Libye
A la découverte de l’eau mouillée…
Michel Raimbaud
Vendredi 17 novembre 2017
Ô stupeur, ô merveille de la liberté de
l’info, les médias des « grandes
démocraties » occidentales viennent de
découvrir un sujet susceptible d’activer
la compassion de nos chaumières, de nos
salons et des milieux où l’on pense bien
: après une enquête il faut croire très
difficile et une traque harassante
puisqu’elle aura demandé presque sept
années, les investigateurs des chaines
de TV « internationales », de concert
avec de « grandes ONG » non moins «
internationales », ont débusqué des
marchés d’esclaves, en plein
vingt-et-unième siècle…
Il est vrai que les
esclavagistes, vendeurs comme acheteurs,
ne sont pas de chez nous, et que les
esclaves en promotion pour quelques
centaines de dollars pièce viennent du
Niger, du Nigéria, du Mali, de Côte
d’Ivoire et de Afrique subsaharienne
(comme on dit). Il n’y a apparemment pas
de français, ni parmi les victimes, ni
parmi les coupables. Il est vrai
également que l’histoire se passe en
Libye, un pays où l’on s’était habitué
aux « foucades » du Guide et aux
étrangetés de sa Jamahiriya, ce qui
aurait pu tout expliquer jadis…
L’ennui, - nos gens
d’écrans, de micros et de gazettes ne le
savent peut-être pas ou l’ont oublié –
c’est qu’il n’y a plus d’Etat libyen et
que nos pays sont directement
responsables de sa disparition et du «
chaos constructeur » qui l’a détruit,
sans oublier l’assassinat du Colonel
rebelle qui défiait l’Occident : c’est
si loin tout ça, il y a sept ans déjà,
et hors de nos eaux territoriales. Les
dirigeants de l’Axe du Bien s’étaient
pourtant mis en quatre pour le peuple
libyen et ses révolutionnaires
primesautiers, à coups de bombardements
humanitaires, de destruction des
installations militaires et civiles,
saisissant au passage « les milliards de
Kadhafi » pour l’empêcher de massacrer
son peuple. Que de chagrin pour nos
intellectuels ou dirigeants qui se
disaient « fiers du bilan de la France
en Libye… ».
« Vous mélangez
tout », « je ne comprends pas
» me diront nos propagandistes et
inconditionnels de la doxa. Ils ont
raison : la vente d’esclaves, ce n’est
pas pareil. Et puis au moins nos médias
auront fini par révéler ce que toute
personne normalement constituée et
normalement intelligente pouvait savoir.
Il suffisait de lire ou d’écouter :
écouter « des complotistes » ? Vous n’y
pensez pas, s’excuseront beaucoup
d’entre eux afin de continuer à être
admis au club des faussaires. Nous, les
vrais de vrais, nous avons confiance
dans la presse de notre pays…
Ne faisons pas trop
la fine bouche, malgré notre indignation
devant l’hypocrisie, le cynisme et la
lâcheté. Réjouissons-nous de ce réveil
presque posthume. La grande mobilisation
dans le landernau des chaînes de news
concernera-t-elle bientôt les ventes
d’esclaves à Raqqah en Syrie, sous
l’égide de Da’esh, protégé par
nos amis américains et islamistes turcs
ou arabes ? Dénoncera-t-on
l’exfiltration de terroristes de l’«
organisation Etat Islamique » au vu
et au su de la « coalition
internationale » et de ses protégés ? Ou
les destructions meurtrières provoquées
par les bombardements de la même «
coalition » sur Raqqah et Mossoul en
Irak ? Il serait enfin urgent de lever
l’omerta sur le martyre du peuple du
Yémen où toutes les infrastructures ont
été détruites et où les Saoudiens et
leurs alliés s’acharnent sur tout ce qui
bouge, les Yéménites étant exposés aux
bombes, à la faim et au choléra, dans un
silence sidéral de la « communauté
internationale ».
Allez, hommes et
femmes de l’info, de la politique et de
la pensée, ouvrez les yeux,
débouchez-vous les oreilles, remuez un
peu vos méninges, pour dire enfin la
vérité sur ces entreprises de mort avant
qu’elles ne débouchent sur une issue que
vous ne prévoyiez peut-être pas. Dans le
désastre médiatique, intellectuel et
politique, sauvez au moins les meubles
et ce qui reste d’honneur à nos pays. Ou
bientôt vous ne pourrez vraiment plus
vous regarder dans le miroir./.
Michel Raimbaud,
le 16 novembre 2017
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