L’élection
présidentielle au Bénin vient de
s’achever. Le second tour a été remporté
par Patrice Talon, important homme
d’affaires, avec 65,39% des voix. En
seconde position arrive son principal
concurrent, Lionel Zinsou, avec 34,61%
des suffrages exprimés.
Patrice Talon, le
nouveau président du Bénin est en outre
le « roi du coton », importante filière
du pays qu'il contrôle. Il est également
l'homme le plus riche du Bénin et 15ème
plus riche personnalité d'Afrique
francophone subsaharienne (données de
2015 du magazine Forbes Afrique). Sa
fortune est estimée à 400 millions de
dollars.
Son adversaire
Lionel Zinsou, actuel Premier ministre
(nommé en juin 2015 par l'actuel
président sortant Boni Yayi), est quant
à lui un économiste de père béninois et
de mère française, ayant passé la plus
grande partie de sa vie en France et
fait carrière comme banquier d'affaires.
Il était en outre un proche de
Laurent Fabius, dont il était
rédacteur des discours. Il est également
animateur du club Fraternité, cercle de
réflexion du même Fabius. Lionel Zinsou
a aussi travaillé au sein de la banque
d'affaires Rothschild & Cie en qualité
d'associé-gérant.
Un homme d'affaires
donc formé au Sénégal et ayant fait
fortune au pays natal contre un
économiste franco-béninois, né à Paris
et considéré par beaucoup plus Français
que Béninois. Mais la question
principale n'est même pas là. Ce qui a
en effet choqué nombre de citoyens du
Bénin et plus généralement d'Africains,
c'est la découverte d'une vidéo d'un
discours de Lionel Zinsou en marge d'un
séminaire en France de l'Union pour un
mouvement populaire (« Les valeurs et la
mondialisation », daté du 21 mai 2011):
Discours où il
affirme clairement que « l'Afrique
appartient à l'Europe » et pas d'une
voix critique comme on pourrait le
penser mais au contraire présentant cela
comme un « atout énorme » pour l'Europe.
Plus que cela il
rajoute que « les présidents français
ont un don: celui de donner à penser aux
Africains » et à son avis il faut
continuer « que la France est toujours
le porte-parole et le défenseur de
l'Afrique »… Fin de la citation.
Evidemment il est à penser que ce genre
d'interventions est inacceptable,
surtout pour quelqu'un qui ne prétendrai
pas être un agent du néocolonialisme
occidental mais bien un candidat à la
présidentielle d'un
Etat africain (indépendant et
souverain, ne serait-ce
qu'officiellement).
Pour dire vrai je
n'ai véritablement découvert ce
personnage qu'après avoir entendu les
commentaires de révoltes de nombre
d'amis Béninois et plus généralement
Africains, à Moscou comme ailleurs. Et
d'après ce que j'ai pu entendre, je
dirai ceci (bien que je le savais déjà):
non l'Afrique n'est pas raciste. La
grande majorité des Africains sont
ouverts et tolérants. Et ne se seraient
jamais opposé à ce qu'un candidat de
mère blanche puisse devenir président de
leur pays. Mais lorsque ce candidat
défend clairement et ouvertement les
intérêts non pas du pays dont il vise la
présidence, mais bien de l'ex-puissance
coloniale, et des intérêts
néocolonialistes occidentaux en général,
il ne peut évidemment pas prétendre à en
être le chef d'Etat (encore faut-il le
rappeler qu'il est l'actuel Premier
ministre).
De toute façon
l'avenir de l'Afrique appartient aux
Africains. Oui, il y a des partenaires.
Certains opteront pour l'option des
anciens et nouveaux colons (les mêmes)
ou s'orienteront vers les
BRICS, comme c'est déjà en train
d'être le cas dans nombreux pays
africains. Mais là encore la question
n'est pas là. La véritable question
c'est est-ce que les Africains,
notamment de certains pays d'Afrique
francophone, vont accepter qu'ils soient
dirigés par des émissaires de
procuration extra-africaine? Il est à
penser que non. L'avenir nous le dira.
Pour revenir au cas
concret du Bénin et pour nous en tant
qu'observateurs, le choix du second tour
est probablement à saluer. Les Béninois
ont dit non à celui qui symbolise le
néocolonialisme non-voilé. L'Afrique
doit tourner la page des agents
néocoloniaux, les mêmes ayant assassiné
Patrice Lumumba au Congo, Thomas Sankara
au
Burkina Faso ou qui ont activement
collaboré avec le régime raciste
d'apartheid en Afrique du Sud, en tuant
(toujours par procuration) leurs propres
frères pour le compte des occupants. Il
ne faut pas pour autant croire que le
Bénin soit désormais à l'abri de ce
néocolonialisme, notamment du système de
la Françafrique. Malheureusement loin de
là.
En tout cas, le
pire a été probablement évité et la
Françafrique a peut-être pris un coup
dans ce qu'elle continue de considérer
comme son « pré-carré ». Mais la
bataille contre le néocolonialisme est
encore loin d'être gagnée. Pour le Bénin
comme pour beaucoup de pays encore de ce
beau continent qu'est l'Afrique.
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