Syrie
Syrie : Les sanctions de l’Occident sont
l’autre visage du terrorisme
Bachar al-Jaafari
Jeudi 18 juin 2020
Ce mercredi 17 juin,
le secrétaire d'État américain Mike
Pompeo a annoncé que les États-Unis
imposaient 39 nouvelles sanctions à des
personnalités et entités syriennes en
vertu du "Caesar Act" [1]. Des
sanctions dont il a été beaucoup
question la veille, dans le cadre
Conseil de sécurité réuni en
visioconférence et sous présidence
française, tel que nous le rapporte
l’organe de presse en langue française [2].
Pour
l’équité et plus de précisions, nous
traduisons ici la déclaration intégrale
de l’envoyé spécial de la Syrie auprès
des Nations Unies, le Docteur Bachar
al-Jaafari. [NdT].
Merci bien
Monsieur le Président et je remercie
aussi mon cher ami l’envoyé spécial,
Monsieur Geir Pederson, pour sa présence
et sa participation (en français).
Monsieur
le Président,
Lorsque les
États-Unis volent ouvertement 200 000
barils de pétrole par jour des champs de
pétrole syriens et qu’en plus, ils
volent 400 000 tonnes de coton,
5 000 000 de têtes de bétail,
mettent le feu à des milliers d'hectares
de champs de blé, se vantent de diviser
la Syrie et de délibérément affaiblir la
valeur de sa monnaie nationale; lorsque
les États-Unis imposent des mesures
économiques coercitives visant à
étouffer le peuple syrien, occupent
certaines parties de mon pays et
protègent leur partenaire turc occupant
d’autres vastes parties de terres
syriennes ; et lorsque, néanmoins, ma
collègue représentante des États-Unis
parle du souci de son administration
devant la détérioration des conditions
de vie des citoyens syriens en
l’attribuant à ce qu’elle qualifie de
« régime » ; la question légitime
devient : n’est-ce pas là une phase de
maladie aigüe et ne sommes-nous pas face
à des symptômes de schizophrénie
politique ?
Le 31 mai
2020, mon pays a adressé une plainte
officielle au Secrétaire général des
Nations Unies et au Président du Conseil
de sécurité contre les gouvernements de
certains États Membres, au premier rang
desquels les États-Unis, le Royaume-Uni,
la France et la Turquie.
En effet,
tout au long des neuf dernières années,
les gouvernements de ces pays ont
soutenu, financé et armé des groupes et
organisations de terroristes
multinationaux de multiples allégeances
et de diverses casquettes, ainsi que des
milices séparatistes à leurs ordres. De
plus, ils ont délibérément mené des
agressions militaires unilatérales et
tripartites sur mon pays ; occupant
certaines parties de son territoire ;
commettant des meurtres et des
destructions ; procédant à des
déplacements et à des changements
démographiques ; pillant les richesses
naturelles et historiques dont le
pétrole, le gaz, les cultures agricoles
et les antiquités; brûlant et détruisant
tout ce qu’ils n’ont pu voler ; imposant
toujours plus de mesures coercitives
unilatérales au peuple syrien.
Ces
pratiques et ces graves violations des
principes du droit international et des
dispositions de la Charte des Nations
Unies mettent en évidence une
contradiction dans la vision de l'action
multilatérale internationale, ainsi
qu’un retour aux perspectives de la
« Société des Nations » ; laquelle,
comme nous le savons tous, a légitimé
les agressions et les occupations, se
condamnant elle-même à l’échec.
En
outre, ces pratiques sont des tentatives
flagrantes d’une ingérence destructrice
du processus politique « facilité » par
les Nations Unies par le biais de son
envoyé spécial, dans le but de détourner
cette démarche fondée sur le dialogue
entre Syriens, sous direction
strictement syrienne, vers une
alternative censée imposer la volonté et
les diktats des trois États occidentaux
[USA, Royaume Uni, France] au Conseil de
sécurité de l’ONU, au détriment de la
souveraineté de la Syrie, de ses
ressources, du bien-être et de la
sécurité de son peuple.
Monsieur le Président,
Suite aux déclarations que nous venons
d’entendre, je me trouve dans
l’obligation de clarifier quelques
concepts.
Les
politiques de blocus et d’imposition de
mesures coercitives unilatérales ont
fait et font toujours partie intégrante
des politiques aveugles et
préjudiciables adoptées par l’Occident
et sont l’autre visage du terrorisme. Un
terrorisme qui a brisé la vie des
Syriens, détruit leurs réalisations, nui
à leur monnaie nationale et à leurs
moyens de subsistance, entravé les
capacités de leurs institutions
étatiques à répondre à leurs besoins
essentiels ; le tout en dehors de toute
préoccupation humanitaire occidentale.
Le dernier exemple [de cette
indifférence] est l’incendie des
cargaisons d’aides humanitaires par
certains partis libanais, alors que
depuis des années ces cargaisons
fournies par le « Programme alimentaire
mondial » étaient régulièrement
acheminées aux Syriens dans le besoin
via le territoire libanais.
L'administration américaine et l’Union
européenne ont torpillé toutes les
demandes internationales en faveur de la
levée des mesures coercitives
unilatérales imposées au peuple syrien,
y compris la mission du Secrétaire
général et de son envoyé spécial en
Syrie. Le
renouvellement et l’intensification des
effets de ces mesures coercitives
unilatérales avec l’entrée en vigueur de
ladite « Loi César », décrétée par les
États-Unis, traduisent le mépris de
l’administration américaine et de
l’Union européenne pour tout ce que
l’humanité a accumulé dans le domaine
des lois internationales, et tentent
d’imposer la loi américaine et
européenne au Monde.
La
récente intervention de James Jeffrey
est une reconnaissance explicite de
l'administration américaine de sa
responsabilité directe dans les
souffrances des Syriens. Une telle
déclaration irresponsable souligne, une
fois de plus, que cette administration
voit la région avec des yeux israéliens,
vu qu’il s’agit d’exigences israéliennes
déjà anciennes que Jeffrey n’a fait que
renouveler, afin de façonner la région
de telle sorte qu’elle corresponde à son
agenda hégémonique.
Maintenir la paix et la sécurité
internationales, auxquelles les
gouvernements des trois pays occidentaux
et membres permanents du Conseil de
sécurité sont censés être
particulièrement intéressés, est
incompatible avec le fait qu’avec
d’autres gouvernements occidentaux ou
instrumentalisés par les occidentaux,
ils ferment les yeux sur les pratiques
de leur allié au sein de l’OTAN : la
Turquie dont ils adoptent et défendent
les crimes en Syrie, en Libye et
ailleurs.
Maintenir la paix et la sécurité
internationales est également
incompatible avec le fait que les
États-Unis et la Turquie occupent
certaines parties de mon pays, où ils
parrainent sans honte aucune le
terrorisme ainsi que les milices
séparatistes, et où des représentants de
leurs gouvernements tiennent des
réunions avec les organisations
terroristes sur le sol syrien, comme
cela a été récemment
démontré suite à l’infiltration des
ministres turcs de la défense et de
l’intérieur dans le gouvernorat d'Idleb.
Profitant de la période d’accalmie qui
prévaut depuis l’« accord de Moscou »,
ils ont renforcé la présence des forces
d’occupation turques et des groupes
terroristes qui leur sont inféodés,
tandis que le régime turc cherche
toujours à substituer la Livre turque à
la Livre syrienne dans les zones qu’il
occupe illégalement
afin d’imposer leur turquification.
Ici, les forces d'Erdogan sont donc
identiques aux forces d’Israël occupant
le Golan syrien et les deux occupations,
turque et israélienne, sont
complémentaires et travaillent en
harmonie avec l’opérateur américain
Enfin,
maintenir la paix et la sécurité
internationales n'est pas compatible,
non plus, avec la détermination des ces
trois États occidentaux, membres
permanents du Conseil de sécurité, à ne
pas éliminer l'organisation terroriste
Daech dont ils mobilisent les reliquats
en Irak et en Syrie chaque fois que leur
intérêt l'exige.
Monsieur le Président,
Dans ma déclaration du 19 mai 2020, j'ai
fait référence aux confessions de
terroristes de l’organisation Daech
capturés par l’Armée arabe syrienne,
confessions au cours desquelles ils ont
souligné le fait qu'ils avaient été
entraînés par les forces d'occupation
américaines stationnées dans la région
syrienne d'Al-Tanf. Récemment, un
terroriste de cette même organisation
Daech, Mohammad Houssayn Saoud, a avoué
que ce sont les renseignements
britanniques qui l'ont forcé, avec
d'autres terroristes travaillant pour
lui, à collaborer en recueillant des
informations sur les institutions et les
sites militaires syriens et russes en
Syrie.
Monsieur le Président,
Dans sa plainte officielle, mon pays
demande au Secrétaire général et au
Conseil de sécurité de mettre un terme
aux ingérences hostiles d’États
étrangers dans les affaires intérieures
de mon pays et d'engager tous les États
membres à s'abstenir de toute pratique
visant à saper l'indépendance et la
poursuite du processus politique, ou à
porter atteinte aux intérêts et aux
choix du peuple syrien, à la sécurité et
à la stabilité de la Syrie ainsi qu’à
ses relations régionales et
internationales.
De
plus, la Syrie a demandé au Secrétaire
général de mandater l'organe juridique
compétent de son secrétariat pour la
préparation d’un rapport urgent
concernant ces lois américaines et
européennes imposant un embargo
économique sur le peuple syrien et leur
conformité à la Charte et aux
résolutions du Conseil de sécurité
relatives à la Syrie. Ce rapport devrait
également souligner l'impact
catastrophique de ces mesures sur la vie
du peuple syrien.
Mon pays,
Mesdames et Messieurs, attend avec
intérêt la réponse du Secrétaire général
et demande à être informé, dès que
possible, des procédures susceptibles
d’être adoptées dans le cadre de son
mandat et de sa position de facilitateur
du processus politique en République
arabe syrienne.
Finalement,
Monsieur le Président, nous avons
toujours été victimes des règlements de
compte occidentaux, ce qui fait que nous
sommes de bons lecteurs de l’Histoire.
Le problème avec nos ennemis et nos
rivaux est que nous la lisons
différemment.
À
cet égard, il conviendra de rappeler ce
qu'un sage politicien sociologue a dit
un jour : "Seuls les imbéciles défient
l'Histoire".
Pour terminer, j’aimerais dire à mes
collègues représentant des pays
occidentaux au sein de ce Conseil :
lâchez vos pressions sur mon pays, la
Syrie. Laissez le peuple syrien
respirer.
Merci, Monsieur le président.
Dr.
Bachar al-Jaafari
Envoyé
spécial de la Syrie auprès des Nations
Unies
16/06/2020
Traduit de
l’anglais par Mouna Alno-Nakhal
Source :
The Syrian Mission to the United Nations
https://www.youtube.com/watch?v=HxcVOmE12Aw
Notes :
[1] Syria Caesar
Act Designations - Press Statement -
June 17, 2020
https://www.state.gov/syria-caesar-act-designations/
[2]
Conseil de sécurité
du 16 juin 2020 sur la situation en
Syrie
https://www.un.org/press/fr/2020/sc14215.doc.htm
Le sommaire de Mouna Alno-Nakhal
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