Syrie
Genève 2 ou
le cynisme triomphant de l'Occident
Moncef Wafi
Jeudi 23 janvier 2014
Guerre des mots, des priorités et de
tranchées. Genève 2 ressemble à s'y
méprendre à un dialogue de sourds entre
un régime syrien qui se repose sur une
légitimité intérieure et une opposition
en exil appuyée par des puissances dont
les intérêts dans la région convergent
diamétralement. Ouverte hier, en prélude
à des négociations directes et
exclusives entre les deux parties avec
l'arbitrage de l'Algérien Lakhdar
Brahimi, à partir de demain, vendredi,
la conférence de paix en Suisse butte
d'ores et déjà sur l'avenir de Bachar
Al-Assad dans la Syrie de demain.
Pour l'opposition, Riad, Washington,
Ankara et Paris, il est inimaginable
qu'il prenne part au gouvernement de
transition lui déniant cette fameuse
légitimité pour gouverner. Le secrétaire
d'Etat américain John Kerry l'a affirmé
sans ambages déclarant qu'«il est
impossible que cet homme qui a mené une
telle violence contre son propre peuple
puisse conserver la légitimité pour
gouverner». On devine du reste la
réponse de la délégation officielle
syrienne qui ne s'est pas empêchée de
rappeler à l'Américain les droits
internationaux. Comme quoi on se défend
avec les armes qu'on a. Ainsi, les
présents se dirigent droit vers une
impasse politique puisqu'il est fait du
départ du président syrien une condition
sine qua non par l'opposition et ses
alliés.
Si le sort de Bachar Al-Assad plane
au-dessus de Montreux, celui de Genève I
continue d'être au centre des
interprétations des uns et des autres.
Ainsi, Russes et Américains continuent
de s'opposer sur l'interprétation des
principes édictés en juin 2012 lors de
cette conférence. Les seconds parlent de
la formation d'un gouvernement de
transition sans Bachar Al-Assad, ce que
réfutent les Russes et Damas. Pour les
partisans du président, il est
manifestement clair qu'il ne partira
pas, comme l'a si bien martelé le
ministre syrien de l'Information, Omran
Ahed Zohbi. Aucune approche convergente
ne semble être d'actualité pour le
moment et ce point nodal reste la pierre
d'achoppement entre régime et
opposition.
L'autre point de discorde est à chercher
au sein même des délégations
occidentales puisque le menu partage
Paris et Moscou, chacun voyant ses
priorités à la porte de la Syrie.
Emboîtant le pas à John Kerry, le
ministre français des Affaires
étrangères Laurent Fabius a annoncé
fermement que l'objectif de cette
conférence n'était pas d'évoquer le
«terrorisme», mais d'un «gouvernement de
transition». Le chef de la diplomatie
russe, Sergueï Lavrov, et lors de sa
prise de parole en ce premier jour de la
conférence, a rappelé le risque de voir
la Syrie se transformer «en foyer du
terrorisme international». Ce décalage
dans les positions transpire tout le
cynisme des capitales occidentales qui
n'hésitent pas à financer des groupes
djihadistes blacklistés pour renverser
un régime récalcitrant.
La chute d'Al-Assad signifie pour Israël
et ses alliés, Paris, Doha et
Washington, l'affaiblissement militaire
du Hezbollah, seule armée dans la région
capable de tenir tête aux troupes de
Tsahal. Et pour y arriver, on n'hésite
pas à mettre le feu aux poudres et à
plonger tout un pays dans le chaos. La
Libye puis la Syrie qui sera fatalement
aux mains des groupes djihadistes et un
foyer de l'international terrorisme.
Puis, pour prévenir tout danger, les
avions de l'Otan bombarderont ce qui
reste des murs debout de Damas. Le pays
sera peut-être démembré comme en Irak et
les entreprises françaises auront des
marchés à la pelle pour sortir de la
crise économique.
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