Syrie
De l’ONG humanitaire au Conseil de
sécurité,
la campagne « crimes de guerre à
Alep-Est »
Marie-Ange Patrizio
Photo
aérienne des raids des avions de combat
sur les positions des terroristes à
Ramoussa à Alep - Sana
Vendredi 9 décembre 2016
Episode 1. «Cherchez à
raid aérien, raid aérien ! »
Episode 2/3. Les « bains de sang » de
Samantha Power et MSF
« Le prix franco-allemand des
droits de l’Homme et de l’Etat de droit
a été remis, lors d’une cérémonie, à
Berlin le 1er décembre 2016 à 15 heures,
par les ministres des Affaires
étrangères français et allemand,
Jean-Marc Ayrault et Frank-Walter
Steinmeier.
Il s’agit de la première édition de ce
prix qui sera, désormais, remis chaque
année. Il a vocation à mettre en lumière
des personnes qui œuvrent pour la
défense des droits de l’Homme ou la
promotion de l’Etat de droit, dans leur
pays, dans des pays tiers ou dans les
enceintes internationales ».
En marge de la cérémonie, JM Ayrault répond à la journaliste (France
Culture) Nadine Epstein qui l’interroge
sur l’impuissance diplomatique de la
France dans le drame syrien : « J’ai
évoqué l’initiative française soutenue
par d’autres pays, de limiter le droit
de veto de membres permanents lorsque
des victimes civiles sont en cause dans
les conflits ».
Le MAEDI énonce ici un des objectifs de la campagne menée aux Nations
Unies par la « communauté
internationale » contre les prétendus
crimes de guerre à Alep Est : priver la
Russie de son droit de veto sur les
résolutions concernant la Syrie.
C’est de là que nous repartirons pour observer les étapes de cette
bataille : aux Nations Unies ; « sur le
terrain » avec les «témoignages»
apportés par des organisations dites
non-gouvernementales ; et dans nos
médias.
Dimanche 25 septembre, USA, France
et Grande-Bretagne ont demandé une
réunion « en urgence » au Conseil de
sécurité de l’ONU, « comme à chaque fois
-dira le représentant de la République
Arabe Syrienne Bachar al-Jaafari- que
les signaux indiquent [la] déroute [des
terroristes] sous la pression
ininterrompue de l’Armée syrienne et de
ses alliés ».
Intervention de la représentante des USA, Samantha Power (extraits) :
« la Russie occupe un siège permanent
au Conseil de sécurité. C’est un
privilège et une responsabilité.
Pourtant, en Syrie et à Alep, la Russie
abuse de son privilège historique »,
lire : le droit de veto.
Les Nations Unies n’ont pas pour mission d’assurer la justice dans
le monde, mais d’éviter des guerres : le
droit de veto des 5 puissances
nucléaires de l’après-guerre leur permet
d’empêcher que l’une ou plusieurs
d’entre elles ne prenne le contrôle du
Droit international. Pour être valide,
une loi internationale doit être
acceptée par les 5 à la fois.
Rappel. En août 2015, la France et le Mexique ont présenté à la 70ème
Assemblée générale de l’ONU une
«Déclaration politique sur la
suspension du veto en cas d’atrocités
de masse » car (extraits)
estimaient-ils « le Conseil de
sécurité ne devrait pas être
empêché,
par le recours au veto, d’agir afin de
prévenir ou mettre un terme à des
situations impliquant des atrocités de
masse. Nous soulignons que le veto n’est
pas un privilège mais une
responsabilité internationale »
et proposent « un accord collectif et
volontaire des membres permanents du
Conseil de sécurité visant à ce que
les membres permanents s’abstiennent de
recourir au veto en cas d’atrocités
de masse ».
Atrocités de masse : « lorsque
sont commis des crimes de génocide,
des crimes contre l’humanité
ou des crimes de guerre sur une grande
échelle ».
« Nous rappelons que les chefs d’Etat
et de gouvernement membres des Nations
Unies se sont déclarés prêts « à
mener en temps voulu une action
collective résolue, par l’entremise du
Conseil de sécurité, conformément à
la Charte » lorsque les autorités
nationales échouent à
protéger leur population du génocide,
des crimes contre l’humanité
ou des crimes de guerre ».
Les consignes étaient données : rapporter des atrocités de masse et la
faillite des autorités syriennes à
protéger leur population.
Le contexte : la Syrie a fait appel à la Russie en septembre 2015
dans le cadre de la lutte contre le
terrorisme : c’est inattaquable en droit
international.
Sauf si (Power) : « ce que la Russie parraine et ce à quoi elle se livre
n’est pas la lutte contre le terrorisme
mais la barbarie », c’est-à-dire des
atrocités de masse.
Type de preuves qui « suffiront » et éléments de langage : (Power) «Il
suffit de regarder les photos publiées
sur Internet[1]
par les habitants de l’est d’Alep ces
deux derniers jours. On y voit des
Syriens entassés dans des couloirs
tachés de
sang ; des hommes, des
femmes et des enfants en guenilles,
allongés dans des
mares de sang
dans des hôpitaux de fortune ».
Les protagonistes : « La Russie et le régime [les barbares] ont visé
non pas une, ni deux mais trois des
quatre bases utilisées par les
volontaires des Casques blancs [les
héros] dans la partie Est de la ville
d’Alep ».
Unité de lieu : les quartiers sous contrôle des groupes armés
non-étatiques toujours qualifiés
d’opposition modérée, rebelles,
« révolutionnaires » si envolées
lyriques.
Décors de prédilection et figurants : « On voit des secouristes
creuser dans les décombres […] creuser
avec frénésie jusqu’à ce que la tête
et la chemise bleue et blanche d’une
fillette apparaissent – une fillette
souffrante et terrorisée. Les
secouristes réussissent enfin à
dégager doucement la petite Rawan
Alowsh, âgée de 5 ans, le corps
couvert d’une poussière blanche
[maquillage indispensable des civils
sauvés par les Casques Blancs].
On a l’impression qu’on
assiste à un miracle ».
Le représentant permanent de la France, François Delattre, prend la suite
pour récapituler la liste des crimes de
guerre à rapporter : « Sous couvert de
lutte anti-terroriste, le régime
bombarde aveuglément les habitations,
les maternités, les hôpitaux, les
écoles, les camps de réfugiés, les
quartiers tenus par l’opposition
modérée». Crimes auxquels
il est temps d’ajouter : usage d’armes
interdites. « Les renseignements dont
nous disposons font état de l’usage
systématique d’un nouveau type
d’armement incendiaire et de munitions
et sous-munitions perfectionnées,
permettant de perforer des bunkers et de
causer l’effondrement d’un immeuble
entier en un seul impact ». Source :
« Selon l’Observatoire syrien des droits
de l’homme ».
Le représentant britannique Matthew Rycroft se charge de l’aspect
juridique en évoquant sans précision
« des violations flagrantes des lois
internationales » à Alep ; et
possibilité
de recourir à la saisine de la Cour pénale
internationale.
Au moment où le
représentant de la Syrie prend la parole
pour leur répondre[2],
les représentants des trois délégations
(USA, France et Grande-Bretagne)
quittent la salle.
« Le commando est au grand complet, sur
une même ligne de tir et les poings
serrés. Action »[3].
Le jour même sur
France2 : « Ambulances
bombardées, hôpitaux
débordés... des scènes d'horreur à
Alep »[4].
C’est le « reportage » qu’a préparé
Martine Laroche-Joubert, dans un timing
sans faille : il sera diffusé deux fois
(à la mi-journée et le soir), certaines
séquences étant aussi reprises au Soir3.
Extraits : « Les bombardements du régime et de ses alliés détruisent
implacablement les zones sous contrôle
de la rébellion […] 250 000 civils
vivent ici […] privés d’eau depuis
samedi [la veille] à cause des
bombardements »[5].« Certains
[civils] aujourd’hui acceptent de nous
parler » : par skype. « Icham, ancien
professeur d'arabe, montre à France 2
l'enveloppe d'une bombe au phosphore :
"Regardez le numéro
de série. Elles sont
fabriquées en Russie et en dessous, ce
sont les traces blanches du phosphore",
raconte-t-il. » Et : « les
ambulances prises pour cibles. Les
blessés s'entassent dans les hôpitaux de
fortune », etc.
De Laroche-Joubert seulement la voix qui « récite », comme indiqué à la
fin du reportage. Curieusement, en
effet, celle qu’on a vue pendant plus de
trente ans sur le terrain des zones de
(certaines) guerres, n’apparaît dans
aucune des séquences. MLJ n’est pas un
perdreau de l’année et des reportages de
guerre elle peut en faire sans mettre
même un seul pied sur le terrain. Sa
contribution va se limiter ici au
commentaire d’un montage où alternent
deux types de séquences. Celles
présentant des scènes de ruines et de
« sauvetage » dans des décombres :
toujours avec des logos -en haut à
gauche- indiquant une autre origine que
France2. Logos parfois lisibles -Casques
Blancs ou sigles arabes- mais le plus
souvent floutés. Pourquoi MLJ et France2
occultent-elles l’origine des images
qu’elles diffusent ? D’où viennent ces
images ?
Les autres séquences -uniquement logo de la 2 en haut à droite-
présentent des témoignages des « civils
contactés par France2 » ; ils
s’expriment par skype depuis des « abris
sous-terrains » assez spacieux, décorés
par des affiches de dessins politiques,
très éclairés en pleine pénurie
d’électricité ; une des deux
sympathiques fillettes interviewées
parle la bouche pleine dans une ville
affamée par le régime, et l’autre répond
en riant -à une voix off l’interrogeant
sur les avions qui bombardent- que
« non, elle n’(en) a pas peur ! » : mais
peut-être n’y a-t-il pas d’avions qui
bombardent là où elle est. Rien ne
permet de dater et localiser ces
témoignages : c’est pour mieux les
protéger, mon enfant.
Toutes les autres séquences du montage sont estampillées par des logos
floutés. L’une d’elles montre les fameux
« blessés qui s’entassent dans les
hôpitaux » : on y voit rapidement deux
personnes, l’une allongée au sol,
l’autre assise par terre, appuyée contre
le mur d’une salle très encombrée, la
tête retombant sur le torse. C’est une
scène que nous allons retrouver.
Lundi 26 septembre, journal de 8h
de France Culture : « Alep,
nouveau Guernica en Syrie. Les
diplomates parlent de barbarie : la
ville d'Alep est en train d'être
totalement détruite par les
bombardements du régime. Témoignage de
Carlos Francisco, le chef de mission
Syrie de Médecins Sans Frontières»[6].
«"Pire situation jamais vécue à
Alep", a estimé Carlos
Francisco qui suit la
situation depuis Gaziantep, en Turquie,
tout près de la frontière
syrienne,[…] bombardements intenses et
ininterrompus, "les médecins
syriens à qui je parle m'ont envoyé
des images où
l'on voit les victimes
soignées à même le sol [variante
humanitaire de « entassés dans les
couloirs »][…] Siège de la ville, qui
empêche
à toute aide
humanitaire d'entrer et […] l’évacuation
des blessés. […] Par ailleurs, la
station qui fournit de l'eau dans l'est
d'Alep a été touchée par les
bombardements. Près de 250 000 personnes
se retrouvent privées d'eau potable »
depuis l’avant-veille ; ceux des autres
quartiers de la ville le sont de façon
récurrente depuis quatre ans, mais
c’était moins « pire » pour MSF ?
Rien de plus précis de la part de Francisco qui, prudent, prévient :
tout cela selon « l’information que nous
avons ». Cela permettra éventuellement
ensuite à MSF de dire qu’ils ont été
abusés par leurs « témoins ». Francisco
insiste sur les couloirs humanitaires :
c’est un des points clé de la
contribution MSF à la campagne. Un des
objectifs essentiels aussi d’Ayrault, et
acolytes de la communauté
internationale.
La déclaration est immédiatement et abondamment reprise par les médias
sous le titre (généralement) : « Carlos
Francisco (MSF) : à Alep,
"on voit les victimes soignées à même le
sol" ».
Mais, Francisco n’aurait-il pas communiqué les images qu’il a reçues ? La
seule image illustrant dans la presse la
déclaration de MSF est celle d’un camion
en flammes derrière un homme debout qui
traverse une rue. Non localisée.
Et la photo ne vient pas des
« médecins à qui (Francisco) parle »
mais d’Ameer Alhabi, « photographe
freelance à Alep » et correspondant de
fraîche date de l’AFP à Alep Est. Toutes
les photos d’Alhabi qu’on peut, en
suivant le conseil de Power, trouver
« sur Internet », sont faites
exclusivement dans des zones
« rebelles». Photographe modérément
indépendant.
Suite du thème sur France Culture par Eric Biégala qui commence en
évoquant les Casques Blancs « qui
témoignent de près de 200 civils tués »,
et poursuit avec les armes interdites
annoncées par le représentant de la
France au Conseil de Sécurité : bombes
thermo-bariques et bombes anti-bunker.
Aucun de nos journalistes ne reprend la
déclaration - cf. Russia Today-
de S. De Mistura disant qu’à Alep
l’opposition utilise des bonbonnes de
gaz avec clous etc.[7].
Mardi 27 septembre, nouveau -en
partie- reportage de MLJ au JT de 20H.
« Les enfants de la guerre » :
« Dans les
quartiers d'Alep (Syrie) éventrés,
250 000 civils qu’on voit ensuite sortir
dans des rues tranquilles : cette zone
est sous contrôle
de la rébellion. Sous ces
gravats, il y avait des parcs où
jouaient des enfants,
aujourd'hui victimes des bombardements.
Ils sont soignés dans des hôpitaux de
fortune, les médicaments manquent, le
matériel de soin aussi. Pendant les
bombardements,
les enfants sont mis en
sécurité dans des abris souterrains,
comme le montrent des images de France
2. À la première accalmie, ils sortent
dans la rue et jouent à la guerre [ ! ] Nous
nous défendons avec nos armes, nous les
avons fabriquées ». […]
Des habitants des quartiers assiégés
envoient des images à France 2 où
l'on voit des enfants
insouciants » etc.
Dans Alep assiégée où rien ne rentre à part les armes pour la
« rébellion », France2 a pu aller faire
des images et revenir nous les montrer.
Première séquence : les Casques blancs s’affairant dans des décombres,
puis les enfants « soignés dans des
hôpitaux de fortune ».
Mais, comme le confiera ensuite le président Hollande à un journaliste
« les
images sont parfois absentes, elles sont
tellement faibles [et] nous n’avons pas
assez de témoignages sur ce qu’il se
produit à Alep ». Alors Martine
Laroche-Joubert recycle.
Entre deux nouveautés on retrouve ici quelques images des « civils » qui
l’ont contactée pour le reportage du 25
: avec nos deux sympathiques fillettes
dans l’abri sous-terrain très éclairé
pour le skype du dimanche avec France2.
Suivies d’une nouvelle séquence, la plus
longue : « à la moindre accalmie les
enfants sortent jouer dans la rue ». Les
deux fillettes de la cave ? Non,
uniquement des garçons qu’on voit dans
des rues en effet très paisibles, sans
le moindre bruit d’avion dans un ciel
ultra serein où la « pluie de bombes »
s’est opportunément arrêtée pour le
tournage de France2. A la fin de la
séquence, le plus petit, qui n’a
peut-être plus envie de « jouer» devant
« notre équipe», bâille en regardant la
caméra pendant qu’il tire à l’aveugle
sur les avions imaginaires. On entend
des voix de gosses qui crient « allahu
akbar » en jouant : preuve que nous
sommes dans des quartiers protégés par
les combattants modérés de l’Armée de la
Conquête.
Mercredi 28 septembre : Le
Figaro, Libération,
L’Express, La Croix, la
presse régionale etc. annoncent le
bombardement la veille des « 2 plus
grands hôpitaux d'Alep-Est ». Selon ce
qu’a « affirmé
à l'AFP l'ONG qui soutient ces
établissements », "l'attaque est
survenue à 4h du matin. Un avion
militaire les a visés directement", a
indiqué Adham Sahloul, de l'ONG médicale
Syrian American Medical Society (SAMS),
basée aux Etats-Unis » et
partenaire étasunienne de l’UOSSM.
L’information a été « confié(e) à Aref
al-Aref, un membre du personnel médical,
contacté depuis Beyrouth. A
sa demande, l'AFP ne publie pas la location
(sic) des deux hôpitaux pour des raisons
de sécurité ». "Les gens blessés et
malades qui se trouvent dans un état
grave doivent être évacués d'Alep-Est",
a plaidé dans un
tweet Médecins sans
frontières». « Dans le quartier Maadi,
des obus d'artillerie spnt
(coquille non corrigée dans la plupart
des reprises) tombés devant la
boulangerie à 03H00. J'ai vu six
cadavres [ etc…]
a affirmé à l'AFP un
secouriste qui était sur place […] sous
couvert de l’anonymat », pour mieux le
protéger.
Photos des hôpitaux sans nom, avant et après le « bombardement » du 27
septembre ? Aucune. Pour la plupart, les
articles sont accompagnés par une seule
photo signée Karam al Masri, datée
différemment selon les médias. Du 24
pour l’article de LIBÉRATION :
« AFP : Des blessés sont soignés dans un
hôpital d'un des quartiers rebelles
d'Alep, en Syrie, le 24 septembre 2016
après des bombardements sur la ville ».
Du 26 pour SUD-OUEST : « Les gens
blessés, le sang : tout cela est devenu
la quotidien des Syriens ».
La Voix du Nord,
le
28/09/2016 : « Syrie: les deux plus
grands hôpitaux d'Alep-Est touchés par
des frappes ». LA MANCHE LIBRE
pour « Syrie: les deux plus grands
hôpitaux d'Alep-Est touchés par des
frappes » le 28 septembre. ARTE a
supprimé la page depuis. Etc.
C’est la scène du reportage de France2
le 25 septembre.
Scène qui est aussi sur le site de l’UOSSM
le 26 septembre ; mais avec une photo
-non signée— qui, prise sous un autre
angle, révèle un aspect de la situation
qu’on ne voit ni dans la photo d’al
Masri ni dans le reportage de
Laroche-Joubert.
Ici au milieu des «blessés» (celui qui est appuyé contre le mur avait
encore la tête relevée) on voit aussi au
milieu de la salle, debout, pas moins de
14 personnes plus ou moins occupées dont
2 -en plus de l’auteur du cliché- avec
des appareils photo en main. Les blessés
sont « soignés à même le sol » parce que
la table d’examen est encombrée par
divers objets ? Peu de soignants dans
Alep Est assiégée, mais
beaucoup de monde pour regarder et
filmer la scène.
Voyons qui est celui qui a signé
la photo témoignant de plusieurs
bombardements entre le 24 et le 28 :
« Karam Al-Masri
était étudiant en droit à Alep, en
Syrie. Sa vie a basculé voilà cinq ans.
Il raconte son quotidien, fait de
massacres et de bombardements :
« "Lorsque la révolte
a éclaté en 2011, j'avais
presque 20 ans. Deux ou trois mois plus
tard j'ai été arrêté par le régime […]
C’était pénible, mais je suis sorti à la
faveur de la première amnistie en 2011.
Au début de la révolte, il y avait des
manifestations pacifiques. Aucun
bombardement. Il n'y avait que la peur
de la détention ou des snipers dans la
rue » etc.
Son témoignage « Peur au ventre, faim, prison : un correspondant de l'AFP
en Syrie raconte son enfer »[8]
commence par une photo des Casques
Blancs en action. Il y a au moins un
Casque Blanc dans quasiment toutes les
photos d’al Masri qu’on trouve, comme
Power, sur Internet. En plus de cette
photo c’est le témoignage d’al Masri qui
est repris par plusieurs médias, et même
recommandé pour son « intensité rare »
par Acrimed sous la plume de Julien
Salingue qui « salue l’abnégation
de Karam al-Masri (et de ses confrères
et consœurs officiant dans les zones les
plus touchées par la guerre en Syrie) »[9]
: confrères qui ne travaillent qu’avec
les « rebelles » ; consoeur, pas l’ombre
d’un voile.
Al Masri : « Même si je suis un sympathisant de l'opposition et que je
vis dans une zone de l'opposition, même
si j'ai participé aux manifs contre le
régime, j'évite en filmant d'être
subjectif et de prendre le parti de
l'opposition. Si celle-ci commet une
erreur, je le rapporte ». Où ? Aucune
trace du rapport de ces « erreurs » de
l’opposition ni dans Acrimed, ni
ailleurs. Ni à la source, l’AFP, qui a
une prédilection pour les anciens
étudiants sympathisants de l’opposition
ou révolutionnaires. Neutres et
indépendants, conformément à sa charte.
Récapitulons. Du 25 au 28 septembre sur quoi repose l’information des
bombardements des « deux plus grands
hôpitaux [sans nom] d’Alep » dont «l'AFP
ne publie pas la loca[lisa]tion pour des
raisons de sécurité », et d’une
boulangerie dans une zone habitée « par
250 000 personnes » ? Une photo et deux
témoignages anonymes.
Le premier « confié » à « un membre du personnel médical,
contacté depuis Beyrouth »
et retransmis par un membre de l’ONG
SAMS depuis les USA ; où il s’agit non
pas d’un hôpital, grand ou pas, mais
selon L’OBS -info
reprise par Ayrault- du « plus important
établissement de prise en charge des
blessés dans les quartiers tenus par les
rebelles », qui l’appellent M10. La
photo, faite par un
opposant à Assad admirateur des Casques
Blancs, sera recyclée au fil des jours
pour plusieurs événements. Chiffres
fournis par l’OSDH. L’information sur la
boulangerie bombardée -au JT de France 2
la « preuve » est une photo de pains
éparpillés par terre… - repose sur un
témoignage anonyme.
On remarque que dans la plus grande ville de la plus ancienne
civilisation du monde - berceau de
l’écriture- les « plus grands hôpitaux »
n’ont pas de nom… Vraiment, barbarie.
Mais on apprendra le 19 novembre grâce à des journalistes qui font
leur travail que « l’Organisation
mondiale de la santé (OMS) et la
Croix-Rouge ont souligné qu’elles ne
disposaient d’aucune preuve de
bombardements russes sur des hôpitaux
syriens et qu’elles n’accusaient
nullement la Russie. Le bureau turc de
la Société médicale syro-américaine
(SAMS), dont le siège se trouve à
Washington, a confirmé être la source
qui a livré des soi-disant informations,
signée par le Health Cluster Turkey Hub,
sur les prétendues frappes aériennes
russes sur des « hôpitaux » au
département d’État des États-Unis, a
déclaré le manager du bureau turc
Mohamad Katoub dans une interview
accordée à Sputnik »[10].
Ce même 28 septembre,
Ayrault introduit officiellement les
« secouristes courageux » désignés par
Power : « J’ai rencontré au Quai d’Orsay
une délégation de bénévoles qui œuvrent
sur place au côté des remarquables
Casques blancs — que la France voudrait
associer au mécanisme de contrôle
qu’elle a proposé dans le cadre du GISS
— et qui jouent en quelque sorte (sic)
le rôle d’élus municipaux […]». Les
Casques Blancs pour contrôler les
couloirs humanitaires.
La légende franco-anglo-étasunienne des Casques Blancs a été
largement propagée par nos médias depuis
que l’Armée Arabe Syrienne encercle les
quartiers « rebelles » de la ville, ces
dernières semaines. Selon, entre autres,
Le Monde, « la défense civile
syrienne a été créée
en 2013, à l’initiative d’un consultant
britannique travaillant auprès
de l’opposition syrienne
[armée], James Le Mesurier[11],
et avec l’aide
d’une ONG turque de premiers secours,
Akut. La formation et l’équipement de
ses membres, qui font vœu (sic)
de neutralité
et ne portent pas d’armes, sont financés
par plusieurs pays occidentaux, dont la
France, le
Royaume-Uni
et l’Allemagne »[12].
Elément de langage (modulé selon les
journalistes) dans toutes les évocations
des CB : « ils sont constitués d’anciens
boulangers, maçons, chauffeurs de taxi,
étudiants, enseignants, à peu près tout
sauf des secouristes » : n’est-ce pas
toujours le cas pour les secouristes
dans tous les pays du monde où est
organisée une « protection civile » ? Et
ne sont-ils pas toujours bénévoles ?
Comme en Syrie, et à Alep ; où,
d’ailleurs, que sont devenus ceux qui
assuraient la protection civile avant
les CB ?
La vraie enquête sur le terrain de la
journaliste Vanessa Beeley[13]
apporte des éléments qui auraient dû
interroger les rapporteurs médiatiques,
humanitaires, diplomatiques, s’ils
avaient fait le minimum requis par leur
déontologie.
Par exemple, élément non négligeable
pour des secours d’urgence : « Il
n’existe aucun numéro
de téléphone public pour
appeler les Casques Blancs. Pourquoi
cette « ONG » de secours d’urgence,
financée à hauteur de millions de
dollars par les USA et les états de
l’OTAN, dotée d’équipements dernier cri
fournis par les USA et l’UE via la
Turquie, ne possède-t-elle pas un numéro
de téléphone
d’appel
central à disposition des
civils, pour ces moments où
"tombent les bombes" »?
Sur le bénévolat des CB, les perroquets
ne nous ont pas dit que « plus de
60 millions de dollars US
dans leur besace reçus de la part
d’USAID, du Foreign Office britannique
et de plusieurs pays de l’UE dont les
Pays-Bas, ce groupe est sans doute l’un
des plus choyés et les plus soutenus du
complexe des ONGs anti-syriennes
entretenu par l’Occident,
élément central de
l’entreprise de construction d’un
état parallèle
à l’intérieur de la Syrie » ,
Toute l’enquête de V. Beeley, sur le
terrain à Alep et au-delà, informe en
outre des conditions de travail de la
vraie Protection civile syrienne,
toujours active là où les « rebelles
modérés » ne l’ont pas éliminée.
Jeudi 29 septembre : aux
« Matins » de France Culture, c’est le
«politologue » libanais Ziad Majed, qui
est -une fois de plus- invité et parle
des révolutionnaires syriens. Emigré
d’abord aux USA avant de venir enseigner
la révolution à l’Université américaine
de Paris, il réclame des tribunaux
spéciaux pour condamner le « régime et
ses alliés » et explique que la
différence entre islamistes, modérés et
jihadistes est un « faux débat », « un
logiciel occidental […] qui ne concerne
pas la Syrie ». Où « il y a des dizaines
de milliers de jeunes [révolutionnaires]
qui ont pris les armes contre le
gouvernement », et se battent
actuellement dans les « quartiers
rebelles ». Même le journaliste du
Figaro
est agacé par les allégations de Majed
et l’émission se termine dans une
cacophonie représentative de cette
démocratie que revendiquent les
participants, journaliste (Guillaume
Erner) compris.
Vendredi 30 septembre : un
an d’intervention de la Russie en Syrie.
L’Armée arabe syrienne avance dans Alep
et a repris le site de « l’hôpital al
Kindi, le plus grand hôpital d’Alep qui
avait été frappé
par les obus terroristes d’al-Nosra,
puis incendié intentionnellement en
2013, [et dont] la
destruction n’avait pas
fait la Une des médias traditionnels »[14]
(Dr. N. Antaki) ; proche d’une grande
station de pompage alimentant Alep en
eau potable.
C’est cette fois depuis Amman que MSF
[15]
« appelle le gouvernement syrien et ses
alliés à mettre un terme aux
bombardements sur Alep » (avec, sur la
page anglaise du site, la photo par
Karam al Masri d’un hôpital bombardé le
24 avril[16]
) : « Les avions de la coalition menée
par la Syrie font pleuvoir des bombes
sur la ville. Le gouvernement syrien
doit faire cesser les bombardements
indiscriminés. Et, en tant qu’allié
politique et militaire de la Syrie, la
Russie a la responsabilité d’exercer la
pression nécessaire pour que cela
s’arrête », déclare Xisco Villalonga,
directeur des opérations de MSF, [avec]
des informations venant de la direction
de la santé d’Alep-Est »,
les élus municipaux « en quelque
sorte », chouchous de J-M Ayrault qui,
malgré le siège, les recevra deux fois à
Paris dans les semaines qui suivent.
Rien de précis, encore, dans ce communiqué mais le temps presse : le
lendemain la Russie prend la présidence
pour un mois du Conseil de sécurité.
Grâce au « témoignage » de Villalonga
les médias titrent unanimement : « MSF
dénonce un "bain de sang" », version
française de « la mare de sang » de
Samantha Power.
C’est ce terme qui est
repris partout, presse, radios et télés,
le 1er octobre. MSF laisse à d’autres la
responsabilité de fournir des chiffres
pour le nombre de victimes : comme
toujours l’OSDH s’en charge (depuis
Londres), et le nombre variera sans
scrupules d’un média à un autre.
Pour déclencher ce déluge médiatique, le « bain de
sang » produit par MSF aura
suffi. Et le Docteur Antaki, interrogé
ce même 1er octobre, fera remarquer :
« Si on devait compter tous les hôpitaux
et structures sanitaires qui, selon les
communiqués des terroristes ou de
Médecins Sans Frontières ont été
bombardés par l’armée arabe syrienne, il
y aurait eu en Syrie plus d’hôpitaux qu’en
France »[17].
Les chaînes publiques françaises (Culture, France 2, et FR3) ajoutent une
précision qui n’aurait pas dû échapper à
MSF et à l’OSDH : « Alep 2 hôpitaux à
nouveau bombardés. Le plus grand hôpital
de la ville bombardé par des barils
d’explosifs ».
Une fois de plus les images -« rares »- sont signées Casques Blancs et ne
montrent ni hôpitaux, ni déluge, ni mare
ni bain de sang ; mais permettent à
Ayrault de condamner
« avec la plus grande fermeté le
bombardement qui a frappé l’hôpital M10,
l’un des principaux hôpitaux d’Alep […]
déluge de
violence […]. Le
ciblage systématique
des structures et des personnels de
santé est particulièrement inqualifiable
[mais si : en crime de guerre]. En ce
moment-même, au Conseil de Sécurité, la
France se mobilise » etc.
A Paris, le lendemain, les médias nous montrent « une centaine d’exilés
syriens [qui] manifestent devant
l’ambassade de Russie », dont le
porte-parole, Saker Atchawi, s’est
« exilé » à Paris où il exerce
l’orthodontie depuis une quarantaine
d’années .
2 octobre : la semaine qui
commence est résolument placée sous le
signe des Casques Blancs à qui devrait
être décerné le prix Nobel de la Paix,
le 7 octobre. Elisabeth Guigou,
présidente de la Commission Affaires
Etrangères à l’Assemblée Nationale fait
un lapsus : « je fais partie de ceux qui
ont demandé… qui ont soutenu
l’inscription des Casques Blancs pour le
Nobel de la Paix ».
France Culture : «Une pluie d’obus s’abat à chaque heure du jour et de la
nuit » ; «enfer sur terre où
interviennent les Casques Blancs […] :
le Prix Nobel ils en rêvent pour
redonner espoir au peuple syrien : "on
attend avec impatience la délibération
du jury parce que ça va vraiment énerver
Damas" (sic)» dit le Casque Blanc
interviewé par Valérie Crova qui,
enflammée par cette noble cause, parle
de « la révolution ».
Le 4 octobre, entracte avec « L’histoire de Bana Alabed »[18]
: « Découvrez le témoignage d'une
fillette de sept ans qui vit sous les
bombes à Alep, avec sa mère elles ont
choisi de témoigner sur les réseaux
sociaux […] Sa mère a été jointe par une
journaliste de CNN mais la conversation
est brusquement interrompue [par]
l'intense campagne de pilonnage menée
par les aviations syriennes et russes »
etc. La suite de la vidéo est le montage
habituel d’images faites par des chaînes
arabes ou par les Casques Blancs.
Conclusion ? « Hier [3 octobre] le
principal hôpital de la ville a été
détruit dans les bombardements ». Le
« principal hôpital» anonyme de la ville
devait être plus grand que les « deux
principaux hôpitaux» anonymes détruits
cinq jours plus tôt. C’est ça qui est
bien avec les anonymes : ils sont
interchangeables.
5 octobre : moins de reprise médiatique pour un nouveau communiqué
de MSF qui rapporte le « témoignage »
d’« Abou Khalid chirurgien orthopédique
et directeur d’un hôpital -clandestin-
soutenu par MSF dans l’est d’Alep,
assiégée. Il a quitté
Alep le 21 août
[…] il n’a pu y retourner. Il travaille
actuellement à l’hôpital d’Al-Salamah
dans le district d’Azaz près de la
frontière
turque » en zone contrôlée
par les « rebelles ». C’est de là
qu’« il décrit la situation dans les
quartiers Est d’Alep »[19].
France 2 joue la neutralité
avec « Syrie : dans l'enfer d'Alep en
compagnie d'un Français qui vient en
aide aux civils »[20]
: le montage n’a rien à voir avec ce que
Pierre Le Corf, de l’ONG « We are
superheroes », écrit tous les jours sur
son compte Facebook mais il ne sera pas
dit qu’on n’a pas donné la parole, très
brièvement, à un humanitaire qui est de
l’autre côté à Alep et le seul qui parle
à la télé de terroristes d’Alep Est.
Jeudi 6 octobre, deux jours avant l’intervention d’Ayrault au
Conseil de Sécurité, MLJ revient avec :
« Syrie : le prix Nobel de la paix pour
les "casques blancs" d'Alep ?[21]
« Au milieu des bombes, les
"casques blancs" tentent de sauver les
victimes. Ils pourraient être
récompensés, vendredi [autrement dit le
lendemain]. Avant la guerre, ils étaient
commerçants, étudiants, artisans [sic],
ils se sont improvisés
secouristes. Notre équipe les suit sur
une intervention : "attention il y a
des hélicoptères, tu as vu ? ils ont
largué 4 barils !" ».
« Notre équipe » est à nouveau allée
dans Alep-Est assiégée où rien ne rentre
et dont personne ne sort, et, dieu
bénisse, a échappé
aux barils largués par hélicoptères
; qu’elle n’a pas dû voir sinon elle
n’aurait pas manqué de nous les montrer.
Les séquences montées dans cette dernière vidéo se déroulent dans
des décors très différents, le plus
souvent estampillées Casques Blancs :
« ils se disent apolitiques, Assad les
traite de terroristes », « récite » MLJ
dans le commentaire.
Sur une vingtaine de séquences pour 3’03 de vidéo, jamais de femmes chez
les sauveteurs et une seule -voilée-
parmi les « civils » présents. Toutes
les autres séquences (sans le logo CB)
sont des interviews filmées par « notre
équipe », et se déroulent dans des
décors extérieurs agréables, sans le
moindre bruit de bombardement.
Vendredi 7 octobre le prix Nobel
de la paix n’est pas attribué aux CB.
On sent un peu de nervosité chez les intervenants de MSF et de l’UOSSM
qui avaient peut-être été invités pour
fêter ça à La grande table de
France Culture[22]
: « Syrie : faut-il repenser le droit
humanitaire ? »[23]
.
Françoise Bouchet-Saulnier, directrice
juridique de MSF : «On sait que la
population est privée de secours par
l’Etat syrien » : une des deux bases de
la Déclaration d’août 2015[24].
Donc (FBS) : « les groupes d’opposition
armée ont organisé les secours [CB], au
titre de la protection civile avec
l’aide d’une expertise britannique très
militante, très engagée ». «Il ne
pouvait pas y avoir de secours parce que
le gouvernement syrien [y] avait mis une
série d’obstacles ». Quels obstacles ?
«Il a interdit les secours [parce qu’]
il [en] a confié l’intégralité au
Croissant Rouge Syrien qui n’est pas une
organisation neutre » : dans n’importe
quel pays, l’organisation de secours
relève toujours de l’Etat par le biais
des associations de Protection civile.
Mais en Syrie, l’ONG MSF ne reconnaît
pas ce droit aux autorités : « Nous
avons toujours refusé de transiter par
le Croissant Rouge qui n’est ni
impartial ni neutre » à la différence de
MSF. « Les Casques Blancs [et MSF et
l’UOSSM] ne peuvent pas être neutres
puisque le gouvernement interdit la
traversée de ces fameuses lignes de
front [sauf pour les armes et « notre
équipe de France2 »]. Et comme «le droit
[de soigner] est une obligation on ne
doit pas refuser de soigner » « donc
nous agissons en territoire
non-gouvernemental » : c’est-à-dire
exclusivement dans les zones contrôlées
par les « rebelles » qui les laissent
passer « sans s’en occuper » nous dit -
sans rire- le professeur Pitti (UOSSM).
Qui, pour former « en grande partie »
les CB, y est allé clandestinement une
quinzaine de fois en passant à côté d’al
Nosra qui regardait ailleurs…
Question de la journaliste, qui revient sur les bombardements : les
hôpitaux ne sont pas protégés parce
qu’ils ne sont pas visibles comme tels ?
«Voilà ce qui est mal compris par
l’opinion publique » et que FBS va nous
expliquer : « Il y a quand même (sic)
deux mots très dangereux dans le droit
international : les mots magiques,
[sont] intentionnels et protégés ». Mais
« il ne faut pas laisser croire aux gens
que les hôpitaux seraient bombardés
parce qu’on ne savait pas que c’était
des hôpitaux ». D’abord, «le marquage
des hôpitaux n’est pas obligatoire dans
le droit international […] on n’est pas
obligé de mettre la croix rouge sur le
toit [puisque] maintenant avec les GPS
(etc.) tout le monde sait où sont les
hôpitaux » : même quand ils n’ont pas de
nom, sale habitude des « plus grands
hôpitaux » d’Alep Est. Et comme à MSF on
a « acquis la conviction que si on donne
les coordonnées ils vont être
ciblés intentionnellement» on ne les
fournit pas ; donc, quels sont les seuls
bâtiments que protège la rétention de
coordonnées de MSF ? Pas du tout les
hôpitaux, dont tout le monde connaît
l’existence depuis leur création, mais
toujours et seulement des « bases » de
ceux qu’elle qualifie toujours de
« rebelles » : en criminalisant ainsi le
gouvernement syrien qui lutte contre eux
en les faisant passer pour des
terroristes.
FBS ramène ainsi l’auditeur à la lutte anti-terroriste évoquée par Power,
mais avec une autre argumentation, du
genre juridique droit-de-l’homme. Alors
que Power au Conseil de Sécurité attaque
le gouvernement syrien et ses alliés car
leur guerre ne serait pas de
l’anti-terrorisme mais de la barbarie,
pour FBS « c’est le concept de la guerre
contre le terrorisme qu’il faut faire
reculer » : car il est « totalitaire »,
« fondé sur le concept sécuritaire
[lui-même] totalitaire»…en Syrie où le
gouvernement criminalise le droit au
secours sous prétexte de sécurité. Il
faut donc « faire reculer les concepts
de l’anti-terrorisme » car la lutte
anti-terroriste « écrase le droit de la
guerre » : où ? A-t-on entendu MSF
dire ça pour la lutte contre le
terrorisme, par exemple, aux USA ou en
France ?
Evidemment il y a «la question de la neutralité [qui] est un principe
essentiel du droit de la guerre » ; mais
« il est mis en échec par l’argument de
la souveraineté de l’Etat syrien » :
pour la directrice juridique de MSF la
souveraineté est un argument ; en Syrie.
Dans quel autre pays MSF intervient-elle
- aussi lourdement[25]-
sans l’autorisation du gouvernement ?
Malheureusement, en Syrie « il y a eu absence de clairvoyance des Etats
[…] qui ont soutenu la souveraineté de
l’Etat syrien qui criminalisait tous
ceux qui ne passaient pas par le
Croissant Rouge Syrien » : « les Etats
ne se rendent pas compte qu’ils ont
ouvert une boîte d’où le diable est
sorti et maintenant ils ne savent plus
comment le faire rentrer ». Quel est ce
diable ? « Le concept sécuritaire » etc.
En clair : le diabolique gouvernement
syrien appliquerait le « concept
totalitaire » de sécurité pour défendre
son pays non pas contre le terrorisme
mais contre une opposition modérée, et
utiliserait « l’argument de la
souveraineté » pour interdire aux ONG
neutres et impartiales d’intervenir.
Et c’est pour cela que « MSF réclame depuis le début de la guerre
syrienne le droit de ne pas être
considérés comme des criminels » :
c’est-à-dire le droit d’ignorer la
souveraineté de l’Etat syrien. Emportée
par son rôle dans «Les trublions de MSF»
la directrice juridique n’a plus de
retenue : « nous sommes allés deux fois
au Conseil de Sécurité dire que le
secours médical doit avoir une exemption
de toutes les législations contre le
terrorisme, c’est pas compliqué quand
même ! »… Surtout pour une ONG qui a
gagné son Nobel de la Paix à Grozny,
contre la lutte anti-terroriste
« totalitaire » de Moscou, et a un
budget de « 353,1 M€, à 96,3%
d'origine privée », grâces à des
donateurs non gouvernementaux comme, par
exemple, la Fondation Clinton.
L’ONG MSF est-elle allée au Conseil de Sécurité après le bombardement par
la coalition saoudienne d’hôpitaux pas
du tout clandestins -qu’elle soutenait-
au Yémen ? Ou de celui -MSF- de Kunduz
par l’aviation étasunienne à l’automne
2015 ? Ou bien seulement après celui
des « hôpitaux » sans nom d’Alep
Est ?
Pour le professeur Pitti (UOSSM) «les
casques blancs syriens méritaient de
recevoir le Nobel de la paix. Je propose
qu'Obama leur remette le sien (…)
qu’il ne méritait pas ». Nous verrons
qu’ils auront un prix de consolation.
Ce même 7
octobre, MSF fait un
récapitulatif sur les « hôpitaux
endommagés depuis le 23 juillet : avec
un cliché de
Ghaith Yaqout Al-Murjan,
photographe aussi de Carlos Francisco à
Gaziantep le 10 octobre (site anglais de
MSF[26]).
Aucun de nos médias, par
contre, ne reprend le message envoyé à
Arret sur info par le Dr Nabil
Antaki : « L’hécatombe continue à Alep
ouest » : « Jusqu’ici, au cours des 10
derniers jours :
Mercredi 28 septembre:
15 tués
Vendredi 30 septembre: 17 tués
Mardi 4 octobre:
8 tués (dont 3 étudiants
tués par l’obus qui est tombé sur la
faculté d’agriculture)
Jeudi 6 octobre:
10 tués dans la rue
Jamiliye (quartier commerçant)
Aujourd’hui, vendredi
7 octobre: 4 tués (une famille) dans
leur appartement à Midane ce matin; et 4
personnes ce soir tuées par les obus qui
sont tombés sur plusieurs quartiers.
Tous atteints par des tirs d’obus de
mortiers, de fusées ou de bonbonnes de
gaz, lancés par les groupes rebelles
terroristes qui contrôlent Alep-est sur
les quartiers habités d’Alep-ouest. Au
surplus, il y a un nombre très important
de blessés graves»[27].
Déclaration de François
Hollande le lendemain, à TMC : « Dans
quelques heures, il va y avoir une
résolution déposée par la France au
Conseil de sécurité. […] Si un membre
permanent du Conseil de sécurité s’y
oppose, et vous voyez bien à qui je
pense…
TMC : … la Russie
[Bingo].
François Hollande : … ce pays portera une grave
responsabilité. Ca voudra dire qu’il
appuie, participe et commet des crimes
de guerre. […] Les images sont parfois
absentes, elles sont tellement faibles.
Nous n’avons pas assez de témoignages
sur ce qu’il se produit à Alep. […]
Il n’y
a pas assez d’images qui nous
parviennent »[28].
Et c’est fort des « images faibles » et « parfois
absentes » apportées par nos ONG et
rapportées par nos médias, qu’Ayrault
intervient ce 8 octobre[29],
au CS : « Daraya, Hama, Alep, chaque
fois la tactique du régime syrien est la
même : des bombardements indiscriminés,
une destruction méthodique des
infrastructures civiles, pour infliger
le maximum de souffrance aux populations
– dernièrement, l’approvisionnement en
eau potable à Alep [Est. Dans le reste
de la ville, c’était du « bon boulot »]
! -, le ciblage systématique des
hôpitaux et des personnels de santé.
Chaque fois, les soutiens de Damas
apportent un appui décisif à cette
stratégie qui ne vise qu’un seul but :
obtenir la reddition des combattants et
l’exode des civils, dans des opérations
qui engagent un cycle potentiellement
dévastateur d’épuration ethnique ». Et
« potentiellement » je vous mets deux
nouveaux crimes, de guerre et contre
l’humanité : déplacement de population -
on se déchaînera bientôt avec les
populations civiles que les « forces d’Assad »
« obligent » à quitter Alep Est- et
épuration ethnique.
Le tout répété quatre fois de plusieurs manières en quelques minutes
d’intervention : impossible de rater les
« atrocités de masse » et la faillite
des autorités syriennes à protéger leur
population.
Les représentants de USA, France et Grande-Bretagne quittent la
salle avant l’intervention du
représentant de la république Arabe
Syrienne.
B. al-Jaafari : «Il est évident que la vérité met mal à l’aise les
représentants des puissances coloniales
au Conseil de sécurité. C’est pourquoi
nous les voyons prendre la fuite quand
ils l’entendent. Ils démontrent ainsi
que leurs intentions sont mauvaises et
colonisatrices à l’égard de mon pays
et du peuple de mon pays, et que leur
diplomatie est la diplomatie de
l’anarchie et de la coercition, de la
contrainte et de la force, et non la
diplomatie du dialogue et du règlement
des conflits par des moyens pacifiques.
[…]
Point n’est besoin de réfléchir
longuement pour comprendre ce que cache
le projet de résolution
français, dont les buts et
les visées sont clairs non seulement
pour moi mais pour l’ensemble du peuple
syrien, qui commémore cette année le
centième anniversaire de l’Accord
Sykes-Picot, de triste mémoire,
et des souffrances persistantes qui ont
été la
conséquence de cet accord
colonisateur conclu entre la France et
la Grande-Bretagne. Cet accord a
séparé nos peuples et pillé nos biens
et nos richesses. Nous considérons que
le projet de résolution présenté par
la France illustre l’attachement de ce
pays à son sombre passé colonisateur,
en caressant l’illusion qu’en ravivant
ce qu’on appelle la crise syrienne lui
donnera une occasion en or d’exercer de
nouveau une influence colonisatrice
perdue à jamais.
Le Ministre français des affaires étrangères
a mené dans sa
déclaration une politique de tutelle à
l’égard du peuple syrien. Il a parlé
de ce qui serait utile au peuple syrien,
et de ce qu’il devait faire en sa
qualité de Ministre français pour
aider le peuple syrien, comme s’il
rêvait encore qu’il
représente une puissance
coloniale en mesure de s’accaparer le
droit de parler au nom du peuple syrien
au Conseil de sécurité. […]
Ces pays [USA, France, Grande-Bretagne] ont même
eu l’audace de demander
l’ouverture de couloirs humanitaires
sécurisés pour les terroristes dans le
souci d'en préserver
la dignité. C’est le lieu
ici de demander aux auteurs de cette
demande si les États-Unis, la
Grande-Bretagne et la France ont ouvert
des couloirs humanitaires sécurisés
pour protéger les éléments
terroristes modérés d’Al-Qaida en
Afghanistan et ceux qui ont commis les
massacres de Charlie Hebdo, du Bataclan,
de Nice, de Californie, de Boston, de
Chicago, de New York et de Londres.
Pourquoi n’ont-ils pas ouvert des
couloirs humanitaires pour évacuer ces
terroristes en Europe et en Amérique ?
Le représentant des États-Unis
d’Amérique a affirmé : « Nous devons
tirer les enseignements du passé ».
J'ai envie de lui répondre : « Si
seulement vous le faisiez, si seulement
vous tiriez les enseignements de vos
erreurs au Viet Nam, au Cambodge, en
Corée, à Cuba, au Nicaragua, en
Yougoslavie, en Iraq, en Libye et en
Afrique »
[30].
A suivre,
Marseille, 9 décembre 2016
Episode 3. «Calvaire», «miracles» et
« Prix spécial »
[1]
Autres « preuves sur
Internet » : JM Ayrault à
l’Assemblée Nationale le 4
septembre 2013 : « aux
premières heures du 21 août,
à quelques kilomètres du centre
de Damas, près
de 1 500 civils,
dont des centaines d’enfants,
sont morts asphyxiés dans leur
sommeil.
Assassinés par le régime syrien
dans ce qui constitue, en ce
début de siècle, le plus massif
et le plus terrifiant usage de
l’arme chimique.
Ces faits, chacun d’entre nous a
pu les découvrir, presque
immédiatement après ce drame,
sur des dizaines de vidéos.
Des vidéos tournées par des
médecins, des voisins, des
parents, à la fois terrifiés et
conscients du devoir d’informer
le monde sur l’horreur de ce qui
venait de se produire »
.
http://www.assemblee-nationale.fr/14/cri/2012-2013-extra2/20132001.asp
[2]
Notamment : « lorsqu’un
terroriste français du nom de
Mohamed Merah s’en prend à
Toulouse, les Forces d’élite
françaises le tuent de 300
balles…
300 balles… et ils ont bien
fait. Mais nul n’a entendu
d’autres pays, ou nous-mêmes,
qualifier ce terroriste français
d’« opposant
armé modéré »
[3]
La lucidité,
José Saramago, p. 228, Seuil.
[5]
MLJ n’est pas allée dans tout le
reste de la ville où, dira B.
al-Jaafari le 26 octobre, « la
station de pompage de l’eau est
sous le contrôle des
terroristes.
Ce sont eux qui ont assoiffé les
civils de cette ville en plus
d’avoir volé l’aide alimentaire
et les médicaments qui leur
étaient destinés ; ceci,
sans oublier la responsabilité
partagée par les terroristes et
ladite Coalition internationale
dans la destruction de la
centrale hydraulique
de Souleiman al-Halabi ainsi que d’autres centrales et usines de
traitement des eaux.
Par conséquent,
ce sont les terroristes et
ladite Coalition internationale
qui privent les habitants d’Alep
d’eau et
d’électricité ! ».
[11]
James Le Mesurier est un haut
responsable du MI6 décoré par la
reine comme « Chevalier de
l’Empire britannique ».
[23]
Rappel : Le droit humanitaire a
été créé par Henri Dunant au nom
d’un Etat neutre, la Suisse. Il
autorise les neutres à porter
secours aux deux camps à la
fois.
[24]
« mener
en temps voulu une action
collective résolue, par
l’entremise du Conseil de
sécurité,
conformément à la Charte »
lorsque les autorités
nationales échouent
à protéger leur population du
génocide,
des crimes contre l’humanité
ou des crimes de guerre »
Le sommaire de Marie-Ange Patrizio
Le
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