Syrie
Les « zones sécurisées » de Trump
ou le nouveau plan de partition de la
Syrie
Amin Hoteit
Vendredi 3 février 2017
Les véritables objectifs de Trump
en Syrie se précisent depuis l’annonce
de son intention de créer des zones de
sécurité, sous prétexte de protéger les
civils et de résoudre le problème des
déplacements forcés et des émigrés.
Un problème qui, d’après lui,
menace la sécurité du monde et, en
particulier, la sécurité nationale des
États-Unis. D’où ses deux décisions :
interdire aux ressortissants des pays en
proie à des troubles et des
affrontements armés d’entrer aux
États-Unis, pays auxquels il a ajouté
l’Iran, et créer des zones de sécurité
en Syrie, au Yémen et dans les pays
voisins.
Concernant les zones de sécurité
en Syrie, le plus important a fuité à
partir de « sources israéliennes » et se
révèle conforme aux obsessions de
l’ex-plan B américain fondé sur la
partition de la Syrie. Pour ce nouveau
plan, Trump ne voulant toujours pas
envoyer des troupes terrestres, charge
des forces locales et régionales
d’établir ces prétendues zones de
sécurité, forces auxquelles l’aviation
américaine offrirait son soutien puis
maintiendrait des zones d’exclusion
aérienne au niveau de quatre régions :
-
Une première zone au nord-est, confiée
aux FDS [Forces Démocratiques
Syriennes] inféodées aux États-Unis,
allant de Hasaka jusqu'à
l'Euphrate ; région dont les Kurdes
rêvent pour leur entité autonome.
-
Une
deuxième zone an nord d’Alep,
confiée à la Turquie, allant de la
frontière turque à la ville d’Al-Bab
sur une distance de 75 kms ; région
dont rêvait la Turquie suite à
l’échec de ses projets en Syrie.
-
Une
troisième zone au sud, confiée
ouvertement à la Jordanie et
implicitement à Israël, allant du
Golan, à Daraa puis à Soueïda ;
région dont rêve Israël pour sa
prétendue sécurité.
-
Une
quatrième zone à l’ouest, allant de
la côte jusqu’à Homs, confiée à la
Russie.
Finalement,
un ex-nouveau plan américano-sioniste
dont la cartographie est superposable au
plan de partition de la Syrie sous Obama,
mais plus intelligent et plus perfide.
En effet, le
plan de l’ère Obama ayant été rejeté
avec force aussi bien sur le terrain
militaire que sur le terrain
diplomatique, les États-Unis ou, plus
exactement, les sionistes occupant des
postes sensibles dans l’administration
Trump, pensent pouvoir contenir et
contourner les victoires de l’Armée
syrienne à travers ce nouveau plan de
partition, étant donné qu’il sauvegarde
les intérêts de la Russie, de la Turquie
et d’Israël en Syrie, tout en détruisant
l’unité du peuple et du territoire
syriens, puisqu’il arrache à l’État
syrien sa composante kurde du nord-est
du pays, sa composante alaouite de la
côte ouest, sa composante druze du sud,
et permet à la Turquie de rester
présente dans le nord avec possibilité
d’expansion dans les régions restantes,
une fois que la Syrie aura été privée du
soutien de ses alliés.
Et ceci,
puisqu’une dernière information stipule
l’isolement de l’État syrien par la
sortie de toutes les forces
inacceptables par les nouveaux
gestionnaires de ces zones,
instrumentalisés par les États-Unis.
Autrement dit, la sortie de l’Iran, du
Hezbollah et autres alliés, notamment de
la région sud pour rassurer Israël par
la création d’une zone de sécurité
« internationalement reconnue » dans le
Golan syrien.
Des objectifs
israélo-américains d’une telle ampleur
ne peuvent être atteints que par l’un
des deux moyens suivants : une
résolution du Conseil de sécurité leur
accordant une légitimité internationale
ou une action militaire menée par les
USA et leurs alliés imposant la loi du
plus fort. Mais tant que Trump n’engage
pas ses troupes terrestres comme il l’a
promis, l’unique moyen reste la
bénédiction du Conseil de sécurité ; ce
qui implique de dissuader la Russie de
brandir son veto.
Selon ces fuites,
l’administration Trump pense pouvoir
corrompre la Russie en lui accordant une
zone d'influence non seulement sur la
côte syrienne, mais aussi en
reconnaissant ses intérêts dans toute la
Syrie et toute la région, y compris en
Irak. Que fera la Russie ? Jusqu’ici,
elle a déclaré que la mise en place de
zones sécurisées devrait faire l’objet
d'une étude approfondie en coordination
avec l’État syrien. Lequel a déclaré par
la voix de son ministre des Affaires
étrangères, M. Walid al-Mouallem, que
toutes les tentatives de mise en place
de telles zones sans coordination avec
l’État syrien auraient de graves
conséquences et constitueraient une
violation de la souveraineté du pays.
Quelle serait exactement la coordination
voulue par la Syrie ?
Pour nous,
l’équation est claire : la sécurité est
le fait de l’État, l’insécurité est le
fait du terrorisme. Les vraies zones
sécurisées sont donc celles contrôlées
par l’État syrien et les Syriens n’ont
nul besoin de nouveaux plans conduisant
à la pérennisation de la guerre, mais un
grand besoin de nettoyer leur territoire
du terrorisme, ce qui restituerait la
sécurité.
Par
conséquent, s’il existait une réelle
intention de résoudre radicalement le
problème des réfugiés, il suffirait de
ramener les personnes déplacées dans les
zones où l'État impose la sécurité et de
faire un minimum pour les aider à s’en
sortir humainement, au lieu de continuer
à fournir des armes aux terroristes qui
les ont expatriés.
Nous disons
cela en sachant que ceux qui ont mené
l’agression sur la Syrie n’ont
aucunement l’intention de rendre service
à l’État syrien, de telle sorte qu’il
puisse récupérer sa stabilité en
préservant l’unité de son peuple et de
son territoire. D’où ce plan diabolique
de partition et de partage du butin sous
couverture d’un « projet de zones
sécurisées ».
Projet qui
doit absolument être rejeté pour deux
principales raisons sur lesquelles nous
insistons particulièrement. La première
est qu’il prépare la voie à une
partition réelle et définitive de la
Syrie, rappelant les résolutions ayant
conduit à la partition de la Palestine
et du Soudan ou le fait accompli en
Irak. La deuxième est qu’il vise le rôle
et l’efficacité l’« Axe de la
Résistance » en Syrie et au-delà, afin
qu’Israël et les États-Unis puissent
atteindre certains de leurs objectifs
contre notre région.
Vu ces
dangers, l’unique formule susceptible de
rendre ce projet acceptable serait que
toutes les zones syriennes soient
directement gérées par le gouvernement
syrien, que les États voisins ferment
leurs frontières aux terroristes, et
qu’aucune force militaire étrangère
voisine ou éloignée ne puisse intervenir
sur le terrain sans coopération et
collaboration directes avec le
commandement militaire syrien légitime.
Concernant la
Russie, nous l’invitons à rester
particulièrement vigilante devant ce
plan hypocrite et à empêcher toute
résolution malveillante pouvant masquer
la partition de la Syrie.
Quant à l’Axe
de la Résistance, nous pensons qu’il est
devant une nouvelle phase de
confrontation. En effet, maintenant
qu’il a empêché la chute de la Syrie et
mis en échec le premier plan de sa
partition, il doit se préparer à faire
échouer ce nouveau plan de partition
masquée. Cette fois-ci, ce sera plus
facile suite aux succès militaires
considérables ayant abouti à la
libération d’Alep et à la dispersion du
camp des agresseurs.
Reste à
envisager la tactique de la
confrontation qui devra être menée sur
le plan politique et militaire à la
fois, en commençant par refuser ces
zones sécurisées quelles que soient les
pressions, puis en convaincant les
alliés de les refuser à leur tour et
enfin, en affrontant l’ennemi sur le
terrain avec la certitude de la
victoire.
Car, l’Axe de
la Résistance qui a prouvé sa capacité
et son efficacité face aux affrontements
les plus cruels et qui a accepté tant de
sacrifices, ne peut pas gaspiller les
avancées obtenues au prix du sang de
tant de martyrs, ni tomber dans les
pièges tendus par les
américano-sionistes.
Dr Amin
Hoteit
02/02/2017
Article
traduit de l’arabe par Mouna Alno-Nakhal
Source :
Al-Binaa (Liban)
http://www.al-binaa.com/archives/article/158165
Le Docteur
Amin Hoteit est
libanais, analyste politique, expert en
stratégie militaire, et Général de
brigade à la retraite.
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