Opinion
Le retour du Berlusconi français
Mohsen Abdelmoumen
Photo:
D.R.
Lundi 29 septembre 2014
Whatsupic -- Tenez-vous bien, Nicolas
Sarkozy est de retour en politique.
Cette résurrection politico-médiatique
dans une France exsangue et sans repères
nous rappelle les différents come-back
de Silvio Berlusconi en Italie, tous
deux bénéficiant du meilleur allié
auquel un politicien corrompu puisse
rêver : le vide politique.
Passé maître dans l’art du plagiat,
Sarkozy suit la trace de Berlusconi,
autre dinosaure de la politique
européenne, champion de l’auto
régénération tel un Dracula. Ce n’est
pas le retour de Zorro ou du Jedi, c’est
la réapparition d’un avocat d’affaires
qui s’imagine à nouveau chef d’Etat,
croyant ainsi effacer toutes les
casseroles qu’il trimballe. « Avez-vous
oublié mon tempérament ? » a-t-il dit
récemment dans un discours à ses
ouailles.
Tout le monde sait que la politique
est sale, mais voir Sarkozy surgir à
nouveau relève d’une sorte de
pornographie qui ne dit pas son nom.
L’ancien président qui passe son temps à
faire des conférences à 100 000 euros
pièce pour des thinks tanks dans
lesquels il enseigne comment rouler les
peuples dans la farine, attendait son
heure. La mollesse, l’incohérence et la
perte de crédibilité de François
Hollande lui offrent la planche de salut
dont il avait besoin.
Sarkozy, une âme ténébreuse, n’a
jamais nié son goût pour le pouvoir et a
horreur de se retrouver hors du jeu
politique dans lequel il excelle à
porter des coups bas, y compris à ses
propres mentors comme Balladur et Chirac
envers lesquels il a fait preuve d’une
sauvagerie inégalable. La fidélité de
Sarkozy se mesure à la façon dont il
trahit ceux qui l’ont aidé à gravir les
échelons, à sa faculté de faire main
basse sur de l’argent qui ne lui
appartient pas, allant même jusqu’à
piquer la femme de son meilleur ami,
comme ce fut le cas avec son ex-épouse.
Le pouvoir, seulement le pouvoir,
semble dire cet ex-président qui désire
ardemment retrouver l’Elysée comme on
reprend une ancienne maîtresse avec
laquelle on a passé des heures
inoubliables. On n’a jamais comptabilisé
son bilan catastrophique s’étendant de
l’affaire Karachi et divers
détournements qui ont révélé son vrai
visage jusqu’à l’intervention en Libye
dont il est le principal responsable et
qui a coûté la vie à 90 000 Libyens. En
plus d’être un homme d’affaires véreux,
il a voulu effacer les comptes occultes
du financement de sa campagne de 2007
par Kadhafi en déclenchant une guerre
qui a dévasté la Libye et tout le Sahel,
et dont on continue à goûter les fruits
amers avec des dizaines de milliers de
réfugiés et de morts. Rappelons que la
guerre au Mali n’est que la résultante
de l’intervention de
Sarkozy en Libye. Le chaos libyen
qu’il a initié continue à faire des
ravages au niveau de la région du Sahel
qu’il a réussi à déstabiliser par son
amateurisme politique.
Ce que fut la présidence Sarkozy :
outre la guerre en Libye, une cascade
d’affaires allant des écoutes dites
« fadettes », les affaires Karachi,
Lagarde, Woerth, Betancourt, l’affaire
Bygmalion relative à sa campagne en 2012
pour laquelle a été ouverte une
information judiciaire contre X pour
financements occultes, faux et usage de
faux, abus de confiance, tentative
d’escroquerie, complicité et recel de
ces faits, et j’en passe, en plus d’un
comportement irresponsable avec des
répliques du type « casse-toi pauv’con »
adressé à un citoyen qui refusait de lui
serrer la main lors d’une visite
officielle, attitude grossière montrant
le caractère d’une brute en col blanc.
Collectionneur assidu des affaires en
justice et des gardes à vue, Sarkozy
n’est pas un homme au service du peuple
mais un homme du peuple qui se sert de
celui-ci sans le moindre scrupule. Il
est sans doute opportun pour un avocat
de fréquenter le Palais de Justice, mais
de là y élire domicile, cela pose un
problème qui a tout à voir avec la
voyoucratie. Or, quand des voyous
règnent sur des pays, cela ne peut
qu’être catastrophique pour toute la
planète.
Se portant comme alternative à un
grave déficit de personnalités à gauche
comme à droite,
Sarkozy compte se représenter en
2017 afin de bloquer la montée du Front
National qui constitue un réel danger
pour la droite et pour la gauche
classique et caviar tout à la fois. Mais
que faire de l’ardoise salée que Sarkozy
a laissée derrière lui ? Compte-t-il
rembourser le sang versé durant son
mandat et les trous qu’il a faits dans
la caisse avec un concert de son épouse
ou une exhibition de mannequinat de
Carlita ?
Quand Sarkozy évoque son tempérament,
n’oublie-t-il pas que l’exercice de
l’Etat ne se résume pas aux états d’âme
des uns et des autres, mais plutôt aux
engagements politiques que devraient
tenir un chef d’Etat ? Ce qui est loin
d’être le cas, puisqu’il n’a honoré
aucun point de son programme lorsqu’il a
été élu en 2007, ainsi sa promesse
d’ouvrir des usines que les Français
attendent toujours. Il a promis
tellement de choses à la population
française qui sait maintenant qu’il
n’est qu’un vulgaire bonimenteur
opportuniste. Les paroles ne suffisent
qu’à enflammer une plèbe, la faire rêver
le temps d’un discours et ensuite...
bonjour le cauchemar !
Cet ex-président qui devrait être
jugé comme Bush et Blair pour leur
intervention désastreuse en Irak, ne
manque pas de culot en voulant se
présenter à nouveau pour diriger la
France qui, rappelons-le, est en guerre
dans plusieurs pays. Est-ce qu’un néocon
français à l’Elysée arrangerait les
choses ? Certainement pas. Le sieur
Sarkozy, ce voyou de la République
au comportement indigne d’un président,
cherche certainement à récupérer son
immunité pour échapper à la justice,
comme ce fut le cas pour Berlusconi,
grand amateur de « bunga bunga ».
Tous deux partagent le même profil,
honnissant la justice indépendante et
affichant une aversion profonde pour les
juges indépendants. Si Berlusconi a eu
son RubyGate,
Sarkozy a son KadhafiGate et on lui
souhaite le même sort que son alter ego,
à savoir se retrouver à la fin du
scénario, obligé à réaliser des travaux
d’intérêt général en changeant les
couches des vieux pensionnaires atteints
de l’Alzheimer dans les maisons de
repos, pour la gloire de la République.
Tempérament ou pas, ramasser les
poubelles des hospices ne demande pas
beaucoup de charisme, il faut juste que
cet enfant gâté de la politique apprenne
une fois dans sa vie à travailler à la
sueur de son front et à produire quelque
chose. Ce mauvais garçon de la politique
française a cru trouver le Saint Graal
en étant affreux, sale et méchant, ne
comptant que sur le fric et en
exploitant les vieilles milliardaires.
Il s’est cru marié avec Marianne pour
toujours, or il doit se contenter de
Carla Bruni avec sa guitare qui lui
susurre chaque soir à l’oreille, dans
leur pavillon luxueux de Neuilly, bien
loin du chômage et de l’austérité qui
sont le lot quotidien des citoyens de
France : « je me voyais déjà en haut de
l’affiche... ». La France après avoir eu
son président « normal » va-t-elle
amorcer un autre processus en ayant son
président « anormal » ? Le retour en
politique de
Sarkozy nous prouve que nous sommes
effectivement dans un monde paranormal.
Publié le 29 septembre 2014 avec l'aimable
autorisation de l'auteur
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