Syrie
Uh ah Bachar no se va !
Marie-Ange Patrizio

Photo:
Sana
Samedi 17 décembre 2016
Vous voyez, les gens qui vous
disent « vous me connaissez, vous savez
que je suis de gauche » avant de
déverser un torrent de propos bien
réactionnaires ? Eh bien pour la Syrie,
chez les gens « de gauche », d’abord,
toujours, on crache sur Assad (son père,
son oncle, ses frères-zet-ses-soeurs…)
avant de réciter quelques banalités
critiques, toujours les mêmes, sur les
« rebelles ».
Dans le genre, mais ce n’est qu’un
exemple parmi d’autres, j’ai reçu ces
jours-ci un article de Robert Fisk. Un
Grand Reporter (à Beyrouth) : « Il y a
plus d’une vérité à raconter dans la
terrible histoire d’Alep (The
Independent) ».
Plus d’une vérité et
plus d’une couillonnade. Mot
d’introduction, obligé, sur la première
des vérités : le « bombardement
féroce », parce que vous le connaissez,
Fisk, il est « de gauche ». Ensuite
rappel des états de service d’ancien
combattant « de gauche » anti-dictateur
: « à l’époque de Saddam Hussein il nous
incombait de constamment rappeler notre
répugnance à l’égard de Saddam et de son
régime. […] Alors voici le mantra
habituel que nous devons répéter
ad nauseam [ça va, on l’a,
la nausée] pour éviter les habituels
courrier(s) haineux et les habituelles
injures : « Oui, Bashar al-Assad a
brutalement détruit
de vastes étendues de ses
villes dans sa lutte contre ceux qui
veulent renverser son régime. Oui, ce
régime a une multitude de péchés
accrochés à son nom : la
torture, les exécutions, les prisons
secrètes, le meurtre de civils et – si
nous incluons les miliciens syriens sous
le contrôle effectif du régime – une
version effrayante de nettoyage
ethnique. Oui, nous devrions craindre
pour la vie des médecins courageux de
l’est d’Alep et des gens qu’ils ont
soignés. Quiconque a vu les images du
jeune homme sorti de la ligne des
réfugiés fuyant Alep la semaine
dernière, par les hommes du
renseignement du régime devrait craindre
pour tous ceux qui n’ont pas été
autorisés à traverser les lignes du
gouvernement ».
Que des informations de première
main. Vous lisez le moindre élément
factuel, précis, et la moindre trace de
source qui vous permette d’aller
vérifier ce que « raconte » le grand
reporter et de vous faire votre propre
idée ? Non. «Quiconque » a vu les
images…
« Mais il est temps de dire
l’autre vérité : que nombre des
« rebelles » que nous, les Occidentaux,
avons soutenus sont les plus cruels et
les plus impitoyables des combattants au
Moyen-Orient » : le scoop qu’il était
temps de dire parce que, eh oui, il ne
l’avait jamais fait. Un dernier mot sur
la première des vérités : « Prenez le
Haut Commissariat des Nations Unies aux
droits de l’homme. La semaine dernière,
après les craintes tout à fait
compréhensibles (sic) pour la population
civile de l’est d’Alep et ses médecins
et infirmiers, comme pour les civils
soumis aux représailles du gouvernement
et les « centaines d’hommes » qui ont
disparu après avoir traversé la ligne de
front […]».
Ensuite, cash du terrain, le
stratège : « Il ne fait aucun doute que
Palmyre représente un revers pour
à la fois pour l’armée syrienne
et les Russes – revers plus symbolique
que militaire » .« Alors, que s’est-il
passé [à Palmyre] ? Le plus
probable est que l’armée syrienne n’a
tout simplement pas le nombre de soldats
nécessaire pour défendre Palmyre tout en
reprenant l’est d’Alep » : on les sent,
les dizaines d’années au front.
Qui nous dégagent l’horizon
médiatique : « Je soupçonne que nous
entendrons plus de choses dans les
prochains jours ». Pour Fisk : « Le mois
prochain nous lirons également un
nouveau livre effrayant,
Merchants of Men
par la journaliste
italienne Loretta Napoleoni. sur le
financement de la guerre en Syrie ».
Loretta Napoleoni, ça vous dit
quelque chose ? Rien du tout. Pourtant :
«Elle est parmi les plus grands experts
mondiaux d’économie criminelle et
financement du terrorisme et consultante
de gouvernements et institutions
internationales ». Qui la présente ainsi
? Elle-même, dans son blog ( http://lorettanapoleoni.net/italiano/
).
Compléments d’infos (à la première
personne cette fois) dans son autre
blog, dans « Il Fatto Quotidiano »
: journal « de gauche » spécialisé dans
le double positionnement et clairement
pro-israélien, me dit Manlio Dinucci à
qui j’ai posé deux questions : tu la
connais ? Et : elle a de l’audience en
Italie ? Non, en dehors d’un cercle très
restreint.
Qui est donc la seule référence
citée par Fisk sur le terrorisme ? « Je
suis une économiste et j’ai travaillé
longtemps dans la finance à Londres et
San Francisco. Depuis plus de 20 ans je
fais des recherches sur le terrorisme et
collabore avec des gouvernements et
organisations internationales. En 2005
j’ai présidé le groupe d’experts sur le
financement du terrorisme pour la
conférence internationale sur terrorisme
et démocratie organisée par le Club de
Madrid [pas le Real]. J’ai aussi
collaboré avec de nombreuses forces de
l’ordre, parmi lesquelles la
Homeland Security étasunienne,
l’International Institute of
Counter-Terrorism israélien, la
police catalane et l’armée turque ». En
effet, les meilleurs spécialistes du
terrorisme. D’Etat.
« J’ai enseigné à la
Judge Business
Schools de Cambridge
[quelques heures :
http://www.linkiesta.it/it/blog-post/2012/06/10/loretta-napoleoni-non-dica-balle-non-e-vero-che-e-professore/7627/]
et en 2009 j’ai été invitée comme
rapporteur à la Ted Conference
sur les thèmes du terrorisme. […] J’ai
écrit de nombreux livres parmi lesquels
[titres des trois « nombreux » qu’elle a
écrits], je suis traduite en 18 langues
arabe et chinois inclus […] le dernier
publié dans 20 nations [traduits et
publiés par les forces de l’ordre
étasuniennes, israéliennes, espagnoles,
turques avec qui elle a collaboré ?]. Et
caetera (http://www.ilfattoquotidiano.it/blog/lnapoleoni/
). Une référence sur le terrorisme.
D’Etat.
Au fait, le livre effrayant que « nous allons lire le mois prochain, Merchants
of Men » est paru en août ; et les
passages qu’on peut lire dans les rares
recensions disponibles ne font jamais
état d’« enlèvements-pour-argent par le
gouvernement » mais seulement « par les
forces rebelles en Syrie ». Mais Fisk
qui va lire le livre le mois prochain a
peut-être eu d’autres informations dans
le cercle très restreint de la Napoleoni.
Où est cet article ? Dans Le
Grand Soir accompagné d’un
commentaire d’un des deux webmasters :
on le connaît on sait qu’il est « de
gauche ». Avertissement sur le grand
risque de ces jours-ci : « le risque
est grand pour un esprit honnête de
tomber en sympathie avec Bachar Al Assad
en oubliant comment il gouvernait,
gouverne et gouvernera. [?!]
Assad n’est pas Fidel Castro. Robert
Fisk nous le rappelle ici. On doit
pouvoir l’entendre sans se tromper sur
les combats et leur issue souhaitable :
la défaite des fous de dieu (même
déguisés en "rebelles") et donc celle
des troupes de la coalition. Je rappelle
qu’au temps ou [où]
Bachar Al Assad était ami
des puissances occidentales, LGS avait
dénoncé l’existence en Syrie de prisons
secrètes de
l’Armée US où
se pratiquait la torture.
Puis, nous avions publié des articles où
il était dit que la guerre
en Syrie avait été fomentée
de l’extérieur. C’est
pourquoi Charlie Hebdo, journal qui a
approuvé toutes les guerres de l’OTAN
avait collé LGS, Viktor Dedaj et moi sur
le tableau des "rouges-bruns qui
soutiennent Assad ». Ceux qui
soutiennent Assad : forcément
rouges-bruns ?
Argument d’«esprit honnête » : « Assad
n’est pas Castro ». Oui, c’était
seulement son ami dit sur LGS une
commentatrice très avertie. Et Hugo
Chavez, son frère, « compagnons de la
même patrie, nous partageons la même
patrie, et quelle patrie que la nôtre,
la patrie humaine ! ». Au lieu des
fausses nouvelles de la guerre de Fisk,
pour fêter la libération d’Alep regardez
et écoutez comment Hugo Chavez recevait
le président syrien, en 2010, dans la
communauté syrienne du Venezuela :
https://www.youtube.com/watch?v=Nlr3-zTO1-I.
Et comment ensuite, dès le début de
l’agression contre la Syrie, il l’a
soutenu sans condition, lucidement et
avec humour :
https://www.youtube.com/watch?v=u6k9Kzee1sY.
Dernières nouvelles de source sûre
à Damas : il
y a des Français
parmi les officiers de
l’Otan que l’Armée arabe syrienne a
capturés hier à Alep-Est. Non encore
confirmé : c’est
Hollande en personne qui
irait les chercher habillé en Père Noël
avec un casque blanc. Déguisés en chiens
de traîneau, Fisk et le maire « en
quelque sorte » d’Alep-Est
l’escorteraient pour qu’il ne se perde
pas dans les couloirs, humanitaires ;
sécurisés par MSF et les Casques blancs
sans armes, neutres, indépendants et
bénévoles.
Marie-Ange Patrizio, Marseille 17
décembre 2016
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