Algérie Résistance
Dr. Peter Hudis : « La conscience de la
non-viabilité du capitalisme augmente
chaque jour qui passe »
Mohsen Abdelmoumen
Dr. Peter
Hudis DR
Vendredi 25 août 2017
English version here
Mohsen Abdelmoumen :
Vous avez écrit le livre pertinent «Frantz
Fanon, le philosophe des barricades».
Pourquoi un tel intérêt à l’œuvre de
Fanon ?
Dr. Peter Hudis : Il
y a en effet un renouveau d’intérêt pour
le travail de Fanon au cours des
dernières années (mon livre n’est qu’un
parmi ceux qui sont parus). Je pense
qu’il y a deux raisons à cela. La
première est que l’objectif change dans
le capitalisme mondial, qui génère une
discrimination raciale et un racisme à
grande échelle. Le racisme, et surtout
le racisme anti-noir, n’est pas nouveau
dans le capitalisme, comme le montre
l’histoire des États-Unis, les relations
de classe ont été façonnées par des
facteurs raciaux depuis la naissance du
projet colonial. C’est pourquoi toute
analyse «purement de classe» échoue
toujours lorsqu’elle est appliquée à la
société américaine.
Ce qui est devenu de plus en plus
évident, cependant, c’est que la
structuration raciale de classe et des
relations sociales n’est ni une question
d’histoire ancienne ni restreinte aux
Amériques. À mesure que le capitalisme
devient de plus en plus mondialisé, il
repose de plus en plus sur les
déterminations raciales pour stimuler
l’accumulation du capital, diviser la
classe ouvrière et détourner l’attention
des crises qui affligent la société
existante. L’Europe est un cas clair,
qui connaît une croissance massive du
sentiment raciste, mais le problème
n’est en aucun cas limité à l’Europe. La
deuxième raison de l’intérêt renouvelé à
Fanon est l’effort, surtout par les
personnes de couleur, de résister à ce
racisme résurgent. Le fléau des abus de
la police, l’entassement dans les
prisons des pauvres et des chômeurs, et
la discrimination à l’égard des
immigrés, pousse une nouvelle génération
à rechercher des sources théoriques qui
peuvent aider dans l’effort de lutter
contre ces conditions. En tant que
principal critique de la race et du
racisme de l’ère post-seconde guerre
mondiale, il est logique que Fanon soit
de nouveau un pôle d’attraction, surtout
pour les jeunes.
Peut-on dire que la pensée de
Frantz Fanon est incontournable dans la
compréhension du monde actuel, notamment
avec ses variantes de classe, race et
genre ?
Oui, je le pense. Si vous revenez 40
ou 50 ans en arrière, vous verrez que
beaucoup de gens s’intéressaient à Fanon
en tant qu’apôtre de la révolution du
Tiers-Monde, voyant en lui une source
vitale pour comprendre les horreurs du
colonialisme et la nécessité pour les
peuples colonisés de prendre les armes
contre lui. Ensuite, il y a environ 20 à
30 ans, une nouvelle sorte d’intérêt
envers Fanon a émergé, principalement
dans le milieu universitaire qui a
cherché à s’approprier certaines de ses
idées tout en les dépouillant de leur
contenu révolutionnaire. Beaucoup de
partisans de la théorie postcoloniale
avaient depuis longtemps abandonné toute
notion de révolution ou de transcender
le capitalisme, et ont vu sa pertinence
principalement dans ce qui a trait à sa
vision sur les questions relatives aux
études culturelles. Certains de leurs
travaux contiennent des idées
intéressantes, mais dans quelle mesure
Fanon en aurait été intéressé est une
question de débat. En tout cas,
l’intérêt d’aujourd’hui pour Fanon est
très différent. Il est revenu dans le
débat politique à propos des problèmes
réels de transformation sociale, en
particulier le rapport de race et de
classe.
Fanon est essentiel, à mon avis, pour
comprendre ce problème. Il n’a pas
considéré le racisme comme une partie
inhérente de la condition humaine ou
comme un phénomène culturel propre à
«l’Occident». Il considérait le racisme
anti-noir comme un projet du capitalisme
qui, naturellement, était initialement
survenu en Occident. Il n’était pas un
essentialiste de la race, mais il est
parvenu à une compréhension des
impératifs économiques du capitalisme
qui ont conduit et continuent à conduire
à l’injustice raciale. Sur ce point, il
était clairement redevable à Marx, et
mon livre tente de rétablir le contexte
marxiste du projet Fanonien. Mon
objectif n’est pas de participer à une
version de l’impérialisme épistémique en
attachant Fanon à une figure «européenne
blanche». Il s’agit plutôt de définir
comment sa pensée peut nous aider à
tracer notre chemin à travers les
relations complexes entre race et
classe.
Mais nous n’avons toujours pas abordé
ce qui rend Fanon fondamental, car il y
en a beaucoup d’autres qui ont relié le
racisme aux impératifs économiques du
capitalisme. Ce qui fait que Fanon se
démarque, c’est qu’il ne s’arrête pas
aux racines économiques du racisme, mais
explore comment le racisme se développe
de façon incontrôlée dans la vie
intérieure de l’individu. Son
exploration de la façon dont le racisme
nous amène à «voir» les autres de
manière à ne pas les considérer
véritablement comme des êtres humains
révèle les tendances et les choix
inconscients qui mènent souvent le
comportement humain. Et sa compréhension
de l’impact de se voir refuser la
reconnaissance en raison de sa race ou
de son origine ethnique – comme on le
voit dans sa discussion sur l’oppression
intériorisée et le complexe
d’infériorité qui accompagnent souvent
la discrimination raciste – capte la
dynamique des relations
interpersonnelles que peu d’autres ont.
L’originalité de Fanon consiste à
étudier ensemble les aspects économiques
et psychologiques de l’oppression
raciste, tout en ne privilégiant pas le
premier sur le dernier. Il va ainsi bien
au-delà de Marx et de beaucoup d’autres
dans la tradition radicale, qui ne se
sont pas consacrés à explorer cette vie
intérieure de l’aliénation raciale.
Cela dit, Fanon n’a pas essayé de
développer une théorie de l’aliénation.
Son souci était de développer une
théorie de la désaliénation
(sur cette question, Marx et Fanon
étaient sur la même longueur d’ondes).
C’est-à-dire qu’il était surtout
préoccupé par la façon dont la victime
du racisme transcende les structures
psychiques qui inhibent l’expression de
leur potentiel humain. Cet effort pour
réaliser un nouvel humanisme à partir de
la lutte contre un monde déshumanisé est
le thème central de tous ses travaux –
qu’il s’agisse de Peau noire et
masques blancs qui explore le
problème à un niveau plus individuel, ou
Les Damnés de la Terre qui le
fait à partir d’un niveau plus social.
Ceci est d’une énorme importance pour
aujourd’hui, puisque la tendance des
luttes de liberté pour empêcher à court
terme l’affirmation d’un nouvel
humanisme s’est révélée être l’un des
problèmes centraux entravant le
développement d’une alternative
anticapitaliste viable.
Fanon nous offre moins de conseils
quand il s’agit de questions de genre,
bien que des travaux importants aient
été faits par des théoriciens féministes
en appliquant sa critique de
l’oppression intériorisée et des
complexes d’infériorité aux réalités
éprouvées par les femmes.
L’engagement anticolonialiste
de Frantz Fanon, notamment en Algérie,
est très important dans sa vie et dans
son œuvre. L’Algérie, qui a été la
Mecque des révolutionnaires, est en
train de subir en ce moment un assaut
néocolonialiste de la part de l’ancienne
puissance coloniale la France et de ses
relais de la bourgeoisie compradore. Ne
pensez-vous pas que sauvegarder
l’indépendance de l’Algérie et la
consolider est la meilleure manière de
rendre hommage aux idées, au combat et
au sacrifice de cet homme et de ses
camarades algériens ?
Certes, la sauvegarde de l’Algérie
contre les ravages du néocolonialisme
revêt une importance vitale et une chose
à laquelle Fanon s’intéressait lui-même
très profondément. On peut même dire que
c’est sous-jacent dans son dernier livre
Les Damnés de la Terre. Je
pense qu’il serait aussi préoccupé par
les ravages produits par le
fondamentalisme islamique et les efforts
des puissances impérialistes qui
prétendent s’y opposer tout en
diabolisant l’islam dans son ensemble.
Il ne faut pas oublier que son épouse,
Josie Fanon, qui est restée à Alger
après sa mort, s’est suicidée en réponse
à la sauvagerie de la guerre civile
entre le gouvernement algérien et le FIS
en 1989.
Cela dit, la meilleure façon de
rendre hommage aux idées de Fanon est de
prendre au sérieux et de réaliser
aujourd’hui ses efforts pour tracer un
chemin vers l’avant pour le continent
africain qui ne s’arrête pas à la phase
de développement bourgeois-nationaliste.
L’indépendance est pour Fanon une étape
vitale mais une première étape dans la
lutte pour la libération ; c’est une
condition nécessaire mais insuffisante
pour réaliser les objectifs des masses
anticolonialistes. Une grande partie des
Damnés de la Terre est une
méditation sur la façon dont les
révolutions africaines peuvent et
doivent transcender les limites de la
bourgeoisie nationale qui a pris le
pouvoir après le départ des
colonialistes. Il ne voulait pas que
l’indépendance soit gagnée au prix de
voir les masses souffrir aux mains d’une
nouvelle élite pendant des décennies
d’oppression et d’appauvrissement ; il
voulait plutôt que l’indépendance
nationale serve de catalyseur pour créer
un véritable socialisme de base –
quelque chose qui n’existait nulle part
dans le monde à l’époque, a-t-il confié.
Cette dimension de son travail, je
crois, est devenue plus pertinente
aujourd’hui que jamais, puisque
l’incapacité d’imaginer et de développer
une telle alternative a créé un vide
politique et social qui est rempli par
l’intégrisme religieux réactionnaire.
Ce dernier ne sera pas vaincu par
l’intervention impérialiste des
États-Unis et de l’Occident – mais il
convient de noter qu’aujourd’hui, nous
sommes confrontés au danger de multiples
impérialismes et sous-impérialismes,
comme le rôle de la Russie et de l’Iran
dans l’élimination de la résistance à la
dictature d’Assad en Syrie le montre
clairement. Il ne peut être vaincu que
par des masses de personnes qui
possèdent une vision complètement
différente de la libération.
Votre livre très intéressant
«Le concept de Marx de l’alternative
au capitalisme» s’inscrit dans une
pensée post capitaliste. D’après vous,
avec quels outils peut-on aujourd’hui
affronter le système capitaliste sachant
qu’il n’y a pas de forces d’encadrement
révolutionnaires anticapitalistes
efficaces ?
Je ne dirais pas qu’il n’y a pas de
forces anticapitalistes efficaces sur la
scène aujourd’hui ; elles existent, mais
elles font face à des barrières
redoutables. Je ne m’attarderai pas ici
sur les facteurs externes : la
répression, la censure et les efforts
des pouvoirs visant à marginaliser les
mouvements sociaux. Ils sont très
importants, mais ce que je souhaite
aborder, ce sont les barrières internes.
Je vais essayer d’illustrer le
problème de cette façon : à maintes
reprises, nous entendons les critiques
sur les horreurs du «Néolibéralisme» –
et pour une bonne raison. Son imposition
de l’austérité, de la privatisation et
de l’inégalité est horrible. Mais
pourquoi le «néolibéralisme» est-il si
souvent attaqué au lieu de nommer le
coupable en tant que capitalisme ? Après
tout, le capitalisme existait longtemps
avant que le néolibéralisme n’entre dans
la scène dans les années 1970, et il
existera après sa disparition. Et comme
le montre l’élection de Trump ainsi que
les développements en Europe (surtout en
Hongrie et en Pologne), une partie
importante de la bourgeoisie mondiale
est pleinement disposée à abandonner le
néolibéralisme en faveur des modèles de
développement nationaux-capitalistes
xénophobes. Alors pourquoi l’engouement
de parler du néolibéralisme quand il
tend déjà à disparaître de la scène ?
La réponse est simple: «toute
détermination est une négation», comme
l’a dit Spinoza. L’acte de critiquer
implique une négation déterminante,
c’est-à-dire qu’un négatif implique un
positif. Si vous attaquez le
néolibéralisme, la question immédiate
est «quelle est l’alternative?» Une
réponse facile est prête : le
keynésianisme ! C’est, après tout, le
contraire du néolibéralisme. Et en
effet, quand vous pressez la plupart des
critiques du «néolibéralisme» quant à ce
qu’ils mettent en avant pour le
remplacer, ils avancent une série de
propositions pour réinventer
l’État-providence keynésien. Maintenant,
je n’ai aucun problème avec certaines
des propositions spécifiques, moi aussi
je voudrais voir un système de santé à
une seule caisse aux États-Unis. Mais en
dehors du fait que le système keynésien
est une forme de capitalisme et ne pose
donc aucun défi fondamental, les appels
à revenir à l’ancien État-providence
libéral sont complètement chimériques.
Le keynésianisme a surgi en réponse à un
ensemble spécifique de conditions dans
les années 1930 et 1940 qui n’ont plus
cours. Il n’est plus abordable compte
tenu des niveaux d’endettement massifs
du capital mondial et, le plus
important, la baisse persistante des
taux de profit qui l’ont défini depuis
les années 1970. En somme, l’ère du
libéralisme progressiste est morte et
elle ne reviendra pas.
Un signe frappant de cela est que même
lorsque les gouvernements de gauche au
pouvoir s’opposent au capitalisme, comme
Syriza en Grèce, ils abandonnent leur
position radicale dès qu’il est temps de
mettre en œuvre des politiques.
Alors, pourquoi plus de personnes ne
ciblent-elles directement le capitalisme
plutôt qu’une expression épiphénoménale
de celui-ci ? La réponse à celle-ci est
simple aussi: si vous attaquez le
capitalisme, vous devez parler de son
contraire, le socialisme. Mais c’est
très difficile à faire. Une des raisons
est que beaucoup penseront que vous
voulez dire social-démocratie ou
stalinisme, donc vous devez tout de
suite proposer une meilleure définition
(après tout, seul un dinosaure ou un fou
est prêt à répéter ces échecs). Mais
comment trouver une meilleure définition
du socialisme sans parler de platitudes
et de généralités ? Le problème est que
beaucoup sont habitués à penser au
socialisme en termes juridiques, tels
que l’abolition de la propriété privée
et l’anarchie du marché ou une «juste
répartition équitable de la valeur»
(comme si vous ne pouviez pas avoir le
capitalisme en leur absence) ; ce qu’ils
peuvent proposer comme réponse est… le
keynesianisme ! Écoutez comment les
personnages les plus en vue de la gauche
discutent aujourd’hui du «socialisme»,
et vous découvrez tout de suite qu’ils
recyclent des recettes keynésiennes. On
ne pourrait jamais les entendre dire
qu’il y a une logique du capital qui
doit être ciblée, contestée et niée.
Ce qui signifie que la seule façon de
discuter du cœur de la matière – la
logique du capital, qui apporte une
telle destruction sur notre planète –
est de se préparer à discuter de
l’alternative à la logique du capital.
Et il n’y a pas beaucoup de gens qui
font cela.
C’est ici que mon livre arrive.
Partout où je vais dans le monde (et je
voyage assez souvent), j’entends la même
préoccupation exprimée par les
militants : «Nous avons clairement
besoin d’une alternative au capitalisme,
mais il est devenu si difficile de
définir ou de discuter du socialisme».
Il y a un accord implicite mettant en
équation le «socialisme» avec la
propriété nationalisée sous le contrôle
d’un État centralisé dirigé par un
«parti révolutionnaire» qui n’a aucun
sens à la lumière des réalités des 100
dernières années. Mais une compréhension
plus riche et plus adéquate du
socialisme qui aborde les réalités du
capitalisme contemporain aujourd’hui
nous attend encore. Nous sommes tous des
étudiants à cet égard, en train de
chercher dans le noir par où commencer.
J’ai décidé de commencer avec Marx.
Comme personne n’a développé une
critique plus profonde du capital que
lui, il doit sûrement y avoir quelque
chose dans son travail qui indique
l’alternative au capital. Et plus j’ai
cherché, plus j’ai trouvé. Ce n’est pas
un plan. Ce n’est même pas un schéma
détaillé. Mais il existe un concept
d’une alternative au capitalisme dans
son travail qui fournit les bases pour
l’effort nécessaire afin de redynamiser
les mouvements anticapitalistes.
En fait, je n’ai pas vraiment
commencé mon travail là-dessus à partir
de rien. J’y ai été conduit par les
idées de Raya Dunayevskaya, la
fondatrice de l’humanisme-marxiste aux
États-Unis ; j’étais son secrétaire la
dernière année de sa vie et j’ai édité
deux de ses livres après sa mort en
1987. Tout au long de son développement
de l’humanisme-marxiste, elle a insisté
sur la nécessité de résoudre «ce qui se
passe après la révolution avant que cela
ne se produise». C’était sa réponse aux
intolérables révolutions inachevées et
avortées du XXe siècle. Comme elle l’a
écrit quelques semaines seulement avant
sa mort, «le fait est que des années
1924-29, de 1929 à aujourd’hui, de la
Seconde Guerre mondiale, et de toutes
ces révolutions nationales, de la montée
d’un Tiers Monde et de la lutte continue
et sans fin, nulle part en vue, même pas
à vue télescopique, il n’y a une réponse
à la question : que se passe-t-il après
la conquête du pouvoir?» L’alternative
peut encore ne pas être en «vue
télescopique» mais cela n’en rend pas
moins vital la tâche de l’accomplir.
Ainsi le faire, je crois,
constituerait un outil viable pour aider
à redynamiser les mouvements
anticapitalistes naissants
d’aujourd’hui. La question n’est pas de
reconnaître les problèmes du capitalisme
; un sondage récent aux États-Unis a
montré que 50 % des personnes âgées de
moins de 30 ans avaient une vision
positive du socialisme et que seulement
30 % avaient une vision positive du
capitalisme. La conscience de la
non-viabilité du capitalisme augmente
chaque jour qui passe. Mais il y a un
long chemin à faire pour aller vers un
mouvement anticapitaliste efficace. Ce
dernier nécessite une
re-conceptualisation viable du
socialisme, travail qui est en train de
se réaliser.
Où est passée la combativité
de la classe ouvrière ?
La mesure dans laquelle la classe
ouvrière possède (ou ne possède pas) une
«combattivité» dépend de nombreux
facteurs, dont la plupart sont les
conditions objectives qui façonnent leur
existence. L’histoire indique qu’il y a
au moins deux conditions objectives qui
forcent le militantisme ouvrier. L’une
est l’expulsion des travailleurs de la
terre et leur transformation en
travailleurs salariés urbains ou
industriels. Il s’agit d’un processus
violent, répressif et déshumanisant, qui
est souvent suivi par un esprit combatif
de la part des travailleurs –
notamment parce qu’ils possèdent la
mémoire de ce qu’était la vie avant
d’être contraints à travailler à l’usine
et qu’ils ne considèrent donc pas
l’oppression capitaliste comme
«naturelle». Les périodes définies par
une transition rapide de l’espace social
rural vers l’espace urbain ont eu
tendance à produire les mouvements
ouvriers les plus radicaux (le mouvement
chartiste en Grande-Bretagne dans les
années 1830, l’IWW au début du XXe
siècle aux États-Unis, les mouvements
ouvriers italiens du début des années
1920, les luttes des mineurs boliviens
des années 1940 et 1950, etc.). Nous
voyons cela se dérouler sous nos yeux
aujourd’hui aussi, dans le déplacement
massif des paysans de la terre et leur
transformation en travailleurs salariés
en Chine, ce qui a entraîné des troubles
sociaux massifs (environ 80 000 grèves
non autorisées et des manifestations se
produisant chaque année en Chine).
L’autre condition objective est la
logique du capital qui regroupe des
ouvriers autrefois dispersés en unités
centralisées, fournissant ainsi une base
de coopération entre les travailleurs
qui s’opposent au processus de travail
aliéné. La concentration et la
centralisation du capital, à certaines
périodes historiques, correspond à une
socialisation accrue du travail –
établissant l’organisation syndicale, la
culture de la classe ouvrière et les
luttes organisées qui combinent
les exigences économiques et politiques
possibles. Il existe de nombreux
exemples historiques de cela – depuis la
croissance du mouvement ouvrier allemand
à la fin du XIXe siècle, la formation du
CIO (Congrès des Organisations
industrielles) aux États-Unis dans les
années 1930 et les luttes qui ont donné
naissance à Solidarnosc en Pologne,
ainsi que les luttes des militants
ouvriers en Afrique du Sud qui se sont
avérées essentielles à la destruction de
l’apartheid dans les années 1990.
L’esprit combatif de la classe
ouvrière doit toujours être considéré en
fonction de l’horizon de fond qui forme
l’expérience prolétarienne ; il ne sort
pas de nulle part, et il n’est
certainement pas produit par les
schémas, les plans ou les esquisses des
théoriciens radicaux.
De toute évidence, aujourd’hui, les
deux conditions objectives ci-dessus
n’ont pas le poids qu’elles avaient
auparavant. Tout d’abord, alors qu’une
grande partie du monde en développement
expérimente – ou est sur le point
d’expérimenter, dans le cas d’une grande
partie de l’Afrique – un changement
massif du milieu rural vers le milieu
urbain, ce processus a été achevé depuis
longtemps en Occident. Nous ne pouvons
donc pas nous attendre à ce que le
militantisme ouvrier prenne la même
forme ou le même degré qu’il a connu
dans des moments historiques antérieurs
lorsque ce n’était pas encore le cas.
Deuxièmement, la logique du capital
représente «la ruse de l’histoire» ;
puisque la pulsion de l’auto-expansion
fait partie intégrante de la nature du
capital et puisqu’il ne peut se
développer qu’en augmentant la
productivité du travail, il doit réduire
la proportion relative de main-d’œuvre
vivante par rapport au capital au point
de production. Cela ne doit pas
apparaître d’abord comme un déclin
absolu du nombre de travailleurs
productifs, tant que de nouvelles
entreprises productives entrent dans le
domaine qui emploie des ouvriers
anciennement liés à la terre. Mais une
fois que le dernier processus est
terminé et que la logique du capital se
déroule encore plus rapidement, il y a
un déclin absolu (et pas seulement
relatif) de la taille du prolétariat
industriel.
Cela conduit clairement au chômage
massif et au sous-emploi. Il n’y a donc
pas de hasard si aujourd’hui «l’esprit
de combat de la classe ouvrière» est le
plus manifeste parmi ces secteurs de la
population. Ils ont souvent peu à
perdre, à part leurs chaînes ! Et
puisque (comme le dit le vieil adage),
les derniers embauchés et les premiers
licenciés ont tendance à être des
minorités nationales, leur opposition à
l’état actuel des choses est souvent
articulée non seulement en termes de
relations de classe, mais sur la base
d’identités raciales et de genre. Il
devient donc impossible, dans certains
contextes, de les séparer en différents
compartiments.
Dans le même temps, la même logique
de capital qui déplace le travail
productif crée un nombre croissant de
salariés. Vous ne devez pas être un
travailleur industriel pour gagner un
salaire ou être un travailleur ; même au
début du XXe siècle, la classe ouvrière
industrielle en Occident n’a jamais
constitué plus de 35 % de la
main-d’œuvre d’une nation quelconque (et
c’est sans compter le travail domestique
non rémunéré des femmes, ce qui bien sûr
doit être pris en compte). Il y a plus
de travailleurs salariés sur la planète
aujourd’hui qu’à n’importe quel moment
de l’histoire – des milliards. Et
beaucoup d’entre eux travaillent dans le
secteur des services qui représentent
maintenant 85 % de la main-d’œuvre
américaine. Les travailleurs du service
font-ils partie de la classe ouvrière ?
Oui. Devons-nous espérer qu’ils
s’expriment et s’organisent dans le même
sens que le prolétariat industriel ?
Non. Ils éprouvent les nombreux maux du
capitalisme – le surmenage, le
sous-payement, la discrimination, la
précarité, etc. – mais dans un contexte
objectif différent de ce qu’affrontait
l’ouvrier d’usine.
Peut-être n’ont-ils pas encore haussé
la voix, mais beaucoup d’entre eux le
feront, surtout quand la logique du
capital les impactera directement en
cherchant à automatiser même leurs
emplois hors de l’existence. Mais ici
aussi, le capital n’est pas omnipotent :
il est beaucoup plus facile
d’automatiser le travail productif basé
sur l’exécution de tâches quantifiables
que le travail de service qui nécessite
souvent l’éducation, le soin et la
pensée critique. La logique du capital
fonctionne toujours dans un terrain
plein de contingences historiques.
En tout cas, ce que je conclus de ce
qui précède, c’est qu’il est mal avisé
sinon autodestructeur de considérer la
classe ouvrière comme perdue tout court
en raison des changements objectifs dans
le capitalisme, et ce n’est pas moins
rétrograde et autodestructeur de
continuer comme si rien n’avait changé.
La résistance des travailleurs continue
tous les jours, et il n’y a aucune
raison de ne pas s’attendre à ce que
cela se poursuive. Mais il n’y a pas non
plus de raison de s’attendre à ce que
cette résistance prenne la forme du
mouvement ouvrier traditionnel ancien. À
l’ère du sous-emploi et du chômage
permanents, où les expériences de la vie
en dehors du lieu de travail exercent
autant de poids (sinon plus) que celles
de l’intérieur dans un monde où les
questions de classe, de race et de genre
deviennent de plus en plus difficiles à
séparer et à désagréger, pourquoi
reprocher à l’ouvrier moderne de ne pas
adopter les formes et les slogans du
prolétariat industriel d’il y a un
siècle ? Ces travailleurs peuvent bien
choisir de se définir eux-mêmes par
rapport aux mouvements et aux luttes
avec une autodéfinition très différente,
qu’il s’agisse de mouvements généraux
pour la démocratie, des luttes contre le
racisme et le sexisme, des luttes pour
la justice environnementale, etc.
De même, il serait étrange de
s’attendre à ce que les travailleurs
productifs d’aujourd’hui présentent le
même niveau d’esprit de combat que dans
le passé alors qu’ils travaillent
maintenant dans des entreprises définies
par la plus grande socialisation, pas du
travail, mais du capital ! Lorsque des
dizaines travaillent dans des usines où
des milliers l’ont déjà fait, et lorsque
les emplois sont devenus si précaires
que chaque travailleur sait qu’il peut
facilement être remplacé sur le champ,
les paramètres de leur lutte changent
évidemment. Cela ne signifie pas
nécessairement que les travailleurs sont
devenus «passifs» ou «arriérés». Cela
signifie qu’ils font ce que les
travailleurs ont toujours fait –
répondre aux conditions auxquelles ils
sont confrontés selon leur gamme de
possibilités.
Je ne nie pas qu’il y ait beaucoup
d’autres facteurs qui influent sur
l’esprit de combat des travailleurs;
idéologie, propagande médiatique,
consumérisme, etc. Ce sont des facteurs
importants, mais je crois que leur rôle
a été surestimé. Il est rarement
expliqué pourquoi un groupe de
travailleurs adhère à l’idéologie
établie alors qu’un autre groupe de
travailleurs soumis aux mêmes influences
ne le fait pas. Je crois que répondre à
de telles questions nous oblige à aller
plus loin que les problèmes d’idéologie
et de fausse conscience, qui deviennent
souvent un trope par lequel les
intellectuels désillusionnés peuvent
projeter leur déception avec «le dieu
qui a échoué».
Il existe cependant une question
critique qui concerne la conscience et
l’idéologie : la projection d’un
objectif viable vers lequel les luttes
ouvrières (ou même toute lutte
progressiste) tendent. Quelles que
soient leurs limites, les mouvements
socialistes/communistes d’autrefois
savaient ce pour quoi ils luttaient. Des
masses de gens ne se sont pas simplement
révoltées spontanément pour commencer à
se demander, des années plus tard, ce
qui peut remplacer la société existante.
Une idée générale, même si elle est
souvent vague et mal à propos, a été
présentée aux masses bien avant. Cette
idée était centrée sur le remplacement
d’une société de concurrence anarchique
et axée sur le marché par un projet
planifié, organisé, sous le contrôle de
la classe ouvrière. La persévérance avec
laquelle les révolutionnaires
préconisaient la nécessité du socialisme
et du communisme leur affirmait que les
idées n’étaient que de simples reflets
épiphénomènes des conditions
matérielles.
Le problème auquel nous sommes
maintenant confrontés, c’est que l’idée
du socialisme et du communisme qui a
longtemps été préconisée s’est avérée
inadéquate, et aucune autre vision qui
répond aux aspirations des masses de
gens n’a été développée pour prendre sa
place. Le remplacement de l’anarchie du
marché par la production planifiée, même
sous l’égide d’un soi-disant parti
ouvrier, a ouvert la voie non pas au
socialisme mais au capitalisme d’État.
La loi capitaliste de la valeur n’a pas
été abolie dans un seul des États
«socialistes» ou «communistes», et, dans
les années 1980, la vérité s’est
faufilée à la surface car presque tous
ont enlevé le masque et ont adopté
ouvertement le marché libre capitaliste.
Mais quelle autre vision qui pose une
alternative au capitalisme et au
capitalisme d’État qui s’appelait le
communisme a été développée depuis lors
? Et si l’on en manque, est-ce sans
conséquence?
Prenez l’ex-URSS et la Chine
aujourd’hui. L’effondrement de l’URSS en
1991 a été suivi d’une baisse de 40 % de
la production industrielle et d’une
crise économique si grave qu’elle a
rapidement entraîné une baisse absolue
de l’espérance de vie. Certes, de telles
conditions devraient générer une
révolution prolétarienne, surtout compte
tenu de la riche histoire de la Russie.
Mais ça n’est pas arrivé. Pourquoi ?
C’est une question complexe, mais une
raison est que l’URSS a réduit la vie
politique à une coquille vide en
éviscérant la société civile. Toutes les
voies d’expression et d’association,
même au niveau le plus banal, étaient
contrôlées par l’État. Ce qui signifiait
que, une fois l’effondrement et la crise
venus, les travailleurs commençaient à
être jetés dans les files du chômage,
car il n’y avait pas de structures
sociales, d’organisations ou de
mécanismes de soutien pour faciliter les
luttes contre le système. Entre-temps,
l’URSS s’était appelée socialiste, alors
pour quoi les ouvriers étaient-ils
censés se battre — un retour à l’ancien
système de faillite, un capitalisme plus
«humain», ou autre chose ? Ce n’était
pas clair. La politique, comme la
nature, n’aime pas le vide, et ce vide a
intensifié vous-savez-qui. Ou prenez la
Chine aujourd’hui. J’ai mentionné plus
tôt les 80 000 grèves et les
manifestations en un an. Ont-ils encore
fusionné dans un mouvement
révolutionnaire ? Non, et vous pouvez au
moins en partie remercier l’appareil
répressif du PCC pour cela. Un mouvement
révolutionnaire peut très bien émerger
en dépit de cela (ce n’est pas comme si
le tsarisme en 1917 était laxiste en
matière de répression). Mais la question
critique est que de nombreuses grèves et
protestations se produisent contre un
gouvernement qui prétend toujours être
«marxiste». Au lieu d’une vision
alternative du marxisme qui est
disponible pour les masses de gens,
pouvons-nous leur refiler la tâche de
reproduire «l’esprit combatif» des
révolutions antérieures ?
Comment analysez-vous ce qui
se passe en ce moment au Venezuela ? Ne
pensez-vous pas que le Venezuela est un
épicentre du combat entre les forces
progressistes et anti impérialistes face
à la domination impérialiste et que
l’issue de ce combat est importante pour
toute l’Amérique Latine, voire pour le
monde ?
C’est une question très complexe qui
mérite un essai à part entière, donc je
serai aussi bref que possible. La
«Révolution bolivarienne» se distingue
par deux réalisations importantes : 1)
elle a rompu avec les anciennes
approches descendant de la
transformation sociale qui caractérisait
souvent la gauche latino-américaine
(telle que la théorie de la guerilla
foco de Guevara et les variantes du
stalinisme) et a favorisé une transition
vers un socialisme qui était
parfaitement démocratique. La question
qui a tourmenté la gauche depuis plus
d’un siècle – comment prendre le pouvoir
par des moyens démocratiques lorsque les
socialistes ont tendance à être
minoritaires – a été résolue par Chavez,
qui a mis en place un régime progressif
qui a, dans certains cas, remporté 65 %
du vote populaire. 2) Elle a rompu avec
le modèle oligarchique de développement
en utilisant les recettes pétrolières du
Venezuela pour financer une croissance
massive des programmes de protection
sociale, ainsi que pour financer des
coopératives, des communes, des
associations de travailleurs, etc. Cela
a entraîné une amélioration
significative des conditions de vie, en
particulier pour les travailleurs et les
pauvres.
Cependant, le modèle « Bolivarien »
présentait de sérieux défauts en
commençant. Il était basé sur la
distribution de la rente pétrolière, la
négligence des investissements
productifs dans l’industrie et
l’agriculture. Chavez semble avoir
pensé qu’il pourrait surmonter la
«malédiction des ressources» tout en
supposant que les prix du pétrole
resteraient à plus de 60 $ le baril.
Mais rien ne s’est avéré être vrai, et
il n’a pas fallu longtemps pour que
l’impact se fasse sentir sur l’économie.
Quand Chavez est arrivé au pouvoir, 67 %
du revenu extérieur du pays provenait
des recettes pétrolières, aujourd’hui,
il est de 95 %. Le pays est devenu
plus dépendant des importations
alimentaires que jamais, et le rôle
croissant de l’État dans l’économie a
encouragé un énorme niveau de vol de
ressources publiques et de corruption.
Pendant ce temps, les communes et les
coopératives n’ont jamais été
entièrement intégrées dans le projet
révolutionnaire, tandis que le contrôle
centralisé de l’État s’est développé au
fil du temps (parfois au détriment de
ces organisations). Une fois que
les prix mondiaux du pétrole ont chuté
peu de temps après la mort de Chavez, ce
n’était qu’une question de temps avant
que le projet ne commence à
s’effilocher, bien qu’il ait eu lieu
plus soudainement et plus drastiquement
que prévu.
Alors, où allons-nous maintenant ?
L’opposition, qui a été là tout au long,
est complètement réactionnaire, ce qui
ne l’a pas empêché de gagner du soutien
quand la nourriture et les médicaments
ont disparu des présentoirs. Un signe
majeur a été sa capacité à gagner 65 %
des sièges au Parlement national en
2015. Il y a peu de doute que, aussi
mauvais que ce soit au Venezuela, cela
va empirer si l’opposition arrive au
pouvoir ; regardez ce qui s’est passé au
Brésil après que le coup d’État
«constitutionnel» ait expulsé Rousseff
du pouvoir. Maduro les a maintenant
contournés en invoquant une Assemblée
Constituante pour gouverner le pays. Il
a finalement donné un rôle central aux
communes et aux coopératives, mais tout
semble un peu trop peu et beaucoup trop
tard. C’est une chose de contourner la
démocratie bourgeoise quand les masses
sont avec vous et qu’elles maintiennent
leur confiance dans le leadership du
mouvement. Mais ce jour-là est passé,
bien que le gouvernement ait prétendu
que 41 % ont participé au vote pour
l’Assemblée Constituante, et même si ce
chiffre est très faible, il est
probablement proche de 28 %. Sans
oublier, bien sûr, que les délégués ont
été largement sélectionnés en fonction
des souhaits du gouvernement – à peine
un modèle de gouvernance démocratique.
La question-clé est de savoir ce que
l’Assemblée Constituante peut faire pour
inverser l’effondrement de l’économie ?
Elle ne peut pas contrôler les prix du
pétrole, et elle ne peut pas relancer la
production industrielle en adoptant des
résolutions. Elle peut nationaliser les
pôles les plus importants de l’économie
(principalement le secteur bancaire),
mais cela va probablement effrayer les
investisseurs et conduire encore plus le
secteur privé à thésauriser des
marchandises et à liquider ses
investissements. Ce n’est pas une petite
affaire que Chavez ne se soit pas
s’approprié la richesse ou la propriété
de la bourgeoisie, au contraire, la
plupart d’entre eux ont profité
grassement de la «révolution
bolivarienne», ce qui n’a pas empêché un
grand nombre d’entre eux, inutile de le
dire, de soutenir l’opposition. Maduro
essaie maintenant de progresser
tardivement contre eux (peut-être au
point de nationaliser totalement
l’économie) à un moment où sa base de
soutien est plus mince que jamais.
Maduro peut penser que la main ferme du
pouvoir de l’État peut résoudre les
incohérences qui font face à la
«Révolution bolivarienne», mais cela a
été essayé ailleurs avec des résultats
assez sombres.
Cela dit, les problèmes auxquels le
Venezuela est confronté doivent être
résolus par les Vénézuéliens, et nous
devrions d’abord, encore et toujours,
nous opposer à toute tentative
d’intervenir, que ce soit par des moyens
militaires ou de manière plus «subtile»,
de la part de l’impérialisme US. La
«marée rose» en Amérique latine a émergé
à un moment fortuit, lorsque les
États-Unis étaient préoccupés par le
Moyen-Orient au début du siècle et n’ont
pas touché aux régimes progressifs
latino-américains (bien qu’ils aient
essayé de renverser Chavez en 2002 et
soutenu le coup d’État contre le
président démocratiquement élu Zelaya du
Honduras en 2009). Cette période de
grâce peut maintenant être terminée ;
avec Trump en charge, tout est possible.
Inutile de dire qu’il n’y a rien de vrai
dans l’affirmation de l’administration
selon laquelle elle est préoccupée par
le niveau de violence entre les
partisans et les adversaires de Maduro ;
1 000 ont été tués par un régime pro
U.S. pendant le Caracazo de
1989, et je ne me rappelle pas que les
États-Unis s’en soient plaints.
Une intervention des États-Unis pour
détruire ce qui reste du projet
bolivarien serait évidemment un énorme
revers, pas seulement pour le Venezuela
mais pour l’Amérique latine pendant un
certain temps. Espérons que cela puisse
être évité. Dans le même temps, nous ne
devons pas permettre à notre opposition
à la politique américaine de nous
empêcher d’avoir une discussion franche
et honnête sur les imperfections de la
«Révolution bolivarienne» sous Chavez et
Maduro. Comme Rosa Luxemburg l’a suggéré
en publiant une forte critique des
bolcheviks en 1918, au moment où ils ont
été confrontés à une intervention
impérialiste de plus d’une douzaine de
pays, la meilleure aide possible pour la
révolution est de critiquer ses limites.
Ne pensez-vous pas que chaque
combat remporté contre l’empire et ses
relais représentés par la bourgeoisie
compradore, véritable cheval de Troie,
est un pas de géant vers l’émancipation
de l’humanité toute entière, alors que
chaque combat perdu affaiblit et risque
de faire disparaître la résistance
mondiale à l’impérialisme ?
Je ne partage pas vraiment cette vue.
Certes, toute lutte pour la liberté
apporte une contribution importante et
laisse un «sédiment intellectuel» qui
peut et doit inspirer les luttes
futures. Mais le point critique est que
ce doit être une « lutte de la liberté
contre l’Empire » ; et par là, je veux
dire la liberté pour les travailleurs,
les femmes, les minorités nationales et
les jeunes. Toutes les luttes contre
«l’empire» ne sont pas pour la
libération des masses, non plus que
toutes les luttes contre la «bourgeoisie
compradore» (de quelque manière que l’on
choisisse de la définir). Certaines
luttes contre «l’empire» en réalité le
renforcent. Il ne fait aucun doute que
les attaques d’ISIS, d’Al-Qaïda et
d’autres terroristes ont renforcé
l’impérialisme américain (aussi bien
qu’israélien). C’est pourquoi les
impérialistes sont tellement obsédés par
leur lutte contre le «terrorisme
islamique» : il profite directement à la
consolidation de leur hégémonie
politique et économique. Plus les
attaques des terroristes sont horribles,
plus facilement ils peuvent se présenter
comme la seule force capable de
préserver la «vie et la liberté».
Je ne souscris pas à l’idée que
l’impérialisme US a créé l’intégrisme
islamique, bien qu’il ait sûrement
soutenu les éléments associés à celui-ci
lorsqu’il a aidé les États-Unis à
nettoyer le terrain des communistes et
des socialistes. L’intégrisme islamique,
comme Fanon l’a montré depuis longtemps,
a des racines beaucoup plus profondes,
dans le terrain des révolutions
anticoloniales inachevées. Mais cela
fonctionne si bien pour les besoins de
l’empire qu’ils pourraient l’avoir créé
(heureusement, ils n’ont pas la
prévoyance et le pouvoir de le faire).
En tout cas, le point principal est la
nécessité de reconnaître qu’il existe
des formes contre-révolutionnaires de
l’anti-impérialisme. La nature politique
et le contenu d’une lutte ne sont pas
déterminés par ce qui est contre mais
par ce qui est pour.
À votre avis, l’outil
de l’information révolutionnaire et
engagée, via certains médias
alternatifs, n’est-il pas vital
dans la lutte que mène la résistance
anti capitaliste et anti impérialiste ?
Oui, je suis tout à fait d’accord.
Sans les médias alternatifs, le
printemps arabe de 2011 n’aurait jamais
existé. Il n’y a jamais eu de plus
grandes opportunités de dialogue et de
collaboration internationale entre les
militants et les penseurs de la gauche
qu’aujourd’hui grâce à ces plateformes
alternatives et autres. Je suis
particulièrement impressionné par le
travail que les camarades font dans
IndyMediaAfrica.
Le personnage de Rosa
Luxemburg, grande révolutionnaire, a
marqué l’histoire. Ne pensez-vous pas
que ces grandes figures du marxisme
peuvent nous être très utiles dans ce
monde des ténèbres où le grand capital
se déchaîne sur le monde et où
l’impérialisme ravage des pays et des
civilisations entières ?
Oui, réétudier les contributions d’un
certain nombre de figures dans
l’histoire du marxisme peut aider nos
luttes aujourd’hui. Bien sûr, nous
réexaminons leurs contributions avec le
regard sur des problèmes auxquels nous
sommes confrontés aujourd’hui, qui
jettent souvent l’éclairage sur des
aspects de leur travail qui n’ont
peut-être pas été remarqués auparavant.
Luxemburg est particulièrement
importante en raison de son insistance
sur le fait que l’impérialisme est un
produit intégral et inévitable du
mouvement du capital vers
l’auto-expansion. Je pense qu’il y a des
problèmes majeurs avec la façon dont
elle a théorisé ce processus dans son
Accumulation du capital, mais
le lien entre l’impérialisme et la
logique du capital n’est pas moins
important à préciser aujourd’hui. Je
pense que sa plus grande contribution a
été sa compréhension qu’il ne peut y
avoir de démocratie sans socialisme ni
de socialisme sans démocratie. Elle a
développé cela en critiquant les partis
et les mouvements sociaux-démocrates qui
s’appuyaient sur les moyens
parlementaires de transition vers le
socialisme ainsi que les socialistes
révolutionnaires tels que Lénine et
Trotsky qui ont rejeté la démocratie
comme un «mécanisme encombrant» après la
prise de pouvoir bolchevique en 1917.
Elle a ainsi soulevé la question
critique de «ce qui se passe après la
révolution» de manière à aborder
directement les questions centrales
auxquelles sont confrontés les
révolutionnaires aujourd’hui.
Vous êtes en train de
rassembler et de publier les travaux
complets de Rosa Luxemburg en 14
volumes. C’est un travail gigantesque
mais néanmoins nécessaire. Pouvez-vous
nous parler de ce projet ?
En réalité, car un nombre
considérable de ses manuscrits ne sont
apparus que récemment, les Travaux
Complets comporteront 17 volumes
d’environ 600 pages chacun. Près de 80 %
de ses écrits ne sont jamais apparus en
anglais, et une grande partie de son
travail spécialement composé à l’origine
en polonais n’est même pas encore apparu
en allemand. Ses écrits polonais
totalisent plus de 3 000 pages. Ceux-ci
sont maintenant recueillis et publiés
par Holger Politt à Varsovie, qui
poursuit le travail pionnier du grand
érudit du mouvement ouvrier polonais,
Felix Tychs. En outre, la savante et
renommée biographe de Luxemburg,
Annelies Laschitza, a passé la dernière
décennie à identifier et à collecter ses
écrits de langue allemande inédits. En
2014, Dietz Verlag a publié en allemand
une collection de 900 pages d’articles
nouvellement découverts et d’essais
couvrant la période de 1893 à 1905 en
tant que volume supplémentaire des
Gesammelte Werke (œuvres
complètes). Un volume supplémentaire de
1 000 pages – couvrant les années 1906 à
1919 – apparaîtra plus tard cette année.
Tous ces écrits seront mis à disposition
dans les Travaux Complets en
anglais.
La collection est divisée en trois
rubriques, la première contenant son
écriture économique (3 volumes), la
seconde ses écrits politiques (9
volumes) et la troisième sa
correspondance complète (5 volumes). Le
volume 1 comprend L’introduction à
l’économie politique, une étude de
250 pages sur le processus par lequel le
capitalisme se développe au détriment
des strates non capitalistes, ce qui est
largement considéré comme son deuxième
livre le plus important après
L’accumulation du capital. Il
apparaît en totalité en anglais pour la
première fois. Le vol.1 contient
également sept manuscrits de conférences
et de notes de recherche composées alors
qu’elle enseignait à l’École du parti
social-démocrate allemand à Berlin de
1907 à 1914. L’introduction à
l’économie politique représente un
superbe aperçu de la nature, des
origines, de l’histoire et des
contradictions internes du capitalisme.
Il serait difficile de trouver une
analyse plus claire et détaillée des
origines de la production des produits
de base, de l’accumulation du capital et
d’une économie monétaire mondiale. Les
manuscrits et les conférences de l’école
du parti montrent comment elle a
intensément étudié non seulement les
phénomènes économiques et politiques,
mais a aussi suivi les découvertes des
domaines alors émergents de
l’anthropologie et de l’ethnologie. Elle
s’est particulièrement concentrée sur
les formes communautaires qui
caractérisaient les sociétés
précapitalistes et les leçons qui
pourraient en être tirées par le
mouvement socialiste moderne. L’intérêt
manifesté par de nombreux militants
anticapitalistes aujourd’hui pour les
relations sociales communautaires qui
précèdent le capitalisme est traité avec
éloquence dans l’estimation de Luxemburg
de «leur extraordinaire ténacité et
stabilité… leur élasticité et leur
adaptabilité». Le volume 2 des
Travaux Complets, publié en 2015,
contient une nouvelle traduction (et
beaucoup améliorée) de
L’accumulation du capital,
L’anticritique et les chapitres sur
les Volumes Deux et Trois du Capital
qu’elle a écrit pour la biographie
de Karl Marx de Franz Mehring.
Nous avons récemment complété les
premiers volumes de ses écrits
politiques. Ceux-ci seront regroupés
thématiquement, en quatre sections
distinctes. La première section est «Sur
la Révolution». Il présentera tous
les écrits de Luxemburg sur la
Révolution russe de 1905 et celle de
1917 et sur la Révolution allemande de
1918-19, en trois volumes. La deuxième
section est «Sur l’Organisation»
en deux volumes. Il présentera ses
nombreuses discussions avec des
personnalités telles que Bernstein,
Kautsky et Lénine sur des questions
organisationnelles, ainsi que les
différends sur le sujet au sein du
mouvement marxiste polonais. La
troisième section est «Sur le
Nationalisme et la question nationale»
en trois volumes. Et la quatrième partie
sera consacrée au journalisme divers et
à ses écrits sur des questions
culturelles, en un seul volume. Je
devrais également ajouter que pour aider
à préparer un public pour les
Travaux complets en anglais, Verso
Books a publié un manuel à la série en
2011, une traduction de Herzlichst
Ihrer Rosa d’Annelies Laschitza et
de Georg Adler, qui a été publiée sous
le titre Les Lettres de Rosa
Luxemburg. Cette collection de 600
pages représente la plus grande
collection de lettres jamais publiée du
Luxemburg en anglais, avec un grand
nombre de lettres mises à la disposition
du public anglophone pour la première
fois.
Les révolutionnaires et les
résistants à l’impérialisme et à la
domination capitaliste du monde tels que
nous peuvent-ils se permettre le
désespoir ou bien le combat est-il un
éternel recommencement ?
Je crois que nous devrions éviter à
la fois le désespoir et les notions
d’éternel recommencement, et surtout la
rédemption éternelle. Nous devrions
plutôt, comme l’a dit Hegel, «demeurer
avec la négativité», regarder la réalité
en face en considérant toutes ses
contradictions, ses limites et ses
possibilités, sans hésitation. C’est
difficile à faire, et beaucoup
s’abstiennent de la tâche. Mais
l’accomplir est ce qui permet de
déterminer ce qui doit être fait pour
développer une perspective
anticapitaliste efficace.
Bien sûr, les chances sont contre
nous, la logique du capital est
écrasante et sa logique est poussée dans
une direction claire – vers la
destruction planétaire. Cela donne un
nouveau sens à la déclaration de Marx
selon laquelle «sous peine de mort», le
capitalisme doit céder la place à une
forme plus élevée d’organisation
sociale. Pourtant, bien que le capital
se développe à son aise et soit, pour
ainsi dire, sur pilote automatique, ce
sont les actions des êtres humains qui
le maintiennent, et donc il est en notre
pouvoir d’y mettre fin. Le désespoir est
une expression de la tendance à
s’abstenir de s’engager dans «le
travail, la patience, le sérieux et la
souffrance de la négativité» nécessaires
pour surmonter les contradictions. Le
désespoir est toujours la solution
facile, bien qu’il n’offre aucune issue.
Il est difficile de «jeter sa vie
dans la balance du destin» (pour
utiliser une expression de Luxemburg) à
moins que l’on ne croie que nos efforts
seront récompensés par un résultat
fructueux. Le christianisme aurait-il
émergé des décombres politiques et
idéologiques de l’ère post-hellénistique
pour devenir une religion mondiale
majeure (à une époque où des dizaines de
sectes religieuses existaient qui
semblaient tout aussi susceptibles que
le christianisme d’obtenir un soutien de
masse) s’il n’avait été clair pour les
croyants chrétiens que leurs travaux
seraient un jour récompensés, si non sur
cette terre, alors dans le royaume à
venir ? Et les mouvements ouvriers qui
sont survenus au XIXe siècle
auraient-ils pu se développer comme ils
l’ont fait, s’ils n’étaient pas
convaincus que les contradictions du
capitalisme moderne posent
inévitablement les conditions
matérielles de son remplacement ? Le
marxisme a soutenu les mouvements
ouvriers non seulement matériellement
mais intellectuellement et
spirituellement, en fournissant
l’assurance que ses travaux seraient
récompensés un jour, si non pour soi en
tant qu’individu, du moins dans l’avenir
pour sa classe.
Aujourd’hui, cette assurance a été
compromise pour plusieurs raisons. L’une
d’entre elles est que la concentration
et la centralisation du capital qui
étaient censés fournir les conditions
matérielles pour la propriété collective
des moyens de production, n’ont pas
résulté en une nouvelle société mais
dans le capitalisme d’entreprise et le
stalinisme d’État capitaliste. En outre,
l’effondrement de ce dernier n’a pas
produit une avancée au-delà du capital,
mais plutôt une étreinte de l’ancien
capitalisme du «marché libre» non
réglementé. On peut fournir toutes
sortes d’explications subjectives ou
conditionnelles pour cela (et certains
d’entre elles ont de la valeur), mais,
comme je l’ai suggéré ci-dessus, les
facteurs objectifs sont de la plus haute
importance. Nous devons étudier ces
facteurs avec soin et déterminer quelles
sont les possibilités immanentes qui
existent aujourd’hui pour la
transcendance du capitalisme à leur
lumière. On ne peut pas commencer par
l’hypothèse qu’il y a une rédemption
éternelle du capital, parce que cela
nous conduit à «découvrir» la preuve de
tout cela trop rapidement ! Nous devons
«demeurer avec la négativité» – ne pas
se précipiter trop vite pour une réponse
– bien que, bien sûr, une réponse «à ce
qu’il faut faire» soit nécessaire.
À mon avis, la dernière chose
nécessaire est de prétendre que le
problème est «un manque de leadership
révolutionnaire approprié» et une fois
que c’est surmonté, la voie à suivre
sera claire. C’est une absurdité totale
qui n’a pas empêché beaucoup de
personnes (en particulier venant d’une
conviction trotskyste) de la répéter
ad nauseam. Je ne cesse jamais
d’être étonné par le nombre de
gauchistes qui se disent «matérialistes
révolutionnaires» et qui sont piégés
dans un tel idéalisme abstrait. Pour
ceux qui adhèrent à cette obsession du
leadership, toute analyse de la réalité,
de l’économie ou de la politique
contemporaine produit la même
conclusion. C’est un formalisme
monochromatique qui se déchaîne. Tout ce
qui se passe est la répétition des mêmes
slogans, encore et encore. Ils ne
comprennent pas que le marxisme ne
consiste pas à «appliquer» une formule
logique à la réalité, il s’agit plutôt
de saisir le développement logique de la
réalité.
Bien que ce soit là où commence notre
travail, je ne suggère pas qu’il se
termine là. Les idées sont importantes,
mais pas à la manière volontariste (qui
incluent aussi les Maoïstes). Une des
ironies du marxisme post-Marx est qu’il
a motivé des millions de personnes à
devenir des combattants dévoués sur la
base d’idées spécifiques… tout en
bannissant les idées dans le domaine
épiphénomenal des superstructures
secondaires. Il ne souhaitait pas
assumer la responsabilité de sa propre
Praxis. Ce qui explique probablement
cela a été l’effort pour répondre à la
revendication, que l’on entend toujours
des apologistes pour la société
existante, que le «socialisme» est
«simplement» une idée mythologique
dépourvue de base réelle ou
«scientifique». Combien il est commode
de répondre alors : «Non, le marxisme
est la perspective la plus réaliste et
la plus scientifique de toutes… comme le
prouve le fait que nous pouvons montrer
que la nouvelle société sortira
inévitablement de l’ancienne». L’idée
générale était juste, le saut vers la
liberté provient de la nécessité, mais
la forme de son application a conduit à
réduire le «marxisme» à une idéologie
pseudo-scientiste, qui ne pourrait être
plus éloignée de l’approche de Marx.
La grande valeur de l’humanisme
marxiste est qu’il a réintroduit la
dimension humaniste et
dialectique-philosophique du marxisme,
tout en conservant une compréhension
ferme de la critique de Marx de
l’économie politique et de sa
perspective matérialiste historique.
C’est le corps de la pensée qu’il est
urgent, je pense, de développer pour le
XXIe siècle, et je tiens à vous
remercier de m’avoir permis de partager
mes réflexions à ce sujet.
Interview réalisée par Mohsen
Abdelmoumen
Qui est le Dr. Peter Hudis ?
Peter Hudis est professeur au Collège
communautaire d’Oakton, dans l’Illinois
aux États-Unis, où il enseigne
l’introduction à la Philosophie,
l’Éthique, la Culture occidentale et les
Arts, la Philosophie contemporaine et
moderne, la Culture contemporaine et les
Arts en Afrique et en Amérique Latine et
les Cultures de la Migration. Il a
obtenu une licence en Anglais et en
Histoire au Queens College à New York,
une maîtrise en Études
Latino-Américaines à l’Université d’État
de Californie, à Los Angeles, une
maîtrise en Philosophie, à l’Université
de Loyola à Chicago, et son doctorat en
Philosophie à l’Université de Loyola à
Chicago.
Après ses études latino-américaines,
ses intérêts se sont développés pour
l’idéalisme allemand du XIXe siècle (en
particulier Kant et Hegel), Marx, la
phénoménologie et la théorie critique
contemporaine. Il est particulièrement
intéressé par les croisements entre le
genre, la race et la justice sociale, et
dans les approches culturelles et
philosophiques du phénomène de la
mondialisation.
Il est actuellement rédacteur en chef
du projet en 14 volumes des œuvres
complètes de Rosa Luxemburg, un
projet international chargé de publier
toute la contribution de ce remarquable
théoricien social et de sa
personnalité. Le premier volume, Les
lettres de Rosa Luxemburg a été
publié en février 2011. Il a
précédemment coédité The Reader Rosa
Luxemburg et un livre composé
d’écrits recueillis de Raya Dunayevskaya,
ancienne secrétaire de Léon Trotsky et
fondatrice de la philosophie de
l’humanisme marxiste aux États-Unis.
Peter Hudis a été le secrétaire de cette
éminente philosophe féministe
américaine.
Il a écrit plusieurs ouvrages dont :
Marx’s Concept Of The Alternative To
Capitalism: Historical Materialism ;
Marx’s Concept of the Transcendence of
Value Production ;
Frantz Fanon: Philosopher of the
Barricades ;
The Complete Works of Rosa Luxemburg:
Volume 1: Economic Writings 1 ;
The Complete Works of Rosa Luxemburg:
Volume II: Economic Writings ;
The Letters of Rosa Luxemburg
(rédacteur en chef) ; co-auteur avec
Kevin Anderson de
The Rosa Luxemburg Reader.
Published in American Herald
Tribune, August 22, 2017: https://ahtribune.com/in-depth/1854-peter-hudis-capitalism.html
Reçu de l'auteur pour
publication
Le sommaire de Mohsen Abdelmoumen
Le
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