voté pour
l’opposition parce qu’ils pensaient
qu’elle était perdue d’avance voteront
contre lui. Deux mois durant lesquels il
a absolument besoin que les États-Unis
lui donnent le feu vert, et que les
Européens ferment les yeux, pour qu’il
puisse briser le cou des Kurdes, au
point qu’ils n’oseront même pas songer à
voter pour l’opposition ; ceci en
sachant que 2% seulement de votes
supplémentaires en sa faveur, par
rapport aux dernières élections,
suffiraient à lui garantir les 65 sièges
nécessaires à sa victoire.
C’est le prix
à payer pour qu’Israël ne s’oppose plus
à la signature de l’accord sur le
nucléaire iranien et même offre ses
services à l’Administration US pour le
faire accepter à ceux qui s’y opposent
et à l’opinion publique américaine :
« Gaza est le futur État palestinien,
accordez à Erdogan ce qu’il demande en
Turquie ! ». C’est ainsi que se formera
le trio « Israël-Turquie-Frères
Musulmans », ces derniers ayant un État
à Gaza sous la bannière du Hamas.
Que ce projet
réussisse ou échoue est un autre
problème. Ce qui est certain est que les
israéliens étudient sérieusement la
levée du blocus de Gaza dans ces
conditions de sortie du Hamas hors du
camp de la Résistance palestinienne, en
exploitant une carte gagnante à tous les
coups: le souci humanitaire envers la
population de Gaza qui a tant souffert
[…].
II. Que se
passe-t-il au Golan syrien ?
Pour le
comprendre il nous faut analyser les
comportements d’Israël en cette période
de recherche de solutions par les uns et
les autres. Nous avons déjà parlé du
rapport de DEBKAfile considérant que la
Russie et les États-Unis courtisaient
les Saoudiens pour sauver Al-Assad,
mettant en danger Israël et la
Jordanie… » [6] ; lequel rapport
nous a amené à prédire qu’Israël ferait
tout pour torpiller le rapprochement
syro-saoudien parrainé par la Russie [7].
Ce qui fut
par la rétractation du ministre saoudien
des Affaires étrangères, Adel al-Jubeir,
en pleine conférence de presse avec M.
Lavrov [8]. En effet, il fallait
comprendre ce rapport comme un
avertissement en direction de l’allié
saoudien qui ne peut espérer jouer
cavalier seul à ce stade, même si
l’allié américain pouvait être d’accord
sur le principe vu la priorité de la
lutte contre le terrorisme […].
En effet à
partir du moment où les États-Unis,
l’Arabie saoudite et l’Iran, se
joindraient à la Russie pour trouver une
solution en Syrie et au Yémen de telle
sorte que l’Arabie saoudite puisse
sauver la face, comment Israël
pourrait-il avoir voix au chapitre et
concrétiser le projet « Blair-Erdogan-Mechaal »
pour Gaza ? Comment, sinon par une
action d’éclat sur le terrain et par
l’exploitation des groupes armés, à ses
ordres, dans le sud de la Syrie ?
D’où son raid
sur Al-Quneitra dans le Golan syrien.
Une action d’éclat qui ne démontre
nullement qu’Israël est prêt à mener sa
guerre tout seul […], mais qu’il envoie
un message complémentaire à celui
transmis par DEBKAfile : « Nous sommes
là ! Nous n’avons pas couvé et autorisé
les groupes armés à occuper le sud de la
Syrie pour que la solution se fasse dans
notre dos. D’ailleurs, ces groupes armés
ainsi que la Jordanie sont des atouts
dans nos mains, non dans celles de
l’Arabie saoudite qui n’a pour elle que
Zahrane Allouche [chef du Front
islamique et de Jaïch al-Islam].Tant
qu’il en sera ainsi, c’est nous qui
décidons ».
En d’autres
termes, ce énième raid envoie le message
suivant : Israël est désormais le seul
joueur dans le sud la Syrie, la Turquie
étant le seul joueur dans le nord ; s’il
fallait ne s’intéresser qu’à la lutte
contre le terrorisme, il faudrait se
focaliser uniquement sur Daech [l’État
islamique] et oublier Al-Nosra
ainsi que tous les autres groupes
terroristes sur lesquels Israël et la
Turquie se sont entendus ; l’Arabie
saoudite n’a rien à faire en Syrie,
Israël parie sur la Turquie.
III. Pourquoi parier
sur la Turquie ?
Israël parie
sur la Turquie, aussi bien contre l’État
syrien que contre la Résistance
libanaise, la Résistance palestinienne
et l’Autorité palestinienne. Ceci car
Erdogan réglerait tous ses problèmes si
jamais il réussissait à encaisser le
précieux chèque du montant de ladite
« carte palestinienne » au profit de la
sécurité d’Israël. Il soulagerait
l’Occident qui lui accorderait le grand
prix tant attendu en Syrie et ailleurs,
pour ne plus avoir à se creuser la tête
en cherchant comment assurer une
continuité géographique entre Gaza et
les lambeaux de la prétendue solution à
deux États.
Sans oublier
la concrétisation du projet d’alliance
de l’Occident avec les Frères Musulmans
qui auraient leur capitale à Gaza, ce
qui pourrait faciliter leur retour au
pouvoir en Égypte, leur permettrait de
partager le pouvoir en Libye,
consoliderait éventuellement la
situation de Ghannouchi en Tunisie, et
pourrait même amener les Ansarullah à
participer au futur gouvernement du
Yémen. Tout ceci parce que la victoire
de Gaza a été vendue au Turc et au
Qatari [9].
IV. Pourquoi
maintenant ?
Le trait
d’union des fronts successifs dans le
sud de la Syrie allant d’Al-Qusayr, à
Yabroud, à Zabadani, puis à
Al-Quneitra ; la réponse est que la
victoire de la Syrie et du Hezbollah à
Zabadani signifie la fin de la guerre du
Qalamoun, par élimination des groupes
terroristes armés à la frontière
syro-libanaise, et que la prochaine
étape du nettoyage sera donc la guerre
d’Al-Quneitra.
Par
conséquent en s’impliquant de la sorte,
Israël prévient que ce sera une toute
autre affaire bien plus difficile et
compliquée qu’à Zabadani, car les
groupes terroristes et notamment Al-Nosra,
branche d’Al-Qaïda en Syrie, seront
soutenus et protégés par le feu de
l’aviation israélienne. Israël ne
permettra pas la défaite d’Al-Nosra, ni
l’échec du projet pour Gaza.
Le message
israélien a été reçu cinq sur cinq. Nous
devons donc nous attendre à encore plus
d’escalade dans les deux prochains mois,
en sachant que la réponse viendra en
temps utile, comme pour les raids 1 et 2
sur Joumraya […].
Nasser
Kandil
21/08/2015
Source :
Extraits de l’émission « 60 minutes avec
Nasser Kandil »
https://www.youtube.com/watch?feature=youtu.be&v=wPYtOgDMvhQ&app=desktop
Transcription et traduction par Mouna
Alno-Nakhal
Notes :
[1] Trêve à Gaza: Israël nie toute
négociation avec le Hamas
http://www.lorientlejour.com/article/939705/treve-a-gaza-israel-nie-toute-negociation-avec-le-hamas.html
[2] Négociations Israël-Hamas : une
houdna en échange de la levée du blocus
http://www.memri.fr/2015/07/16/negociations-israel-hamas-une-houdna-en-echange-de-la-levee-du-blocus/
[3] Les gagnants et les
perdants des pourparlers entre le Hamas
et Israël
http://www.i24news.tv/fr/opinions/83049-150823-analyse-les-gagnants-et-les-perdants-des-pourparlers-entre-le-hamas-et-israel
[4]Tension sur le Golan syrien,
raid aérien israélien meurtrier
http://information.tv5monde.com/en-continu/syrie-cinq-morts-dans-un-nouveau-raid-israelien-sur-qouneitra-49129
[5] Iran, Hezbollah, Israël: la
spirale des vengeances et des ripostes
http://www.i24news.tv/fr/opinions/82808-150821-iran-hezbollah-israel-la-spirale-des-vengeances-et-des-ripostes-analyse
[6] Russia and US
woo Saudis to help save Assad - albeit
putting Israel and Jordan in danger from
S. Syria
http://www.debka.com/article/24796/
[7] Initiative de Poutine : une
réconciliation syro-saoudienne est-elle
possible ?
http://www.palestine-solidarite.org/analyses.nahed_hattar.230715.htm
[8] Lavrov : les tentatives de
renverser Al-Assad aboutiront à la prise
du pouvoir par Daesh en Syrie
http://francais.rt.com/international/5486-lavrov--russie-arabie--syrie
[9] Gaza : La victoire vendue
au Turc et au Qatari !
http://www.palestine-solidarite.org/analyses.nasser_kandil.040914.htm
Monsieur Nasser Kandil est libanais,
ancien député, Directeur de TopNews-nasser-kandil,
et Rédacteur en chef du quotidien
libanais Al-Binaa
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