Décodage
anthropologique de l'histoire
contemporaine
Le rêve est le roi de la politique
Manuel de Diéguez
Manuel de
Diéguez
Vendredi 18 novembre 2016
Le
président russe Vladimir Poutine a
exprimé l'espoir que "les relations
entre la Russie et l'Amérique
s'amélioreront."
Le
Président Donald Trump a déclaré, de son
côté, que les Américains "sont prêts
à collaborer avec les nations."
Ces
deux déclarations convergent sur un
point décisif, celui d'inaugurer une
morale internationale nouvelle:
l'exigence d'honnêteté s'imposera aux
relations politiques entre les Etats,
les peuples et les nations.
A
quelle pesée de la science historique et
de la géopolitique faut-il soumettre ces
vœux paradisiaques? Pour tenter de le
comprendre, il faut observer
l'immoralité qui a fait du procès de
Nuremberg (novembre 1945 - octobre 1946)
le pilier d'une nouvelle immoralité
internationale; car une éthique plus
trompeuse que la précédente est devenue
le fondement de la puissance militaire
et politique de l'empire américain. Le
procès de Nuremberg était censé
substituer à l'immoralité nazie un
paradis de la justice et du droit
américains.
les
idéaux proclamés à cette occasion ont
permis au seul concept de Liberté défini
par l'Amérique victorieuse d'exercer un
règne sans partage. Au nom d'une Liberté
censée à jamais garantie par la victoire
des "démocraties" occidentales sur le
nazisme, l'empire américain a aussitôt
fait du concept abstrait de Liberté
l'assise de sa domination sur le monde.
Et plus la Liberté était censée garantie
par la floralie des idéalités dont on la
décorait, plus l'empire américain
prenait appui sur le seul concept de
Liberté démocratique pour renforcer sans
fin sa domination du monde. C'est ainsi
que l'idée abstraite de Liberté se
changeait en levier mondial du vainqueur
de la rédemption pseudo démocratique du
monde.
Mais
il serait naïf de croire qu'une
hypocrisie consciente d'elle-même
exprimerait la duplicité native d'une
espèce confite dans le culte de ses
idéalités: c'est le plus sincèrement du
monde, si je puis dire, que l'homme
s'auto-glorifie sans s'en douter à
cultiver les idéalités à l'école
desquelles il se vassalise en retour. La
notion d'auto-asservissement à la force
sous le masque des idéalités trompeuses
domestique la créature en retour et
donne toute sa profondeur
anthropologique à la notion de servitude
volontaire explicitée par Etienne de la
Boétie. On l'a bien vu au spectacle des
larmes des défenseurs d'Hillary Clinton:
ils étaient visiblement sincères dans
leur déploration de l'effondrement du
paradis démocratique promis par la
candidate.
Mais
il y a plus: pourquoi Jules César
éprouve-t-il le besoin de souligner que
l'homme croit aisément ce qu'il désire,
sinon parce qu'il s'agit d'une clé
universelle de la politique. Or, la
politique n'est pas seulement
euphorisante par nature et par
définition, c'est parce que les chefs
d'Etat sont des anthropologues naturels.
Ils sont en mesure de mettre l'humanité
à l'école et à l'écoute de ses songes.
La
compréhension du contenu inconscient de
ces rêveries nous révèle la véritable
profondeur de la politique. "Du haut
de ces pyramides, quarante siècles vous
contemplent" s'écrie Napoléon.
Pourquoi ces mots galvanisent-ils des
troupes qui n'ont jamais entendu parler
des pyramides et qui ignorent le sens
spirituels du verbe contempler. Dans
Quinte-Curce, Alexandre avoue qu'il est
ivre de sa propre gloire et que ses
soldats ne sont que des instruments de
son rêve d'éterniser sa mémoire de
conquérant.
C'est
pourquoi Donald Trump, dont on n'a pas
encore compris la trempe, et qui passe
pour un esprit rustique, s'est écrié "qu'il
n'y a pas de rêve trop grand" car
cet homme d'Etat a compris d'emblée et
mieux que personne, que le rêve est
la clé de l'humanité et de son
histoire. Et c'est la même leçon de
politique du songe que celle de Napoléon
ou d'Alexandre qu'il donne à la
géopolitique des Etats messianisés par
le mythe démocratique et par ses
missiles.
On
voit que dans une anthropologie critique
fondée sur la notion de servitude
volontaire, il sera bien impossible de
jamais comprendre une espèce que ses
songes domestiquent en retour et pour sa
plus grande gloire. S'il n'en était pas
ainsi, comment serait-il explicable que,
depuis des millénaires, notre espèce
s'imagine que l'univers serait peuplé de
personnages fantastiques que les Anciens
appelaient des Immortels et qui
ripaillaient sur l'Olympe? S'il n'en
était pas ainsi, comment trois dieux
uniques, Jahvé, Allah et le Dieu
trinitaire des chrétiens auraient-ils
échangé peu à peu leur existence
physique en une existence idéalement
vaporeuse? S'il n'en était pas ainsi,
comment les théologies respectives de
ces trois personnages seraient-elles
radicalement incompatibles entre elles
sans que cette absurdité dérange les
croyants le moins du monde? S'il n'en
était pas ainsi, comment une peuplade
dispersée a -t-elle été habitée par le
désir de se regrouper sur une "terre
promise" et comment imposerait-elle
encore de nos jours la politique de ses
songes à la planète tout entière?
En
vérité, le Président des Etats-Unis,
Donald Trump, obéit à son tour à son
rêve, celui de fonder le capitalisme sur
le rêve de justice du socialisme? Son
rêve de justice le conduit à déclarer
que le but de son apostolat patriotique
n'est autre que de "ressusciter le
rêve américain".
Plus
que jamais, la vraie postérité d'Etienne
de la Boétie s'inscrit dans une
psychanalyse de l'histoire et de la
politique que Freud n'a fait
qu'esquisser, tellement une espèce
livrée de naissance à des personnages
imaginaires est loin de nous avoir livré
ses secrets .
Le18
novembre 2016
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