Décodage
anthropologique de l'histoire
contemporaine
Esquisse d'une anthropologie de la
servitude idéalisée
V - Le tempérament des peuples et
l'esprit de leur langue
Manuel de Diéguez
Manuel de
Diéguez
Vendredi 25 septembre 2015
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1 - L'héritage de la
Grèce antique
2 - L'Europe orpheline d'Athènes
3 - Un peuple absent de l'arène
des guerriers
4 - Le guerrier allemand
5 - Psychanalyse anthropologique
de l'Allemagne de Schaüble
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1 - L'héritage de
la Grèce antique
Nos copies
littérales des mots et des tournures du
latin de Cicéron nous renvoient à
l'interprétation du tempérament des
peuples debout ou décadents et de
l'esprit des nations libres ou
asservies. Peut-être la vassalisation
intense de la politique étrangère de
l'Europe contemporaine élèvera-t-elle
une fois de plus l'exemple de la Grèce
antique au rang de paradigme de
l'enracinement de l'histoire respirante
dans les langues vivantes ou naufragées.
Puisque l'on ne saurait contraindre un
Etat valide, mais solitaire porter à lui
seul le faix d'un parler exclusivement
local sans le faire retourner au
tribalisme langagier des origines,
sortons résolument de nos idiomes comme
de nos bicoques et disons-nous
vaillamment qu'on n'apprend à penser
droit qu'à se mettre à l'écoute et à
l'école d'une lucidité blasonnée par le
bon sens politique.
Il y a quelques
années, nous avons abandonné nos
folklores pour parer Athènes du titre de
capitale culturelle et rationnelle de
l'Europe tout entière et il nous est
revenu en mémoire que la Grèce nous a
enseigné la tragédie, la géométrie, les
mathématiques, la physique, la
statuaire, la peinture, la philologie,
la grammaire. Puis Byzance nous a appris
la lettre d'amour, les parfums, le
crédit bancaire, les ponts géants et les
machines de siège titanesques. Notre
continent de tard venus repose sur une
civilisation de l'alliance des prouesses
de l'intelligence avec les exploits de
la technique. Mais Athènes n'était qu'un
gros village de dix mille habitants; et
ces villageois-là ont mis à jamais les
savoirs à l'épreuve d'un bon sens
universel.
Qu'est-ce que le
génie politique, sinon l'expression d'un
immense bon sens? Qu'est-ce qui manque
aux petits chefs d'Etat de l'Europe des
vassaux de l'Alliance atlantique, du
traité de Lisbonne et du futur accord de
libre échange entre le tigre et le
mouton, sinon le flambeau colossal du
bon sens? Que de tête-à-queue de la
sottise! Le bon sens politique enseigne
que la souveraineté est le blason de
l'honneur des peuples, le bon sens
politique enseigne que la souveraineté
est l'écusson de la dignité des peuples,
le bon sens politique enseigne que la
souveraineté est la bannière de la
fierté sommitale des peuples, le bon
sens politique enseigne que le désastre
actuel est un coûteux abaissement et que
la grandeur est plus économe de nos sous
que la servitude, le bon sens politique
enseigne à tout l'univers que la lâcheté
et la vassalité vident nos escarcelles,
le bon sens politique fait dire à
Socrate que le singulier résiste au
pilon des mots abstraits.
2 - L'Europe
orpheline d'Athènes
Hélas, l'Allemagne
privée de ses armoiries n'est pas
seulement celle des petits docteurs en
rituels bureaucratiques: cette nation
francisée à la va-comme- je-te-pousse
depuis le XVIIIe siècle a quitté le
timon de sa langue pour porter l'Europe
du bon sens au rang d'un second "pont
de la rivière Kwaï", celui d'une
démocratie du travail vissée sur ses
établis et qui a perdu la tête au point
de tracer le chemin vers l'abîme des
Etats placés sous écrou par l'OTAN et
par le traité de Lisbonne. La
bureaucratie atlantiste est devenue une
usine des catastrophes; et cet oracle de
l'abstrait se veut en guerre avec le bon
sens politique, cette Pythie nous
appelle à substituer le temple des
ronds-de-cuir à l'âme et au souffle de
l'histoire des nations. Qu'en est-il du
joug paré du sceptre de la Liberté?
Rome n'est plus
dans Rome, dit Corneille. Ne
cherchez plus Athènes dans les rues
d'Athènes. Les civilisations et les
roses ne vivent que l'espace d'un matin.
En 2011, la Grèce a livré à Israël une
Flottille de la Liberté en route
pour l'enfer de Gaza et qui s'était
réfugiée dans le port du Pirée. Les
hellénistes du monde entier sont en
deuil: le Parthénon n'est plus que le
sépulcre blanchi du génie grec.
Comment l'Europe
tentera-t-elle de redonner vie à ce
monument funéraire de la Liberté du
monde? Il nous faut conquérir une autre
problématique du bon sens que celle des
faux joyaux dont se pare
l'administration du Vieux Monde. Une
nation germanique dont la bijouterie
expose sous vitrine - et trois quarts de
siècle après la paix de 1945 - deux
cents bases militaires étrangères sur
son territoire n'est plus à l'échelle du
monde ascensionnel que nous attendons,
mais seulement à l'écoute d'une
démocratie du désespoir. Jetez hors de
votre devanture cette orfèvrerie de
démissionnaires et alors vous serez en
droit de parler de démocratie et de
République à l'Europe asservie
d'aujourd'hui. Les devins d'Athènes sont
de retour - chassons-les de l'Agora.
Sitôt qu'un Etat
dominant et armé jusqu'aux dents
parvient à réduire le pouvoir exécutif
d'un autre Etat au rang de serviteur de
sa propre et féroce expansion, les
organes de l'Etat vassalisé tombent dans
l'inconstitutionnalité pure et simple,
tellement le bon sens nous enseigne
qu'une République amputée de sa
souveraineté perd son statut d'acteur en
chair et en os sur la scène
internationale, c'est-à-dire son titre
de "sujet de droit" dans l'arène des
combats. Depuis vingt-cinq siècles, le
bon sens est l'âme de la philosophie
occidentale, et cela précisément parce
que la logique est l'âme de la
politique. Sachez, MM. Mariani, Myard,
Pozzo di Borgo, votre courage ne
folâtrera pas longtemps dans le thym et
la rosée - c'est de la reconquête de la
souveraineté de l'Occident qu'il s'agit.
Vous ne serez que des fantômes de
passage sur un théâtre d'ombres si vous
ne vous élevez au rang de protagonistes
d'un nouveau miracle grec, celui de la
civilisation qui a fait changer pour
toujours de tête et de courage à
l'humanité.
C'est à ce titre
que la noyade de la langue allemande
dans un bric à brac d'importation est un
témoin pathétique de la vassalisation
titubante d'une Germanie de confection:
on ne saurait regarder les descendants
d'Arioviste droit dans les yeux sans que
se grave sur nos rétines l'effigie du
Titan américain qui dresse sa haute
stature dans le dos des Etats asservis
du Vieux Monde. Mais si vous vous
souvenez que le bon sens est la clé du
génie politique, c'est à la Grèce de la
pensée que vous redonnerez sa place dans
l'enceinte du Parthénon.
3 - Un peuple absent
de l'arène des guerriers
Mais comment un
peuple qui aura anéa l'alliance de son
âme avec la voix des forêts de ses
ancêtres, comment un peuple qui aura
ruiné le pacte que son destin avait
conclu avec la langue des Germains,
comment un peuple qui aura anéanti
l'entente que sa mémoire avait conclue
avec le souffle de son génie, comment un
peuple rendu silencieux à l'école de
trois-quarts de siècles de servitude
sous le joug de l'OTAN tiendrait-il à la
Russie de Tolstoï et de Dostoïevski un
autre discours que celui de l'identité
émaciée dont il a entaché son honneur?
L'élan nationaliste des Germains aura
culminé quelques instants sous la
bannière de la démocratie bicéphale de
Bismarck et de son Kaiser en fin de
course: ne semblait-elle pas sur le
point de fonder un patriotisme légitimé
par une appropriation nationaliste des
idéaux de 1789?
Mais cette
dichotomie n'aura pas fait longtemps
illusion. L'Europe des tables tournantes
crie à tue-tête: "esprit, es-tu là?"
L'âme tronquée de l'Allemagne
d'aujourd'hui se perdra-t-elle sans
retour dans un servage administratif et
dans une obéissance respectueuse des
petits galonnés des bureaux, ou bien
cette domesticité courtelinesque
explosera-t-elle subitement dans une
guerre ouverte entre les ronds de cuir
de l'atlantisme et les survivants en
loques de Platée, de Salamine et de la
bataille des Thermopyles?
Malheureusement,
les Germains ont été commandés de tous
temps par de puissants hobereaux de la
guerre. Pour comprendre l'aristocratie
militaire allemande, une brève
parenthèse se révèle nécessaire - le
temps d'esquisser une spectrographie
anthropologique de cette nation,
tellement l'Allemagne actuelle nous
renvoie aux analyses indélébiles de
Tacite. Car Siegfried n'a pas connu le
quichottisme galant du XVIe siècle, qui
associait l'héroïsme guerrier des
chrétiens au ciel de l'amour courtois.
Souvenez-vous : une madone de cour se
présentait aux chevaliers des tournois
sous les traits d'une Dulcinée
intouchable. De plus, cette icône des
sabres et des cierges se voulait
l'enjeu, la récompense et le gage de la
sainteté des croisés perpétuels de leur
foi. Rien de tel en Germanie. Cette
nation armée et casquée, mais étrangère
à la coquetterie, est également demeurée
à l'écart de l'alliance, plus tardive,
de l'honneur militaire embourgeoisé avec
le patriotisme républicain qu'illustrera
Servitude et Grandeur militaires
d'Alfred de Vigny.
4 - Le guerrier
allemand
Qu'est-ce donc que
le guerrier allemand? Dans La
Grande illusion Jean Renoir a
compris, avec tout son génie de cinéaste
visionnaire, que les Germains
christianisés se font une idée
apostolique et monacale des vertus du
soldat. Au XVIe siècle, la conversion de
l'Allemagne au patriotisme luthérien -
mais il deviendra de plus en plus
calviniste en Prusse - a seulement
permis aux descendants d'Arioviste de
militariser le combat des couvents
contre le péché originel.
On sait comment le
laxisme religieux des Romains a passé au
grand large de cette difficulté : vous
allez à confesse et, hop, vous êtes
innocenté et blanchi à si peu de frais
que, dès le lendemain, vous retomberez
sans le moindre scrupule dans le péché -
le prochain rinçage confessionnel vous
attend au coin de la rue, prenez tout de
suite rendez-vous avec le tribunal des
acquittements de guichet. Le militarisme
allemand, lui, a horreur des facilités
de la piété, parce qu'il la juge
incompatible avec la sévérité vertueuse
de la discipline des armées. Chaque
année, le théâtre de Bayreuth rappelle
au monde entier que l'Opéra doit mettre
en scène des guerriers de leur propre
noblesse - c'est pourquoi la Chancelière
et le chef de l'Etat assistent
régulièrement à ce cérémonial
patriotique, religieux, militaire et
musical confondus. Aucun autre Etat ne
célèbre dévotement l'alliance de l'âme
allemande avec Siegfied le victorieux.
Dans La
Grande illusion, j'y reviens, un
général bien sanglé dans la sainteté de
l'honneur monacal des armes germaniques
se suicidera, parce que l'un de ses
prisonniers de guerre censé respectueux
de l'honneur des glaives s'est évadé en
violation de la haute sacralité de son
serment militaire. Comment un
gentilhomme souillerait-il le gage
suprême de l'alliance que la vie
spirituelle conclut avec les sabres
triomphants ou vaincus? Cette désertion
infamante ruine encore de nos jours la
piété la plus profonde des aristocrates
allemands - mais elle déshonorait encore
la noblesse française sous Louis XIV,
tandis que, depuis 1940, la France
républicaine et laïque y voit l'exploit
patriotique et glorieusement hors la loi
d'un héros de la Résistance. La renommée
militaire s'est ralliée aux guets-apens
des francs-tireurs. L'honneur n'est plus
une hostie de la monarchie, mais un gage
de civisme accordé aux pièges des
émeutiers.
5 - Psychanalyse
anthropologique de l'Allemagne de
Schaüble
Le Général de
Gaulle, pourtant évadé de guerre et
dûment glorifié au titre d'insurgé, n'a
pas troqué sa Madone chevaleresque pour
un diplôme de patriote républicain et
rebelle quand il écrit : "Toute ma
vie, je me suis fait une certaine idée
de la France. (… ) Ce qu'il y a en moi
d'affectif imagine naturellement la
France, telle la princesse des contes ou
la madone aux fresques des murs, comme
vouée à une destinée éminente et
exceptionnelle. J'ai d'instinct
l'impression que la Providence l'a créée
pour des succès achevés ou des malheurs
exemplaires. S'il advient que la
médiocrité marque, pourtant, ses faits
et gestes, j'en éprouve la sensation
d'une absurde anomalie, imputable aux
fautes des Français, non au génie de la
patrie. (…) Bref, à mon sens, la France
ne peut être la France sans grandeur."
Charles de Gaulle, Mémoires
de guerre, tome 1, Plon, 1954,
p.1
Au plus secret de
l'esprit et du cœur des vrais Germains,
observez l'alliance gaullienne du sacré
avec l'héroïsme et l'honneur militaires.
Schaüble est un infirme devenu un héros
national désarmé. Pourquoi cela, sinon
parce que ce malheureux cloué dans son
fauteuil roulant depuis un quart de
siècle à la suite de l'attentat d'un
malade mental sur sa personne, est perçu
par les Germains comme un blessé de
guerre et un paradigme sacrificiel du
combattant allemand. Que dit-il, en
secret, au peuple grec d'aujourd'hui?
"Vous aviez porté le tragique de la
condition humaine au théâtre. Pourquoi
êtes-vous tombés dans une insouciance,
un gaspillage et une gabegie indignes
des grands blessés de guerre?" Pour une
Allemagne en lambeaux, Schaüble est le
symbole d'un Général de Gaulle en
fauteuil roulant, mais dont personne ne
fera fléchir l'échine.
De Gaulle écrit: "Le
côté positif de mon esprit me convainc
que la France n'est réellement elle-même
qu'au premier rang: que seules de vastes
entreprises sont susceptibles de
compenser les ferments de dispersion que
son peuple porte en lui-même; que notre
pays tel qu'il est parmi les autres tels
qu'ils sont, doit, sous peine de danger
mortel, viser haut et se tenir droit."
Schaüble l'infirme
et le vaillant se fait écouter pour
avoir subitement débarqué dans
l'inconscient guerrier de la nation
allemande d'hier, d'aujourd'hui et de
demain; il rappelle à ses compatriotes
vaincus sur le champ de bataille du
monde que les peuples oublieux de leur
identité originelle l'enfouissent
seulement au plus secret d'eux-mêmes et
qu'elle resurgit brusquement sous les
traits d'un vieillard inflexible.
Voici les
abaissements dont la vassalité de
l'Europe présente le spectacle: aucun
Etat abaissé du Vieux Monde ne prend
lui-même les décisions qu'il affecte
ensuite d'afficher sur la scène du
monde. Comment se cacher à lui-même
qu'il étale seulement celles que son
maître lui a fait prendre bêtement? Puis
avec quelle effronterie ce matamore
proclame siennes les décisions qu'un
autre a prises à sa place! Tout esclave
croit cacher sa honte à soustraire ses
chaînes aux regards du monde entier.
Enfin, le serf se donne des airs de
liberté à obéir aivec entrain aux
contraintes qu'il subit.
L'Europe fait le
matamore à l'école de sa propre infamie.
Depuis près d'un an, les valets feignent
d'avoir ferré le poisson russe au bout
de leur ligne mais de mois en mois ils
viennent quémander les ordres. Le
serviteur orchestre le ballet de sa
propre lâcheté.
Le 25 septembre
2015
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