Les défis de
l'Europe
Le regard de Machiavel sur
l'auto-vassalisation de l'Europe
Manuel de Diéguez
Manuel de
Diéguez
Vendredi 21 mars 2014
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Présentation
1 - Où situer le regard sur la
bête
2 - La balance à peser la conque
cérébrale de l'huymanité
3 - Brève rétrospective
4 - L'Europe des coucous suisses
5 - Les tenants et les
aboutissants de votre vassalité
6 - Les dindons de la farce
7 - La messe des démocraties
8 - Le naufrage du mythe de la
maîtrise des mers
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Présentation
Le 8 mars
j'informais mes lecteurs de ce que je
retardais mes commentaires
anthropologiques sur les évènements de
Crimée jusqu'au 28 mars, parce que je
pensais que le déroulement de la pièce
ne deviendrait intelligible qu'au
troisième acte, à l'heure où un nouveau
déséquilibre des forces dans le monde,
donc une redistribution complète des
cartes sur l'échiquier qu'on appelle
l'histoire répondrait à l'exigence de
compréhensibilité d'une politologie
transzoologique.
Les circonstances
me contraignent à accélérer mon
programme d'explication et d'exposition,
parce que la planète censée s'être
convertie à une démocratie séraphique a
tout de suite pris le tournant que je
croyais plus tardif de quelque deux
semaines: l'Europe est entrée plus tôt
que prévu dans une étape de la
vassalisation inexorable qui l'attendait
depuis fort longtemps, celle qui
permettra à la fois aux Etats-Unis de
réaffirmer triomphalement le bien-fondé
et l'efficacité de leur fausse catéchèse
internationale du Beau, du Juste et du
Bien et à un Vieux Continent plus piteux
que jamais de feindre de jouer le rôle
de partie prenante aux affaires du monde
et de se vanter effrontément de décider
en toute souveraineté de son propre
destin.
Cette satellisation
d'un type inédit ne saurait prospérer
davantage que la précédente, parce que
le gouvernement de Kiev échouera à se
rendre crédible, donc respectable et à
faire face à la catastrophe économique
inscrite dans sa psychobiologie. La
corruption n'est pas une plaie plus
guérissable à Kiev qu'à Naples ou à
Syracuse depuis Périclès. Mais tout le
monde verra désormais que les Etats-Unis
et l'Europe ont des intérêts
incompatibles par nature et par
définition. La compréhension, à la
lecture du Prince de
Machiavel, des ultimes efforts de
l'empire américain d'étendre sa
puissance à l'aide du mythe de la
Liberté dont elle a fait son levier
appelle un nouvel approfondissement des
méthodes de l'anthropologie critique et
de la connaissance scientifique de
l'inconscient théologique de l'histoire.
1 - Où situer le
regard sur la bête ?
La semaine
dernière, je faisais dire à un pape
devenu prospectif, donc tellement
virtuel qu'il campe depuis plus d'un an
hors des murs du Quirinal, que le Saint
Siège ne saurait assister plus longtemps
et bouche cousue à l'effondrement dans
le temporel, primo, de l'Eglise
catholique et, secundo, de l'esprit
ascensionnel du christianisme des
saints. Mais qu'en est-il des canonisés
dont s'éclairait l'Eglise sommitale
d'autrefois, qu'en est-il de l'alpinisme
intérieur auquel cette religion conviait
ses adeptes si, au sein même de sa
catéchèse, des théologies rivales s'en
disputent le nectar et l'ambroisie à des
altitudes diverses? La vérité se
graduerait-elle sur les pentes de
l'Olympe? Car ce pape puise dans la
fontaine de jouvence des mythes
orientaux - celle des saint Grégoire de
Nysse et des saint Jean Chrysostome -
une eau de l' "esprit divin", comme on
disait, qui ne jaillit plus dans
l'enceinte du Vatican.
C'est pourquoi le
pape François a sollicité M. Vladimir
Poutine de l'aider à tuer dans l'œuf la
guerre de Syrie. Mais au nom de quelle
théologie? Sur quelle balance François
pèse-t-il la nature et les droits de
l'ascensionnel, sur quels plateaux
dépose-t-il les "feux de l'esprit" si
nous ne savons pas encore calculer la
pesanteur du joug sous lequel nos
libérateurs nous ont placés? Jouvet
disait qu'au théâtre, le naturel est un
naturel de théâtre. C'était rappeler aux
niveleurs du monde entier que la
sincérité du puceron n'est pas celle de
l'éléphant. La sincérité des grands
éveilleurs est celle de la lumière dont
ils portent la torche vive et dont le
flambeau les consume. Or, depuis la
semaine dernière, l'histoire du monde a
donné à la géopolitique transcendantale
du Saint Siège un coup de pouce
miraculeux, semble-t-il, puisque
l'histoire de la planète illustre
désormais une pièce de théâtre rédigée
d'acte en acte à l'école d'une
"anthropologie de la sainteté" appelée à
mettre en pleine lumière l'animalité
spécifique du genre simiohumain.
A partir de quelle
hauteur les sciences humaines
actuellement demeurées semi-animales
dans leurs méthodes de recherche et leur
problématique observent-elles une bête
en tant que telle? Si nous
ignorons quelle frontière il nous faut
tracer pour nous distinguer des autres
espèces et pourquoi cette séparation est
flottante? Que dira le "Saint Esprit "
de l'animal en escalade sur les pentes
de ses montagnes sacrées?
Car on disait
seulement que la raison du plus fort
demeure "toujours la meilleure",
mais on ignorait les mécanismes
psychobiologiques qui permettent
toujours et nécessairement à la plus
musclée des charpentes de cet animal
d'imposer à ses subordonnés sa propre
hiérarchie des valeurs, celle qui
s'attache à sa colossale ossature, et de
convaincre à coup sûr les faibles ou les
souffreteux de placer les évènements sur
une échelle des jugements dûment
préfabriquée par les Hercule du moment.
Comment se fait-il que la soumission des
moutons à leur maître soit entière et
que les secrets en soient cérébraux et
ventraux tout ensemble? Si, d'un
millénaire au suivant, les verdicts du
corps sont à la fois éternels et
périssables, comment dictent-ils leur
loi à une espèce détoisonnée depuis peu?
2 - La balance à
peser la conque cérébrale de l'humanité
Pour la première
fois dans l'histoire, on aura vu le
globe terrestre offrir à des milliards
de rétines le spectacle des ressorts et
des rouages d'un mammifère asservi de
naissance à ses maîtres.
D'un côté, le lion
a localisé ses crocs et sa crinière du
Japon à la Norvège, de l'Afrique du sud
au Kosovo, du Venezuela au Caire et de
Washington à Tel-Aviv. Et voici qu'un
referendum microscopique organisé parmi
les russophones majoritaires de la
Crimée est soudainement censé menacer
les fondements universels de l'éthique
du cosmos et troubler le saint équilibre
de la paix mondiale. Que le griffu
emblématique qui se proclame la vigie
internationale et le gardien exclusif du
Paradis depuis soixante ans persévère à
brandir ses rameaux d'olivier
barbouillés de poudre à canon, rien de
nouveau à cela: nous en sommes encore à
la lecture classique d'une fable fort
connue de La Fontaine. Mais qui peut
croire que Mme Arioviste, reine des
Germains d'aujourd'hui, aurait lu
Molière dans la nuit et qu'elle ferait
tout soudainement preuve d'un
tartuffisme tellement lucide et appris
en cachette qu'elle proclamerait, mais
sans en croire un traître mot, que "la
force des armes fait reculer la force du
droit en Crimée"?
Ce que le fabuliste
aux sûrs ajustages n'a pas su isoler
parmi les apprentis d'une vraie science
des animaux parlants - mais qu'un pape
évadé des forêts permet aux
anthropologues d'avant-garde de placer
dans la lumière la plus crue - c'est
l'origine mécanique et psychobiologique,
donc viscérale, qui fait, de l'humanité
actuelle, un animal demeuré inconscient
de la spécificité de l'encéphale
universellement dédoublé dont son
évolution a fini par le doter. Car cet
organe scindé dès le berceau entre le
réel et le songe se convainc
spontanément qu'il a bien raison de
suivre le droit chemin, celui de la
vérité qu'énonce toujours le plus fort
et dont il montre l'écriteau d'un doigt
impérieux.
C'est ainsi que Mme
Angela Arioviste a changé trois fois de
cervelle en trois jours; il fallait
respecter la Russie, puis suivre l'ordre
contraire de Washington d'exclure le
Kremlin du G8, puis, sur un coup de
téléphone sans doute furieux de Vladimir
Poutine, elle dénonçait de nouveau les
évènements tronqués et placés sur la
balance d'une Justice et d'un Droit
fabriqués à Washington et censés
régenter l'univers. Puis M. Steinmeier,
Ministre des affaires étrangères
d'Allemagne, qui avait eu de longues
heures d'entretien à cœur ouvert avec
MM. Poutine et Lavrov à Moscou, était
bel et bien allé de ce pas dire ses
quatre vérités à M. Barack Obama - il
fallait que ce César de la démocratie
mondiale apprît à "regarder le monde
avec les yeux des autres". Comment
se fait-il que, vingt-quatre heures
seulement après ce premier déplacement
de sa carcasse, ce Ministre condamnait
de nouveau fermement "le pelé, le
galeux d'où venait tout le mal"? La
hotte des péchés du monde est lourde
d'oracles à couteaux tirés entre eux.
Prenez le cas d'un
commentateur tel que M. Bernard Guetta.
Depuis des années il dénonçait la
vassalisation de l'Europe consécutive au
plan Marshall de 1948. Et voici que non
seulement il se met subitement le
bandeau de l'atlantisme sur les yeux,
mais il le noue solidement derrière sa
tête. Croyez-moi, il était sincère hier,
il l'est aujourd'hui, parce que la
sincérité politique est une substance
chimique instable.
Il faut donc, soit
nous demander quelles sont les relations
que la conque cérébrale de la bête
entretient avec la géographie soit
renoncer à toute politologie
scientifique. Comment se fait-il que les
neurones du lion aient contraint d'une
pichenette l'Angleterre, l'Allemagne, la
France, l'Italie à se ranger résolument
- et avec toutes les apparences de la
réflexion - aux côtés des deux vassaux
institutionnels du maître, le Canada et
l'Australie? Comment la masse grise de
la bête sécrète-t-elle la notion de
sincérité ? Il est absurde de croire
que ces animaux auraient été convertis à
l'hypocrisie la plus consciente
d'elle-même.
Le paradoxe est
donc de comprendre comment il se fait
qu'un cerveau de chimpanzé détoisonné se
laisse non point tartuffiquement, mais
de bonne foi, retourner sur le gril de
l'histoire, et cela au point qu'il se
trouve sincèrement convaincu
conjointement par la géographie et par
la musculature du plus fort - quitte à
changer d'émulsion cérébrale dès le
lendemain pour peu que le plus fort ait
trouvé un successeur mieux armé qui aura
aussitôt retourné la "bonne foi" de
l'animal - de sorte qu'il courra à toute
allure dans la direction opposée. Qu'en
est-il du faux éclat de la vérité
toujours éphémère que l'histoire se
forge au jour le jour et en un
tournemain sur l'enclume de la force?
3 - Brève
rétrospective
Ce phénomène
psychobiologique aurait pu être observé
en laboratoire quarante ans pour le
moins avant les plus récents évènements
de Crimée. On se souvient qu'en 1990 M.
Vaclav Havel, n'écoutant, le pauvre, que
son bon cœur, était allé à fond de train
remercier les Etats-Unis. Le Nouveau
Monde n'avait-il pas apporté son secours
gratuit, généreux et charitable à la
Tchécoslovaquie pendant toute la durée
de la guerre qualifiée de froide par
opposition aux guerres chaudes et
bruyantes? Avec quel ahurissement ce
bedeau de la démocratie mondiale avait
découvert que les troupes américaines
n'avaient jamais eu la sainte intention
de quitter un jour le territoire de sa
patrie, même si l'occupation soviétique
s'effondrait. Mais la stupéfaction de
saint Vaclav Havel n'a pas duré plus de
trois jours: à peine de retour à Prague,
ce néophyte de l'Eden politique qu'on
appelle la démocratie s'était convaincu
de la légitimité du nouveau pouvoir
politique dont les dirigeants tenaient
maintenant le sceptre du monde entre
leurs mains.
Mais comment les
dompteurs cérébraux de leurs sots
congénères s'y prennent-ils pour
sanctifier la vassalisation des peuples
qu'ils sont censés avoir délivrés des
occupants de leur territoire? Voyons
comment le regard d'un pape
anthropologue enregistrerait les preuves
de l'animalité cérébrale de type
simiohumain et diocésain confondus -
donc d'une animalité propre seulement à
une espèce biphasée par son langage de
serpent tentateur. Ce type de Grand
Pontife remarquerait que le regard des
sciences dites humaines de cet animal ne
fait que parer de sainteté le baudrier
rutilant de Porthos. Car la caméra de
ces apprentis d'eux-mêmes est
semi-animale à son tour, donc
pré-construite par les instruments
dédoublés de la bête: il faudrait donc
disposer d'un observatoire de cette
dichotomie originelle, donc d'une
science méta-zoologique de l'évolution
cérébrale du bipède schizoïde.
Mais aussi
longtemps qu'aucune institution
scientifique, tant publique que privée
ne servira de laboratoire dûment
habilité à conquérir une connaissance
rationnelle de l'humanité sur le
fondement d'une problématique de ce
genre, donc transcendante aux
auto-évangélisations des sciences
humaines actuelles, il n'y aura pas de
tête de pont légitime pour une
politologie mondiale capable d'autopsier
les ecclésiocraties décédées et de
radiographier celles qu'on voit encore
en état de fonctionnement. La bête
cautionnée à titre psychogénétique par
une autosacralisation subreptice et
faussée d'elle-même ne disposera jamais
d'une assise authentiquement légitimante
de son savoir "rationnel", mais truqué.
C'est cette
spontanéité à se tromper lui-même
de l'animal semi intellectualisé par les
muscles de son dompteur que le pape
François a comprise en décodeur
post-lacanien, donc en décrypteur et
méta-zoologue des trois monothéismes.
Car "une vérité politique"
nécessairement fondée d'avance et dans
les coulisses sur une auto-légitimation
peinte aux couleurs de la spécularité
scientifique du moment se proclamera
toujours validée a priori et en amont
par une force déguisée en sainteté
politique. C'est cela qu'Ignace de
Loyola a enseigné à un François "hors
les murs".
4 - L'Europe des
coucous suisses
Les rendez-vous que
l'histoire simiohumaine prend fatalement
avec la mort des civilisations biphasées
qu'elle enfante, ces rendez-vous,
dis-je, sont d'une lenteur insidieuse,
mais toujours enrubannés, galonnés,
brodés et couverts à profusion des
dentelles que sécrètent les servitudes
dorées. Aussi la France dont le Vichy
planétaire des modernes porte les
pierreries ne saurait-elle dire crûment
à une Europe livrée à l'orfèvrerie de
l'occupation américaine:
" Ouvrez donc vos
yeux et vos oreilles sur le destin
véritable du monde imaginaire qui glisse
de vos mains serties de diamants,
observez le fer en fusion des évènements
monochromes dont la coulée passe au
large de vos nations asservies.
N'avez-vous pas entendu de vos propres
esgourdes dressées dans le matin frais
les strophes et les cantates d'une
certaine Mme Nuland, qui expliquait mot
à mot à Jeannot lapin courant dans le
thym et la rosée qu'elle avait déjà
déboursé cinq milliards de dollars à
salarier en masse les pseudos
révolutionnaires de l'Ukraine de
l'Ouest?
"Vos rétines
n'avaient-elles pas enregistré les
traces des rabatteurs dépités et leurs
va-et-vient embarrassés? Il leur a fallu
payer rubis sur l'ongle des fusils bien
astiqués et de fabrication étrangère,
afin de tirer du haut des toits et sans
risques de réplique sur une police et
une population impuissantes. N'avez-vous
pas assisté à un Pearl Harbour préparé
dans l'ombre, enragé et coûteux, mais
tout local, afin de tirer de leurs
cabanes des Européens endormis et
mauvais payeurs? Ne vous êtes-vous pas
informés du recrutement intensif des
mercenaires qui seuls permettent aux
empires de susciter, d'un claquement des
doigts des mouvements de foule
irréfléchis, précipités et dispendieux,
n'êtes-vous pas sortis depuis tellement
longtemps de la forêt primitive que vous
ne sauriez vous montrer dupes de ce
genre de mise en scène du salut
provisoire de type démocratique?
"Je parie qu'il ne
vous a pas non plus échappé que vous
vous êtes aussitôt pelotonnés et avec
davantage d'empressement encore
qu'autrefois sous la poigne de fer d'une
puissance étrangère dont vous savez tous
que le quartier général se trouve
installé à Mons en Belgique depuis 1967.
Vous savez sûrement, n'est-il pas vrai,
que le Nouveau Monde n'a pas d'intention
plus claire et plus avouée que de placer
sans tarder l'Ukraine censée souveraine
du roi Midas sous l'autorité
vassalisatrice d'un OTAN fermement
dirigé par votre maître. C'est donc sous
le sceptre solitaire du véritable
propriétaire de votre carcasse et de
votre tête asservies que vous vous
livrez à une mascarade politique à
l'échelle de la planète: vous savez que
tout le reste n'est que gamineries,
galimatias et jeu d'enfants dans une
cour d'école.
5 - Les tenants
et les aboutissants de votre vassalité
"Je suppose qu'il
n'a pas échappé non plus à votre sagesse
politique que les armes de guerre des
Etats en expansion continue changent de
calibre et de moyens de les fabriquer
d'un siècle à l'autre. Vous avez largué
vos arbalètes, vos flèches et vos
javelots: vous n'ignorez donc pas que
les cinq cents légions à pied d'œuvre
d'Oslo à la Sicile ont des yeux et des
oreilles inconnues de vos ancêtres - on
les appelle maintenant des logiciels,
des radars, des missiles à longue et à
moyenne portée. Vous savez également que
les nouvelles arquebuses se trouvent
toutes installées aux frontières de la
Russie.
"Vous savez enfin
que ces flèches invisibles et ultra
rapides sont appelées à percer les
secrets électroniques de l'adversaire à
de grandes distances. Vous savez donc
sur quel vaisseau du temps et de la mort
vous vous trouvez embarqués de force par
votre maître d'au-delà des mers et vous
ne pouvez ignorer que les automates
guerriers rangés à la queue leu leu sur
vos terres par l'étranger sont appelés à
se perfectionner de génération en
génération à l'école des alliances
nouvelles de la foudre avec les secrets
de la lumière.
"Vous n'êtes donc
pas tout subitement devenus des
sacristains de la démocratie, vous ne
confondrez encore en rien les guerres
suicidaires de votre temps avec celles
des légions de César, de Germanicus ou
de Varus. Et pourtant, non seulement
vous n'avez pas compris goutte à ce qui
se passe à quelques coudées de vos
arpents, mais vous faites encore
semblant d'obéir gentiment aux ordres de
vos propres chefferies et de vous
mouvoir sous le commandement de vos
casaques souillées par votre servitude.
"Ne montez pas sur
vos grands chevaux, ne prenez pas des
allures d'indépendance, ne feignez pas
de partager des fureurs profitables
seulement à vos maîtres. Qu'avez-vous à
faire cause commune avec une Crimée
imaginaire, pourquoi la comparez-vous,
avec un zèle emprunté aux Sudètes de
1939? C'est pitié de vous voir incarner
le destin des moutons de Panurge ou de
ceux que Cervantès rencontra dans les
plaines de l'Estrémadure. La France est
hors jeu dans la guerre planétaire des
moutons. Raison de plus de faire
scintiller votre nation des derniers
feux d'une Europe asservie. Commencez
donc par vous demander si vous
connaissez bien clairement les causes
véritables de votre expulsion de
l'histoire réelle du monde.
"Peut-être
avez-vous égaré jumelles et longues vues
sur le chemin de la Crimée. Dans ce cas,
voici le nouvel angle de vue que je
conseille à votre astronomie politique
d'ouvrir, toutes affaires cessantes.
Figurez-vous que si deux cents garnisons
américaines bivouaquent jour et nuit sur
le sol des Germains, figurez-vous que si
cent trente sept légions armées
jusqu'aux dents quadrillent l'Italie,
figurez-vous que si vous avez perdu la
Méditerranée de Gibraltar au Caire vous
ne sauriez croire que vous seriez
demeurés libres de vos mouvements sous
les saintes auréoles de vos démocraties
verbifiques; vous savez donc
pertinemment que les dieux de l'étranger
vous ont enfoncé depuis longtemps sur la
tête les cuirasses vocalisées de leur
langage messianisé et que votre
vassalité est donc inscrite dans votre
apostolat.
6 - Les dindons
de la farce
"Croyez-vous faire
un seul pas de votre plein gré sous la
toque géante de la syntaxe et du
vocabulaire confessionnels dont vos
maîtres ont ficelé les blasons sur vos
poitrines, croyez-vous vraiment que vous
demeurez les propriétaires réels de vos
boîtes osseuses et de vos échines avec
le crâne d'un autre vissé sur vos
épaules? En vérité, vous vous égosillez
à chanter en coucous mécaniques. Sachez
que la Crimée n'est pas une hostie à
protéger des griffes d'un fauve aux
aguets de ses proies. Ne savez-vous pas
encore que, depuis la nuit des temps,
tous les grands Etats verrouillent leurs
frontières? Que font d'autre
l'Angleterre à Gibraltar ou aux
Malouines, la France à Mayotte, la Chine
à Hong-Kong? Pourquoi l'Espagne
dispute-t-elle Ceuta et Mellila au
Maroc, pourquoi les Etats-Unis
règnent-ils sur la Grenade, sur le Japon
et sur un canal de Panama dont ils ont
repris en sous-main le contrôle, et
pourquoi occupent-ils Guantanamo? Il est
habile de faire flotter l'écusson d'un
autre sur une chasse gardée qu'on
n'entend pas laisser s'échapper.
" Sachez donc que
l'Amérique est en guerre contre la
Russie depuis la chute du mur de Berlin;
sachez que depuis 1945 la science
politique mondiale s'est mythologisée et
qu'elle est présentement devenue la
victime d'une tragique régression
mentale; sachez que si je racontais à un
sénateur romain du IIIe siècle avant
notre ère que tout l'or de l'Ukraine est
allé à Washington et qu'en échange, le
chef des Ukrainiens de Kiev a été reçu
en grande pompe par M. Barack Obama dans
le bureau ovale, ce sénateur verrait
tout de suite qui tient le couteau par
le manche et qui ramassera la mise.
"Sachez donc qu'on
amuse le tapis à vous faire dire que, de
votre côté, vous auriez décidé de ceci
ou de cela sur la scène du monde et les
Américains de ceci ou de cela de leur
côté: vous ne faites rien, belles
marionnettes que sur l'ordre exprès des
maîtres qui tirent les ficelles de votre
théâtre. Votre complicité à la mise en
place de cette gigantesque mise en scène
de l'histoire du monde, n'est qu'une
étape de transition bien préparée, celle
qui achèvera votre noyade dans une vaste
zone de libre-échange avec l'Amérique.
Vous êtes à un tournant de l'histoire du
monde, celui de votre auto-vassalisation
définitive.
Si Machiavel
ressuscitait, il ne manquerait pas
d'enrichir la géopolitique contemporaine
de quelques addenda concernant
les modes d'expansion propres aux
empires de type démocratique: "Un
empire, écrivait-il, dont le sceptre
brandira un mythe politique nouveau,
celui d'une promesse de salut du cosmos
par l'intercession miraculeuse d'une
liberté universelle, un tel empire de la
rédemption, dis-je, fomentera des
troubles chez ses rivaux et disloquera
leur territoire par les canaux
souterrains d'une croyance de type
biblique. Quand l'empire d'en face
répliquera par l'extension résolue de
son territoire et par son habileté à
laisser les provinces perdues pourrir
entre les mains de leurs pseudo
délivreurs, l'attaquant tentera de
mobiliser la planète entière sous les
auréoles de sa sotériologie verbale.
Mais la démocratie universelle échouera
à substituer le rêve d'une vie onirique
de l'humanité de type idéologique à
l'omnipotence religieuse autrefois
placée entre les mains du Dieu des
chrétiens."
7 - La messe des
démocraties
La France dit à
votre Europe des coucous à ressorts que
l'heure de la découverte des vrais
rouages et engrenages du monde a sonné.
" Ou bien ce
continent des clochettes et des
sonnettes de la démocratie de bergerie
mettra un terme au stationnement à la
fois insultant et ridicule des troupes
étrangères lovées sur ses arpents depuis
trois-quarts de siècle, ou bien vous ne
disposerez jamais plus du pouvoir de
vous déplacer à votre gré, ni de
l'indépendance d'esprit dont les peuples
souverains, donc solitaires, se
réclament, puisque les clauses de vos
traités prévoient votre asservissement
pour l'éternité.
" Les forces
étrangères qui se sont massivement ruées
sur l'Irak en 2003 ne sont-elles pas
parties de Ramstein en Allemagne et
n'ont-elles pas traversé toute l'Italie
de Milan et Bologne et de Naples à la
Sicile - et cela sous la protection de
votre propre police? Mais si vos peuples
se heurtent à mains nues à l'occupant,
quelles formes nouvelles avez-vous donné
au régime de Vichy? Quand ferez-vous
passer devant votre haute cour de
justice vos gouvernements vendus à une
puissance étrangère?
" Mais, intus,
intus equus Troyanus s'écriait
Cicéron au Sénat. Il est en vous,
il est dans vos têtes, le cheval de
Troie. L'Europe s'est résignée à
légitimer solennellement l'existence de
l'empire américain dans sa tête; et rien
n'est plus réel et concret, hélas, que
les fictions gigantesque que le droit
public met en place et cimente par
l'usage. Vous savez que la géométrie
tridimensionnelle reconnaît et vérifie
l'axiomatique d'Euclide à la fois sur le
terrain expérimental et sur celui de la
théorie. Mais la problématique du jus
gentium, elle, ne ressortit en rien
à la simple vérification sur le terrain
de l'action: qui peut croire un seul
instant que la génération qui vous suit
et qui vous pousse d'ores et déjà l'épée
dans les reins se trouvera validée par
l'expérience du cours réel de l'histoire
du monde, alors que les légions de
l'occupant d'outre-Atlantique vous
enserrent dans le réseau aux mailles
d'acier des bases militaires débarquées
d'au-delà des mers ?
"Que vous étiez
pitoyables à Bruxelles, où le monde
entier vous a vus brandir à vos dépens
des sabres dsont vous ne saviez pas
qu'ils étaient de bois! Si vous entendez
jouer les boy-scouts de Clio, savez-vous
que la Russie vendra ses bons du trésor,
suspendra le remboursement des prêts que
vos capitalistes ont consentis à ses
chefs d'entreprise, confisquera vos
actifs, achètera des devises asiatiques
en remplacement des vôtres, renoncera au
dollar pour ses échanges commerciaux.
"L'Amérique vous
met le marché en mains. Elle vous
satellise autour de votre OTAN, dont les
agents vous susurrent déjà à l'oreille
qu'il s'agirait d'un gentil pacte
d'association naturelle entre des brebis
et les souverains de leur bergerie, elle
ruine la spécificité de votre culture et
se fait applaudir de la "troupe de
sots" que Bérenger montrait du doigt
au XIe siècle, à l'heure où les
chrétiens croyaient dur comme fer qu'ils
mangeaient réellement la chair d'un Dieu
à la messe. Allez-vous vous convertir à
la cervelle de la "troupe de sots"
de la démocratie mondiale sous la
tutelle de Washington. Croyez-vous, la
tête sur le billot, que vos autels de la
Liberté et de la Justice transformeront
en hosties consommables les paroles
liturgiques des messes d'une démocratie
tombée entre les mains miraculées de
Washington?
8 - Le naufrage
du mythe de la maîtrise des mers
"Et puis, vous vous
trompez également de stratégie tant sur
mer que sur terre. Depuis la victoire de
Pisandre sur la flotte athénienne à
Aegos Potamos en 450 avant notre ère
jusqu'à la guerre de 1940 à 1945, nous
n'étions pas sortis de la logique
inaugurée et démontrée par la guerre du
Péloponnèse - la maîtrise des mers
passait pour la clé des empires. Aussi,
en 1946, le Président Truman avait-il
compris que, pour la première fois sur
cette planète, une seule nation
victorieuse pouvait s'armer pour
longtemps d'une puissance maritime
immense, puisqu'elle serait à l'échelle
du globe terrestre.
"Si la flotte de
guerre des Anglais n'avait pas coulé les
deux seuls cuirassés du IIIe Reich, le
Scharnhorst et le Gneisenau,
Montgomery n'aurait pas mis en déroute
les tanks du Général Rommel en Afrique
du Nord, parce que le transport
suicidaire du carburant embarqué sur de
simples pétroliers entre Chypre et
Tripoli n'aurait pas été voué à un échec
inévitable. Mais des missiles tirés à la
vitesse de six dixièmes de secondes au
kilomètre - et téléguidés par des
horloges électroniques à partir des
rivages les plus tranquilles, parce
qu'enfouis à quarante mètres sous la
terre - se font un jeu d'enfant de
détecter et d'envoyer par quatre mille
mètres de fond des mastodontes dont les
carcasses de fer et d'acier auront été
rendues vulnérables. La flotte de guerre
de l'Amérique est devenue aussi
imaginaire que l'excommunication majeure
du Moyen-âge - une arme de surface ne
symbolise plus que les sillages et les
trajectoires d'une théologie de
l'apocalypse en retard sur notre temps.
"Mais la candeur
stratégique de la France d'aujourd'hui
ne saurait aller longtemps jusqu'à
ignorer que l'inconscient militaire de
l'humanité demeure de type théologique
et mythique et que l'art de la guerre
mime encore le récit d'un Déluge et de
l'arche de Noé. Quant à la France
actuellement à l'avant-garde de la
science stratégique mondiale, elle
accorde l'absolution pleine de
commisération de Descartes, de Montaigne
et de Montesquieu aux cerveaux d'hier et
d'avant-hier, parce que la civilisation
des Celtes d'aujourd'hui a trouvé son
berceau au XVIIIe siècle.
"Elle n'est donc
pas près de revenir aux narrateurs d'un
monde en images; mais si votre
entendement vous apprend que l'histoire
de la planète ne s'arrêtera pas sur
l'ordre du pédagogue biblique qu'on
appelle l'OTAN, si votre saine capacité
de jugement vous convainc que le Vieux
Monde se réveillera avant la ruine du
dollar ou l'épuisement financier du
premier empire militaire mondial, alors,
ne pensez-vous pas que l'Ukraine sera à
la fois un révélateur et un levier géant
de l'histoire de la planète et que cet
accélérateur de particules vous
contraint d'ores et déjà à changer le
rythme et la cadence de votre
auto-vassalisation?
Le 21 mars 2014
Reçu de l'auteur pour publication
Le sommaire de Manuel de Diéguez
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