Algérie Résistance
L’Amérique, ennemi public mondial numéro
un,
une interview avec le Dr. Gary Brumback
Mohsen Abdelmoumen
Dr. Gary
Brumback. DR.
Vendredi 28 octobre 2016
English version here:https://mohsenabdelmoumen.wordpress.com/2016/10/28/america-the-worlds-public-enemy-number-one-an-interview-with-dr-gary-brumback/
Mohsen Abdelmoumen : Comment
expliquez-vous la longue histoire de
l’interventionnisme américain ? Quelle
est votre analyse ?
Dr. Gary Brumback :
« Interventionnisme » est vraiment un
terme approprié. Cela couvre beaucoup de
territoire, c’est exactement ce qu’a
fait l’Amérique avant même qu’elle soit
devenue une nation il y a 240 ans. Les
États-Unis sont habituellement
interventionnistes. Sur le plan
intérieur, c’est sous la forme de
fascisme, ou un État policier, qui
piétine les droits de l’homme. Sur le
plan international, c’est sous la forme
de l’impérialisme militariste.
Dans les deux formes, l’intervention est
toujours l’exploitation des faibles et
de ceux qui n’ont pas de pouvoir,
souvent violente, destructrice et
mortelle (d’innombrables millions de
personnes dans de nombreux pays ont été
tuées directement et indirectement par
des guerres apparentes et cachées des
États-Unis).
Les racines de l’interventionnisme
américain peuvent remonter à la
Révolution américaine et ses antécédents
(par exemple, l’importation des esclaves
d’Afrique). Les ploutocrates qui
allaient bientôt être intronisés comme
nos « pères fondateurs » voulaient
remplacer la loi du roi George et sa
corpocratie (ndlr : néologisme =
gouvernance d’entreprise), par exemple,
sa société des Indes orientales, avec
leur propre version d’origine locale de
corpocratie américaine, que je décris
comme le mariage du diable entre les
sociétés puissantes et le gouvernement
qui est devenu rapidement corrompu car
endetté et donc contrôlé par les
entreprises américaines.
Ces « pères fondateurs » devraient
être condamnés plutôt qu’idolâtrés. Un
examen objectif de l’histoire les révèle
comme des « élites hypocrites et cupides
qui… ont entrepris de mettre en place un
gouvernement qui pourrait affaiblir le
plus grand nombre et donner le pouvoir
au plus petit nombre » (citation tirée
du livre la Révolution américaine d’Alan
Taylor, paru dans une revue new
yorkaise). Précisément ! Ce gouvernement
a débuté et a toujours été pour les
entreprises américaines, pas pour le
peuple. En outre, la corpocratie de
l’Amérique devrait être considérée comme
« l’ennemi public numéro un », l’ennemi
du peuple américain et du monde
(l’opinion mondiale voit les États-Unis
comme la plus grande menace à la paix
mondiale).
Il n’y aurait jamais eu sans aucun
doute d’interventionnisme américain, au
moins de façon hostile, violente, donc,
sans la bureaucratie et ses cinq
éléments : l’élite du pouvoir, les
courtisans et les idéologues, les
fonctionnaires et les complices actifs.
Les complices inactifs sont un autre
élément, mais en dehors de la
corpocratie.
La population de l’élite au pouvoir
est infiniment petite par rapport à la
population totale des États-Unis.
L’élite au pouvoir se compose des
dirigeants de la plupart des industries
(en particulier la défense et la guerre,
et les industries connexes), les
associations majeures de commerce, les
grandes institutions financières
(derrière chaque guerre, il y a un
banquier), les dirigeants des sociétés
de médias grand public, le Président des
États-Unis et des sièges de guerre liés
à des commissions du Congrès, des chefs
militaires et des membres-clés du
gouvernement de l’ombre (par exemple la
CIA); et la Cour suprême des États-Unis
; oui, même cette dernière est un pion
de l’Amérique des entreprises.
Les courtisans et les idéologues sont
des conseillers influents et des
stimulants zélés tels que le Defense
Policy Board, l’Institut Brookings et le
National Endowment for Democracy qui a
récemment appelé pour que les États-Unis
renversent le président russe Vladimir
Poutine.
Les fonctionnaires sont les millions
de personnes au sein du gouvernement et
de l’industrie qui effectuent tous les
jours le sale boulot de
l’interventionnisme, y compris les
activités continues de guerre ouvertes
et secrètes.
Les complices actifs sont des
individus, des organisations ou des
groupes qui donnent une assistance aux
activités liées à la guerre. Ils offrent
une assistance délibérée, rarement
reconnue, sous une forme ou sous une
autre. Ils incluent des investisseurs
dans les entreprises américaines, la
plupart des organisations non
gouvernementales qui se nourrissent du
gouvernement et du financement des
entreprises, « les façonneurs de
comportement » (par exemple, les think
tanks bellicistes, chefs religieux,
éducateurs, entreprises publiques,
journalistes va-t-en guerre), certaines
professions, en particulier la
profession juridique, et de nombreuses
sciences physiques et sociales (par
exemple, le récent soutien actif de la
direction de l’American Psychological
Association dans la torture des
prisonniers de Guantanamo).
Les complices inactifs sont les
spectateurs « innocents » ou
« silencieux » de l’Amérique qui ne se
sont jamais prononcés de façon
significative contre ou n’ont jamais
protesté activement la corpocratie, en
particulier sa fabrication de guerres.
Pendant ma carrière, j’ai honte de dire
que je faisais essentiellement partie de
cet élément, en gardant mes
protestations la plupart du temps en
sourdine.
Ma réponse jusqu’à présent n’explique
pas vraiment le comportement des gens à
l’intérieur de la corpocratie. Pourquoi,
par exemple, les gens réels de l’élite
du pouvoir font ce qu’ils font ? Il y a
longtemps que j’ai développé une
équation non mathématique pour expliquer
le comportement humain. Remplir les deux
côtés de l’équation explique très bien
le comportement des membres de la
corpocratie. Je vais illustrer son
utilisation en répondant à la troisième
question.
Les États-Unis sont-ils un
État ou est-ce une machine de guerre
pilotée par le complexe
militaro-industriel ?
Les États-Unis sont une corpocratie
contrôlée principalement par les
entreprises américaines, et non par son
gouvernement laquais. Le complexe
militaro-industriel est une partie
importante de la corpocratie quand il
s’agit de faire cliqueter les sabres et
de mener des guerres ouvertes et
secrètes.
À quoi sert un président aux
États-Unis si le véritable décideur est
le complexe militaro-industriel ?
Tous sauf deux présidents dans
l’histoire des États-Unis ont été des
« guerriers-en-chefs » (les deux
moururent peu après leur entrée dans le
bureau). Aucun d’entre eux n’a été un
décideur en « solo », et certains plus
que d’autres ont été plus soumis au
reste de l’élite au pouvoir. Le
président Obama, par exemple, est
considéré par certains observateurs
comme la « plus grande marionnette » de
tous les présidents. JFK était
probablement le moins prêt à céder quand
il a appris davantage des machinations
de son gouvernement de l’ombre et cette
révélation et son défi à la C.I.A. lui a
coûté la vie (il existe des preuves pour
me convaincre qu’il a été assassiné
selon un schéma de la CIA concocté par
le directeur de la CIA Allen Dulles et
d’autres).
Dans mon livre, America’s Oldest
Professions: Waring and Spying (les
plus anciennes professions de
l’Amérique: faire la guerre et
espionner), j’examine les équations
humaines des deux plus récents
guerriers-en-chefs, Bush et Obama. Le
côté droit de cette équation comporte
deux parties, le comportement et ses
conséquences. Nous savons tous trop bien
les détails de leur comportement, y
compris leurs décisions et leurs
conséquences. Passons brièvement aux
deux entrées sur le côté gauche de
l’équation, la personne et les
situations de la personne, et les
énumérer pour le président Obama, en
commençant par Obama la personne. La
preuve abondante pour appuyer la liste
est citée dans mon livre.
Obama la personne: a) de sexe
masculin, comme l’ont été tous ses
prédécesseurs, et les hommes ont
tendance à être d’un genre plus
dominateur et agressif ; b) son
expérience : les parents d’Obama
auraient été à la solde de la CIA, et
l’agence aurait « financé ses études
collégiales et lui aurait donné son
premier emploi » par la suite et, une
fois dans le bureau ovale, il est cité
comme ayant dit que « la CIA obtient
tout ce qu’elle veut » ; et c) sa
personnalité : ambitieux, moralement
sans principes, narcissique, psychopathe
(une caractéristique trouvée chez tous
les présidents des États-Unis), étroit
d’esprit, sa conviction que l’Amérique
est un pays exceptionnel, et égoïste.
La situation d’Obama: a) sa position
séduisante en tant que président; b) la
taille énorme, le poids du gouvernement;
c) sa structure organisationnelle
hiérarchique qui prend des décisions
ignobles facilement ; d) sa culture
organisationnelle pathologique et celle
de la société en général (par exemple,
le mâle dominateur, le patriotisme
cocardier) ; e) les encouragements
renversés (par exemple, il est
récompensé plutôt que d’être poursuivi
pour ses bombardements de drones) ; f)
le meilleur ou le pire des temps (il
peut utiliser l’un ou l’autre pour aider
à justifier ce qu’il fait) ; g) des
attraits mondiaux (par exemple, tout ce
pétrole à saisir); et enfin h) la
corpocratie qui engloutit et fait
pression sur lui.
Il est clairement et abondamment
évident, d’après les deux listes,
qu’Obama, comme tous les êtres humains,
n’est pas le seul responsable de ce
qu’il fait. Un de mes dictons est
qu’ »il faut être deux pour mal faire »
(par exemple, les deux catégories
d’éléments). Mais ne pas être le seul
responsable ne devrait pas l’immuniser,
ainsi que tout autre être humain, d’être
responsable de méfaits de toutes
natures.
Vous tirez sans cesse la
sonnette d’alarme dans vos écrits, comme
par exemple dans votre livre The Devil’s
Marriage: Break Up the Corpocracy or
Leave Democracy in the Lurch où vous
faites un constat accablant. Ne
vivons-nous pas la faillite totale du
système capitaliste et son stade suprême
l’impérialisme et quelle est à votre
avis la véritable alternative à ce
système moribond ?
En fait, j’ai écrit mes « conclusions
les plus accablantes » dans un chapitre
intitulé « America’s Future: Brighter or
Bleaker » (L’avenir de l’Amérique: plus
lumineux ou plus sombre) dans la suite
de mon livre, America’s Oldest
Professions. Après avoir énuméré
plus de 30 « sadtistics » (ndlr :
statistiques négatives) représentant ce
que la corpocratie a infligé à
l’humanité nationale et internationale
pendant des années (par exemple, la
spirale de la pauvreté, le chômage, des
guerres sans fin et d’autres
interventions destructrices et
mortelles), je décris cinq scénarios
futurs possibles pour l’Amérique si la
corpocratie poursuit son chemin ruineux
: 1) un État défaillant et au-delà, 2)
une révolution armée (que je n’ai jamais
approuvée parce que nos policiers
militarisés et l’armée pourraient la
pulvériser et parce que la violence
n’est jamais une alternative viable ou
moralement juste), une escalade de
retours de flamme des ennemis que les
États-Unis ont créés, 4) des
catastrophes mondiales sous une forme ou
une autre, comme une catastrophe
climatique, et enfin 5) et je dis bien
« enfin », l’Apocalypse. Les cinq ne
sont pas nécessairement mutuellement
exclusifs ou consécutifs.
J’ai écrit abondamment concernant
votre question au sujet de notre vie
dans un système capitaliste et que je
vois comme une alternative viable. Dans
the Devil’s Marriage (le mariage du
Diable), par exemple, je propose en
détail une forme alternative du
capitalisme que j’appelle le
« capitalisme socialement responsable ».
Le « père » putatif du capitalisme, Adam
Smith, était un philosophe moral qui
aurait reculé à l’idée même de la
corpocratie et de son capitalisme, car
il pensait que les sociétés émergentes
de son temps représentaient des menaces
émanant de leur durée de vie illimitée :
taille illimitée, pouvoir illimité, et
liberté illimitée. Le bon type de
capitalisme serait beaucoup mieux qu’une
économie contrôlée par l’État, ou le
socialisme.
Vous dites dans un de vos
écrits que les États-Unis sont un État
fasciste. Y a-t-il en ce moment un
gouvernement en Occident qui peut se
prétendre démocratique ? N’est-ce pas
plutôt une ploutocratie qui gouverne aux
États-Unis et chez leurs alliés
occidentaux ?
Il existe en effet certains pays
occidentaux qui sont démocratiques, pas
corpocratiques. L’Islande et les pays
scandinaves pourraient certainement en
être qualifiés. Ma famille et moi avons
récemment visité l’Islande, par exemple,
et j’ai été tellement impressionné que
j’ai écrit un article publié dans
plusieurs sites intitulé « Iceland,
an Exemplary Nation in a Troubled World »
(L’Islande, une nation exemplaire dans
un monde troublé). J’ai comparé les
vertus de l’Islande aux vices de
l’Amérique (voir par exemple :
Dissident Voice du 19 août,
OpEdNews du 20 août, The
Greanville Post du 24 août, ou
Uncommon Thought Journal du 24 août
2016). Dans son merveilleux livre « The
Real Wealth of Nations » (La vraie
richesse des nations) sur lequel je me
suis appuyé abondamment en écrivant
« The Devil’s Marriage », Riane Eisler
écrit à propos de la haute qualité de
vie dans les « pays nordiques ».
Ma réponse à la deuxième partie de
votre question est que la ploutocratie
que vous mentionnez définit
essentiellement la corpocratie de
l’Amérique.
Comment expliquez-vous le
niveau très bas des débats entre les
candidats Trump et Clinton à l’élection
de la présidence des États-Unis ?
N’assiste-t-on pas à une téléréalité
dont l’acteur principal est Hillary
Clinton ?
Ma réponse à la première partie de
votre question est que le « faible
niveau des débats » est entièrement
prévu en raison du faible niveau des
candidats. Quant à la deuxième partie,
la téléréalité joue en effet entre les
mains de Killery (ndlr : jeu de mots
entre Hillary et killer = tueur).
Pourquoi à votre avis, les
néocons et les différents lobbies très
puissants tels que l’AIPAC et le
complexe militaro-industriel veulent-ils
coûte que coûte voir Hillary Clinton à
la Maison Blanche, alors qu’elle a des
problèmes de santé, voire des problèmes
de santé mentale ?
Ils veulent Killery parce qu’elle
répond à leurs besoins, quel que puisse
être son état de santé.
Pourquoi les décideurs
occidentaux continuent-ils de considérer
la Russie comme un ennemi ?
La corpocratie, en particulier son
complexe militaro-industriel, a besoin
d’ennemis afin de faire des profits et
de se développer. La Russie, qui en fait
a vaincu Hitler, pas les États-Unis, a
été le faire-valoir américain depuis la
fin de la Seconde Guerre mondiale.
Truman a largué les bombes atomiques sur
le Japon pour effrayer la Russie.
Pensez-y un moment. Le seul chef d’État
à avoir jamais largué des bombes
nucléaires sur des zones peuplées était
un président des États-Unis, et c’était
totalement inutile. Le Japon aurait été
vaincu sans l’acte nihiliste de Truman
et il le savait.
Comment expliquez-vous
l’uniformité des médias dominants, leur
conformisme et leur soumission à
l’empire ? Cela s’explique-t-il
seulement par l’influence de l’argent
sur les médias ?
Les médias traditionnels sont d’abord
les hérauts de leurs propriétaires, une
poignée de grandes entreprises, et
d’autre part la propagande du
gouvernement. Cela explique parfaitement
pourquoi les médias traditionnels dupent
le grand public tous les jours.
Pensez-vous que les médias
alternatifs sont un acquit dans le
combat contre l’empire ?
Oui, mais c’est un avantage limité.
Ils fournissent des rapports objectifs
et des analyses, mais ils n’essaient
pas, pour autant que je sache, de
susciter des initiatives pour mettre un
terme à l’interventionnisme impérialiste
sans fin.
Face à l’offensive
ultralibérale, comment expliquez-vous
l’absence d’une riposte sérieuse des
mouvements progressistes à travers le
monde ?
Je ne sais pas ce qu’est une
offensive ultra libérale. Les étiquettes
politiques n’ont pas de signification
claire et cohérente. En ce qui concerne
les mouvements progressistes, il n’y a
jamais eu en Amérique un mouvement de
quelque nature que ce soit qui ait
réussi à atteindre un objectif
important. Le mouvement anti-guerre du
Vietnam, par exemple, n’a pas été la
cause réelle de la fin de la guerre
américaine. En outre, le gouvernement a
fini le projet habilement ainsi il n’y
aurait plus de mouvements anti-guerre de
quelque importance.
Sommes-nous à l’abri d’une
guerre totale ?
Nous ne sommes absolument pas à
l’abri d’une guerre totale, nucléaire ou
non nucléaire. Au contraire, nous sommes
la principale cause de la guerre. De
plus, il y a des experts avisés qui
croient sérieusement que les États-Unis
progressent vers un conflit nucléaire
avec la Russie en provoquant constamment
celle-ci.
Interview réalisée par Mohsen
Abdelmoumen
Qui est le Dr. Gary Brumback
?
Le Dr. Gary Brumback est un
psychologue à la retraite et membre de
l’Association psychologique américaine
et de l’Association pour la science
psychologique. Il est l’auteur de
plusieurs ouvrages, dont les plus
pertinents pour cet article sont The
Devil’s Marriage: Break Up the
Corpocracy or Leave Democracy in the
Lurch (Le mariage du diable : biser
la Corpocratie ou laisser la démocratie
en plan) :
http://tinyurl.com/nsrjubn ;
America’s Oldest Professions: Warring
and Spying (Les plus vieux métiers
de l’Amérique : faire la guerre et
espionner) :
http://tinyurl.com/n9ew856 ; et
Corporate Reckoning Ahead :
http://tinyurl.com/npkqzpo.
Son site web :
http://democracyorcorpocracy.blogspot.be/
Published in English in American
Herald Tribune, October 26, 2016:http://ahtribune.com/us/1290-gary-brumback.html
In English in Dissident Voice:http://dissidentvoice.org/2016/10/america-the-worlds-public-enemy-number-one/
In Oximity:https://www.oximity.com/article/L-Am%C3%A9rique-ennemi-public-mondial-1
Reçu de l'auteur pour
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