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Laïcité - Religion

Une raison timide aboie plus qu'elle ne mord

Manuel de Diéguez


Manuel de Diéguez

Vendredi 22 décembre 2017

1 - Nos sciences humaines définitivement énigmatiques
2 - Histoire des échecs de la critique des religions en France
3 - Le retour des mythologies messianiques
4 - La régression contemporaine et les nouvelles idoles

1 - Nos sciences humaines définitivement énigmatiques

Deux cent vingt-huit ans après le 14 juillet 1789, le Président de la République n° 5 depuis la dernière en date de nos Constitutions, s'est candidement étonné que des citoyens français éduqués à l'école de la raison dès l'enfance, basculent dans la croisade religieuse, puis dans l'assassinat inspiré par l'esprit apostolique de l'islam, puis dans le fanatisme sacré qui caractérisait le mythe de la délivrance depuis le premier siècle.

Soulevée en ces termes, la question demeure d'une naïveté surprenante. Et pourtant, elle révèle une aporie épistémologique plus stupéfiante encore, puisqu'elle implique que la Renaissance n'a pas fait progresser d'un pouce la connaissance des mythologies fabuleuses dont l'espèce humaine s'enveloppe. Un siècle après la découverte du continent gigantesque de l'inconscient freudien, et cent cinquante-huit ans depuis la publication de L'évolution des espèces (1859) de Darwin, nos classes dirigeantes et toute notre intelligentsia devenue pseudo scientifique n'en savent pas davantage que le XIVe siècle de Pétrarque. Quelle est donc la spécificité de l'aveuglement humain?

Il semble qu'il ne soit pas difficile de la constater: nous sommes le seul animal à savoir que la terre se déplace dans le ciel. Depuis Copernic et Galilée, nous savons également que c'est nous qui faisons tourner autour du soleil les fausses évidences qui nous frappent de cécité. Nous ne sommes pas encore devenus pleinement conscients des conséquences de ce gigantesque déplacement de la recherche scientifique mondiale, bien qu'elle réponde à la Kritik der reinen Vernunft (Critique de la raison pure) d'Emmanuel Kant publiée en 1781 qui démontrait que nous faisons tourner l'univers autour de nos catégories mentales. Mais, depuis lors, ce sont l'espace et le temps eux-mêmes qui ont changé de "dimension".

Prendre la mesure de la condition humaine dans un univers devenu entièrement aporétique, rend notre humanisme et toutes nos sciences humaines définitivement énigmatiques. Quand le Président de la République déclare qu'une erreur semble avoir surgi au sein de notre système d'enseignement, sa puérilité épistémologique en dit long sur le refus de l'humanité de scruter au microscope le sens que nous donnons aux verbes savoir et comprendre.

2 - Histoire des échecs de la critique des religions en France

Dans cette perspective, il est indispensable de poser quelques jalons sur le chemin de notre historicité mentale, car nous nous trouvons sur le sentier d'une prise de conscience nouvelle et sans exemple qui nous informera de la nature même des mythes religieux fondés sur une cosmologie fantastique. Ainsi, au XVIe siècle, François 1er et Budé avaient fondé un Collège de France également dénommé Collège des trois langues et destiné à enseigner les langues du sacré occidental - le latin, le grec et l'hébreu. Cependant, depuis lors, la connaissance du grec et du latin n'a cessé de régresser, pour ne rien dire de l'hébreu. Rabelais évoquait encore la chute des hommes dans la philautie, c'est-à-dire dans l'amour de soi-même. Aujourd'hui, nous avons remplacé philautie par le terme banal, imprécis et aseptisé d'égoïsme. La délatinisation et l'oubli du grec ont conduit à un appauvrissement de notre langue, parce que seuls les progrès de notre inculture croient nous faire comprendre de "tout le monde".

François 1er et Budé avaient tenté de faire venir Erasme à Paris. Mais l'ironique auteur de Stultitiae laus - L'Eloge de la stupidité (et non de la " folie " selon la traduction édulcorante retenue) - savait fort bien que sitôt rémunéré par une cour, le savant en devient fatalement le satellite, donc un agent du temporel. Il avait préféré dresser définitivement sa tente à Bâle, qui s'était divisée entre le demi-canton de Bâle-campagne, demeuré farouchement catholique et de Bâle-ville, devenue protestante, afin de bien souligner que la pensée critique sera toujours citadine et que la pensée religieuse restera campagnarde.

Ces prévisions d'Erasme se sont vérifiées. Bientôt le desserrement du tricot théologique français a conduit à l'Affaire des Placards, qui en ridiculisant la messe plus durement que Calvin, a condamné François 1er et Budé à bloquer le renouvellement et l'approfondissement du christianisme et à revenir à une orthodoxie d'Etat qui, en fait, déclarait hérétique dans l'œuf l'élan intellectuel du Collège de France.

En vérité, tout le XVIIe siècle officiel a tenté de retrouver l'astronomie ptolémaïque, anti-copernicienne et anti-cartésienne. Ainsi Bossuet se fondait encore sur la chronologie biblique. Et au XVIIIe siècle, Voltaire lui-même a continué de croire en l'existence d'un horloger suprême qui aurait consacré ses forces à fabriquer un ciel et une terre voués à servir sa propre gloire. Même Candide ou l'optimisme n'a pu ébranler la croyance de l'exilé de Ferney en un créateur plein de sollicitude et attaché à bien régler une horlogerie fantastique.

C'est dire que le XXIe siècle ne pourra laisser les grands Etats prendre du retard sur les conquêtes modernes de la science anthropologique et astronomique, alors que, de nos jours encore, la connaissance des mythes sacrés dont jouissent la classe dirigeante et l'intelligentsia européenne, n'a pas progressé depuis la Renaissance. Il faudra donc que les grands Etats participent activement au combat d'une science du psychisme d'avant-garde, afin d'enfanter une humanité aux yeux grands ouverts et qui saura prendre toute sa place dans un combat audacieux : oui ou non, le genre humain a-t-il besoin pour survivre de se doter d'une dose bien calculée d'ignorance et de sottise ou bien se révèlera-t-il capable de se construire une grandeur nouvelle d'apprendre qu'il ne sait rien?

3 - Le retour des mythologies messianiques

La critique ironique de la sottise est née en 1511 avec le Stultitiae laus , cité plus haut. Il est fort probable que nos sociétés se donneront à nouveau la sottise proprement théologique pour théâtre, puisque les questions religieuses occupent à nouveau la totalité des champs conjugués de la politique et de l'histoire, comme le prouvent les guerres du Moyen-Orient ou le comportement d'Israël et des sionistes chrétiens américains à propos de la ville de Qods-Jérusalem. Mais la critique indirecte de la sottise avait commencé avec la comédie d'Aristophane (vers-445 - vers-380) Les Oiseaux, qui mettait en scène la stupidité des dieux privés de nourriture à la suite de la grève des fournisseurs habituels de viande sur leurs autels.

Mais l'histoire de l'ignorance et de la sottise a connu, depuis une trentaine d'années, un parcours à la fois tumultueux et serpentesque, parce que la distance entre la culture populaire et le savoir qui appartiennent de nos jours à l'intelligentsia et à la classe dirigeante a changé de nature. Pis que cela : ce sont les élites dirigeantes qui se sont révélées plus rêveuses que le peuple autrefois tenu pour crédule et pour coupable d'une candeur enfantine. Aussi a-t-on vu, au XXe siècle, la majorité des intellectuels formés à l'école publique et initiés, semblait-il, à une laïcité pensante, se ruer tête baissée dans une mythologie messianique fondée sur la croyance que l'ensemble du peuple forgerait une élite coulée dans le moule d'une probité naturelle créatrice d'un paradis socialiste sur la terre.

Du coup l'étendue s'est rétrécie entre la puérilité des foules et la psychologie scientifique censée détenue par les "élites". Quand François Mitterrand a déclaré qu'on "pourrait célébrer une messe à l'occasion de ses obsèques", quand Michel Rocard a insisté sur son désir de se trouver inhumé "selon le rite luthérien", ni l'un, ni l'autre ne disposaient d'une ombre de connaissance anthropologique des enjeux existentiels auxquels ils participaient, c'est-à-dire à la croyance en l'efficacité de la manducation physique ou seulement symbolique de la chair du " Dieu " et de la potion effective de son hémoglobine tels que définis au Concile de Trente en 1545 et confirmé par tous les conciles ultérieurs.

Exemple : que sait aujourd'hui l'anthropologie scientifique du mythe eucharistique? Ainsi, la théologie chrétienne prétend qu'un Dieu, alors en chair et en os et qui avait des cuisses et des fesses, comme le rappelait encore le Cardinal Daniélou (1905-1974), avait fait assassiner son propre fils et se l'était fait apporter encore tout pantelant , afin de se faire payer un tribut de chair et de sang suffisamment précieux pour lui permettre, en retour, de pardonner à sa créature un "péché originel" qu'il jugeait insultant. Eve aurait fait tomber son époux dans le crime de désobéissance le plus impardonnable, celui de l'initier à la science du vrai et du faux, du Bien et du Mal, du savoir et de l'ignorance. Depuis lors, la mort de la victime christique met en scène de manière détaillée les tortures dont la victime de l'autel était censée payer le prix. (Voir, Lepin , L'idée du sacrifice de la Messe d'après les théologiens depuis l'origine Jusqu'à nos jours, Paris, 1926, pp. 3-182). Tel est l'abîme de l'alliance de l'ignorance avec la barbarie et de la sauvagerie avec la sottise, dont la loi du 9 décembre 1905 avait tenté de libérer le genre humain.

4 - La régression contemporaine et les nouvelles idoles

Mais comment la laïcité d'aujourd'hui oserait-elle enseigner, ou même simplement rappeler, à l'heure où des milliers de fans de Johnny Hallyday ont assisté à la célébration d'une messe à la Madeleine, le Président de la République en tête, que se jouait sous leurs yeux la théâtralisation de l'égorgement d'un homme à la place du mouton qu'un Abraham mythique était censé avoir sacrifié à la divinité sadique, propre à un lieu particulier, il y a plusieurs millénaires, afin d'épargner son fils unique, Isaac. Pas un seul des "amis de Johnny" qui sache que, de l'aveu de tous les théologiens chrétiens, Jésus n'est autre que "l'Isaac d'Abraham", l'Isaac retrouvé et égorgé à la place du mouton substitutif susdit. Cette régression anté-abrahamique est au cœur de la mythologie de la messe.

Mais la laïcité actuelle est-elle en mesure d'entendre ce récit ? Toutes les religions sacrificielles de notre temps se prêtent à ce type de démythologisation. Ainsi, le Mahomet (accessible en PDF) de l'historien spécialiste des langues et des civilisations orientales, Maxime Rodinson (1815-2004), met clairement en évidence les conditions politiques, économiques et mythologiques de l'émergence de l'islam dans la péninsule arabique.

La philosophie et l'anthropologie critique ne perdront plus leur temps à réfuter ni les dieux ripailleurs sur l'Olympe, ni les trois dieux uniques spécialisés dans leur gestion commune d'un imaginaire jardin des supplices sous la terre. On se demandera exclusivement ce que la croyance en leur existence dans le cosmos "voulait dire" ou tentait d'exprimer. L'heure de l'examen de la finitude des dieux uniques a commencé : ce ne sont plus les dieux qui disposent de la balance à peser le genre humain, c'est le genre humain qui construit la balance à peser ses dieux .

Le 22 décembre 2017

 

 

   

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Source : Manuel de Diéguez
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