Syrie
Le chemin de Damas, les ruines, le sang
et les larmes
Michel Raimbaud
Après cinq ans de guerre totale contre
la Syrie, le pays a plié sans rompre.
Ceux qui avaient parié sur sa reddition
en auront été pour leurs frais.
Jeudi 31 mars 2016
Source:
Afrique Asie
Conçue dans les années 1980 et
appliquée sans faiblir depuis le
11-Septembre par les néoconservateurs
américains pour reconfigurer la région
en plusieurs micro-États faibles et
dépendants, la théorie du chaos donne
aujourd’hui la pleine mesure du
désastre. Retour sur des décennies de
carnage en Irak, Libye et Syrie. Un
chaos qui s’étend désormais à ses
initiateurs, les États-Unis et leurs
alliés européens et moyen-orientaux.
Le conflit de Syrie est entré
dans sa sixième année. Quelle en sera
l’issue, alors que s’affrontent le camp
de la guerre à tout prix, celui de la
paix coûte que coûte et les partisans
d’une solution juste et morale ? On
trouve aujourd’hui encore des naïfs qui
veulent se persuader et persuader
l’opinion qu’il y aurait des opposants
modérés parmi les terroristes, des
« démocrates » au sein des 2 000 groupes
djihadistes recensés, de nobles
patriotes pur jus parmi les mercenaires
aux 100 nationalités qui sèment mort et
destruction en Syrie, en Irak, en Libye
ou ailleurs. Dans les milieux où l’on
s’est amouraché des « printemps » au
jasmin ou à l’hibiscus, l’égarement dans
les impasses du conditionnel passé amène
à évoquer sans fin, avec des sanglots
dans la barbe, les pionniers de la
cyber-révolution de l’hiver 2010-2011,
mais à ignorer le chaos généralisé qui
gagne pays après pays l’ensemble du
Grand Moyen-Orient. Ce n’est pas pour
déplaire aux idéologues néoconservateurs
(néocons) étasuniens qui, dès les années
1990, enivrés par le triomphe sur l’axe
du Mal communiste, résumaient à
l’attention des Européens leur
conception du partage des tâches :
« Pendant que vous analysez et commentez
le passé, nous, nous créons l’Histoire… »
La formule est cynique, mais bien vue :
tandis que dans nos instituts et autres
« chars d’assaut de la pensée », les
intellectuels de France et de Navarre
philosophent sur les printemps arabes, y
voyant une suite de rendez-vous manqués
avec la démocratie, leurs collègues des
think tanks anglo-américains
approvisionnent en arguments, en idées
et en projets l’entreprise de
déconstruction et de dislocation lancée
par l’Empire atlantique sur le monde
arabe et musulman, depuis que la
disparition de l’URSS laisse le champ
libre à l’axe du Bien.
Barack Obama,
un néoconservateur qui s’ignore
Barack Obama a entamé sa
dernière ligne droite. Son
« testament », publié ces jours-ci sous
forme d’entretiens avec le journaliste
américain Jeffrey Goldberg, fait grand
bruit, notamment ses petites phrases.
Erdogan est un « raté », un « tyran »
ou un « autoritaire » (au choix
du traducteur). L’Arabie saoudite
est-elle un allié ? Obama répond par une
pirouette : « C’est compliqué »,
avant de rappeler que les terroristes du
11-Septembre sont « saoudiens plutôt
qu’iraniens » et qu’un « pays
moderne ne peut marcher quand il brime
la moitié de sa population ».
Suprême provocation : « L’Arabie
Saoudite et l’Iran doivent se partager
les rôles au Moyen-Orient et instaurer
entre eux une paix froide. » Sur le
fond, Obama ne paraît pas avoir une
estime démesurée pour ses « alliés »
les rois du pétrole, et la démocratie ne
semble pas être son premier souci : il
rêve seulement d’« autocrates
intelligents ».
Malgré ces détails croustillants, le
discours du Nobel de la paix n’est pas
fondamentalement différent de celui des
prédécesseurs, républicains ou
démocrates… Prosaïquement, un historien
canadien, Michael Jabara Carley, qui
enseigne à l’université de Montréal, se
demandait récemment s’il y a encore un
pilote à la Maison-Blanche. Il avançait
trois hypothèses susceptibles d’éclairer
l’approche ambiguë d’Obama en matière de
politique étrangère : doit-on l’imputer
à la faiblesse de celui qui passe face
aux administrations qui restent, à une
certaine incompétence, ou à une posture
machiavélique consistant à faire la
guerre sans en avoir l’air ?
Présenté comme l’homme le plus puissant
du monde, Obama n’est pas l’homme le
plus puissant des États-Unis. On lui
reconnaît une grande intelligence et il
inspire de la sympathie à ceux-là mêmes
qui constatent ses faiblesses ou ses
insuffisances. Pourtant, dans le
« testament », ces dernières paraissent
noyées et ballotées dans les méandres
d’une vision stratégique à laquelle ne
peut échapper aucun président, démocrate
ou républicain, puisqu’elle est celle du
« pouvoir profond » étasunien, depuis
plus de trente ans sous la coupe
néoconservatrice. Cette vision nous
renvoie à la « logique du chaos »,
machiavélique par essence.
Le président américain Obama
déçu de son allié turc Erdogan
qu’il
traite d’autocrate dans une interview au
magazine américain « The Atlantic ».
Cette logique rend compte du
double jeu hypocrite que l’on reproche
souvent à Washington. Barack Obama fait
siens tous les fondamentaux de ses
prédécesseurs. L’Amérique est donc le
meilleur pays au monde et son rôle est
par définition bénéfique. Il constate le
chaos régnant dans tous les États où
elle a voulu imposer sa démocratie de
marché, mais il ignore superbement
qu’elle est à l’origine de ce chaos,
déplorant seulement que celui-ci « noircisse
le bilan du travail accompli par
l’Amérique » et la « détourne
de ses autres priorités ». En
Libye, les États-Unis ont soigneusement
planifié l’intervention militaire et
financé la formation de la coalition,
mais le pays est « une catastrophe »,
s’étonne Obama, estimant néanmoins « avoir
empêché une guerre civile prolongée et
sanglante » (sic). Résigné
devant le chaos, en Libye et en Syrie
par exemple, il se console en affirmant
que le prix de l’action (une
intervention directe) serait plus élevé
que le prix de l’inaction (le refus
d’intervenir qui lui est reproché).
C’est le raisonnement même des fervents
du « chaos créateur » : il est plus
facile de conserver la maîtrise d’une
situation chaotique que l’on a créée que
de construire à tout prix un ordre
« américain » improbable dans une zone
étendue, lointaine et étrangère.
En effet, inspirée par Leo
Strauss (1899-1973), un philosophe juif
allemand, la théorie en question est
fondée sur un postulat : « C’est
par la destruction de toute
résistance plutôt qu’en construisant que
le pouvoir s’exerce », ou « c’est
en plongeant les masses (les pays
vulnérables) dans le chaos que les
élites (les pays dominants) peuvent
aspirer à la stabilité de leur position ».
Léo Strauss précise : « C’est dans
cette violence que les intérêts
impériaux des États-Unis se confondent
avec ceux de l’État juif. » Ces
principes seront adoptés au pied de la
lettre par les stratèges qui, produits
d’une symbiose historique entre sionisme
et calvinisme, donneront naissance à la
pensée néoconservatrice.
La doctrine prend corps au
début des années 1980, lorsque le
chantre du néolibéralisme sauvage, le
cow-boy Ronald Reagan (au pouvoir
entre 1981 et 1989), met un terme à la
détente pour revenir à l’endiguement
(les Soviétiques en Afghanistan) et au
« double endiguement » (l’Irak de Saddam
Hussein contre l’Iran de Khomeiny). Les
néocons, souvent de double nationalité
israélo-américaine, étaleront leurs
plans tordus visant au remodelage du
Grand Moyen-Orient conformément aux
obsessions de Washington et de
Tel-Aviv : le contrôle des zones riches
en hydrocarbures suppose une
redéfinition des frontières, des États
et des régimes politiques. Le plan
Yinon, rendu public en 1982, concocté
par un stratège israélien pour le
gouvernement du Likoud de Menahem Begin,
définit ainsi « la stratégie pour
Israël dans les années 1980 ». Il
propose sans ambiguïté de « déconstruire
tous les États arabes existants et de
remodeler l’ensemble de la région en
petites entités fragiles, malléables et
incapables d’affronter les Israéliens ».
Le complément opérationnel du
chaos créateur est la « théorie du
fou » de Nixon, préconisant que
l’Amérique soit dirigée par « des
cinglés au comportement imprévisible,
disposant d’une énorme capacité de
destruction, afin de
créer ou renforcer les craintes des
adversaires ». Obama se réfère à
cette théorie, sans y voir de malice…
Depuis l’implosion de l’URSS et du bloc
communiste (1989-1991), les États-Unis,
qui « conservent la responsabilité
de protéger le monde », ont plus
que jamais une obsession (Brzezinski
dans le Grand Échiquier,
1997) : étouffer l’émergence de toute
puissance susceptible de contrarier
leurs ambitions, conformément à la
« doctrine de la domination à spectre
total » élaborée par le Pentagone. Cette
dernière incarne le rêve des néocons et
de leurs émules infiltrés dans les
arcanes des « États profonds » de
l’univers occidental : ban et
arrière-ban de la communauté
internationale, banques, entreprises
transnationales ou ONG.
S’inspirant de lathéorie du chaoset
mise en œuvre selon lathéorie du fou, la
politique impériale du moment unipolaire
américain (à partir de 1991) sera fondée
sur les préceptes suivants : faire
n’importe quoi, pratiquer un « deux
poids deux mesures » systématique,
prêcher la morale et agir de façon
immorale, user d’un discours
irrationnel, violer les principes du
droit international et contourner les
décisions du Conseil de sécurité des
Nations unies lorsqu’elles dérangent.
Selon Noam Chomski, « ce mépris de
la primauté du droit est profondément
enraciné dans la culture et les
pratiques américaines ». Le
résultat ne sera pas triste.
La logique du chaos ne relève pas du
droit, on s’en serait douté, mais d’un
choix stratégique dicté par la
géopolitique. Pour elle, la planète est
divisée en trois zones concentriques :
au centre, le « heartland »
eurasiatique (Chine, Russie) qui détient
les clés de la maîtrise du monde ; à la
périphérie les terres offshore
où ont leurs bases les empires de la mer
guignant l’hégémonie ; entre les deux,
un « rimland », dont une bonne
partie est occupée par une « ceinture
verte musulmane » qui constitue un
espace riche et stratégique qu’il faut
contrôler. Le cocktail des deux
théories, le chaos et le fou, va
s’avérer détonnant pour les peuples de
cette muslim green belt.
Dans une jungle où l’on n’en est plus à
un mensonge près, prétendre combattre
des mouvements terroristes que l’on a
contribué à créer (Al-Qaïda, Daech) et
que l’on soutient sans trop se cacher
est une simple peccadille. Que dire
alors de l’iniquité des sanctions, arme
favorite des Occidentaux, qui prétendent
punir les « massacreurs » et les
« régimes », mais visent en réalité à
humilier, affamer, désespérer les
populations, tout en volant l’argent de
leurs pays et – il n’y a pas de petit
bénéfice – en se dispensant de respecter
les engagements pris ?
Les sanctions : arme de
destruction massive ou coup de grâce
Bien que l’efficacité testée
des défenses russo-syriennes ait sans
doute pesé lourd dans sa décision, de
même que les réserves du Congrès, Obama
a évité le pire en août 2013 en
renonçant à déclencher des frappes
punitives (?) sur la Syrie, à la suite
de l’affaire des armes chimiques. En
fait, cette décision de « rompre
avec les règles du jeu » semble
avoir été inspirée, non pas par une
logique de justice, mais par la volonté
d’affirmer son pouvoir face aux
états-majors, aux services et aux
think tanks. Ceux-ci sont
influencés et financés par l’Arabie et
d’autres pays du Moyen-Orient – d’après
Goldberg, on le sait très bien à la
Maison-Blanche –, et la plupart
travaillent pour leurs bailleurs de
fonds arabes et pro-israéliens. CQFD…
Rien en tout cas qui puisse inciter les
peuples du Grand Moyen-Orient à
contredire Paul Craig Roberts, ancien
secrétaire adjoint étasunien au Trésor,
lorsqu’il écrit de sa plume au vitriol
(Blog de la résistance, 12 janvier
2016) :« Unique au milieu
des pays de la Terre, le
régime US est l’organisation criminelle
la plus achevée de l’histoire humaine. »
Commentant les bouleversements des
années passées, Ahmed Ben Saada,
chercheur et politologue algérien
installé au Canada, rappelle dans son
livre Arabesque$ qu’ils « n’ont
généré que le chaos, la mort, la haine,
l’exil et la désolation […] ». Ce
qu’il rapporte d’un bilan récent portant
sur « les seuls printemps arabes »
fait frémir : 1,5 million de morts et
blessés (chiffre à réviser à la
hausse, ndlr), plus de 15 millions
de réfugiés et déplacés (en fait 18
ou 19 millions en incluant les guerres
d’Irak, ndlr). Il en aurait coûté à
l’ensemble des pays arabes des pertes
sèches de 833 milliards de dollars, dont
plus de la moitié en infrastructures
diverses et en sites archéologiques ou
historiques. Les pays de « la zone
Afrique du Nord-Moyen-Orient (ANMO)
auraient perdu plus de 100 millions de
touristes ». Ajoutons à ces
dévastations pharaoniques, financées par
les États pétroliers à coups de dizaines
de milliards, d’autres centaines de
milliards de dollars « gelés » par les
sanctions, c’est-à-dire purement et
simplement volés. Pour la seule Syrie,
des estimations récentes évaluent à
300 milliards le coût des destructions
et pillages, et certains avancent le
chiffre de 1 000 milliards pour les
dommages et intérêts qu’elle pourrait
demander (cf infra).
La « démocratisation »
américaine intègre l’installation à
demeure de Daech.
Il est évident que ce ravage
incommensurable – la pire des
catastrophes qui pouvait frapper les
Arabes et les musulmans – n’aurait pu
être mené à bien sans le concours des
alliés moyen-orientaux de l’Empire
atlantique, trop connus pour qu’il soit
nécessaire de les mentionner à nouveau.
Mais, en ce début de saison 2016, il ne
s’agit pas seulement de faire le bilan
des « printemps arabes ». C’est un quart
de siècle de « démocratisation »
américaine, à coups de bombardements
humanitaires, de massacres, de dégâts
collatéraux, de stratégie du chaos qui
nous contemple du haut des pyramides de
ruines du Grand Moyen-Orient. Désordre
et anarchie se sont installés dans
nombre de pays comme des données
permanentes, et les visions à la Yinon
ne semblent plus délirantes, une
nouvelle géographie se dessinant
progressivement, conforme aux vœux des
stratèges néoconservateurs, américains
ou israéliens. Cette cartographie,
évoquée par les politiciens, intègre
l’installation à demeure de
Daech (organisation de l’État
islamique).
Enfin – et ce n’est pas le moindre des
changements dans le paysage géopolitique
du Grand Moyen-Orient –, une évolution
jadis ou naguère impensable se profile
rapidement dans l’atmosphère trouble des
« révolutions à guillemets » : longtemps
discret, mais vigilant et omniprésent
dans l’entourage et le lobbying des
« opposants armés », l’État hébreu ne
cache plus sa complicité avec l’Arabie
wahhabite et les monarchies du Golfe.
L’idée d’une normalisation généralisée
entre Tel-Aviv et la plupart des
capitales arabes fait son chemin. C’est
là bien entendu l’une des réussites les
plus criantes de la stratégie
néoconservatrice et la plus humiliante
pour les Arabes.
Le rappel sommaire auquel nous nous
limiterons ici porte sur trois pays où
le chaos s’est montré particulièrement
innovateur et créateur : l’Irak, qui
n’en finit pas de se fissurer et de
compter ses morts depuis plus d’un quart
de siècle, la Libye détruite en neuf
mois et devenue si plurielle qu’on en
compte plusieurs, et la Syrie qui fait
depuis des années les frais d’un
acharnement sadique. Parmi les points
communs, on relèvera : des régimes
républicains sans charia, des intérêts
pétroliers et gaziers qui s’affrontent,
trois « politicides » incluant la
destruction des institutions, des
infrastructures, des économies, des
armées, le renversement des régimes et
l’installation d’un chaos permanent,
marqué par les tentatives de dépeçage en
entités à base ethnique ou
confessionnelle, et l’implantation de
Daech sur une partie des territoires de
ces trois États.
Une entreprise bien
avancée : la destruction de
l’État-nation irakien
En août 1990, Saddam Hussein, à
peine sorti d’une longue guerre contre
l’Iran et « encouragé » par une
ambiguïté de langage de l’ambassadrice
américaine, envahit le Koweït qui refuse
de « payer sa dette » à Bagdad.
Washington et Londres décrètent que
l’Irak, qui a violé le droit
international, est un « État voyou ».
L’URSS n’est plus qu’un État en
perdition et Saddam se retrouvera seul,
diplomatiquement et militairement, face
à l’Amérique triomphante et sa
« coalition ». L’Irak sera le premier
objectif de la vindicte de l’axe du
Bien, entamant – les Irakiens ne le
savent pas encore – un chemin de croix
qui dure depuis vingt-cinq ans.
En janvier 1991, l’opération Tempête du
désert destinée à punir l’agression
contre le Koweït et son annexion est
lancée par les États-Unis avec le
concours d’une large « coalition »
arabo-occidentale, sous mandat de l’Onu.
Trois mois plus tard, les hostilités
sont terminées. Le « châtiment » de
l’Irak ne fait que commencer.
La décennie 1991-2001 sera marquée par
un acharnement maniaque visant à
étouffer le pays et à briser son peuple
à grand renfort d’embargos, de blocus et
de sanctions. S’agissant de traiter un
« État voyou », la recherche d’armes de
destruction massive prend le relais des
violations du droit international. Les
exigences de Washington et du Conseil de
sécurité vont multiplier les
provocations visant à limiter la
souveraineté de l’État irakien par la
création de zones d’exclusion aérienne
(au nom de la responsabilité de
protéger) et les inspections de
l’Unscom. C’est aussi la sinistre et
honteuse opération « pétrole contre
nourriture », visant à humilier et
affamer les populations.
Sitôt après les attentats du
11 septembre 2001, les néoconservateurs
montés en puissance vont convaincre Bush
Junior, qui dit vouloir « venger son
papa » (sic), de lancer
une nouvelle agression pour en finir
avec Saddam Hussein, au besoin sans la
couverture légale d’une résolution du
Conseil de sécurité.
Les rapports d’experts du renseignement
adressés à la Maison-Blanche après le
scandaleux discours de Colin Powell au
Conseil de sécurité, le 5 février 2003,
sont ignorés. Les « minutes de
Downing Street » adressées par le chef
de l’Intelligence Service (après contact
avec son collègue de la CIA) informent
Tony Blair en juillet 2003 que George
Bush a décidé de se débarrasser de
Saddam Hussein par une action militaire.
Celle-ci sera justifiée par les armes de
destruction massive, malgré des années
d’inspection tatillonne – et le
terrorisme : la coopération avec
Al-Qaïda, créée en Afghanistan dans les
années 1980 avec le concours des
États-Unis, des Pakistanais et des
Saoudiens, afin de combattre les
Soviétiques.
En mars 2003, passant outre l’opposition
de la France, de l’Allemagne, de la
Russie et de la Chine, les États-Unis et
leurs alliés envahissent l’Irak, résolus
à ramener ce pays à l’âge de pierre. La
prise de Bagdad et la reddition de
l’armée marquent le début de la
destruction de l’État baathiste, sous la
direction d’un proconsul américain égaré
dans ce pays inconnu. Ignorant, Paul
Bremer entame le démantèlement des
institutions et de l’armée, la mise en
place d’un pouvoir chiite et « kurde »
au lieu et à la place du régime
renversé. Une contre-insurrection
« sunnite » à base tribale, à laquelle
se joindront de nombreux baathistes de
l’armée dissoute et des combattants
islamistes proches d’Al-Qaïda, sera
durement réprimée. C’est la prison, où
les insurgés islamistes et les officiers
baathistes feront connaissance, qui sera
le creuset deDaech.
La capture et le traitement inique
réservé à Saddam Hussein, ses procès et
son exécution en direct le jour de la
Fête musulmane, de même que les abjectes
pratiques de la soldatesque américaines
sur les détenus irakiens figureront au
bilan moral de l’axe du Bien.
L’Irak échappera aux « printemps
arabes » sous leur forme classique mais,
en 2011, il a déjà eu sa dose de
printemps. Vingt-cinq ans après le début
d’un calvaire qui se poursuit jusqu’à
présent sous des formes toujours
renouvelées, il n’est pas trop tôt pour
dresser le bilan des acquis de la
« démocratisation » américaine de ce
grand pays moderne que fut l’Irak.
La création de trois communautés (kurde,
sunnite et chiite) sur des critères en
soi chaotiques, mi-ethniques
mi-religieux, permet d’esquisser la
division de l’Irak. La destruction du
tissu national et institutionnel se
traduira par la sédition ethnique entre
les Kurdes et les Arabes, notamment
l’affirmation rapide et encouragée du
Kurdistan irakien, coqueluche des
Occidentaux, et la sédition
confessionnelle. Sur ce point, la
marginalisation des sunnites a pour
pendant la promotion de la majorité
chiite, s’accompagnant de luttes de
clans féroces.
Le peuple irakien sera livré à une
entreprise impunie ayant des accents de
génocide : selon les chiffres
communément admis, il y aura au moins
1 500 000 morts, dont 500 000 enfants,
sans compter les séquelles sanitaires ou
génétiques des armes chimiques et des
bombardements à l’uranium appauvri
(cancers, malformations) et l’exil
massif de plusieurs millions d’Irakiens
de toutes confessions (Syrie, Liban,
Europe).
Le pillage du patrimoine archéologique
et historique (sites et musées) sera
banalisé et pour ainsi dire ouvert au
public. Il s’agit de détruire la mémoire
de ce très vieux peuple. La tâche sera
perpétuée par Daech un peu plus tard.
Les soldats américains
déboulonnent, en 2003, la statue de
Saddam Hussein à Bagdad.
La « nouvelle
ère démocratique » promise par
l’occupant se traduit par un régime
qui
généralise la pratique de la torture.
Comme dans la prison d’Abou Ghreib.
Le potentiel économique ne sera
pas ménagé, les infrastructures ayant
subi durant des années les bombardements
et frappes des « amis de l’Irak ». Le
pillage des ressources pétrolières ira
bon train, mais sous contrôle : le
ministère du Pétrole aura été, dit-on,
la seule administration protégée par les
sbires de Bremer. Glissons dans
l’inventaire « l’argent de Saddam
Hussein », c’est-à-dire de l’Irak, qui
aura connu le sort commun en la matière.
Politiquement, la redistribution des
cartes sur le plan national provoquera
une mutation imprévue et pourtant
prévisible sur le plan stratégique :
c’est l’Iran, et non pas l’Amérique, qui
deviendra l’interlocuteur privilégié du
« pouvoir chiite », l’Arabie ne gagnant
rien à l’affaire. Enfin, produit direct
de l’invasion américaine et jouissant de
la protection de la Turquie, du Qatar et
de l’Arabie saoudite, Daech s’installe
dans le nord de l’Irak en juin 2014,
ouvrant une nouvelle phase dans le
bouleversement de la géographie
irakienne. Protégé de Washington plus
qu’ennemi à abattre, l’organisation
« État islamique » va travailler à la
destruction de l’État irakien et
s’étendre rapidement vers la Syrie
voisine.
Démantèlement,
partition, pillage et chaos en
Jamahiriya
Les courriels
(piratés) de Hillary Clinton le
confirment ce qu’on le savait déjà :
l’élimination de Kadhafi n’a rien à voir
avec une volonté de démocratisation de
la Libye. Elle est inspirée par des
intérêts stratégiques, économiques et
pétroliers, et par l’existence des
« milliards de Kadhafi ».
Selon la Banque mondiale et le
Programme des Nations
unies pour le développement (Pnud),
la Libye bénéficie début 2011 de « l’indice
de développement humain le plus élevé du
continent africain », avec une
croissance du PIB de 7,5 % par an, un
revenu par habitant record
(10 000 dollars américains par an),
l’instruction primaire et secondaire
pour tous et l’accès d’un élève sur deux
à l’enseignement supérieur. Plus de
2 millions d’immigrés africains trouvent
du travail dans la Jamahiriya. Facteur
de stabilité et de développement en
Afrique du Nord, la Libye a multiplié
les investissements visant à doter
l’Union africaine de l’autonomie
financière et d’une monnaie
indépendante. C’est inacceptable pour
les États-Unis et la France, à en croire
les emails de Hillary Clinton. Kadhafi
aurait-il fait d’autres
« investissements » en Europe ?
L’Occident est aux aguets. Les
« révolutionnaires » libyens n’attendent
pas longtemps pour l’appeler à la
rescousse contre Kadhafi qui « massacre
son peuple ». Ils auront vite
satisfaction. Les premières sanctions
diplomatiques sont le fait de la
résolution 1970 adoptée par le Conseil
de sécurité fin février 2011 :
interdiction de voyager, embargos sur
les armes et… gel des avoirs, saisine de
la Cour pénale internationale.
La résolution 1973 du 17 mars 2011
confirme et renforce les sanctions
précédentes (en y ajoutant une exclusion
aérienne), tout en donnant le feu vert à
une intervention militaire au titre de
la « responsabilité de protéger ».
Leurrées (par la France, dit-on), la
Chine et la Russie s’abstiennent au lieu
d’opposer un véto, ainsi que
l’Allemagne. L’Otan, investie du travail
par les Occidentaux en violation du
mandat onusien, entame les bombardements
dès le lendemain. Toute diplomatie est
écartée. La France sera l’un des fers de
lance de l’aventure. Des milliers de
raids frapperont non seulement des
objectifs militaires et des centres de
commandement, mais aussi et surtout des
zones résidentielles, des sites
industriels, des objectifs civils. On ne
connaîtra jamais le bilan exact : des
milliers et sans doute des dizaines de
milliers de morts et blessés, mais peu
de combattants, car il n’y a guère eu
d’affrontements militaires. En fait,
l’intervention « humanitaire » vise à
changer le régime : Kadhafi sera torturé
et assassiné en direct, devant les
caméras de télévision, fin octobre 2011.
Kadhafi sera torturé et
assassiné devant les caméras de
télévision.
La Libye sera détruite, ses
infrastructures ravagées, ses
institutions mises à bas, son armée
démantelée et ses hommes démobilisés
iront alimenter le flux des mercenaires
et djihadistes dans tout le Sahel, y
compris au Mali. Plongée dans un chaos
généralisé et mise sous la coupe de
plusieurs centaines de milices armées,
la Libye est déjà scindée en trois ou
quatre entités et le pouvoir y est
disputé entre deux ou trois
gouvernements. Le terrain est propice à
l’installation de Daech, qui y trouvera
son troisième point d’ancrage. La
situation libyenne est préoccupante pour
la sécurité et la stabilité de toute la
région, notamment l’Algérie, la Tunisie,
le Sahel. Elle génère un trou noir
sécuritaire entre le sud de la Libye et
le nord du Tchad…
Au milieu de ce désastre, les premières
sanctions auront vite été oubliées. Si
le « gel des avoirs », sanction
classique, ne soulève pas l’attention de
tout le monde, il présente un intérêt
majeur pour quelques-uns. N’est-il pas
légitime de « saisir l’argent de
Kadhafi » ? En fait, les « 500 milliards
de Kadhafi » répertoriés en mars 2011
sont tout simplement 500 milliards
d’avoirs libyens investis dans le monde
(250 en Amérique, 250 en Europe et dans
le reste du monde occidental) entre
banques et entreprises. Sans même parler
des investissements (50 milliards)
effectués par le Guide sur le continent
africain, et du pillage à venir du
pétrole libyen. Ils ne réapparaîtront
jamais, à l’exception de 11 à
34 milliards restitués au Conseil
national de transition (CNT) par l’Otan
et les Occidentaux (enquête de Pascal
Henry : Pièces à conviction sur
France 3, le 29/01/2014). Quant aux
milliards restants, qu’ils soient encore
gelés ou dégelés, nul ne saurait dire où
ils sont passés, sauf qu’ils n’ont
sûrement pas été perdus pour tout le
monde. C’est le sort de tous les avoirs
gelés sous chapitre 7 d’être mis au
chaud quelque part (y compris en
France).
Cinq ans après, le chaos est tel que
l’on s’apprête à intervenir à nouveau
pour mettre fin au chaos. Signe que la
coloniale est de retour, l’Italie est à
la pointe de l’entreprise, comme la
France en Syrie…
La Syrie en partie
détruite, l’État syrien invaincu, mais
toujours menacé
Après cinq ans d’une guerre
d’une violence extrême, et bien qu’elle
ait servi de terrain d’expérimentation à
toutes les ressources de la stratégie du
chaos, la Syrie est toujours là. L’État
syrien ne s’est pas écroulé. Il paie les
salaires et les retraites de ses
fonctionnaires sans défaillance et ses
institutions sont en place. Son armée a
résisté face à une agression alliant les
grandes puissances occidentales aux
régimes fondamentalistes du
Moyen-Orient.
Dès octobre 2011, le spectre d’un
scénario à la libyenne est écarté,
Moscou et Pékin brisant par leur véto
l’unanimité des membres permanents du
Conseil de sécurité. Des doigts
accusateurs pointent « certains pays
qui ne jouent pas le jeu », la
Russie et la Chine refusant de « rejoindre
la communauté internationale » (sic),
comme le voudraient Juppé et Hague. Mais
cette mutation ne va pas empêcher une
escalade continue de la guerre
universelle qui est imposée à la Syrie.
L’envoi massif de mercenaires
djihadistes ayant leurs propres agendas
va perpétuer le chaos, « ouvrant la
voie à l’organisation État islamique,
constituée avec d’ex-officiers de
l’armée irakienne radiés par Paul Bremer
en 2003, des armes américaines et avec
le soutien considérable de fonds
saoudiens ».
Dans ces conditions, à quoi servent les
sanctions, devenues si banales pour les
pays occidentaux qu’elles y passent
inaperçues, d’autant plus qu’ils n’en
souffrent jamais.Cinq années
d’acharnement auront épuisé la Syrie
déjà dévastée par la guerre, en
finissant d’asphyxier son économie et en
condamnant le peuple syrien à vivre
désormais dans des conditions
terrifiantes.
Les sanctions classiques « de mise en
situation » sont prises par l’Union
européenne (UE) en mai 2011 : elles
portent sur les interdictions de voyager
(plus de visas) et le gel des avoirs de
150 personnalités du « régime syrien ».
Une cinquantaine de sociétés « soutenant
le régime » sont soumises à boycott,
dont cinq organismes militaires,
conformément à l’embargo « sur les
exportations d’armes et de matériel
susceptible d’être utilisé à des fins de
répression ».
À partir de juillet 2011, la Syrie est
la cible régulière de mesures de
rétorsion de la part de la « communauté
internationale ». Il faut « punir et
étouffer économiquement le régime de
Bachar al-Assad, qui réprime dans le
sang ses opposants ». Le 10 août
2011, le gouvernement américain prend
des sanctions contre les sociétés de
télécommunication syriennes et les
banques liées à Damas, empêchant les
citoyens étasuniens de mener des
affaires avec les banques syriennes ou
Syriatel. Les avoirs de ces sociétés aux
États-Unis sont gelés, autant dire
volés. Hillary Clinton annonce un
embargo total sur les importations de
produits pétroliers syriens. Imitant
aussitôt ses maîtres, l’Union européenne
décide de sanctions supplémentaires, y
compris un embargo sur le pétrole. Comme
les États-Unis, le Canada, l’Australie,
la Suisse, la Turquie et la Ligue arabe
(kidnappée par le Qatar et les régimes
du Golfe), Bruxelles renouvellera et
renforcera les sanctions sans
désemparer, à dix-sept reprises pour la
seule année juillet 2011-juillet 2012.
La fermeture de la Syrianair à Paris et
l’interdiction de toute liaison aérienne
entre la France et la Syrie seront
décidées à l’été 2012, de même que
l’arrêt des vols entre les capitales
européennes et Damas.
Les sanctions diplomatiques
sont décidées dès l’automne 2011, après
le véto russo-chinois. Les États-Unis
ayant rappelé de Damas leur ambassadeur
agitateur, plusieurs États de l’UE
rappellent les leurs et le ministre
français des Affaires étrangères Alain
Juppé le sien, une première fois le
17 novembre 2011, puis définitivement en
février 2012. Nommé en mai 2012, Fabius
fera mieux : à peine intronisé, il
expulsera l’ambassadrice de Syrie, mais
celle-ci, représentante auprès de
l’Unesco, ne peut pas être expulsée.
Les « grandes démocraties » et leurs
alliés moyen-orientaux sont toujours au
travail. Les dégâts sont immenses, un
pays naguère prospère, autosuffisant et
sans endettement est en ruine, ses
infrastructures sont dévastées, ses
services sociaux souvent endommagés.
Avec plus de 300 000 morts (dont 100 000
membres de l’armée régulière), 1 million
de handicapés et 14 millions de réfugiés
ou déplacés (plus d’un Syrien sur deux),
le tissu national est fragilisé par la
prolifération des groupes armés et miné
par l’invasion des mercenaires accourus
pour le djihad, ainsi que par certaines
revendications ethniques. Il a fallu
beaucoup d’efforts des « amis de la
Syrie » pour installer mois après mois
ce chaos qui règne dans une bonne partie
de la Syrie, « mère de notre
civilisation ».
Bernard Cornut, expert en Moyen-Orient,
écrit à juste titre le 11 mars 2016 : « Vu
qu’il est de plus en plus connu et avéré
que plusieurs pays ont soutenu et
financé des groupes rebelles armés dans
le but affirmé et partagé de changer le
régime, et notamment de faire partir le
président en place, y compris la France,
les USA, la Grande-Bretagne et bien sûr
le Qatar, l’Arabie, la Turquie, ces
pays, voire d’autres que la Syrie
connaît, sont tous
coresponsablesà divers degrés
des dommages encourus par la Syrie,
estimés récemment à 1 000 milliards de
dollars. » Et de conclure : « Ils
devront donc faire face à des actions en
justice internationale de la Syrie pour
qu’elle obtienne des indemnités de
guerre légitimes. » Afin de les
financer, il propose de créer une taxe
sur le pétrole et le gaz, qui serait
affectée à « un fonds
d’indemnisation des victimes et de
reconstruction de la Syrie sur tous les
plans, à gérer par l’Onu ».
Comme le constate Jeffrey Sachs,
directeur du Earth Institute à la
Columbia University de New York,
consultant auprès du secrétaire général
des Nations unies, « la politique
américaine a été un échec massif et
terrible ». Assad n’est pas parti
et n’a pas été vaincu, grâce à l’aide de
la Russie et de l’Iran. La perspective
néoconservatrice est compromise. D’où la
fureur des « amis de la Syrie », leur
fuite en avant et leur violence folle…
devant l’avance de l’armée syrienne sur
tous les fronts. Il n’y aura pas
d’autres « printemps ».
Il reste que le chaos est omniprésent,
de l’Irak à la Syrie, de la Tunisie à
l’Égypte, de la Libye au Yémen, de la
Palestine au Liban. Sauf qu’il y a une
nouveauté : les complices et agents
moyen-orientaux de la stratégie
impériale sont désormais aux prises avec
ce désordre et cette sauvagerie qu’ils
ont contribué à propager. L’Arabie
saoudite, la Turquie sont devenues des
cibles pour les groupes extrémistes et
terroristes qu’ils ont parrainés et
protégés.
Des regrets, des
regrets…
Que sont devenus
les responsables occidentaux de la
« démocratisation » ? Colin Powell,
l’homme qui avait ramené sa fiole au
Conseil de sécurité, s’est dit mal
informé par les services américains : il
exprime des regrets plusieurs années
après les faits. Madeleine Albright pour
qui les centaines de milliers d’enfants
irakiens morts étaient le « prix à
payer pour la démocratisation de l’Irak »
ou Condoleeza Rice qui voyait dans les
convulsions du Liban en 2006 les « contractions
présidant à la naissance de la
démocratie » se consacrent sans
doute à leurs bonnes œuvres. Debeliou
Bush file une retraite paisible et peint
de jolis petits moutons dans son ranch :
peut-être a-t-il Alzheimer ?…
Blair et Bush : après le
mensonge et l’horreur, des retraites
dorées…
Tony Blair fait des conférences
royalement payées. L’ex-premier ministre
britannique exprime lui aussi des
regrets, onze ou douze ans après les
faits. Selon Jeremy Corbin, postulant à
la direction du Parti travailliste, il
doit être traduit en justice pour crimes
de guerre, « suite à l’invasion
illégale de l’Irak, une guerre
catastrophique, qui a coûté beaucoup
d’argent et de vies humaines, dont on
voit encore aujourd’hui les
conséquences ».
Quant à Hillary Clinton la
femme du « veni, vidi, vici »,
qui ricanait sur l’assassinat de Kadhafi
en direct (« un jour heureux pour
l’humanité »), elle est accablée
par certains journalistes américains.
Jeffrey Sachs (22 février 2016) l’accuse
d’avoir contribué à provoquer et
entretenir le bain de sang en Syrie,
portant ainsi une lourde responsabilité
dans le carnage. « Danger pour la
paix mondiale », elle aura à « répondre
de beaucoup de choses concernant la
guerre de Syrie », conclut-il.
Candidate à l’investiture démocrate à la
présidence, elle doit penser plus
souvent à Donald Trump qu’à Kadhafi. Si
par un coquin de sort (une machine à
voter dont les trous seraient bouchés,
par exemple), la virago de la diplomatie
était élue, les Syriens que la guerre a
épargnés jusqu’ici n’auraient plus qu’à
bien s’accrocher.
Quid de la France et de ses dirigeants
de tout bord qui se félicitaient du
bilan de la grande méharée libyenne et
pontifiaient – pontifient toujours – sur
l’avenir de la Syrie et le destin de son
président ? Ne devraient-ils pas
tempérer leur arrogance d’ignorants,
leur outrecuidance de privilégiés ? Au
lieu de continuer à tirer d’un air las
des plans vicieux, ne leur faudrait-il
pas plutôt s’interroger sur leur
responsabilité écrasante dans les
malheurs du peuple syrien et
l’abaissement de la diplomatie
française ? L’avenir de la Syrie ne les
regarde aucunement. Le plus grand
service qu’ils puissent rendre à la
« mère de la civilisation », la
« seconde patrie de tout être civilisé »
objet de leur acharnement, c’est de la
laisser en paix, à tous les sens du
terme.
Publié avec l'aimable
autorisation d'Afrique Asie
Le
dossier Syrie
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