Syrie
Alep : Ayrault, digne successeur
de Fabius pour le blanchiment des
terroristes d’Al-Nosra
Mouna Alno-Nakhal
Samedi 7 mai 2016
Monsieur Jean-Marc
Ayrault, digne successeur de M. Laurent
Fabius, peut être satisfait. Son appel
calqué sur celui de ses amis, les
roitelets et émirs du golfe menés par
les Al-Saoud, a été entendu. En effet,
voici ce qu’il déclarait le 29 avril
2016 en inversant une fois de plus la
réalité :
« OFFENSIVE
MILITAIRE DU RÉGIME SUR ALEP :
Je condamne vivement la
recrudescence des violences dans la
province d'Alep, qui constitue une
menace sérieuse au maintien de la
cessation des hostilités et à la
poursuite du processus politique, comme
l'a rappelé M. Staffan de Mistura devant
le conseil de sécurité le 27 avril.L'annonce par le régime syrien le
28 avril d'une offensive imminente pour
reprendre Alep avec le soutien de ses
alliés, qui n'ont pas démenti, est très
préoccupante. Cette annonce intervient
dans un contexte marqué par la mort de
plus de 200 civils cette semaine, et par
de graves violations du droit
international humanitaire. Sans une
amélioration significative de la
situation sur le terrain, les conditions
ne seront pas réunies pour permettre à
l'opposition de revenir à Genève.
J'appelle donc à la mobilisation
de la communauté internationale afin
d'exercer une pression sur le régime
syrien pour que la trêve soit respectée
et que celui-ci accepte enfin d'entrer
dans des discussions sérieuses en vue de
la mise en œuvre d'une transition
politique, conforme à la résolution 2254
du Conseil de sécurité » [1].
Il ne faut donc pas s’étonner de ce
que racontent les médias officiels de
France et de Navarre sur l’État syrien
qui martyriserait son peuple. Pour tout
commentaire, nous nous contenterons de
traduire ce qu’a signifié, rien que pour
la ville d’Alep, la mobilisation de
ladite communauté internationale « afin
d’exercer une pression sur le régime
syrien pour que la trêve soit
respectée… », en rappelant que le
« gouvernorat » d’Alep comptait avant
cette guerre sur la Syrie cinq millions
d’âmes, dont trois millions à Alep.
Voici un tableau récapitulatif de
« l’amélioration significative de la
situation sur le terrain » censée, selon
M. Ayrault, réunir les conditions « pour
permettre à l’opposition de revenir à
Genève », autrement dit au « groupe de
Riyad » composé par les marionnettes des
Al-Saoud et d’Erdogan, maître chanteur
sur le dos des réfugiés syriens et
pilleur assassin d’Alep, pour ne citer
que ces deux crimes.
Ce que ne dit pas ce tableau c’est
que non seulement les amis et alliés de
M. Ayrault tuent, défigurent et
démembrent les habitants d’Alep,
détruisent leurs biens et leurs
infrastructures, mais en ce 3 mai, ils
se sont plus particulièrement acharnés
sur les hôpitaux, dispensaires,
maternités, écoles élémentaires et
universités [2]. Ainsi, la
personne blessée a toutes les chances de
passer dans la colonne des martyrs ou
des handicapés à vie, et l’enfant à
naître est condamné à mourir ou à
survivre dans les décombres et
l’obscurantisme, lequel est désormais
l’arme la plus meurtrière et la plus
efficace, manipulée et soutenue par le
pays des Lumières et ses alliés du monde
dit civilisé.
Car alors que les faits sont là, que
personne ne les nie, que les groupes
terroristes figurant dans le tableau
ci-dessus s’enorgueillissent de leurs
exploits et exposent leurs dernières
inventions en matière de roquettes
perforantes qui détruisent un immeuble
entier d’un seul coup, Monsieur Ayrault
se préoccupe surtout de condamner un
État souverain qui annonce à la face du
monde qu’il a la ferme intention de
délivrer Alep de la violence terroriste
qui la ronge depuis 2012, et se
déplace à Berlin, ce 4 mai, à la
rencontre de l’homme vendu à qui paie le
plus, le bien nommé Riyad Hijab [3],
bombardé président du « haut comité des
négociations » d’une prétendue
opposition syrienne concoctée à Riyad
par les Al-Saoud et leurs complices
régionaux, une opposition sans base
populaire ou politique sur le terrain
syrien et rejetée même par les opposants
syriens, tandis que le dénommé Mohammad
Allouche, assassin parmi les assassins
de Jabhat al-Islam, en est le
négociateur en chef et se balade en
Suisse, pays neutre par excellence, la
preuve !
La situation est certes
compliquée et les médias s’arrangent
pour qu’on n’y comprenne rien. Mais,
dans le cas de Monsieur Ayrault, est-il
si difficile de comprendre que s’il
reste sourd aux appels répétés de
la Russie d'inclure Ahrar al-Cham
et Jaïch al-Islam dans la liste des
organisations identifiées "terroristes"
[4] en plus de rester sourd aux
mises en garde de responsables
politiques, militaires et du
renseignement français, c’est parce
qu’il doit travailler à installer les
représentants des terroristes à la table
des négociations et leur a sans doute
soufflé, avec son homologue
allemand M. Frank-Walter Steinmeier et
M. Stafan de Mistura, comment
faire trainer ces prétendues
négociations tant qu’Alep ne serait pas
tombée entre leurs mains ? Bouder la 3ème
session de Genève 3, c’est quand même
pas très malin !
En effet, le blanchiment du
Front al-Nosra
« qui-fait-toujours-du-bon-boulot » n’a
pas marché. En novembre 2015, lors de la
réunion à Vienne du Groupe de
soutien international à la Syrie [ISSG],
il a bien fallu suivre le mouvement
dicté par le « partenariat »
russo-américain et l’identifier comme
une organisation terroriste.
En
conséquence, le Front al-Nosra a été
exclu de l’accord de « cessation des
hostilités » décidé le 27 février par
Washington et Moscou, au même titre que
Daech. Ce qui signifie que conformément
à la Résolution 2254/2015, l’Armée
syrienne est dans son droit lorsqu’elle
riposte contre les mercenaires armés
appartenant à Daech et le Front al-Nosra,
mais tue son peuple lorsqu’elle s’en
prend aux terroristes « modérés » dont
Ahrar al-Cham, Jaïch al-Islam, et autres
organisations intimement liées au Front
al-Nosra.
Manœuvre lamentable destinée à
couvrir le Front al-Nosra en l’incluant
indirectement dans la trêve, et à ainsi
empêcher l’Armée syrienne de libérer
Alep. Car Alep est à peine concernée par
Daech. D’après toutes les sources, plus
de 70% des factions terroristes occupent
environ 30% de la ville et sont sous la
coupe du Front al-Nosra, c'est-à-dire la
branche d’Al-Qaïda en Syrie.
À ce stade faudrait-il répéter
pour la énième fois qui a créé Al-Qaïda
et dans quel but ? M. Sergueï Lavrov
n’a-t-il pas déclaré que les
« partenaires » US avaient insisté pour
que le Front al-Nosra soit inclus dans
la trêve, bien qu’ils aient été les
premiers à l’inscrire sur la liste des
organisations terroristes et que M.
Fabius s’en offusquait ? Et alors que
les USA ont fini par céder sur ce point,
ont-ils cessé de ne mentionner que Daech
comme cible principale de leur guerre
contre le terrorisme, sans
particulièrement se réjouir de la
libération de Palmyre de ses griffes ?
Ici, il faudrait sans doute
rappeler les exploits de ces
organisations toujours rangées dans la
catégorie des rebelles modérés ou encore
des « groupes armés non étatiques »
-malgré les déclarations répétées du
représentant permanent de la Syrie
auprès des Nations Unies, Bachar
Al-Jaafari, sur leurs actions
terroristes et leur liaison à Al-Qaïda,
preuves à l’appui- dans l’espoir de leur
donner une représentation politique lors
des négociations futures à Genève si
elles ont lieu. En bref ;
- Ahrar al-Cham :
compte des dizaines de milliers de
mercenaires étrangers armés, nombre
d’entre eux ayant combattu en
Afghanistan et en Irak sous le drapeau
d’Al-Qaïda ; est financée par le Qatar
et la Turquie ; a combattu aux côtés
d’Al-Nosra et lui a déclaré son
allégeance ; partage les revenus des
taxes prélevées aux points de passage de
la frontière turco-syrienne avec Daech,
notamment à Tal al-Abyad.
- Jaïch al-Islam :
compte aussi des dizaines de milliers de
combattants étrangers armés déployés
dans la Ghouta de Damas et autour de
Homs, Hama, Idleb, Daraa et Lattaquié ;
est financée par l’Arabie saoudite ; a
combattu aux côtés d’Al-Nosra ; s’est
illustrée par de nombreux massacres,
notamment dans les villages du nord de
Lattaquié et la ville ouvrière de Adra
près de Damas.
Monsieur Ayrault sait tout cela
parfaitement, à moins d’admettre que les
Services de renseignement français
gardent leurs informations pour
eux-mêmes, ce qui n’est évidemment pas
le cas.
Que faut-il de plus pour
conclure que le ministre français des
Affaires étrangères est le nouveau
blanchisseur d’Al-Nosra ? Et que
compte-t-il faire maintenant que la
trêve de 48h incluant Alep [5],
obtenue par les États-Unis et la Russie
à partir du jeudi 6 mai, a tenu à peine
quelques heures ? Va-t-il encore accuser
le « régime » syrien de l’avoir rompue ?
La réponse est très probablement oui, vu
les mensonges éhontés de M. François
Delattre, représentant permanent de la
France auprès des Nations Unies, devant
le Conseil de sécurité réuni d’urgence
le 4 mai [6].
On remarquera que les médias
ont titré : « Damas s'est engagé à
observer une trêve de 48h à Alep », ce
qui est vrai et évident, car on ne voit
pas qui parmi les chefs de l’opposition
vendue à l’étranger peut décider de quoi
que ce soit à moins d’en avoir reçu
l’ordre par les maîtres et bailleurs de
fonds en Turquie et en Saoudie,
elles-mêmes aux ordres des USA même si
elles semblent avoir dépassé la marge de
manœuvre autorisée.
En tous cas, voici un message
reçu d’une amie d’Alep hier jeudi 5
mai :
« Je pense que le cessez-le
feu est rompu. Hier et aujourd'hui notre
quartier est resté calme, mais à Khan-Touman
six mille bagnards ont attaqué avec des
chars blindés. Comment ces chars
sont-ils entrés sans être bombardés dès
notre frontière avec la Turquie ? C’est
à ne rien comprendre. Nos amis
ménageraient-ils la chèvre et le chou ?
Que se passe-t-il sous la table ? ».
Je ne sais pas ce qui se passe sous
la table. Si « nos amis » étaient
absents du ciel d’Alep pendant qu’elle
se faisait massacrer par ces hordes
d’assassins, c’est peut-être qu’eux
aussi ont affaire à plusieurs fronts. Et
si « nos amis » se sont laissés
piéger par les USA une première
fois, je veux croire que dans leur
propre intérêt, ils ne se laisseront pas
piéger une deuxième fois.
Le problème est que ce qui passe à
Alep ne se joue plus au niveau local,
mais aux niveaux régional et
international, M. Ayrault jouant sans
doute la même partition que M. Fabius
tout le long des négociations sur le
nucléaire iranien pour satisfaire
notamment le quatuor régional
« turco-israélo-saoudo-qatari ». Car
inclure le Front al-Nosra dans la trêve
servira les objectifs des quatre à la
fois, ne serait-ce qu’en rendant caduque
la Résolution contraignante 2254/ 2015
du Conseil de sécurité des Nations
Unies.
Quant au niveau international,
difficile de croire que les États-Unis
et l’Union européenne réunis sont
incapables d’exercer des pressions sur
la Turquie, membre de l’OTAN, afin
qu’elle ferme ses frontières aux
terroristes. De plus, une trêve de 48H
ne témoigne pas d’une grande confiance
entre les partenaires à Washington et à
Moscou.
Ce qu’il faut espérer, puisque la
solution politique s’est avérée être une
imposture et que les Aleppins exigent à
cor et à cri de l’État syrien qu’il
nettoie leur ville de ces infâmes
terroristes, est que le nettoyage soit
radical pour qu’ils n’en payent le prix
qu’en une seule fois…
Mouna Alno-Nakhal
06/05/2016
Notes :
[1] Syrie - Offensive militaire
du régime sur Alep - Déclaration de
Jean-Marc Ayrault (29 avril 2016)
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/syrie/la-france-et-la-syrie/actualites-2016/article/syrie-offensive-militaire-du-regime-sur-alep-declaration-de-jean-marc-ayrault
[2] Syrie:
Ayrault à Berlin à la recherche d'une
solution politique
http://www.rfi.fr/europe/20160504-syrie-ayrault-steinmeier-recherche-solution-politique
[3] 3 mai 2016, journée d’enfer à
Alep (Al-Mayadeen)
https://www.youtube.com/watch?v=ms0pitjXHu4
[4] Syrie:
Moscou saisit l’ONU pour enregistrer
comme «terroristes» deux groupes
rebelles
http://www.liberation.fr/planete/2016/04/27/syrie-moscou-saisit-l-onu-pour-enregistrer-comme-terroristes-deux-groupes-rebelles_1449039
[5] Damas
s'est engagé à observer une trêve de 48h
à Alep
http://www.itele.fr/monde/video/damas-sest-engage-a-observer-une-treve-de-48h-a-alep-163654
[6] Alep,
ville symbole, ville martyre
Réunion d’urgence du conseil de sécurité
de l’ONU sur la Syrie - Intervention de
M. François Delattre, représentant
permanent de la France auprès des
Nations unies - 4 mai 2016
http://www.franceonu.org/Alep-ville-symbole-ville-martyre
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