France-Irak
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Israël et la guerre des drones (1ère et
2ème partie)
Mary Dobbing et Chris Cole
Dimanche 6 septembre 2015
Par Mary Dobbing et Chris
Cole* (janvier 2014 - Traduction et
Synthèse: Xavière Jardez)
Introduction
« Trois facteurs
expliquent le succès d’Israël , devenu
le premier dans le monde à développer et
produire des Véhicules Aériens
Télécommandés (Drones ou UAV en
anglais). … et nous en avons une
utilisation opérationnelle immédiate car
nous sommes toujours au sein d’un
conflit, ce qui nous permet d’améliorer
nos systèmes ». (Katz Yaakov
-Ministère de la Défense israélien -
Jerusalem Post, 10 juillet 2011)
Si les Etats-Unis et leur utilisation
des drones ont attiré l’attention, le
présent article s’articulera autour de
la fabrication, l’utilisation et
l’exportation par Israël de la
technologie des drones qu’un rapport de
mai 2013 signalait comme étant
l’exportateur mondial de ces armes.
Israël, non seulement, produit des
drones depuis les années 1970, les
exporte depuis les années 1980 mais se
range parmi les trois Etats, aux côtés
des Etats-Unis et de la Grande-
Bretagne, pour y avoir recours à des
fins militaires.
Alors que la grande majorité des
drones militaires sert à la
surveillance, au ciblage et à la
collecte de renseignements, les drones
télécommandés, capables d’attaques
armées sont le système d’armement que
« l’on doit avoir » pour les
conflits d’aujourd’hui.
Avec détecteurs et caméras, les
opérateurs rassemblent les informations,
offrent commandes et fonctions de
contrôle, sélectionnent les cibles et
tirent missiles ou bombes à des milliers
de kilomètres, tout comme dans un jeu
vidéo auquel cette arme a souvent été
comparée. Ses partisans prétendent que
les missiles tirés des drones sont plus
précis que ceux tirés des avions de
guerre mais il n’existe aucune preuve de
cette prétention en raison du secret qui
entoure son utilisation.
Les exportations d’armes du ministère
de la défense sont devenues le principal
poste de l’économie israélienne et la
part des drones s’élève entre 3% et 10%.
Selon SIPRI (Institut de recherche
suédois), le nombre de pays
destinataires de ces exportations est de
24 sur les 76 pays disposant des
capacités militaires en matière de
drone, mais cela semble une sous-
estimation pour les chercheurs de
Drones War UK qui chiffrent à
cinquante les pays ayant reçu des drones
ou une technologie dronique d’Israël.
Si Israël a développé la technologie
des drones depuis des décades, la guerre
à Gaza de novembre 2012 et sa campagne
« Bordure protectrice » a été
décrite par Israël comme le summum de
l’utilisation par ce pays de cette arme
illégale. « Le type de guerre
chirurgicale que nous avons pratiquée
sur Gaza n’aurait pu se faire sans
l’utilisation massive de ces plateformes
sans personnel » (Arie Egozi,
Flight Global)
Pour la première fois, il n’y eut pas
de bottes israéliennes dans les attaques
sur la Palestine au cours d’une
offensive majeure pour la simple raison,
selon le ministre israélien de la
défense, Moshe Ya’alon que « nous
les (drones) utilisons et les adaptons à
la nouvelle réalité, que les conflits,
armée contre armée, comme nous les avons
connus, il y a 40 ans avec Yom Kippour,
ne sont plus d’actualité».
Le secret le plus strict est
soigneusement gardé sur l’utilisation de
ces drones militaires, que ce soit au
cours d’une guerre ou en dehors de tout
guerre déclarée, par les trois pays
connus pour leur pratique. Israël s’y
tient d’autant plus qu’il n’a jamais
admis se servir de drones militaires
comme le remarque le journal israélien
Haaretz du19 février 2013:
« Alors que le sujet des (assassinats
ciblés par drones) fait la une des
journaux dans le monde, il y a un pays,
qui a été à l’avant-garde de la guerre
de drones, où le débat n’a pas reçu le
coup d’envoi … aussi, nous ne pouvons
que nous reposer sur des sources
étrangères qui affirment qu’Israël a
utilisé des drones militaires depuis des
années pour accomplir des assassinats
ciblés »
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Israël et la guerre des
drones (2ème partie)
Par Mary Dobbing et Chris
Cole* (janvier 2014 - Traduction et
Synthèse: Xavière Jardez)
« Les Véhicules Aériens
Télécommandés (UAV) sont devenus
indispensables pour accomplir une
panoplie de missions en soutien à notre
stratégie de défense. Pas un jour ne se
passe sans qu’ils ne soient déployés
dans des opérations multiples ». (Tal
Inbar, Chef de la Recherche pour
l’Espace et les VAT, Centre Fisher,
Israël, - Jerusalem Post, 8
août 2012).
La longue histoire du développement
des drones montre que les Forces
Aériennes Israéliennes (FAI) les ont
déjà utilisés pour la surveillance de
l’Egypte en 1971, en prévision de la
guerre du Kippour (ou du Ramadan
pour les Arabes). La première
mention de leur utilisation pour le
ciblage militaire fut en 1981, peu avant
la guerre du Liban de 1982, quand les
drones localisaient les lieux ou autres
que les bombardiers venaient ensuite
frapper.
La preuve la plus évidente du recours
aux drones d’Israël à des fins
militaires a été révélée par
WikiLeaks dans les dépêches
secrètes de l’ambassade US sur les
frappes contre Gaza. Une dépêche de 2009
(publiée par Wikileaks 1 sept. 2011)
se rapporte à une réunion tenue entre
les officiels américains et israéliens
pour discuter des conséquences légales
et opérationnelles des activités de
l’armée israélienne en cours à Gaza,
dénommée Opération Plomb durci
ainsi que des incidents spécifiques
relatifs aux violations du droit
humanitaire international.
Voici ce que dit un extrait de cette
dépêche : « Les VAT ont tiré deux
missiles contre (deux militants du Front
Populaire). Le premier a manqué son but,
mais le deuxième les a touchés.
Les photos des VAT prouvent que
le shrapnel a pénétré dans la mosquée
par une porte ouverte. Si la mosquée
n’était pas visée, spécifie Avichai
Mandelbit, Brigadier–Général et juge
israélien, les civils à l’intérieur
furent tués ».
Quarante ans de guerre de
drones de 1970 à 2013.
Cherchant une méthode pour recueillir
du renseignement sans risquer la vie de
ses pilotes, Israël a tout d’abord
acheté les drones de surveillance
Firebee US en 1971 et mis sur pied
le premier escadron de drones sur la
base Palmachim près de Tel
Aviv.
En 1973, dans la guerre
israélo-arabe, Israël utilisa des
drones-leurres Chukar US, pour
la première fois au-dessus du Golan pour
faire croire aux Syriens qu’une attaque
massive de leur défense aérienne avait
commencé. Pour compenser les coûts du
développement de leur armement, Israël
se mit à exporter tout en recevant 3
milliards de dollars par an des
Américains en aide, principalement
militaire.
Israël commença la production de
drones en 1974 au travers d’Israel
Aerospace Industries (IAI), en
1979, et les drones de surveillance
Scout furent mis en service. Une autre
société Tadiran développa le
Mastiff. Ils furent mis en
action concurremment au cours de la
crise israélo-libanaise de 1981 et de la
Première guerre au Liban de 1982.
Le drone Pioneer, développé par la
AAI US Corporation et IAI fut acheté par
la marine israélienne en 1985 et en
1988, le nouveau Searcher de
IAI prit du service. En janvier 1991,
les drones de surveillance Pioneer,
achetés d’occasion en Israël équipèrent
la marine US, pendant la première guerre
du Golfe, pour guider les missiles tirés
des bâtiments en mer.
Le 16 février 1992, un drone Scout
attaque un convoi de véhicules dans le
sud Liban dans lequel le dirigeant du
Hezbollah, Cheikh Abbas al-Musawi fut
ciblé et tué.
Du 25 au 31 juillet 1993, au cours de
l’Opération Responsabilité les
forces israéliennes opérèrent 27 vols de
drones au-dessus du Liban ainsi que des
attaques aériennes contre des
organisations militantes dont celles du
Hezbollah. Pour Israël, le succès de
cette campagne conduisit à «
l’absorption de nouveaux systèmes »
dans l’escadron précité.
19 septembre 2000, seconde Intifada
(ou al Aqsa) palestinienne au
cours de laquelle Israël avec « des
tirs d’hélicoptères contrôlés visant les
cibles terroristes et leurs opérateurs,
Israël confirma que l’unité de drones
joua un rôle décisif » et deux ans plus
tard, Aviation Week rapporta que « au
cours du combat urbain à Jenin…. les
hélicoptères militaires se camouflèrent
derrière le terrain et tirèrent sur des
cibles localisées par les VAT ».
En 2004, paraissent les premières
preuves crédibles de l’utilisation des
drones sur Gaza. Le Jerusalem Post
du 24 octobre écrit : « Des témoins
parlent d’appareils sans pilote. … dans
une attaque à l’aube sur Khan Younis qui
tua deux attaquants du Djihad islamique
– Ziad
Abou Moustapha et Omar Abou
Mustapha, tous deux âgés de 20 ans. Et
le 7 décembre, une autre attaque de
drone causa la mort d’un djihadiste
palestinien mentionné dans une dépêche
de l’ambassades US ».
A la suite de la mort de deux soldats
israéliens et de la capture du soldat
Gilad Chalit, le 25 juin 2006, par des
Palestiniens de Gaza, Israël lança une
offensive aérienne et terrestre entre le
28 juin et le 26 novembre, appelée
Pluies d’été, au cours de laquelle
400 Palestiniens trouvèrent la mort et
l’infrastructure de Gaza fut presque
entièrement détruite, dont la seule
centrale électrique du pays.
Du 12 juillet au 14 août 2006, la
Seconde guerre du Liban vit de
nombreuses actions de drones. Le site
Flightglobal rapporte qu’il
existe des preuves claires que, pour
réduire la durée des engagements sur des
« cibles sensibles », « Israël
a armé des drones Heron 1 de
missiles Rafaël Spike qui
laissèrent des marques de fragmentation
et d’explosion sur le site d’une attaque
contre une ambulance de la Croix-Rouge
libanaise. Human Right Watch a
estimé à 9 les attaques de drones qui
firent 27 victimes au Liban.
Puis, Israël adapta son système de
drones Hermes 450 en les
équipant de missiles air-sol Rafael,
qui fut mis en service extensivement à
Gaza et lors de la Second Guerre du
Liban ainsi que, lors de raids, en 2009,
sur le Soudan.
En mai 2007, les sources
palestiniennes affirmèrent que les
drones armés avaient remplacé les
habituels hélicoptères de combat pour
détecter et détruire les rampes de
lancement des missiles et les lanceurs
sur le nord de Gaza.
En octobre 2007, le nouveau Heron
TP Eitan entra en action. Selon
Haaretz, il peut également être
équipé de manière hypersophistiquée pour
des attaques à long rayon stratégique et
pour la défense, en plus de son rôle de
surveillance, localisation de cibles et
reconnaissance.
Du 27 février au 3 mars 2003, vit une
autre agression sur Gaza surnommée
Hiver Chaud en réponse à la mort
d’un Israélien par une attaque à la
roquette. Plus de 120 Palestiniens
furent tués en retour et 350 blessés.
En décembre 2008, l’opération
d’envergure « Plomb durci » sur
Gaza, avec la première utilisation du
Heron TP Eitan, dont l’objectif
était de mettre un terme au tir de
roquettes sur Israël. Dès les premiers
jours, 400 Palestiniens furent tués. Le
17 janvier, jour du cessez-le- feu,
l’offensive avait fait 1 330 victimes
dont 430 enfants et laissé 5 450
blessés, selon des sources médicales
palestiniennes. Côté israélien, 10
militaires et 3 civils israéliens
avaient trouvé la mort.
L’offensive, selon des sources
palestiniennes, avait débuté par une
campagne « Choc et terreur »
comprenant 64 avions de combat touchant
50 cibles reliées à Hamas et
suivie par un bombardement de 100 tonnes
d’explosifs au cours des neuf heures de
combat. Les troupes au sol furent
précédées par les VAT pour nettoyer le
site et guider, depuis une distance de
500 mètres les militaires, sur des
routes sûres.
Pour la première fois, les
commandants de l’infanterie purent, en
toute autonomie, diriger les drones, les
hélicoptères et les avions de guerre
ayant ainsi à leur disposition un
escadron de droneurs, et une équipe de
soutien au sol leur fournissant les
informations en temps réel pour détecter
les mouvements des Palestiniens.
Des sources dignes de foi affirment
qu’un drone conduisit une attaque contre
un convoi supposé être un chargement
d’armes iraniennes via le Soudan en
2009.Le Jerusalem Post décrit
en détail que les drones (Heron TP
Eitan et Hermes 450) pouvaient,
pendant de longues périodes, s’attarder
au-dessus du vaste désert du Soudan
« où ils attendaient que le convoi
apparaisse ». Les informations leur
étaient fournies de source étrangère.
Pour Ehud Olmer, Premier ministres
israélien d’alors, confirma que «
Ceux qui doivent savoir, savent qu’il
n’y a aucun endroit qu’Israël ne peut
frapper. Un tel endroit n’existe pas ».
2010 vit la promotion du système
Skylark 1, « un mini ensemble
individuel » alloué aux forces
armées pour que les commandants
disposent d’ « informations rapides
et immédiates » sans interférence
de l’aviation israélienne.
Selon Aviation Week, une
nouvelle unité, « Commandement en
profondeur », fut créée en 2012
dans le but de coordonner des opérations
à long rayon d’action et pour mettre
davantage à profit les drones équipés de
senseurs multifonctions, précis et armés
comme le Heron TP Eitan.
Des photos de ces drones les montrent
sur les sites de guerre en Syrie mais la
nationalité des opérateurs, turcs ou
israéliens, n’a pu être précisée.
En novembre 2012, durant l’assaut
massif sur Gaza par Israël avec l’«
Opération Pilier de Défense »,
Human Right Watch atteste que 18
attaques aériennes - dont 7 par des
drones - furent « en
contravention totale avec le droit de la
guerre ». Arie Egozi de Flight
Global estime que « les huit
jours de combat à Gaza ont vu l’usage
des (drones) et des senseurs de
renseignement porté à un point culminant
inconnu jusqu’alors ». Les attaques
de drones ont continué tout au long de
2013.
En dépit du silence de l’Etat juif,
dénoncé par Memo (Middle East
Monitor) les informations
recueillies dévoilent un schéma établi
de recours aux drones militaires,
notamment à Gaza depuis 2004.
Source:
Israel and the drone wars - Examining
Israel’s production, use and
proliferation of UAVs
Pour info:
Site de
Drone Wars UK
© G. Munier/X.
Jardez
Publié le 6 septembre 2015 avec
l'aimable autorisation de Gilles Munier
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