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Astana, nouveau centre mondial
de résolution des crises?
Mikhail Gamandiy-Egorov
© AP
Photo/ Sergei Grits
Mercredi 25 janvier 2017
Source:
Sputnik
Fin septembre 2015, en marge de
l’Assemblée générale de l’Onu, le
président du Kazakhstan Noursoultan
Nazarbaïev prend la parole.
Il y mentionne trois points importants:
1) Les sanctions contre des pays n'ont
pas lieu d'être à notre époque. 2) Le
monde a énormément changé depuis la
création de l'Onu et surtout depuis les
dernières années et enfin 3) Compte tenu
de tous ces changements, il a proposé de
transférer le siège de l'Onu depuis New
York en Asie.
Certains analystes
avaient pris ces paroles avec ironie,
pourtant en janvier 2017 l'attention
internationale était bel et bien axée
sur Astana, la capitale kazakhe. Pour la
première fois depuis bien longtemps,
dans la même salle et non pas à
différents étages s'étaient réunis les
représentants du gouvernement syrien
avec les représentants des groupes
armés, dits de l'opposition. Avec eux
dans cette salle les représentants des
pays-garants de la trêve entrée en
vigueur le 30 décembre dernier, à savoir
le trio Russie-Turquie-Iran. Le
Kazakhstan, en tant que pays hôte des
discussions, était bien évidemment aussi
représenté de par son ministère des
Affaires étrangères. L'envoyé spécial de
l'Onu pour la Syrie Staffan de Mistura a
lui aussi fait le déplacement. Enfin
l'ambassadeur américain en poste au
Kazakhstan était présent en tant
qu'observateur.
Ce fut loin d'être
facile et il fallait s'y attendre. Pas
évident de s'asseoir à la même table
(même très large) après plus de six
années d'affrontements. Néanmoins, le
chef de la délégation gouvernementale
syrienne, l'ambassadeur permanent de la
Syrie à l'Onu
Bachar Jaafari a réussi à garder son
sang-froid jusqu'au bout. Difficile d'en
dire autant des représentants des
groupes armés qui ont bien moins
l'habitude des rencontres diplomatiques,
et qui n'ont pas manqué d'envoyer des
accusations, notamment en direction de
l'Iran. Quoiqu'il en soit, la diplomatie
a prévalu sur les tensions. Un grand
rôle à ce niveau fut joué par la
délégation russe, de l'aveu même du
représentant de l'Onu.
Que faut-il donc
retenir de ces discussions de deux jours
dans la capitale kazakhe? Tout d'abord
que la trêve est prolongée. Et c'est
l'essentiel. Au moment où la priorité
est de lutter contre les groupes
terroristes Daech et Front Fatah al-Cham
(ex al-Nosra), ce résultat ne peut être
qu'à saluer. En même temps, il confirme
la compréhension des chefs de plusieurs
groupes armés anti-Assad qu'il est
aujourd'hui temps de négocier avec le
gouvernement syrien. Bien que les
groupes armés présents à
Astana représentent encore plusieurs
dizaines de milliers de combattants
(près de 60 000 selon les données du
ministère russe de la Défense), leur
contrôle sur le territoire syrien est
désormais fort réduit, surtout après la
libération d'Alep. Autre point clé:
l'influence de plus en plus positive de
la Turquie. Qu'on le veuille ou non, les
faits parlent d'eux-mêmes: toutes les
précédentes trêves négociées avec la
participation américaine n'ont pas pu
durer plus de quelques jours, les
États-Unis de l'administration Obama ne
souhaitant pas remplir leurs
engagements. Mais depuis celle du 30
décembre, négociée sous la coordination
russo-irano-turque, elle reste
globalement respectée. Et c'est positif.
Par ailleurs et
c'est tout aussi important, le
communiqué final d'Astana insiste sur le
respect de la souveraineté, de
l'indépendance et de l'unité de la
République arabe syrienne. De même que
sur le fait qu'elle est un État
multiethnique, démocratique et non
confessionnel. Ce dernier point posait
problème aux représentants des groupes
armés, dont nombreux sont islamistes,
mais vraisemblablement ils vont devoir
se faire à la chose.
En outre, un
mécanisme tripartite de contrôle du
cessez-le-feu sera mis en place par les
pays-garants, la même troïka: Russie,
Turquie, Iran. Le communiqué souligne
également la nécessité urgente de
multiplier les efforts pour relancer les
pourparlers conformément à la résolution
2254 du CS de l'Onu. Enfin, les trois
pays déjà cités se sont mis d'accord
pour combattre ensemble (!) les réseaux
terroristes de Daech et d'Al-Qaïda. Si
dans le cas russo-iranien, c'est déjà le
cas, le fait de voir la Turquie se
joindre à ces efforts est tout aussi
positif. Preuve à l'appui: durant les
derniers jours, les forces aérospatiales
russes et aériennes turques ont bombardé
ensemble les positions de Daech, près de
la ville d'Al-Bab, non loin de la
frontière turco-syrienne.
Les participants
n'ont pas manqué de remercier la
présidence du Kazakhstan pour avoir
assuré toutes les conditions nécessaires
au bon déroulement des discussions.
Bref, le résultat
d'Astana est assez impressionnant et
facilite sérieusement la voie à de
nouvelles plateformes, dont celle de
Genève, censée se tenir le 8 février
prochain. Avant cela, il est prévu que
des représentants de l'opposition
syrienne se rendent à Moscou.
Beaucoup de défis encore à surmonter,
notamment dans la lutte antiterroriste,
mais l'heure est effectivement à
l'optimisme. Quant à Astana, elle aura
prouvé que la multipolarité est bien une
réalité qu'il est aujourd'hui simplement
ridicule de nier. Elle aura prouvé aussi
que nous pouvons faire beaucoup dans le
cadre eurasiatique, sans faire appel aux
élites occidentales, tout en ne fermant
pas la porte aux autres intéressés
potentiels. Au-delà des questions
régionales, l'Eurasie deviendra-t-elle
une plateforme efficace pour résoudre
d'autres conflits dans divers endroits
du monde? Rien n'est à exclure.
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Publié
le 26 janvier 2017 avec l'aimable autorisation de l'auteur.
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