VENEZUELA
La droite accélère le tempo du
coup d’Etat
Marco Teruggi
Jeudi 29 juin 2017
Par Marco Teruggi, depuis Caracas.
La droite accélère le temps, resserre
chacune des variables, tente de briser
la corrélation de forces, veut le coup
d’État. Elle l’a annoncé : elle a les
mois de juin et de juillet pour
atteindre son objectif. Elle a expliqué
que, sur base de l’article 350 de la
Constitution, elle refusera de
reconnaître le gouvernement, l’élection
d’une Assemblée Constituante et
organisera une riposte violente pour
empêcher la population d’exercer son
droit au suffrage le 30 juillet.
Ce discours s’est
traduit par l’intensification du conflit
entre pouvoirs d’État à travers les
actions de la Procureure générale de la
République et de l’Assemblée Nationale
(opposés au gouvernement bolivarien),
les tentatives de déclaration contre le
Venezuela sans guère de succès de l’Organisation
des États Américains (OEA, organisme
historiquement pro-Washington), la
pression des grands médias (majoritairement
opposés au gouvernement, tant au
Venezuela qu’à l’étranger) (1), la
terreur de rue (qui reprend certaines
techniques de l’État Islamique) et les
attaques contre les corps de sécurité de
l’État, en particulier contre les
Forces Armées Nationales Bolivariennes
(FANB).
Ce scénario violent
a connu de nouveaux développements ces
dernières semaines. Il est caractérisé
par l’attaque systématique à la base
militaire de La Carlota à Caracas, dans
le but de démoraliser et de diviser les
forces armées, la présence de quelques
foyers de violence à proximité du Palais
présidentiel de de Miraflores et la
réapparition d’une violence destructrice
contre des ministères, institutions
publiques ou sièges du Parti Socialiste
Unifié du Venezuela (PSUV, chaviste)
mais aussi des commerces privés, comme
cela s’est produit au début de la
semaine à Maracay où ont été détruits 40
établissements publics ou privés. Un
schéma similaire à celui utilisé dans
plus de dix localités du pays dans les
semaines antérieures.
Le nouveau point
d’inflexion s’est produit ce mardi :
l’attaque – depuis un hélicoptère volé
dans la base aérienne de La Carlota – du
Ministère de l’Intérieur avec quinze
tirs, et du Tribunal Suprême de Justice
avec quatre grenades d’origine
colombienne et de fabrication
israélienne – l’une d’elles n’a pas
explosé. A seulement quelques pâtés de
Miraflores, dans le centre politique du
Venezuela.
Ce fait a eu un
impact symbolique tant dans les files de
la droite qu’au sein du chavisme : dans
le premier cas, accompagné de rumeurs
répandues sur tous les réseaux sociaux
il a généré la sensation de l’imminence
de l’objectif final et d’un pouvoir
propre – finalement « les forces armées
bolivariennes ont entendu l’appel au
coup d’État ». Dans le cas du chavisme
l’impact est venu de la frontalité de
cette action et a confirmé, si besoin en
était, la réalité d’une tentative de
coup d’État en cours, qui vit ses heures
décisives.
***
La droite possède
une force suffisante pour imposer la
terreur à des localités pendant
plusieurs jours, attaquer des casernes
et des commissariats, déclencher une
haine politique et de classe qui a fait
du
lynchage de chavistes une pratique
récurrente, maintenir des mobilisations
presque quotidiennes avec un nombre
relativement stable, générer des
situations qui peuvent se transformer en
destructions et pillages
presque-généraux, mener des incursions à
travers des bandes de délinquants dans
les quartiers populaires pour y monter
des barricades, attaquer avec des
grenades des institutions de l’État,
faire plier certains cadres du chavisme
comme la Procureure Générale de la
République pour la faire passer de son
côté, assassiner des personnes et
arriver à faire croire à une partie de
la population qu’elles ont été tuées par
le gouvernement (1).
Elle peut tout cela
et dans les jours prochains nous
verrons, ce dont elle est capable en
plus de tout cela. Il lui manque
cependant deux éléments nécessaires au
succès d’un coup d’État : des quartiers
populaires mobilisés derrière ses
appels, et une fracture des forces
armées. Le défi central sur lequel elle
travaille avec le plus de force
aujourd’hui est d’obtenir cette fracture
tant dans les forces armées que dans
d’autres secteurs du gouvernement. Elle
en a besoin pour surmonter le match nul
qu’on vit depuis des mois. C’est pour
cela qu’elle augmente le niveau de
violence, qu’elle focalise les attaques
contre les corps de sécurité, assassine
des policiers et des gardes nationaux,
et use de la terreur comme méthode de
contrôle social (2).
L’appui états-unien
est déjà en marche à travers la pression
internationale (OEA, médias..) et le
financement de la droite, soit
directement aux partis soit
indirectement à travers des ONGs qui
canalisent cet argent pour soutenir les
pressions violentes dans la rue et
l’entraînement de cellules
paramilitaires. L’intervention existe
déjà, sous les cordes. Prendra-t-elle
une autre forme ?
***
La droite accélère
le tempo mais, en même temps, ne peut
cacher son désespoir. Elle détruit, tue,
réussit des « coups » sans atteindre
l’objectif final. Elle accède a des
objectifs intermédiaires tels que
soumettre des localités entières a la
violence, déconstruire des liens
sociaux, légitimer la persécution –
qu’elle a planifié dans son projet si
elle redevient gouvernement – contre le
chavisme à tous les niveaux. Au cours
des mois le pays change, assimile de
manière invisible les coups, la haine,
la peur, la méfiance, éléments à la
« colombienne » dont la droite a besoin
pour tenter son plan de remise à zéro
violente du pays. (2)
Il est enfin
nécessaire de souligner l’autre facteur,
omniprésent et invisible, qui imprègne
les préoccupations quotidiennes, les
possibilités de résistance ou de rupture
: l’économie. Ces dernières semaines, la
situation a empiré avec la hausse des
prix, du dollar illégal – qui est celui
qui fixe les prix -, le retour en rayon
de la plupart des aliments mais à un
prix très élevé, la difficulté
persistance d’accéder à des produits
vitaux comme les médicaments. Cette
attaque n’a rien du hasard, elle fait
partie de la pression pour asphyxier,
pour priver la population de toute issue
de secours.
La réalité
populaire vénézuélienne reflue sur
certaines lignes qu’elle avait
conquises. Cela génère des conditions
propices au plan de pillages et de
dépolitisation impulsé par la droite.
Renverser cette tendance est le défi que
n’arrive pas a résoudre la direction du
chavisme. C’est là son nœud le plus
critique, le débat non résolu.
Nous vivons des
jours et des semaines définitives. Ce
qui s’est passé cette semaine sont des
étapes de l’escalade de la violence de
l’opposition, d’actions armées dirigées
par des paramilitaires, des groupes de
délinquants associés aux dirigeants de
la droite, des zones obscures des forces
de sécurité (3). Il y aura de plus en
plus de morts, car tel est le plan de de
la droite : un « maintenant ou jamais »
qui veut pousser une société à un
désastre fait de violences psychique et
physique. L’opposition va mettre toute
la pression pour ouvrir enfin les portes
de la revanche historique dont rêvent
depuis si longtemps les classes
dominantes vénézuéliennes,
latino-américaines et états-uniennes.
Le Venezuela vit
son heure critique. Chaque jour compte.
NdT :
-
Voir
https://venezuelainfos.wordpress.com/2015/03/12/thomas-cluzel-ou-linterdiction-dinformer-sur-france-culture/.
Rappelons que les titres des médias
français ne sont pas le fruit
d’enquêtes ou d’informations
directes du terrain mais la reprise
de ce que disent les médias
d’opposition vénézuéliens
(majoritaires en radio, télévision,
presse écrite et réseaux sociaux) ou
états-uniens.
-
Les guarimbas (barrages
violents des voies de circulation
organisés par des commandos de la
droite) incarnent le retour au moyen
âge du paramilitarisme colombien :
les conducteurs ne peuvent passer
que moyennant un péage aux auteurs
du barrage.
-
Dont on a un exemple dans la figure
du « chavisme critique » Miguel
Rodriguez Torres, militaire et
ex-ministre de l’Intérieur, qui
vient de reconnaître publiquement
ses liens avec la CIA.
Source :
https://notasperiodismopopular.com.ar/2017/06/27/derecha-acelera-tiempo-golpe-estado-venezuela/
Traduction :
Thierry Deronne
Dossier Amérique latine
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