Opinion
Le Dieu des Sorbonne et le Dieu de
l'histoire
Manuel de Diéguez
Manuel de
Diéguez
Vendredi 20 novembre 2015
|
Avertissement
1 - Un " Master of Divinity " en
Amérique
2 - Le cratère ouvert par le
verbe comprendre
3 - Petite histoire
anthropologique du sacré
4 - Un pilote fabuleux du cosmos
5 - Pour une laïcité réflexive
6 - Dieu débarque à nouveau dans
la politique
|
Avertissement
Que de changements
depuis la guerre de Suez de 1956! En ce
temps-là, la foudre atomique marxiste de
Moscou et la foudre atomique capitaliste
de Washington menaçaient ensemble Paris
et Londres de les changer en deux
Hiroshima de plus s'ils tentaient
d'arracher sa proie au Colonel Nasser
qui avait nationalisé le canal.
Et maintenant, les
forces aériennes russes approuvent la
flotte de guerre anglaise et française
engagées au secours de Paris, que
l'islam primitif ressuscité voudrait
changer en mouton égorgé à la gloire
d'Allah. En ce temps Washington passait
pour le libérateur de tous les peuples
de la terre placés sous le joug du
colonialisme. En ce temps-là, toutes les
nations de la terre, et d'abord la
communauté juive mondiale, s'étaient
précipités à Washington, le nouvel
épicentre de la planète des songes et du
sang.
Et maintenant
l'Europe essaie de glisser hors de
l'étau de l'OTAN, et maintenant, la
France groupe autour d'elle un embryon
d'Europe militaire, et cela à l'école
même du traité pourtant vassalisateur de
Lisbonne. Toute puissance naît d'un
victimat ressuscitatif.
Les frêles épaules
de M. Hollande supporteront-elles le
poids des responsabilités qui
l'attendent? Reviendra-t-il de
Washington en guide à l'échine brisée ou
en serviteur d'une France vassalisée?
Les jours qui viennent nous le diront,
mais je doute que les circonstances
suffisent à changer la stature du chef
de l'Etat.
Car le 13 novembre,
toute la classe politique française,
toute la presse et tous les médias ont
assisté dans la stupéfaction la plus
sincère au débarquement en plein Paris
des mêmes guerriers d'Allah dont Charles
Martel avait brisé l'élan à Poitiers en
732. Si l'intelligentsia de la
démocratie mondiale devait persévérer à
se tenir à l'écart de toute connaissance
scientifique, donc anthropologique, des
cosmologies mythiques, la laïcité
acéphale des modernes demeurerait aussi
éloignée de la connaissance du genre
humain que l'Eglise du XVIe siècle face
à Copernic et à Galilée.
A la suite de
l'analyse ci-dessous du personnage
imaginaire le plus puissant de la
géopolitique, je publierai, le 27
novembre, une lettre philosophique aux
grands chirurgiens d'avant-guerre qui
aideront la philosophie moderne à
retrouver sa vocation médicale
originelle.
Puis, le 4
décembre, j'étudierai la signification
anthropologique de la notion d'handicapé
appliquée aux hommes politiques
contemporains. De toute façon, les
historiens-anthropologues prendront acte
de ce que le 13 novembre 2015 aura
enterré à jamais l'inscription qui
ornait les cadrans solaires et qui
disait: "Omnia creasti, nec minore
regis providentia": "Ta prévoyance a
créé toutes choses et c'est avec la même
prévoyance que tu diriges l'univers".
La nouvelle
expansion planétaire de l'islam n'a pas
pris rendez-vous avec une seconde
bataille de Poitiers, mais avec un
approfondissement vertigineux de la
connaissance psychobiologique d'une
espèce scindée entre le réel et le songe
et qui exorcise le silence et la nuit de
l'immensité à se donner pour supports de
gigantesques personnages imaginaires
avec lesquels elle entretient des
relations oniriques suivies et
structurées en orthodoxies.
Entre temps, la
laïcité prometteuse de 1905 a manqué son
rendez-vous avec les sciences humaines
et s'est rendue aphasique; mais l'heure
a sonné pour les démocraties acéphales
de se demander ce qu'il en est, dans
l'abîme, du seul animal qui se cherche
une boussole dans l'infini.
Le 29 octobre, je
diffusais à titre présumé posthume les
trois résumés des 6, 13 et 20 novembre
de mes analyses rédigées d'avance. Je
diffuse à nouveau ce résumé.
Rappel du 29
octobre
Le 20 novembre,
je traiterai de la réforme européenne de
nos Sorbonne, qui sont retournées au
Moyen-Age. Comment ce Continent s'est-il
enferré dans une scolastique aussi
pseudo rationaliste que la précédente?
Car la science historique et la
politologie du XXIe siècle en appellent
au même combat contre les Bridoye et les
Trissotin qu'au XVIe siècle.
Mais pour
comprendre comment la vassalisation de
l'Europe de l'abstrait et de la France
des pseudo philosophes de l'histoire en
sont venues à pratiquer le culte du
sceptre et du mythe américains de la
Liberté, il faut tenter de sortir du
Moyen-Age d'aujourd'hui, ce qui exige un
rapide exposé des fondements d'une
anthropologie originelle du sacré.
Celle-ci dépose les trois dieux uniques
sur l'établi et les observe dans leurs
exercices en laboratoire.
1 - Un " Master of
Divinity " en Amérique
L'Université
américaine a ouvert ses portes à un
Master of Divinity censé compatible avec
la pensée rationnelle et l'esprit
logique du monde moderne. Cette
appellation d'une réalité
mi-scientifique, mi-culturelle, peut se
traduire par "maîtrise es divin",
mais elle se révèle pratiquement
réservée au Dieu protestant et
américain. Les limites imposées à
l'exercice de cette discipline par les
Réformes conjuguées de Luther et de
Calvin répondent à l'étroitesse de
l'enceinte dans laquelle les Universités
démocratiques du monde entier enferment
l'objet de leur prétendue "recherche"
sur un sacré "objectivé". Car
elles contrôlent avec prudence le degré
de profondeur auquel l'anthropologie
scientifique se trouve autorisée à
descendre.
Depuis leur
origine, les Sorbonne ne sont pas
explicatrices de leurs cloisonnements
épistémologiques, les Sorbonne ne sont
pas approfondissantes du type de raison
dont elles usent et de leur espèce de
savoir, les Sorbonne se contentent de
communiquer l'événementiel le plus
aisément mémorisable, les Sorbonne lient
leur enseignement à la problématique
censée placer d'avance la question posée
dans le cadre de la tradition
pédagogique. Il n'y a pas de motif que
le Dieu enseigné aujourd'hui dans les
Universités américaines se veuille moins
surveillé et moins scolarisé que celui
des Bridoison ou des Bridoye de
Rabelais: le sujet est trop sérieux pour
y compromettre l'autorité peu
aventureuse du monde universitaire.
Le Master of
Divinity échappe si peu à la règle
qui régit le savoir des amphithéâtres
qu'il vient seulement, et sous la plume
d'un Français (Jean-François Colosimo,
Dieu est américain: De la
théodémocratie aux Etats-Unis,
Fayard 2006) de retrouver du moins
l'enseignement de Tocqueville, qui
démontrait, il y a près d'un siècle et
demi, que le Dieu américain est
nationaliste jusqu'à la moelle et que sa
fonction patriotique est de témoigner
sans cesse sa protection constante et
particulière aux seuls Etats-Unis.
Voir :
Oraison funèbre de la France
, 6 juillet 2013
Aussi, le Zeus de
l'endroit passe-t-il son temps à
dispenser ses bénédictions à la Maison
Blanche où il a siégé jusqu'en 2001. On
se vient de la foi la Ministre des
affaires étrangères du Président Clinton
et qui a publié, en collaboration avec
un journaliste, ses mémoires sous le
titre Dieu, l'Amérique et le monde.
(Madeleine Albright avec Bill Woodward,
préface de Hubert Védrine, avant-propos
de William J. Clinton ; traduit de
l'américain par Monique Briend-Walker,
éditions Salvator, 2008. Titre original:
The Mighty and the Almighty :
reflections on America, God and world
affairs)
Voir:
La diplomatie américaine et la
religion ,A propos de Dieu, l'Amérique
et le monde de Mme Madeleine Albright,
ex-ministre des affaires étrangères des
Etats-Unis , 17 nov 2008)
Par l'expression
Mighty et Almighty, Mme
Albright reprend à son compte
l'antithèse théologique classique entre
la puissance humaine et l'omnipotence
divine, mais elle s'y prend à
l'américaine en situant la puissance
divine, Almighty, comme une sorte
de continuation naturelle de la
puissance américaine sur la terre. Mais
ni les trois monothéismes, ni la
théologie américaine ne connaissent de
réflexion sur le surnaturel en tant que
tel: le spirituel n'est que le
transphysique, l'au-delà du monde
matériel. Aussi tous les temples
d'obédience chrétienne sont-ils propices
à servir une divinité territorialisée,
farouchement sélective et qui s'est
choisi, pour le seul bénéfice d'une
universalité précautionneusement
localisée, le peuple élu le plus
approprié à l'exercice de son apostolat.
Car, depuis 1945,
l'histoire de notre astéroïde s'est
américanisée au point que le globe
terrestre a changé les cartes et
l'échiquier de Dieu dans les Universités
du monde entier. Du coup, l'Europe
cogitante, donc exercée à une pratique
multiséculaire du Dieu originel,
découvre soudainement que la pauvreté de
sa connaissance scientifique du
mammifère détoisonné interdit purement
et simplement à ses historiens et à ses
politologues de comprendre goutte aux
guerres de religion du XVIe siècle et
aux remous consécutifs à la Révocation
de l'Edit de Nantes en 1685.
2 - Le cratère
ouvert par le verbe comprendre
Comment nos
historiographes et nos mémorialistes les
plus chevronnés, comment nos
géopoliticiens les plus conscients des
conséquences de la récente extension de
leur discipline aux cinq continents se
passeraient-ils plus longtemps de tenter
de comprendre pour quelles raisons
anthropologiques la France du XVIe
siècle s'est déchirée à mort entre, d'un
côté, les catholiques et les
protestants, de l'autre. Les premiers
proclamaient seul "vrai et réel"
un sacrifice comportant, primo,
la consommation de la chair crue d'une
victime humaine censée étendue sur
l'autel et secundo, la potion
salvifique de son hémoglobine. Les
seconds donnaient leur tête à couper et
se montraient prêts à se faire massacrer
pour soutenir mordicus que la chair "réelle"
de Jésus-Christ n'était exposée qu'à
titre symbolique sur tous les
offertoires et les propitiatoires de la
chrétienté.
Mais l'enseignement
universitaire a tellement peur de porter
le sens du verbe comprendre à la
profondeur anthropologique requise par
l'examen de l'objet de son observation
qu'il rétrécit le champ d'investigation
de l'enseignement simiohumain supérieur
et le réduit à la connaissance des
évènements culturels ou cultuels qui se
sont échelonnés d'un siècle au suivant:
il faut donc que l'étudiant promu au
rang de "docteur du ciel des
chrétiens" réduise son attention à
saisir du regard un échiquier rabougri,
afin qu'il figure le plus glorieusement
possible au palmarès de l'excellence
doctrinale et universitaires confondues.
De même si le professeur de littérature
s'avisait, le malheureux, d'expliquer à
ses étudiants de quoi il est réellement
question dans les abysses des Aventures
de don Quichotte ou de celles de
Gulliver, on lui reprocherait de
substituer un enseignement de la
philosophie à celui de la littérature.
Qu'est-ce
qu'enseigner la littérature si ce type
de connaissance ne fait rien connaître
et comprendre ni des cheminements
secrets de la création littéraire ou
poétique, ni des sentiers cachés qui
font, du mammifère détoisonné une bête
schizoïde et dont la moitié de la
cervelle le fait vivre dans des mondes
fabuleux et fantastiques - ceux dont de
multiples théologies sont censées tracer
les contours doctrinaux? Mais pourquoi
tenter de comprendre le XVIe siècle un
peu mieux que la loi de 1905, qui ne
pensait qu'à libérer l'espace public du
spectacle des dévotions?
3 - Petite
histoire anthropologique du sacré
Les peuples
primitifs étaient obsédés et traqués par
leurs dieux. Il y avait des autels non
seulement dans les temples, mais encore
dans les rues et dans les maisons; dans
les maisons, ils se trouvaient dans la
cour, où on sacrifiait aux dieux de la
famille (penates); de même encore
dans l'atrium on sacrifiait aux dieux
protecteurs de la maison (lares),
sur un petit foyer (focus); donc
par métonymie, arae focique
signifie les autels des temples et les
foyers consacrés aux lares et aux
penates dans l'atrium,
c'est-à-dire dans les sanctuaires des
temples et des maisons.
Si le sacré tardif
de l'époque reposait quasi exclusivement
sur les sacrifices d'animaux, c'est que
l'âge des sacrifices d'êtres humains aux
puissances célestes se trouvait, du
moins globalement, d'ores et déjà
dépassé dans le monde entier. Certes,
César raconte que les Gaulois immolaient
leurs congénères à leurs dieux quand les
circonstances exigeaient qu'on leur
donnât des offrandes de grand prix,
certes, tous les historiens romains
cachent aux lecteurs de leur temps que
les sacrifices humains battaient
secrètement leur plein du temps des
guerres puniques, certes, les habitants
de Tyr étaient revenus aux sacrifices
humains parce que , pensaient-ils, seuls
la chair et le sang des hommes étaient
de nature à apaiser la voracité des
dieux et leur soif de sang pour vaincre
Alexandre qui assiégeait leur ville,
certes, nous avons tous lu le
Salammbô de Flaubert.
Mais les sacrifices
de bœufs ou d'animaux domestiques
suffisaient depuis longtemps à nourrir
les Célestes immergés dans le
train-train des jours. Il n'était plus
question de leur présenter des Iphigénie
de village à tout bout de champ pour
effacer broutilles et peccadilles. C'est
pourquoi la révolution anthropologique
originelle tentée par le Jésus des
chrétiens n'était plus de déraciner des
sacrifices humains déjà largement en
perdition et pratiquement abandonnés
dans tout le monde antique, mais
d'extirper le principe même selon lequel
les dieux seraient avides de la chair
des poulets et des bœufs et qu'ils se
montreraient assoiffés de leur sang et
insatiables de leur chair. La véritable
révolution du Galiléen est culturelle:
ma chair, dit-il, est le pain de votre
communion de tous les jours, avec mon
esprit mon sang est le vin du ciel. Je
vous demande de le boire, non point
comme un aliment qui désaltèrerait un
souverain du cosmos, mais seulement en
souvenir de mon passage parmi vous.
Il est saisissant
que le sens des paroles du Galiléen
aient si mal sonné aux oreilles du monde
de l'époque et que son Eglise se soit
aussitôt attaquée à la tâche d'abolir
une révolution cultuelle aussi immense
que celle qui ferait dire à Mozart : "
Mon vrai corps n'est autre que mon œuvre
musicale. Si vous vivez en communion
avec mon corps musical, qui est un pain
spirituel, ce sera ma véritable
substance qui sera votre nourriture."
Mais l'Eglise
catholique est aussitôt retournée au "vrai
et réel sacrifice" dont se réclame
l'orthodoxie et qui se calquait sur
l'immolation sacerdotale des bœufs et
des poulets: on dévorerait la "chair" de
la victime à belles dents et l'on
aspergeait l'autel du sang de la bête
immolée, parce qu'on n'imaginait pas de
plus haute délectation, pour une
divinité cléricalisée par ses devins,
que de mâcher avec gourmandise une chair
de premier choix et d'en boire le sang à
pleines rasades.
On voit que si la
pensée laïque approfondissait la
connaissance anthropologique et
historique des mythes sacrés et, avant
tout le sens profond des sacrifices, qui
constituent le pivot politique de la foi
religieuse en tous temps et en tous
lieux, elle retrouverait sa vocation
originelle de figurer le fer de lance
d'une épistémologie du genre humain et
de son histoire dans le miroir de la
raison.
4 - Un pilote
fabuleux du cosmos
Certes, le crucifié
était de son temps: à l'instar de
Muhammad, son lointain successeur, il
croyait qu'il avait un papa dans les
nues - mais il n'imaginait pas encore
que ses fidèles élèveraient également sa
maman dans la stratosphère. Mais si le
souffle religieux qui inspirait l'immolé
du Golgotha ne s'était pas élevé au
symbolique avec deux millénaires
d'avance, sa modernité ne serait pas à
venir. Car le retour du monde
contemporain à la croyance en
l'existence d'un pilote fabuleux du
cosmos se focalise sur un monothéisme
qui n'a précisément pas aboli la
substitution d'un animal domestique aux
sacrifices humains des origines. L'islam
se trouve dans la situation bancale de
perpétuer la croyance barbare selon
laquelle Dieu aurait besoin de
l'égorgement d'une victime de l'autel et
de se rassasier d'une chair et d'un sang
au rabais, celui d'un mouton à la place
de celui d'Isaac, d'Iphigénie ou de son
"fils", Jésus.
Si l'on examine la
loupe le sens de la vraie révolution
christique, celle d'éradiquer les
sacrifices d'animaux de substitution
après les sacrifices humains le plus
coûteux, la modernité du Galiléen est
encore largement pour demain, puisqu'il
se révèle le premier découvreur du pain
et du vin propres à l' "esprit".
Du coup, on comprend mieux le
traumatisme psychique qui l'a frappé de
plein fouet à découvrir que le géniteur,
l'administrateur, le gestionnaire et le
pilote du cosmos se rangeait du côté du
sacrifice humain et qu'on lui demandait
de jouer le rôle d'une Iphigénie des
chrétiens.
En 1499, Erasme
tentait d'expliquer à Luther le "dégoût"
et la "terreur" du Christ à l'heure de
son sacrifice, alors que l'Eglise et les
théologiens de l'époque s'indignaient de
sa panique de femmelette. Alors que la
seule perpétration de son sacrifice
sauvait tout le genre humain, il aurait
dû courir à la mort avec des
"bondissements de joie" comme saint
André. Mais qu'est-ce que le courage
spirituel? Erasme n'y voit que la
finesse d'esprit de Nicias face au
baroudeur Lachès décrit par Platon.
Aujourd'hui encore,
les musulmans reculent, horrifiés à
l'idée qu'on pourrait les priver de
l'immolation effective, et de leur
propre main, d'un mouton bêlant et
qu'Allah se contenterait d'une chair
crue qui lui serait fournie par des
bouchers et des charcutiers, tellement
le sacrifice d'un mouton innocent à
Allah souffre de l'ambiguïté
anthropologique d'un sacrifice qui ne
sait plus sur quel pied danser: si la
bête est égorgée et saignée par un
professionnel de la viande à consommer,
ils se sentent frustrés de tout ce que
leur foi présente de tangible à leur
imagination; mais, dans le même temps,
leurs imams leur enseignent que le
mouton occis chaque année présente une
valeur strictement symbolique et que la
véritable religion substantifie
exclusivement des symboles saturants.
5 - Pour une
laïcité réflexive
Ici encore, si une
laïcité demeurée réflexive fécondait une
science historique et une géopolitique
pensantes, elle redeviendrait le Titan
cérébral dont elle aurait dû assumer la
vocation pédagogique à la fin du XIXe
siècle et au début du XXe. Car l'heure
avait sonné pour elle de récolter les
fruits de la mission du siècle des
Lumières, qui avait commencé de
substituer l'âge de la raison à l'âge du
sacré le plus originel, celui de
l'assassinat de l'homme ou de la bête
sur les autels.
Si la laïcité avait
persévéré sur le chemin tracé par les
Encyclopédistes, Benoît XVI n'aurait pu,
en 2006, dans une homélie prononcée à la
Chapelle Sixtine, expliquer au peuple
romain que non seulement Jésus était
venu en personne accueillir Jean Paul II
sur le seuil du paradis, mais que, par
une faveur exceptionnelle sa maman
l'avait accompagné dans sa démarche.
Voir -
A propos de la mort sacrificielle de
Jean Paul II , 12 avril 2005
Encore une fois, si
la laïcité était demeurée pensante,
l'infantilisation des chrétiens n'aurait
pu les conduire à la même stupidité qui
faisait dire à Bérenger au XIe siècle
que la transsubtantiation du pain du
boulanger en chair de la victime
saignante sur l'autel du sacrifice
faisait, des chrétiens du monde entier
un "troupeau de sots".
Mais la République
et la démocratie auront-elles le courage
de reprendre la guerre à l'ignorance et
à la sottise?
6 - Dieu débarque
à nouveau dans la politique
Quoi qu'il en soit,
c'est sous nos yeux ahuris que le monde
moderne retourne en toute hâte se placer
sous la conduite sévère de Jahvé,
d'Allah ou du Dieu crucifié sur l'autel
du sang et de la mort - qu'on appelle
l'Histoire. Il nous faudra bien tenter
de décrypter la substance qu'on appelle
le sacré, s'il est d'ores et déjà devenu
impossible de raconter l'histoire de la
Syrie, faute que la science historique
actuelle perce les secrets de
l'évolution parallèle du Dieu de la
Genèse et de sa créature.
L'heure a sonné où
la notion d'évolution appliquée à
l'encéphale d'Adam se place au cœur
d'une recherche anthropologique de
l'intelligibilité des étapes qui ont
planté les jalons d'un devenir
proprement cérébral des évadés partiels
de la zoologie. Car, à l'origine, le
Dieu unique se révèle un monstre
tellement armé de ses foudres et de ses
instruments de torture qu'il illustre à
merveille combien seul un roi des
châtiments les plus cruels et d'un
effroi sans pareil pouvait conduire ses
fidèles jusqu'à la bataille de Poitiers
en 732.
Cependant, il
arrive que l'humanité dispose de
circonstances suffisamment favorables
qui lui permettent de civiliser quelque
peu son chef des barbares du ciel, et
cela au point de lui faire promulguer
des lois de plus en plus
miséricordieuses à l'égard des
faiblesses d'une bête devenue
embryonnairement cogitante. Le pape
François vient de rappeler que l'Eglise
n'est pas appelée à distribuer des
châtiments aux pécheurs, mais à
témoigner de l'existence d'un Dieu
compréhensif et compatissant.
Mais sitôt que
l'histoire retrouve ses ouragans le Dieu
originel retrouve du service; et l'on
voit des cohortes de prétendus
historiens et des régiments de
politologues réputés plus chevronnés que
ceux de la veille, s'arracher les
cheveux de désespoir au spectacle d'une
espèce dont la sauvagerie originelle
s'est seulement armée de mondes
oniriques précipitamment
intellectualisés. Comment la bête
schizoïde passe-t-elle le plus
sincèrement du monde, d'un Zeus des
fureurs au Zeus au Zeus d'un Jean de la
Croix?
Nous sommes loin
des cinq volumes de l'histoire de
Port-Royal de Sainte-Beuve, dont le
regard sur l'histoire de la bête en
proie au fantastique le plus dévastateur
demeurait bien en deçà de ce que
Tocqueville savait déjà. Son regard ne
pénétrait, certes, pas encore jusqu'aux
entrailles d'un Adam évolutif mais ,
entre les lignes, il savait du moins
que, dans toutes les têtes, Dieu est
principalement un personnage historique.
Si son historicité ne reposait pas
exclusivement sur son statut de
dirigeant politique dans les
imaginations des fidèles, il ne serait
précisément pas "historique" au sens
simiohumain du terme. Nous venons de
découvrir les origines de l'animalité
spécifique de l'homme de Naledi et de
ses ciels en Afrique du Sud.
Car enfin, si Dieu
n'existe évidemment que dans la cervelle
du simianthrope, raison de plus de
l'observer la loupe à l'œil et de le
comprendre dans son gîte à lui. Il faut
un microscope capable d'enregistrer son
évolution de la chrysalide au papillon.
Décidément, la
planète universitaire est au rouet, et
cela bien davantage, la malheureuse,
qu'à la fin du Moyen-âge; car elle se
trouve contrainte de changer d'échiquier
et de paramètres de la connaissance du
genre simiohumain afin de tenter de
répondre aux besoins urgents de la
science historique des modernes et des
exigences de la lecture en profondeur
des plus grands chefs- d'œuvre de la
littérature mondiale. Sinon, comment
rendre intelligible ce que "Dieu"
raconte encore à l'école d'une
scolastique aussi retardée que celle du
Moyen-âge?
Si le savoir
historique des anciens docteurs de
Sorbonne tombe dans le ridicule d'une
pseudo science des peuples et des
nations, et si les Sorbonne de demain ne
pourront plus gesticuler dans le
descriptif au petit pied,
qu'adviendra-t-il de la récente prise de
conscience de cette catastrophe ou de
cette aubaine? Cette situation a déjà
provoqué une alliance entre l'Université
Marie et Pierre Curie, d'un côté et
l'antique Sorbonne de l'autre, dont
j'évoquais les chances récemment.
Car si la Sorbonne
entend doter d'une rallonge dans la
psychologie la sociologie demeurée vide
de ce temps, comment approfondir la
psychologie elle-même s'il lui est
interdit d'avance d'observer l'évolution
mentale des mythes cérébraux et d'abord
du personnage central de l'histoire
onirique de l'humanité qu'on appelle
Jahvé à Jérusalem, Allah à la Mecque et
le Crucifié dans le monde chrétien?
Et voici que la
question centrale de la géopolitique
contemporaine, à savoir la vassalisation
inévitable de l'Europe dont j'analyse le
fondement depuis des mois sur ce site,
se retrouve dans la bouche de M.
Poutine! Qu'est-ce donc que la
vassalisation politique? Les secrets en
seraient-ils cachés dans le sacré? Ce
n'est pas ma faute si la politique et la
religion sont les mamelles de
l'animalité sui generis de l'humanité.
Le 20 novembre 2015
Le sommaire de Manuel de Diéguez
Les dernières mises à jour
|