Algérie Résistance
Le Dr. Bruce Riedel, conseiller du
Président Obama, répond à nos questions
concernant l’Algérie,
le DRS, et JASTA.
Mohsen Abdelmoumen
Dr. Bruce
Riedel. DR.
Jeudi 20 octobre 2016
English version here:https://mohsenabdelmoumen.wordpress.com/2016/10/20/president-obama-adviser-dr-bruce-riedel-answers-to-our-questions-about-algeria-the-drs-and-jasta/
Le Dr. Bruce Riedel a été haut
responsable à la CIA où il a servi
pendant 30 ans. Il a
conseillé quatre présidents des
États-Unis, dont le président actuel,
sur les dossiers de la sécurité et du
contre-terrorisme. Il est conseiller du
président Barack Obama et est membre du
Conseil de Sécurité Nationale à la
Maison Blanche.
Il a bien voulu nous répondre sur
deux questions concernant l’Algérie et
ses services de renseignement, le DRS,
et la loi JASTA avec ses conséquences
sur les relations américano-saoudiennes.
Il a fait preuve de grande prudence et
de diplomatie dans cet entretien.
S’exprimant sur l’Algérie, il nous a
confié :
« L’Algérie est un pays fascinant
sous de nombreux aspects. C’est le plus
grand pays en Afrique et dans le monde
arabe. Elle a une grande armée moderne.
Mais elle est aussi un mystère à
bien des égards. Le service de
renseignement DRS a dominé le processus
politique depuis des années. L’armée a
toujours un énorme pouvoir dans les
coulisses. Le Pouvoir est un système
tout à fait unique. Bouteflika est aussi
une histoire extraordinaire. Il a joué
de nombreux rôles importants dans sa
vie. Son état de santé est un autre
mystère. »
Il renchérit en parlant des
États-Unis qui, d’après lui, ont joué un
rôle dans l’indépendance de l’Algérie :
« Les États-Unis ont été un
acteur-clé dans la lutte pour
l’indépendance algérienne. John F.
Kennedy a parlé pour la liberté de
l’Algérie dans son premier discours
majeur de politique étrangère au Sénat.
En tant que président, il a encouragé
Charles de Gaulle dans la bonne
direction. Avant JFK, la décision du
président Franklin Roosevelt d’envahir
l’Afrique du Nord en 1942 a mis en
branle le processus qui conduirait à la
guerre d’indépendance. »
Il poursuit en évoquant les services
de renseignement algériens, le DRS :
« Je connais le DRS pour avoir
travaillé avec lui. C’était un service
très professionnel et très capable en
particulier contre le terrorisme.
Beaucoup de ses tactiques ont été
apprises des services de renseignement
russes. Je suis sûr que son service
successeur est également très capable. »
Il encourage les États-Unis et
l’Europe à entretenir des relations plus
étroites avec l’Algérie :
« L’Amérique et l’Europe
devraient accorder plus d’attention à
l’évolution en Algérie, car c’est un
acteur crucial. La nouvelle mosquée est
un symbole visible du rôle important de
l’Algérie dans l’avenir du monde
islamique. La Maison Blanche d’Obama a
consacré beaucoup d’attention dans les
coulisses pour suivre les développements
en Algérie. »
Le Dr. Riedel aborde ensuite le
dossier de la loi JASTA votée par le
Congrès des États-Unis. Il évoque la
guerre du Yémen :
« La guerre au Yémen est en
hausse et de plus en plus dangereuse.
Les Yéménites sont confrontés à une
catastrophe humanitaire. Contrairement à
la Syrie, les États-Unis ont une
influence importante pour mettre un
terme à la guerre et à la souffrance.
Malheureusement, l’annulation frivole du
veto du Président Obama par le Congrès
sur le JASTA (Justice Against Sponsors
of Terrorism Act) a rendu l’influence
américaine plus difficile en ce moment
crucial.
Le grand bénéficiaire de la
guerre du Yémen est l’Iran. Il fournit
aux rebelles le soutien diplomatique et
une assistance militaire limitée. En
retour, il enlise les Saoudiens, les
Emiratis et ses autres ennemis du Golfe
dans un bourbier au Yémen qui coûte cher
en vies et au trésor alors que les prix
du pétrole sont déprimants pour leurs
économies intérieures. Téhéran est trop
heureux de se battre pour le dernier
Yéménite.
Cette semaine, le New York Times
a suggéré à juste titre qu’Obama utilise
la diplomatie américaine pour obtenir un
cessez-le-feu immédiat. Les États-Unis
et le Royaume-Uni sont les principaux
fournisseurs d’armes aux Saoudiens. Sous
la surveillance d’Obama, plus de 111
milliards $ en armes américaines ont été
vendues au Royaume saoudien. La
maintenance américaine et britannique
est cruciale pour maintenir les avions
de la coalition en l’air. Ce qui les
rend également coupables de crimes de
guerre.
L’éditorial du Times reflète un
malaise croissant à Washington avec la
guerre de Riyad. Bien que les médias
américains soient préoccupés par le
cinéma de notre élection, l’état
d’esprit sur la Colline (ndlr : The Hill
= le Capitole) est de plus en plus
sceptique sur les ventes d’armes dans le
Golfe. Malgré d’énormes efforts de
lobbying, les Saoudiens font face à une
hostilité croissante. »
Il complète en abordant les
conséquences de la loi JASTA :
« Le passage en force de JASTA
adopté par le Sénat à 97-1, est un
message bipartisan massif au Royaume.
Malgré un effort coûteux de relations
publiques, le royaume a été pratiquement
déclaré coupable de complot avec
Al-Qaïda par les deux chambres du
Congrès, lors de la pire attaque
terroriste de l’histoire américaine.
Le Congrès américain a mandaté
deux enquêtes bipartites indépendantes
pour déterminer qui était responsable du
9/11. En 2004 et 2015, les études ont
absout le gouvernement de l’Arabie
Saoudite et ses fonctionnaires de tout
rôle dans le complot et son exécution.
Le Royaume est un allié vital contre
Al-Qaïda et l’État islamique. Mais
Hillary Clinton et Donald Trump ont
soutenu JASTA. Peu, voire aucun sur la
Colline n’ont lu les rapports qu’ils ont
commandés. »
Il conclut en disant que JASTA
n’affectera pas les relations
stratégiques américano-saoudiennes
fondées par Franklin Delano Roosevelt,
les deux pays ayant besoin l’un de
l’autre.
« L’Arabie Saoudite et ses alliés
du Golfe ont justement répondu avec
étonnement à cet acte frivole. Malgré de
nombreux appels pour des représailles,
ils ont gardé leur calme jusqu’à
présent. Lorsque des procédures
judiciaires commenceront, les pays du
Golfe auront du mal à faire preuve de
retenue. Que ce soit Clinton ou Trump le
gagnant en Novembre, ils hériteront
d’une relation endommagée en Janvier.
Mais les États-Unis et le Royaume ont
encore besoin l’un de l’autre. JASTA ne
sera pas la fin du partenariat que
Franklin Delano Roosevelt a commencé en
1943. »
En conclusion, même si Clinton ou
Trump ont été d’accord pour JASTA et que
le futur président des États-Unis
héritera d’une relation altérée,
néanmoins, et malgré les indemnités que
l’Arabie Saoudite devra payer, les
relations historiques entre les
États-Unis et l’Arabie Saoudite ne
seront pas écornées par JASTA et
resteront telles qu’elles ont été
conçues par Franklin Delano Roosevelt.
Il est à noter que le Dr. Riedel a
utilisé le concept de crime de guerre
concernant la guerre que mène l’Arabie
Saoudite au Yémen. Rappelons que les
Saoudiens utilisent des armes prohibées
dans leur guerre meurtrière contre le
peuple yéménite, telles les armes à
sous-munition. D’après le Dr. Riedel, le
royaume saoudien est un allié vital des
États-Unis contre Al-Qaïda et l’État
islamique, alors que chacun sait que le
wahhabisme diffusé par l’Arabie Saoudite
est la matrice du terrorisme et que le
Royaume soutient, finance, et arme les
groupes terroristes, dont Al-Qaïda et
Daesh.
Concernant l’Algérie et le DRS, le
mot « mystère » revient souvent dans les
propos du Dr. Riedel, néanmoins il
conclut en disant que les États-Unis et
l’Europe ont intérêt à établir une
relation stratégique avec l’Algérie. Il
poursuit en disant que l’administration
Obama suit de près la situation qui
prévaut dans notre pays, un aveu qui
revêt une signification majeure de la
part de ce responsable très influent de
la CIA, au moment où des cancres comme
le Secrétaire Général du FLN Amar
Saïdani et ses chefs, dont Saïd
Bouteflika, ont mené pour des raisons
claniques une véritable campagne de
déstabilisation de nos services de
renseignement avec des attaques très
dangereuses, qui menacent une
institution stratégique. S’en prendre
aux services de renseignement algériens
et à l’ANP avec virulence comme le fait
ce traître de Saïdani, larbin parmi tant
d’autres larbins de Saïd Bouteflika,
présente un risque indéniable. Le
témoignage sur l’expérience de travail
de Bruce Riedel, cette éminence grise de
la CIA, avec le DRS, vient à point nommé
pour rendre à César ce qui appartient à
César. Cette confidence vaut son pesant
d’or même si nous autres, Algériens,
connaissons la valeur de nos services de
renseignement et de notre armée. Quant
au mystère dont fait part Riedel, nous
lui répondons qu’il est intrinsèque à
nos services de renseignement et à notre
armée et qu’il est la preuve de leur
efficacité. Malgré le fait qu’il soit un
haut responsable à la CIA et à la Maison
Blanche, et bien que, selon ses dires,
il ait travaillé avec le DRS et ait
éprouvé son efficacité, celui-ci demeure
pour lui très mystérieux, ce qui
confirme la réputation des services de
renseignement algériens dans le monde,
renommés pour leurs performances et leur
efficacité. Bruce Riedel ajoute, par
ailleurs, que le service de
renseignement héritier du DRS ne peut
qu’être lui aussi très efficace,
s’inscrivant dans la continuité de son
prédécesseur. En ces moments troubles et
de doute où une série américaine fait
l’évènement commeDesignated Survivor
et où l’on voit un président américain
déclarer la guerre à l’Algérie, nous
espérons que l’attaque nucléaire contre
l’Algérie restera un fantasme
hollywoodien plutôt qu’une prédiction.
Effectivement, l’Algérie est
fascinante sous divers aspects, et son
armée et ses services de renseignement
méritent le respect. J’ajoute que la
libération de notre pays est le résultat
d’un combat contre la France et l’OTAN
qui a duré 7 ans. Nous devons notre
indépendance au sacrifice de nos martyrs
qui ont versé leur sang pour la terre
d’Algérie et dont bon nombre d’entre eux
ont combattu bravement du côté des
alliés contre le nazisme lors de la
Seconde Guerre mondiale. Rappelons pour
l’Histoire que le 7e RTA, le 7e Régiment
des Tirailleurs algériens, s’est
illustré notamment à la bataille de
Monte Cassino et a libéré, entre autres,
l’Alsace. La libération de notre pays
s’est faite grâce au courage et à
l’abnégation de nos braves
révolutionnaires qui ont terrassé
l’hydre colonialiste et à l’héroïsme de
notre peuple. L’arbre de la liberté a
été arrosé par le sang de nos martyrs.
Allah Yarham Chouhada ! Gloire
à nos martyrs !
Mohsen Abdelmoumen
Biographie :
Le Dr. Bruce Riedel est chercheur
principal et directeur de l’Intelligence
Project Brookings, une partie du
Brookings Centre consacré à la sécurité
du XXIe siècle et au renseignement. En
outre, Riedel est aussi chercheur
principal au Center for Middle East
Policy. Il a pris sa retraite en 2006
après 30 ans de service à l’Agence
centrale de renseignement (CIA), y
compris les affectations à l’étranger.
Il était un conseiller principal sur
l’Asie du Sud et le Moyen-Orient pour
les quatre derniers présidents des
États-Unis dans le personnel du Conseil
de sécurité nationale à la Maison
Blanche. Il a également été secrétaire
adjoint de la Défense pour le
Proche-Orient et l’Asie du Sud au
Pentagone et conseiller principal à
l’Organisation du Traité de l’Atlantique
Nord à Bruxelles.
Le Dr. Riedel a été membre de
l’équipe de processus de paix du
président Bill Clinton et a négocié à
Camp David et à d’autres sommets
israélo-arabes, et il a organisé le
voyage de Clinton en Inde en 2000. En
Janvier 2009, le président Barack Obama
lui a demandé de présider une révision
de la politique américaine envers
l’Afghanistan et le Pakistan, dont les
résultats ont été énoncés par le
président dans un discours prononcé le
27 Mars 2009.
En 2011, Bruce Riedel a servi comme
conseiller expert à la poursuite du
terroriste d’Al-Qaïda Omar Farooq
Abdulmutallab à Detroit. En Décembre
2011, le Premier ministre David Cameron
lui a demandé d’informer le Conseil
national de sécurité du Royaume-Uni à
Londres sur le Pakistan.
Le Dr. Riedel est l’auteur de « The
Search for al Qaeda: Its Leadership,
Ideology and Future » (Brookings
Institution Press, 2008),
« Deadly Embrace: Pakistan, America and
the Future of the Global Jihad »
(Brookings Institution Press, 2011;
traduit en persan) et
« Avoiding Armageddon: America, India
and Pakistan to the Brink and Back »
(Brookings Institution Press, 2013). Il
est un contributeur à« Which
Path to Persia? Options for a New
American Strategy Toward Iran »(Brookings
Institution Press, 2009),
« The Arab Awakening: America and the
Transformation of the Middle East »
(Brookings Institution Press, 2011) et« Becoming
Enemies: U.S.-Iran Relations and the
Iran-Iraq War, 1979-1988 »(Brookings
Institution Press, 2012). Son livre
« What We Won: America’s Secret War in
Afghanistan, 1979-1989 »
(Brookings Institution Press, 2014) a
remporté la médaille d’or pour le
meilleur nouveau livre sur la guerre et
les affaires militaires à la cérémonie
INDIEFAB. Son dernier livre est
« JFK’s Forgotten Crisis: Tibet, the CIA
and the Sino-Indian War »
(Brookings Institution Press, 2015).
Bruce Riedel est diplômé de Brown
(BA), Harvard (MA), et du Royal College
of Defence Studies de Londres. Il a
enseigné à l’École de service extérieur
de l’Université de Georgetown et à
l’école des hautes études
internationales de l’Université Johns
Hopkins, et il a été conférencier invité
à Dartmouth, Harvard, Brown, et d’autres
universités. Riedel est récipiendaire de
la Médaille du mérite du renseignement
et de la médaille de carrière du
renseignement.
Published in English in American
Herald Tribune, October 19, 2016:http://ahtribune.com/politics/1275-bruce-riedel.html
In Oximity:https://www.oximity.com/article/Le-Dr.-Bruce-Riedel-conseiller-du-Pr-1
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