Chronique de
Palestine
Une étude d’Oxford conteste les
affirmations d’Israël
sur les réfugiés palestiniens
Miko Peled
Des
réfugiés palestiniens portent leurs
affaires alors qu'ils s'apprêtent à
traverser le pont Allenby,
détruit, qui enjambe le Jourdain depuis
la partie de la Jordanie occupée par
Israël, le 22 juin 1967.
De nombreux réfugiés ont déclaré avoir
été forcés de partir par les Israéliens
Photo : Archives/Bernard
Frye
Dimanche 15 novembre 2020
Il faut un changement fondamental
dans la façon dont les réfugiés
palestiniens sont perçus, non plus comme
des victimes mais comme des personnes
ayant des droits et qui sont en droit de
façonner leur propre destin. C’est
l’affirmation que fait une nouvelle
étude dont l’importance ne saurait être
surestimée.
Selon le droit international, les
réfugiés palestiniens ont le droit de
retourner dans leurs foyers et sur leurs
terres et d’obtenir réparation et
indemnisation pour leurs souffrances et
leurs pertes personnelles et
collectives. En outre, l’État d’Israël,
qui est responsable du nettoyage
ethnique de la Palestine, doit payer
pour le rapatriement, la réhabilitation
et la reconstruction que le retour
nécessitera. Il est essentiel de bien
comprendre pourquoi des millions de
Palestiniens vivent en tant que réfugiés
et ce que le droit international dit de
leur situation, et une étude publiée
récemment apporte un éclairage sans
précédent sur la question des réfugiés
palestiniens.
“Palestinian
Refugees in International Law” (2nd
Edition), de Francesca P. Albanese et
Lex Takkenberg, a été publié en Mai 2020
par Oxford University Press. C’est un
ouvrage complet sur la question des
réfugiés palestiniens, et son importance
ne saurait être surestimée. Cette étude
remet les pendules à l’heure quant à la
cause de la crise des réfugiés, fournit
des statistiques capitales et procure
des éléments d’information cruciaux
concernant ce que dit le droit
international sur les réfugiés
palestiniens.
L’étude précise
d’emblée que, « au moment de la
publication, l’exil non-résolu des
réfugiés palestiniens est entré dans sa
huitième décennie. » Certains réfugiés
sont de la troisième, voire de la
quatrième génération, et ils constituent
le « plus important groupe de réfugiés
au monde. » En outre, elle précise que
leur situation de réfugiés est la plus
longue de l‘histoire moderne. »
Contexte
historique
La campagne
initiale de nettoyage ethnique massif
des Palestiniens par les forces
sionistes s’est déroulée de 1947 à 1949.
Bien que le nettoyage ethnique et le
déplacement interne des Palestiniens par
Israël se soient poursuivis pendant une
grande partie des années 50, et en fait
continuent jusqu’à aujourd’hui, la
campagne de nettoyage ethnique de
1947-1949 est ce qui a causé la
destruction de la Palestine telle
qu’elle avait été connue pendant des
siècles. Cette campagne a été
responsable de la survenue de ce que
l’étude désigne comme « l’une des crises
de réfugiés les plus importantes et les
plus prolongées de tous les temps. » La
majorité de ces réfugiés et leurs
descendants, troisième et même quatrième
générations, sont enregistrés en tant
que ‘réfugiés de Palestine’ par l’UNRWA
et sont généralement appelés réfugiés de
1948.
Les Palestiniens
qui ont été exilés de la Cisjordanie, de
Jérusalem-Est, et de la Bande de Gaza en
1967 sont généralement appelés «
personnes déplacées » ou « réfugiés de
1967. » Leur sort et leur statut sont
selon le droit international similaires
à ceux des réfugiés de 1948. Toutefois,
une terminologie différente leur est
appliquée en raison du statut du pays
d’où ils ont été déplacés – le Royaume
de Jordanie, qui était à cette étape un
état indépendant. Chaque année,
l’Assemblée Générale de l’ONU adopte une
résolution annuelle distincte qui leur
est spécifiquement consacrée.
Droits des
réfugiés
Ayant subi une
violente agression contre leur vie et
leurs biens et étant soudainement privés
de la protection du gouvernement de la
Palestine Mandataire dont ils étaient
citoyens, les Palestiniens sont devenus
des réfugiés apatrides. Ils furent admis
dans des pays voisins, espérant pour
beaucoup que ce serait à titre
provisoire. Cependant, on pourrait
avancer, comme je le fais, que cette
attente résultait d’un grave malentendu
quant aux objectifs et à l’influence du
mouvement sioniste.
« Pour des raisons
politiques et historiques les réfugiés
palestiniens bénéficient d’un régime
distinct constitué de normes spécifiques
et d’arrangements institutionnels
différents de ceux s’appliquant à
d’autres réfugiés. » Cette réalité a
affecté la protection que méritent les
Palestiniens en tant que réfugiés et
souvent « les exclue des droits et
normes du traitement accordés aux autres
réfugiés. » En d’autres termes, les
réfugiés palestiniens sont
internationalement reconnus et pourtant
soumis à un régime institutionnel
distinct comparé à celui des autres
réfugiés partout dans le monde. Cette
distinction vient des dispositions
spéciales que l’ONU a dû prendre à leur
intention en 1948, étant donné que
l’état sioniste nouvellement constitué
refusait de les laisser rentrer chez
eux.
L’une des erreurs
courantes que font les gens concernant
les droits des réfugiés palestiniens
c’est de croire que l’obtention de
droits dans leur pays d’accueil, dont la
citoyenneté, affaiblira en quelque sorte
leurs revendications envers Israël.
D’après cette étude, « il faut tordre le
cou une fois pour toute » à cette
croyance. En fait, l’étude affirme, par
ailleurs, que pour la réalisation des
droits des réfugiés palestiniens, la
communauté palestinienne doit opérer un
changement de paradigme, et que la
diplomatie régionale et internationale
doit apporter un certain degré de
soutien « qui a fait grandement défaut
jusqu’ici. »
En outre, la
fragmentation politique et physique dont
est victime le peuple palestinien et la
diversité des cadres légaux et des
acteurs qui sont en charge de son sort
sont devenues des caractéristiques de
son vécu et de son malheur. Il doit se
produire un changement fondamental dans
la façon dont les réfugiés palestiniens
sont perçus, « non pas comme les
victimes d’un processus politique qui a
échoué, mais comme des personnes qui ont
des droits, et sont en droit de forger
leur propre destinée »
Identité et
nombres
« Aujourd’hui, sur
plus de 13 millions de Palestiniens dans
le monde, huit millions environ sont des
réfugiés. » 5,5 millions sont
enregistrés en tant que ‘réfugiés de
Palestine’ auprès de l’Office de Secours
et de Travaux des Nations Unies (UNWRA)
en Jordanie, au Liban, en Syrie, dans la
Bande de Gaza, et en Cisjordanie.
L’étude estime
qu’environ 1,5 millions de Palestiniens
sont actuellement dispersés en dehors
des pays arabes, et leur statut et leurs
papiers les rend statistiquement
invisibles et donc, difficiles à suivre.
En raison de leur dispersion, les
réfugiés palestiniens ont souvent une :
identité à trait d’union
Palestinien-Jordanien-,
Palestinien-Syrien,
Palestinien-Américain,
Palestinien-Irakien, etc. il faut
préciser que pour la plupart des
Palestiniens la résidence à long terme
dans des pays d’accueil ne s’est pas
traduite par la protection qu’offre la
citoyenneté.
Un autre fait peu
connu que révèle cette étude c’est que
depuis la fin des années 60, plus de 700
000 réfugiés palestiniens ont été
éjectés de pays arabes, créant des défis
extraordinaires, y compris la nécessité
de chercher l’asile dans un autre pays.
Ce qui rend la situation plus grave
encore, c’est que l’Assemblée Générale
de l’ONU n’a pas donné de mandat pour
prendre soin d’eux. Ils ne sont pas
inclus dans la population de réfugiés
enregistrée par l’UNWRA et ne
bénéficient pas d’une assistance
complète de la part de l’agence.
Question
démographique
Ce qu’il est
désormais convenu d’appeler la «
question démographique » est le nom de
code de l’obsession sioniste, à savoir
établir une majorité juive en Palestine
– territoire qui jusqu’en 1948 avait une
forte majorité arabe. C’est un enjeu
pressant depuis les premières années du
Mandat britannique. Pourtant, malgré le
soutien britannique au projet national
juif et les vagues de migration juive en
Palestine depuis la fin du dix-neuvième
siècle, à la fin de 1947, la population
juive de Palestine ne représentait qu’un
tiers de la population totale de la
Palestine.
La Grande Bretagne
facilita la migration juive en
`Palestine et fit de centaines de
milliers de migrants juifs européens des
citoyens de la Palestine mandataire. «
Le décret sur la citoyenneté du 1ier
août 1925, accorda les droits de la
citoyenneté pleine et entière à tous les
sujets turcs (ottomans) résidants
habituellement en Palestine, dont la
vaste majorité était des Palestiniens
arabes.
En 1946, la
population de Palestine était estimée à
1 846 000 habitants, dont 1 203 000
Arabes palestiniens et 608 000 juifs. Au
cours des trente années du contrôle
britannique sur la Palestine, la
population juive augmenta de plus de 30
pour cent comparé à une moyenne de
croissance de 10 pour cent au cours des
20 dernières années de l’empire ottoman,
période déjà marquée par une immigration
juive accrue.
L’idée de bouter
les Arabes palestiniens hors de
Palestine par le biais de l’expulsion et
du transfert s’était très tôt ancrée
dans l’état d’esprit de la direction
sioniste. Dès les années 1930, l’agence
juive avait mis en place une commission
de transfert de population qui a élaboré
des plans pour évacuer la population
palestinienne « en obtenant des terres
pour eux dans les pays voisins, ou en
obtenant que la Grande Bretagne les
déplace. » Au cours de 1948, plusieurs
commissions de transfert furent mises en
place par l’Agence juive, et plus tard
par le gouvernement israélien pour «
faciliter l’exode. »
Lors de la
signature des accords d’armistice en
1949 entre le nouvel état d’Israël et
ses voisins arabes, il ne restait que 15
pour cent de la population arabe de la
Palestine d’avant 1948 dans le
territoire qui deviendrait Israël.
Criminalisation
du retour et confiscation des biens
L’état d’Israël a
déclaré son indépendance le 14 mai 1948.
Dès juin de cette année-là, le
gouvernement israélien avait pris la
décision d’interdire aux réfugiés de
rentrer chez eux. En 1952, Israël a
adopté la Loi sur la Nationalité, qui
effectivement banissait plus des
deux-tiers des citoyens arabes
palestiniens de la citoyenneté de la
Palestine sous Mandat britannique,
territoire qui était toujours leur
propre pays.
En 1954, Israël
adopta ‘la Loi sur la Prévention de
l’Infiltration’, qui concrètement
criminalisait le retour des réfugiés
palestiniens. Les soldats qui voyaient
des « infiltrés, » terme utilisé pour
décrire tout Palestinien tentant de
revenir dans sa maison ou sur ses
terres, étaient autorisés à tirer à vue
sur eux. Ceux qui étaient capturés et
non tués sur place étaient emprisonnés
et de nouveau expulsés.
Ceci n’était pas
seulement motivé par la cruauté sioniste
mais aussi par l’avidité.
Les richesses que
les Palestiniens laissaient derrière eux
« étaient stratégiques pour l’état
d’Israël émergeant. » Les Palestiniens
ont laissé derrière eux d’immenses
étendues de terres agricoles, des
outils, du bétail, des boutiques, des
usines, des lieux de culte, des maisons
particulières, des avoirs financiers, et
des effets personnels. Les récoltes des
champs et des vergers ont aussi été
abandonnées, parmi lesquelles de vastes
stocks d’agrumes en attente
d’exportation contre des devises.
Octobre 1970 – Le
camp de réfugiés palestiniens de Bekka
aux portes d’Amman,
en Jordanie – Photo
: Archives
Les biens meubles
ont été vendus par les autorités
israéliennes. Le gouvernement a même mis
en location des carrières de pierre
abandonnées et vendu les fruits de
cactus provenant de champs abandonnés. «
Au-delà de ce gain monétaire, le
contrôle des biens des réfugiés
permettait à Israël et à l’agence juive
d’installer à bon compte des centaines
de milliers d’immigrants juifs qui
commençaient à affluer en Israël après
1948. »
« Le fossé entre
ces biens et leurs
propriétaires/occupants s’est encore
plus creusé en raison du transfert, par
le biais ‘d’accords d’achat, ’ à
l’Autorité de Développement israélienne,
et par la suite au Fond National juif,
pour la gestion. » Ces institutions
sionistes ont rendu impossible la
restitution de ces biens – meubles comme
immeubles – de réfugiés palestiniens et
de Palestiniens déplacés de l’intérieur
à leurs propriétaires légaux et
légitimes.
En plus de couper
les liens entre la terre et ses
propriétaires d’origine, Israël a
transformé le territoire pour qu’il
bénéficie à sa propre croissance
économique. « Dès 1950, le Custodian
était devenu le plus grand propriétaire
terrien en Israël. » Il avait acquis
l’autorité légale d’attribuer les biens
palestiniens aux immigrants juifs qui
arrivaient.etude-doxford-conteste-affirmations-israel-sur-refugies-palestiniens
Dans les années
1950, les Lois sur les Biens des Absents
ont consolidé la pratique de saisie des
biens des absents et leur transfert à
l’état d’Israël pour la jouissance
exclusive de la population juive. Les
biens des absents ont grandement
contribué à faire d’Israël un état
viable. Ces lois ont permis à Israël de
s’emparer de fermes et d’habitations
urbaines de Palestiniens et de les
peupler des nouveaux venus juifs en
provenance d’Europe et de pays arabes.
Les kibboutz juifs et les colonies
agricoles ont commencé à exproprier de
leurs terres tant les réfugiés que les
Palestiniens restés dans ce qui était
devenu Israël. Les Palestiniens qui sont
restés n’ont pas eu d’autres choix que
de travailler pour ces mêmes Israéliens
qui avaient volé leurs terres.
Ces vastes étendus
de bonne terre arable étaient maintenant
détenues par l’état et étaient utilisées
par des colonies juives et des
agriculteurs individuels pour y cultiver
des céréales et des légumes. Les maisons
arabes inoccupées ont été utilisées pour
loger des immigrants. Avec le temps, les
villages palestiniens vidés ont été soit
transformés, soit détruits. Certains
furent transformés en parcs et forêts ;
d’autres furent utilisés pour la culture
et le développement. « Toutes ces
mesures ont progressivement rendu la
possibilité du retour des réfugiés de
plus en plus improbable. »
Les porte-parole
d’Israël et des sionistes à travers le
monde aiment prétendre que les juifs
sont venus sur une terre stérile et vide
et qu’ils l’ont fait fleurir. Cette
étude montre à l’évidence qu’ils sont
venus dans un pays déjà prospère et
qu’ils ont volé ses richesses.
Le rapport du
médiateur de l’ONU pour la Palestine
Nous manquerions à
nos obligations si nous ne mentionnions
la contribution et en fait le sacrifice
du Médiateur de l’ONU pour la Palestine,
le comte Folke Bernadotte. Bernadotte
était un diplomate suédois, à qui il a
été demandé, après qu’il eut négocié
avec succès le sauvetage d’environ vingt
mille prisonniers des camps de
concentration nazis (dont plus de la
moitié étaient juifs), d’assumer le rôle
de médiateur pour la Palestine. Il s’est
rendu plusieurs fois dans le pays et a
rendu plusieurs rapports.
Le comte Bernadotte
a rendu son premier rapport sur les
réfugiés à l’ONU le 16 septembre 1948.
Le rapport décrit ses efforts pour
obtenir du Gouvernement provisoire
d’Israël un accord pour un retour
échelonné des réfugiés. Cette étude
affirme clairement que « les efforts
pour trouver une solution diplomatique
échouèrent à cause de la ferme
opposition du gouvernement provisoire
d’Israël au retour des réfugiés. » Le
rapport de Bernadotte soulignait que :
« Le droit des
personnes innocentes délogées de chez
elles par la terreur actuelle et les
ravages de la guerre, de revenir chez
elles, doit être affirmé et concrétisé,
accompagné de l’assurance d’une
indemnisation adéquate pour les biens de
ceux pourraient choisir de ne pas
revenir. »
Le ‘droit’ au
retour et à indemnisation adéquate des
réfugiés palestiniens est récurrent dans
son rapport, quelles que soient les
opinions exprimées par le gouvernement
provisoire d’Israël. Le droit au retour
était considéré par Bernadotte comme
faisant partie des prémisses les plus
élémentaires au règlement du conflit.
L’extrait suivant de son rapport trouve
toujours un écho aujourd’hui :
« Il ne peut y
avoir de règlement juste et complet sans
reconnaissance du droit du réfugié arabe
de retourner dans la maison dont il a
été délogé … Ce serait une infraction
aux principes de justice élémentaire si
l’on refusait à ces victimes innocentes
du conflit le droit de rentrer chez eux
alors que des immigrants juifs affluent
en Palestine, et, de fait, présentent la
menace du remplacement permanent des
réfugiés arabes. »
Le Médiateur a non
seulement insisté sur le droit au retour
des réfugiés mais a aussi exprimé
clairement que ces droits devaient être
affirmés plutôt qu’établis. Ceci
reflétait le consensus dominant quant
aux normes du droit international
relatif aux réfugiés.
Bernadotte a
également précisé que,
« Le droit des
réfugiés arabes de retourner dans leur
foyer en territoire sous contrôle juif
le plus tôt possible devrait être
affirmé par l’ONU, et leur rapatriement,
réinstallation et leur réhabilitation
économique et sociale, ainsi que le
paiement d’une indemnisation adéquate
pour les biens de ceux choisissant de ne
pas rentrer, devraient se faire sous
supervision et assistance de l’ONU. »
Le plaidoyer de
Bernadotte en faveur des réfugiés
palestiniens et son affirmation que
Jérusalem – alors occupée et soumise à
une campagne de nettoyage ethnique
minutieux – devrait passer sous contrôle
international et non sous contrôle
sioniste étaient intolérables pour le
gouvernement sioniste. Le 17 septembre
1948, un jour après avoir soumis son
rapport d’étape, Folke Bernadotte a été
assassiné par des membres d’une milice
sioniste dans un attentat terroriste.
Les terroristes ont
agi sur ordre de se débarasser de
Bernadotte, et bien qu’il ait été dit
plus tard que les assassins étaient
membres d’un groupe marginal extrémiste
et que le gouvernement central
provisoire avait formellement condamné
l’assassinat, il ne fait guère de doute
que l’ensemble de l’institution sioniste
était complice du meurtre de Bernadotte.
Bien que les
assassins fussent bien connus et eussent
même donné des interviews, aucun n’a
jamais été traduit en justice. L’une des
personnes connues pour avoir été
directement impliquées dans l’assassinat
est Yitzhak Shamir, bien qu’il n’ait pas
fait partie du groupe terroriste qui a
commis le meurtre. Shamir a ensuite
occupé de nombreux postes du
gouvernement israélien, y compris celui
de premier ministre.
Résolution 194
L’Assemblée
Générale de l’ONU a accepté les
recommandations de Folke Bernadotte
lorsqu’elle a adopté la Résolution 194,
et à la suite de sa mort, a constitué la
Commission de Conciliation des Nations
Unies pour la Palestine (CCNUP), qui a
endossé les principales fonctions du
Médiateur. En ce qui concerne les
réfugiés, la résolution spécifie que
l’Assemblée Générale :
Décide qu’il y a
lieu de permettre aux réfugiés qui le
désirent, de rentrer dans leurs foyers
le plus tôt possible et de vivre en paix
avec leurs voisins, et que des
indemnités doivent être payées à titre
de compensation pour les biens de ceux
qui décident de ne pas rentrer dans
leurs foyers et pour tout bien perdu ou
endommagé lorsque, en vertu des
principes du droit international ou en
équité, cette perte ou ce dommage doit
être réparé par les Gouvernements ou
autorités responsables ;
Suite au refus
d’Israël de se conformer à la requête du
Médiateur de permettre aux réfugiés de
rentrer dans leurs foyers, l’Assemblée
Générale affirme, dans le paragraphe 11,
qu’elle,
Donne pour
instructions à la Commission de
conciliation de faciliter le
rapatriement, la réinstallation et le
relèvement économique et social des
réfugiés, ainsi que le paiement des
indemnités, et de se tenir en liaison
étroite avec le Directeur de l’Aide des
Nations unies aux réfugiés de Palestine,
et, par l’intermédiaire de celui-ci,
avec les organes et institutions
appropriés de l’Organisation des Nations
unies.
Le travail de la
Commission de Conciliation des Nations
Unies pour la Palestine (CCNUP) s’est
achevé en 1964. D’après cette étude, les
dossiers dans les archives de la
Commission révèlent qu’elle a estimé la
valeur de la terre que possédaient les
réfugiés palestiniens à 204 660 250
livres palestiniennes britanniques, qui
équivalent à 9,6 milliards de dollars EU
en 2019.
Jaffa, juillet 1936
– Destruction à la dynamite de maisons
palestiniennes par les troupes
britanniques
Photo : Archives
L’étude stipule
également que les estimations de la
Commission sont considérées comme étant
« incomplètes et prudentes, » mais
qu’elles sont néanmoins les plus
précises qui aient été faites à ce jour
du point de vue méthodologique. «
Au-delà de la perte des terres, un
régime de compensation devrait aussi
prendre en compte les pertes de biens
meubles, des allocations pour trouble de
jouissance (représentant la perte de
revenus jusqu’à ce que le /la réfugié.e
puisse se réinstaller), un paiement à
titre gracieux représentant une
compensation générale pour les préjudice
subis, et les frais de réinstallation. »
En août 1961, sur
suggestion du gouvernement E U, la
Commission a nommé le Dr Joseph E.
Johnson en qualité de représentant
spécial. L’estimation globale de Johnson
du montant dû aux réfugiés palestiniens
au titre de compensation s’élevait à
1,377 milliards de dollars EU en 1962.
C’est l’équivalent de 22,975 milliards
de dollars EU en 2019. Tout ceci pour
les réfugiés de 1948 uniquement.
La résolution 194
est l’une des résolutions les plus
largement réaffirmées de l’histoire de
l’ONU. Cette étude stipule que « des
résolutions qui ont été réaffirmées des
centaines de fois confirment non
seulement un consensus international de
longue date mais acquièrent également un
caractère légal. » La Résolution 194 a
été réaffirmée régulièrement au cours
des années, et a même servi de précédent
dans les réactions internationales à
d’autres crises de réfugiés.
L’Arrêté
militaire 58
Dans la foulée de
l’attaque israélienne et de la conquête
de terres arabes, et immédiatement après
qu’elle eut saisi la Cisjordanie,
l’armée israélienne a publié l’Arrêté
militaire 58. Il permet la saisie de
tout bien immobilier détenu par des
résidents de Cisjordanie qui n’étaient
pas dans le secteur le 7 juin 1967, et
de ceux qui sont partis par la suite. «
L’Arrêté militaire 58 reproduit la Loi
sur les Biens des Absents de 1950 pour
les territoires de 1967, l’appliquant au
territoire qu’Israël ne fait,
soi-disant, qu’occuper et sur lequel il
n’a aucune souveraineté. »
D’après cette
étude, l’Arrêté militaire 58 « a une
portée plus large que la Loi sur les
Biens des Absents, » en ce qu’il a
permis à Israël de prendre le contrôle
de biens immobiliers qui étaient détenus
par la Jordanie depuis 1948 et de les
placer sous le contrôle du dépositaire
israélien. En outre, son application
n’est pas limitée dans le temps, il
s’applique à tout Palestinien qui quitte
la Cisjordanie, et est toujours en
vigueur à ce jour.
Droit
international
Le gouvernement
britannique a initialement fait deux
promesses contradictoires concernant la
Palestine, l’une aux arabes palestiniens
autochtones et l’autre à la communauté
d’immigrants juifs colonisateurs.
Cependant, les actions du gouvernement
britannique ne laissaient aucun doute
quant à sa préférence pour la création
de ce qui est devenu un état juif – ou
plus exactement, un état sioniste – en
Palestine. Il vaut la peine de
mentionner, au passage, que la
communauté juive orthodoxe qui résidait
en Palestine à l’époque s’est opposée
avec véhémence aux sionistes et à la
création d’un état sioniste. Elle a fait
connaitre son opposition aux
Britanniques, aux Nations Unies, et aux
dirigeants arabes palestiniens locaux,
avec lesquels elle entretenait
d’excellentes relations.
Le soutien
britannique aux revendications sionistes
sur la Palestine a permis l’offensive
militaire généralisée des milices
sionistes contre la communauté
palestinienne autochtone. Cela a
finalement mené à la création d’un état
sioniste indépendant et à
l’assujettissement, à la dépossession, à
l’exil et à l’apatridie des Arabes
palestiniens autochtones. Il a également
entrainé des mesures empêchant le retour
des Palestiniens déplacés de force tout
en promouvant activement l’immigration
juive sous couvert de retour. En
conséquence, il existe actuellement une
crise de réfugiés non résolue « qui est
devenue la plus importante et la plus
longue de l’histoire moderne. »
Il est crucial de
reconnaître que les droits des réfugiés
palestiniens au retour, à la restitution
de leurs biens, et au dédommagement,
étaient déjà consacrés par le droit
international en 1948. L’Assemblée
Générale des Nations Unies a réaffirmé
ces droits dans la résolution 194.
En 1948, les
réfugiés avaient déjà le droit de
rentrer dans leurs foyers. Au lieu de
cela, 750 000 réfugiés furent
dénationalisés en masse, empêchés de
retourner dans leur maison, et
contraints à un exil apparemment sans
fin. En d’autres termes, Israël avait
déjà en 1948 contrevenu aux obligations
qui lui incombaient en vertu du droit
international humanitaire et du droit en
matière de la responsabilité des états.
Depuis lors, les
politiques et les pratiques des
gouvernements israéliens successifs
persistent à empêcher le retour et
l’autodétermination du peuple
palestinien. Israël refuse aux réfugiés
palestiniens le droit au retour, la
restitution de leurs biens, et le
dédommagement, et les dirigeants
israéliens persistent même à nier
l’existence même d’un peuple
palestinien. Israël justifie ses actions
en contestant le fondement de ses
obligations et ceux des droits des
palestiniens, et la communauté
internationale a fait preuve de
faiblesse et n’a pas voulu intervenir.
La jurisprudence
dans son évolution depuis la seconde
guerre mondiale affirme que les
revendications individuelles et
collectives ne sont pas incompatibles
mais au contraire se renforcent
mutuellement. En fait, ce sont là des
défis que l’on trouve dans d’autres cas
de déplacements de masse, de graves
violations des droits de l’homme, et où
le passage du temps a accru le nombre de
requérants. Le nombre élevé de
requérants possibles chez les réfugiés
palestiniens est souvent considéré comme
justifiant le refus d’Israël de
reconnaître les droits des réfugiés
palestiniens en général. Toutefois,
étant donné la limpidité des droits
individuels et la nature des violations
impliquées dans le cas palestinien, «
les revendications individuelles et les
réclamations collectives pour des
groupes d’individus doivent être
traitées.
Il y a des
problèmes qui peuvent être surmontés,
comme l’ont démontré les réparations
faites aux victimes des persécutions
nazies. Ils incluaient des réclamations
multiples dans différentes juridictions
de différents pays et sur différents
continents, et des règlements
intervenant plusieurs décennies après
que les violations eurent lieu.
Le gouvernement
israélien encourage énergiquement les
juifs du monde entier à s’installer en
Israël tout en faisant pression pour que
des lois soient adoptées sur la
restitution des pertes subies par les
juifs. En même temps, il refuse
catégoriquement aux Palestiniens le
droit de revenir et de se réinstaller
dans leur patrie et de recevoir
réparation. Israël étant un état
colonial de peuplement ces politiques ne
sont guère inhabituelles, on peut,
cependant, se demander à quelle étape la
communauté internationale interviendra
au nom des millions de réfugiés
palestiniens qui attendent de rentrer.
Le droit au
retour
Israël objecte au
retour des réfugiés palestiniens au
motif qu’il constitue une menace
existentielle. Toutefois, ce que les
institutions sionistes craignent tout
autant ce sont les exigences au regard
du droit international de devoir payer
réparation et dédommagement pour les
biens immobiliers tant privées que
publiques, et les ressources naturelles
volés au peuple palestinien.
En 1949, la
Convention de Genève a précisé les
règles en matière de déportation et a
expressément fait référence au
rapatriement des personnes protégées.
L’Article 49 de la CGIV interdit « Les
transferts forcés, en masse ou
individuels, ainsi que les déportations
de personnes protégées hors du
territoire occupé. » Elle dit par
ailleurs que « Toutes les personnes
protégées qui souhaitent quitter le
territoire dès le début d’un conflit, ou
au cours de celui-ci, en auront le
droit. »
Les institutions et
porte-paroles sionistes prétendent que
la question des réfugiés a en quelque
sorte atteint un délai de prescription
imaginaire. Cependant, le fondement
légal des droits des réfugiés
palestiniens au rapatriement, à
réparation, et à dédommagement –
conformément à la résolution 194 – n’a,
non seulement, pas expiré mais, d’après
cette étude, « est depuis devenu encore
plus fort. » En outre, d’après les
articles sur la Responsabilité des
États, « la responsabilité de l’état ne
diminue pas avec le temps. »
Ce n’est que pour
des raisons politiques que les droits
des réfugiés palestiniens continuent à
être marginalisés. Les institutions
sionistes partout dans le monde, font
tout ce qu’elles peuvent, avec le
soutien du gouvernement états-unien,
pour minimiser la gravité de la question
des réfugiés palestiniens et pour
absoudre Israël de toute responsabilité.
La chute du régime d’apartheid sioniste
en Palestine et l’émergence d’une
Palestine libre et démocratique en lieu
et place est indiscutablement la seule
évolution qui puisse concrètement
permettre le retour des réfugiés.
* Miko Peled
est un auteur et un militant des droits
de l’homme né à Jérusalem. Il est
l’auteur de
“The General’s Son. Journey of an
Israeli in Palestine,” et “Injustice,
the Story of the Holy Land Foundation
Five »
16 octobre 2020
–
Mintpress News – Traduction:
Chronique de Palestine – MJB
Les dernières mises à jour
|