Opinion
Remarques sur la mort politique
de François Hollande
Manuel de Diéguez
Manuel de
Diéguez
Vendredi mars 2016
Notre époque exige
une vraie radiographie de la différence
qui sépare l'impuissance politique de la
paralysie générale.
Quand M. Barack
Obama menace M. Hollande de lui déverser
une tonne de briques sur la tête et
inflige à la BNP une amende de neuf
milliards de dollars, c'est par
infirmité politique que le Président de
la République plie sous le joug. Mais
quand, dans le même temps, il se laisse
persuader que la justice et le droit se
trouvent du côté de la massue la plus
lourde, il passe de l'infirmité au
néant.
Quand M. Hollande
renonce, sous le poids de Washington à
livrer à la Russie deux navires de
guerre commandés et payés aux chantiers
de Saint-Nazaire et qu'il s'inquiète
seulement de trouver un "client"
de remplacement, il demeure atteint
d'une invalidité municipale, mais quand
il ne voit pas qu'il y va de
l'indépendance de la France sur la scène
du monde et qu'une nation qui a perdu sa
souveraineté n'a plus de destin, c'est
que le néant est devenu son maître.
Quand M. Hollande
ne prévoit pas que les contre-sanctions
russes dresseront le monde rural tout
entier contre lui, qu'il ne pourra se
rendre au salon de l'agriculture
qu'entouré d'une centaine de gardes du
corps et que, de plus, quinze évêques
viendront soutenir la classe sociale qui
a fondé le monde civilisé au sortir du
paléolithique, il ressortit encore à la
banalité de l'impotence. Mais quand le
gourdin le plus noueux brandi par les
agriculteurs en fureur a dépassé la
douleur des coups de fouet de
Washington, seule la crainte d'une
jacquerie nationale lui fait suggérer
une levée des sanctions, donc la
suppression, espère-t-il, des
contre-sanctions russes et il tombe
alors dans le gouffre de l'inexistence.
Le premier
magistrat de France ne saurait se
soumettre à la magistrature de celui qui
menace de flanquer à la France une
raclée plus cuisante encore que la
précédente. N'est-il pas humiliant qu'un
ex-directeur américain du Trésor - M.
Paul Craig Roberts - écrive que l'Europe
devra choisir entre "sa peur de
l'Amérique" et la douleur des
contre-sanctions russes?
Que reste-t-il de
l'Amérique de 1945 si elle inspire à ses
"protégés" une terreur supérieure
à celle qu'inspirait en son temps
l'Union soviétique au monde entier?
Que reste-t-il de
l'Union européenne si gouverner, c'est
prévoir et si les vrais hommes
politiques ont toujours raison avant
tout le monde, mais si, hélas, dans les
démocraties, l'évidence ne devient
jamais majoritaire que trop tard? On
mesurera la puérilité du chef de l'Etat
si l'on se souvient que M. Valls s'est
fait rabrouer pour avoir dit de Mme
Merkel qu'elle avait momentanément
raison, mais qu'elle aura tort demain.
Quand l'Angleterre
et les Etats-Unis, plus associés que
jamais, obtiennent de "superviser"
l'Europe et que le Président de la
République salue comme un "succès"
la suprématie spectaculaire des
Anglo-saxons, il n'y a même plus de
transit entre la faiblesse d'esprit et
l'inexistence politique: c'est le vide
absolu qui triomphe et occupe tout le
champ de la géopolitique.
Quand le Président
de la République réintroduit entièrement
la France dans les organes militaires de
l'OTAN, son ignorance et sa cécité
peuvent encore passer pour ressortir à
la médiocrité politique d'un homme
auquel il aura suffi de maigrir de
quelques kilos et de prononcer au
Bourget un discours vibrant rédigé par
un professionnel des promesses
évangéliques de la démocratie et déclamé
avec un lyrisme de commande, sur la
Liberté, l'Egalité et la Fraternité. Ce
comportement peut refléter le niveau
d'incompétence abyssale d'un notable de
province, mais quand il ne voit pas
qu'une France étranglée dans les rets
d'une instance militaire entièrement
dévouée aux intérêts américains se
change en démocratie bananière, il
précipite la France dans l'abîme.
Quand M. Hollande
s'imagine qu'une France nominalement
souveraine est compatible avec la
présence éternelle de cinq cents bases
militaires américaines - de Ramstein en
Allemagne à Syracuse et de Mons aux
abords de la frontière russe - il
incarne une inexistence politique sans
remède pour autant qu'une ombre errante
de Président dans une tour de Babel se
laisse jamais incarner.
Le 11 mars 2016
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