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Les défis de l'Europe

La vassalisation américaine de l'Europe
est-elle réversible ?
III - De l'abaissement à la trahison

Manuel de Diéguez


Manuel de Diéguez

Vendredi 8 mai 2015

1 - Le général Lachès et le général Nicias
2 - L'outrage
3 - Le peuple-roi en tenue de valet
4 - Monsieur le directeur de conscience de la France

5 - La torpille
6 - Accusé, levez-vous
7 - Le cheval de Troie allemand

8 - La géopolitique et la métazoologie

9 - Le sang d'une mascarade
10 - Votre devoir patriotique
11 - Qu'est-ce que le courage politique ?


Lettre philosophique au Président de l'Assemblée national
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Monsieur le Président,

1 - Le général Lachès et le général Nicias

Sans doute vous étonnerez-vous de ce qu'une lettre destinée au personnage de haut rang dont vous incarnez la solennité au sein de la République lui soit adressée au nom de la discipline socratique, comme si vos responsabilités publiques n'étaient pas d'ordre politique au premier chef. Mais il se trouve que votre voeu de soumettre au Parlement un projet de loi qui punirait d'une amende patriotique les citoyens qui s'en iraient pêcher à la ligne le dimanche plutôt que d'accomplir un devoir électoral devenu le complice de l'abaissement de la France sur la scène internationale, il se trouve, dis-je, que votre volonté répressive se révèle tellement sacrilège qu'elle pose, depuis Platon la question de savoir pour quelles raisons vous n'avez pas posé votre question sur son véritable échiquier. Car la première difficulté que rencontre la philosophie est dans le refus de cette discipline de se soumettre d'avance au vocabulaire falsifié des interrogateurs qui posent la question tout de travers. La logique se contente de demander aux questionneurs s'ils ont pris conscience des paramètres et des coordonnées qui seuls placeraient leur curiosité sur le terrain du bon sens.

Prenez la question inquiète que le Général Lachès et le Général Nicias soumettaient à l'attention de Socrate: tous deux se tourmentent pour savoir si l'enseignement traditionnel de l'escrime est indispensable ou du moins utile à l'entraînement de la jeunesse athénienne à la guerre. L'homme auquel le poison de la vérité fera boire la coupe de la mort leur répond sans ambages qu'ils ont domicilié leur question dans un logis inapproprié à son contenu et que leur gargote gâte d'emblée le nectar de la philosophie, puisqu'il fallait se demander au préalable si le courage militaire, qui est l'âme des batailles, doit s'habiller en bête sauvage et revêtir la pelisse du tigre ou du lion, ou user de l'habileté des escrimeurs. Or, le fil et le tranchant de l'intelligence sont ceux de deux épées de la pensée, celle de la logique et celle de la dialectique. Si les armes de la guerre sont au service de la lucidité, qu'en est-il du type de cervelle que la patrie requiert du soldat appelé à en découdre avec l'ennemi?

Ce débat a traversé vingt-cinq siècles de l'histoire cérébrale des batailles; elle a désormais pris rendez-vous avec le génie des stratèges qui se demandent si l'auto-pulvérisation instantanée des bêtes sauvages de l'un et de l'autre camp que permet maintenant la férocité aveugle de l'arme atomique doit reposer sur les feintes et les ruses de l'escrimeur aux prises avec une foudre plus puissante que celle de Zeus, mais, malheureusement, disproportionnée à notre poussière.

2 - L'outrage

C'est ainsi, M. le Président, que votre question sur l'opportunité de se rabattre sur l'escarcelle des malandrins qui refuseraient d'aller voter sur un échiquier truqué pose à la France la même question que Lachès et Nicias posaient à Socrate, celle de savoir si le suffrage de la nation, tel que vous le concevez, soustrait ce rite massif à l'arène qu'appelle la connaissance rationnelle des enjeux auxquels la scène internationale du XXIe siècle sert de théâtre.

Bien plus: est-ce demander aux Français d'accomplir leur devoir civique avec la compétence que le monde réclame de l'électorat d'aujourd'hui, alors que le candidat de droite, de gauche ou du centre qui se présente à leurs suffrages se dérobe à la question posée par Socrate, qui voudrait savoir quelle science des batailles le vote populaire attend du vote populaire et le corps électoral du corps électoral. Car, vous n'ignorez pas qu'au cours de son dialogue annuel avec des centaines de milliers de citoyens russes qui lui posent tantôt des questions focales, tantôt teintées d'humour, M. Vladimir Poutine a visé le vrai totem. Qu'a répondu ce chasseur, tenu par un aréopage planétaire de connaisseurs et pour la troisième année consécutive, pour l'archer le plus puissant, le plus compétent et le plus expérimenté du monde, qu'a répondu, je vous le demande, cet oracle à une citoyenne qui lui demandait candidement pourquoi, le 9 mai, les principaux dirigeants européens ne viendront pas, comme chaque année, célébrer à Moscou la victoire de 1945 de la Russie sur le nazisme? Vous a-t-on informé de ce que M. Poutine lui a répondu crûment? "Ces dirigeants-là n'ont pas pris leur décision de leur propre autorité et sur les planches de leur théâtre à eux: ils se sont pliés à l'interdiction vigoureuse que Washington a adressée à leur nation d'assister à notre cérémonie traditionnelle sur la Place Rouge." La flèche pouvait-elle mieux se planter au cœur de la cible?

3 - Le peuple-roi en tenue de valet

Croyez-vous, M. le Président, que le vote des archers de la France d'aujourd'hui exprime la volonté du souverain que ce peuple était à lui-même avant-hier? Croyez-vous que le suffrage de cette nation dispose encore des prérogatives et des apanages inhérents à une démocratie de bons tireurs, dès lors que les électeurs ne sont informés, ni par la plume des journalistes, ni par l'image télévisuelle, ni par la voix des ondes, et encore moins de la bouche de leurs dirigeants de ce que M. Poutine a fait connaître au monde entier cette déshérence des Républiques modernes? Savez-vous que la majorité des Français se rend compte de ce que le Président de leur République n'est plus qu'un exécutant docile des ordres que lui intime l'étranger et qu'il en reçoit les consignes dans la langue de Shakespeare? Savez-vous que le peuple français jette solennellement son bulletin dans le vide?

4 - Monsieur le directeur de conscience de la France

Comment la population française ne saurait-elle pas que les députés de l'opposition eux-mêmes reçoivent désormais leur feuille de route de vos mains? N'avez-vous pas trempé votre plume dans l'encrier du suffrage universel pour demander nommément à M. Jacques Myard, l'un des esprits les plus pénétrants de l'Assemblée nationale et député UMP - il n'avait pas hésité à rencontrer le Président Assad en Syrie - de renoncer, avec quinze de ses collègues de la minorité, à rendre visite à la Douma et au Président Poutine? Comme vous ne sauriez représenter la volonté d'un Etat contrefait, mais seulement celle d'un peuple souverain et de ses représentants sur la scène internationale, je suis sûr que vous avez consulté au préalable les autorités concernées et que vous avez dûment vérifié votre habilitation constitutionnelle à contrôler les déplacements des élus de la nation sur la mappemonde.

Mais pensez-vous, M. le directeur de conscience du peuple français, ce qu'il arriverait sous le soleil si vous rappeliez avec courage à la Gaule et aux Gaulois que seul un Etat de pacotille et une classe dirigeante réduite à une pavane politique enrubannée par sa vassalité peuvent oublier qu'on ne dirige pas un pays auréolé du titre de République si la classe politique et le chef de l'Etat se montrent publiquement asservis à une mascarade électorale et si le choix véritable qui s'impose au vote de ce type de nation doit se trouver précédé d'une initiation à l'escrime? Car il s'agit de rien moins que de soumettre à la sagesse de Socrate la question de savoir si le peuple-roi peut se présenter sur la scène internationale sous les dentelles d'un domestique de la cour ou s'il doit se comporter en souverain dans l'arène de la vie et de la mort des nations.

5 - La torpille

Mais si telle est la question à poser aux citoyens socratiques de notre temps et si la dignité humaine sera le tribunal millénaire habilité à prononcer le verdict, alors nous nous trouvons renvoyés plus que jamais à la question de la validation de la République actuelle et de la légitimation de l'Etat dont elle s'enrobe.

Car, disait Socrate, surnommé La Torpille, du nom d'un poisson tétanisant, le "courage" ignorant et stupide des bêtes sauvages se révèle inefficace aussi bien sur le champ de bataille que sur l'agora, tellement le terme de "courage" ne convient pas aux fauves, mais exclusivement au genre humain, tellement il s'accompagne nécessairement d'un raisonnement. Mais si l'on ne remporte jamais de victoire digne de la raison qu'avec le secours des armes de la pensée logique, toute défaite militaire masquera une stratégie de la sottise - et il faudra quelquefois remonter le cours du temps pour en découvrir la stupidité en amont.

Il s'agit donc de savoir si, dans un monde où l'échiquier démocratique est devenu international et où les républiques sont condamnées à se rendre rationnelles à l'échelle du monde, un peuple peut se trouver convié à s'instruire de l'art de terrasser les lois féroces. Autrement dit, le cirque du monde réel sera-t-il porté sur les fonts baptismaux du type d'intelligence que notre temps attend de la planétarisation de la vocation politique du genre humain? Et comme il se trouve que, depuis deux millénaires et demi, la vocation mondiale de la philosophie occidentale l'appelle à poser la question socratique de l'éducation cérébrale qu'il convient de donner au genre humain tout entier, il se trouve, que votre petit projet répressif et à l'échelle locale a basculé dans le tragique de l'histoire de l'Europe, tellement la question que vous ne posez qu'à l'échelle régionale se trouve disqualifiée d'avance: car il ne s'agit plus de savoir s'il faut empêcher les citoyens de pêcher à la ligne, mais s'il faut apprendre au peuple souverain à poser l'encéphale de ses dirigeants sur les plateaux de la balance de Socrate la Méduse, en lequel Montaigne voyait le plus grand homme de tous les temps.

6 - Accusé, levez-vous

Dans ce cas, M. le Président, nous nous demanderons, en bretteurs initiés à l'escrime intellectuelle des logiciens et des dialecticiens si, oui, ou non, M. le Président de la République s'est vu crûment interdire par Washington de transporter son ossature à Moscou le 9 mai et si, par conséquent, il conduit le peuple français à la vassalisation de ses suffrages, ou s'il est erroné de soutenir qu'il aurait placé ses organes physiques sous les ordres d'un Etat étranger. Et puisque l'éducation actuelle du corps électoral de la France lui interdit de se trouver dûment informé de ce qui lui arrive et de comprendre ce qui se passe sur la scène internationale, la question décisive de la souveraineté ou de la servitude de la charpente du Président de la République glissera-t-elle hors des mains du peuple français?

Inspectons les lieux, dressons l'inventaire et écoutons le procureur: le 6 juin 2014, M. Hollande avait commencé d'informer le peuple français de la gigantesque falsification de l'histoire de la seconde guerre mondiale dont la classe dirigeante du pays s'était rendue complice, donc coupable, elle dont la passivité et la complaisance avaient permis de poser la couronne de lauriers de la victoire de la démocratie mondiale sur la tête des seuls Etats-Unis d'Amérique, alors que, sans la contre offensive russe, l'armée allemande, comme il est aujourd'hui démontré, alors commandée par le Général von Keitel, aurait purement et simplement rejeté les troupes américaines à la mer. Telle est la raison pour laquelle cet aristocrate allemand a été condamné à mort pour un crime de guerre imaginaire par le Tribunal de Nuremberg.

Poursuivons l'examen du dossier de l'avocat général: le 5 juin 2014, M. Hollande avait reçu M. Poutine en grande pompe à l'Elysée, tandis qu'il s'était contenté d'inviter M. Obama à dîner dans un restaurant de luxe. De plus, il avait habilement profité de la visite d'Etat de la reine Elisabeth II pour lui faire descendre les Champs Elysées, ce qui avait privé le Président Obama des fastes du protocole le plus solennel dont dispose la République. Puis, à l'occasion de son retour du Kazakhstan, ce Président français s'était arrêté à Moscou, où il avait chaleureusement serré M. Vladimir Poutine dans ses bras, ce qui était incompatible avec le degré de pestifération dont ce lépreux était censé se trouver affligé, tellement les Etats-Unis de l'époque divisaient encore souverainement le monde entre les damnés et les bienheureux; et ce coup de tonnerre diplomatique avait conduit à des accords secrets entre le vice-ministre russe des Affaires étrangères Alexeï Mechkov et le directeur général des affaires politiques et de sécurité du Quai d'Orsay, Nicolas de Rivière.

Mais ce n'est pas tout: M. Hollande avait entraîné Mme Merkel à Moscou afin d'y conclure les accords de Minsk 2 sur l'Ukraine; et il avait aidé M. Poutine à faire apposer le sceau du Conseil de Sécurité in corpore, y compris celui de M. Obama, sur des accords dès lors garantis par la plus haute autorité internationale. Et maintenant, pensez-vous vraiment que le Président de la République française aurait soudainement, spontanément et délibérément fait volte face et renié toute sa politique étrangère depuis près d'un an s'il n'avait reçu l'ordre exprès et impérieux de Washington de tourner casaque?

Croyez-vous qu'une puissance étrangère en mesure d'interdire tout net à la France de livrer à la Russie les navires de guerre Mistral construits aux ateliers navals de Saint-Nazaire ne tiendrait pas entre les mains un fouet aux lanières suffisamment douloureuses pour empêcher M. Hollande de monter dans un avion en partance pour Moscou ? Qui peut le plus peut le moins.

7 - Le cheval de Troie allemand

Savez-vous que Washington envoie discrètement des émissaires aux plus petits Etats de l'Europe pour leur enjoindre fermement de déserter Moscou le 9 mai ? Savez-vous que la Macédoine a répondu à la Maison Blanche qu'il est discourtois d'envoyer des donneurs de conseils à des Etats qui n'ont rien demandé de ce genre? Savez-vous qu'Airbus, dirigé par un Allemand, a engagé rien moins qu'une enquête criminelle contre les services secrets de son propre pays, qui ont espionné la compagnie aérienne, ainsi que l'entreprise Eurocopter, au profit de Boeing? Savez-vous que cet espionnage au profit de la NSA américaine s'est étendu à de nombreuses sociétés industrielles françaises, ainsi qu'à plusieurs hauts fonctionnaires lovés à l'Elysée même ? Savez-vous que la Chancelière était dûment informée de tout cela?

A une question sur les relations diplomatiques de Moscou avec une Europe alliée aux dictateurs arabes du Golfe pour la seule défense des intérêts d'Israël au Moyen-Orient, le Président Poutine a asséné: "Il est difficile de parler à des gens qui chuchotent même entre eux de peur des écoutes américaines." Le chef du Kremlin plaisantait d'autant moins que nous sommes désormais trahis par une Allemagne atlantiste depuis 1945. Croyez-vous qu'à l'heure où tous les dirigeants européens se révèlent auxiliaires de la CIA et de la NSA, seul M. Hollande n'aurait pas été sommé de rester piteusement au logis le 9 mai? Dites-le-nous clairement, M. le Président, avez-vous été espionné au profit des Etats-Unis? L'êtes-vous encore? Sinon, quand votre surveillance a-t-elle cessé? Quels sont les moyens physiques dont dispose Washington pour imposer une gigantesque omerta à toute la classe dirigeante française et européenne? Pourquoi M. Yves Pozzo di Borgo, vice-Président de la Commission des affaires étrangères du Sénat, dénonce-t-il la capitulation diplomatique de M. Hollande sans évoquer en rien la question de la vassalité de la France et en feignant de croire que M. Hollande serait libre de ses choix?

8 - La géopolitique et la métazoologie

M. le Président, informez clairement les Français désormais entassés sur les bas-côtés de la route de ce que le corps électoral européen tout entier se trouve maintenant composé de nations massivement écartées de l'histoire réelle de la planète. Dites à vos concitoyens que le suffrage universel n'est plus la véritable arène des siècles de l'action politique et que de gigantesques plaques telluriques se déplacent dans les profondeurs des nations, dites au pays qu'une Europe occupée par cinq cents bases militaires et places fortes américaines depuis soixante-dix ans n'est plus qu'un vaste cirque de serfs et de vassaux du Nouveau Monde.

Dites fermement aux Français que tout homme politique qui ne dénonce pas jour après jour et inlassablement l'incrustation d'un demi-millier forteresses américaines en Europe se rend coupable de haute trahison. Dites clairement au pays que toute la classe politique européenne se révèle complice de la plus gigantesque mascarade de tous les temps depuis qu'elle a introduit dans la Constitution même de l'Europe, c'est-à-dire dans la loi fondamentale commune aux démocraties du monde entier, le principe extraordinaire selon lequel l'occupation militaire américaine sera perpétuelle et que votre complicité hallucinante s'étalera au grand jour, puisque vous avez fait graver une gigantesque omerta internationale dans le traité de Lisbonne.

9 - Le sang d'une mascarade

Avouerez-vous aux électeurs que, ce mois-ci, et pour la première fois dans l'histoire du globe terrestre, une force navale composée de neuf navires de guerre chinois et russes viendra gentiment et en toute innocence s'exercer à des manœuvres en Méditerranée? La Chine compte un milliard trois cent millions d'habitants, mais elle n'alignera que trois forteresses flottantes, parce que cette puissance redevenue planétaire tout récemment trace ses premiers sillons sur la mer depuis les expéditions au XVe siècle du grand amiral Zheng He, tandis que la Russie, qui ne compte que cent cinquante millions d'habitants en alignera six. La flotte chinoise passera librement un canal de Suez qui appartient à l'Egypte depuis le 26 juillet 1956. Quant à la flotte russe de la mer Noire, elle se trouve, depuis le XVIIIe siècle, à deux pas de la Méditerranée, à Sébastopol, mais elle retrouvera bientôt Odessa.

Quelle est la signification symbolique de la stratégie contemporaine des songes marins de l'humanité, puisque le symbolique débarque sur la terre et demeure seul réel dans un monde redevenu aussi onirique qu'au Moyen-Age? Rien d'autre que de figurer, par l'image, la cécité politique et militaire d'une Europe fondée sur le mythe trompeur de la souveraineté du suffrage universel. Car ces manœuvres navales sont un jeu dont le songe démocratique mène la danse avec sa propre effigie, donc un amusement diplomatique dont le dérisoire souligne paradoxalement le tragique. Car l'heure a sonné où les simulacres parlent plus haut et plus fort que les évènements. Une éloquente mascarade sonne de la trompette, et le grand guignol du salut révèle les vrais enjeux de la représentation mythique.

Ecoutez les nouveaux tambours de Clio: ils nous rappellent que l'empire américain se sait le seul propriétaire effectif de la Méditerranée et que Naples ou Syracuse sont devenus des ports américains sous le sceptre du droit international actuellement en vigueur. Puisque l'histoire du monde physique repose sur les pilotis d'une fiction juridique de cette envergure, la Russie et la Chine espèrent seulement, mais en riant sous cape, que les yeux lourds de sommeil de l'Europe s'ouvriront quelque peu sur les dessous de cette vaste fiction et qu'ils se verront un peu mieux dans le rôle de la cinquième roue du carrosse de leurs idéalités. Le spectacle de cette galéjade internationale fera sonner à toute volée la cloche d'une Europe piteusement congédiée de la Méditerranée. Mais savez-vous, M. le Président, qu'aux yeux de Pékin et de Moscou, le danger n'est pas entièrement écarté que Washington profite de ce déchirement du voile pour serrer davantage ses chers vassaux sur son cœur et pour tenter de les mettre en mouvement, non point contre leur maître, mais contre la perfide menace d'une prétendue invasion de l'Europe par deux géants de l'Asie?

Moscou et Pékin ont d'ores et déjà conjuré ce péril : ils ont annoncé à grands cris qu'aucune tierce puissance n'est visée par cette opérette et qu'il ne s'agira nullement de bousculer le jeu de cartes dans la région - mais ce prétendu équilibre est celui de la honte de l'Europe. Décidément, l'ironie socratique est du voyage: la Torpille nous accompagnera jusqu'au port où les Hercule de la planète s'amusent à feindre de se défier entre eux.

10 - Votre devoir patriotique

Voyez combien la question de Lachès et de Nicias s'est changée en un boomerang politique à l'échelle du monde: il suffirait que le droit de vote fût placé sur l' échiquier où son propre mythe le défie pour que toute la classe dirigeante d'une France censée pilotée par le suffrage universel fût assignée à comparaître devant les tribunaux d'épuration de ses songes d'enfant. Le caractère patriotique de votre fonction vous conjure de porter votre regard sur les vapeurs de la servitude qui montent dans le ciel de la France. Puisse votre vocation officielle de garant du suffrage national exorciser une gigantesque mascarade démocratique. Demandez au Parlement d'informer le peuple français de ce que les institutions devraient se présenter en moteurs réels des Etats et de ce que leur mission n'est autre que d'exercer la souveraineté de la nation sur une scène internationale à soustraire aux contes de fée de la démocratie mondiale.

Informez d'urgence et vaillamment le peuple français de ce que l'histoire réelle n'est pas une bande dessinée et de ce que le suffrage soi-disant universel est devenu l'instrument tout local de la vassalisation du pays. Sinon vous vous montrerez solidaire d'une République dont le troisième personnage de l'Etat se sera mis à son tour au service des intérêts désormais étendus à tout le globe terrestre d'un empire surgi tout récemment d'au-delà des mers. Serez-vous un gendarme averti des droits, des pouvoirs et du rang du peuple souverain ou seulement le gardien docile de l'ignorance et de l'incompétence d'un fantôme d'Assemblée nationale? Contraindrez-vous les Français à ne courir aux urnes qu'à l'occasion de leurs élections régionales ou bien les informerez-vous de la mascarade planétaire dans laquelle on les appelle à jouer les figurants?

Vous portez une bannière longtemps souillée par l'occupant, celle de l'assemblée des élus d'une nation que sa victoire de 1945 a vassalisée en retour. La souveraineté du pays se trouve symboliquement salie entre vos mains. Pendant des siècles, tous les vrais historiens feront de vous le paradigme de la démission d'une France placée sous le joug de l'étranger par la gauche. Mais ces historiens-là auront si bien progressé dans la connaissance des détoisonnés qu'ils porteront sur le genre humain un regard d'anthropologues chevronnés. Ils diront qu'il aura fallu attendre 2015 pour que la science historique mondiale appelât pour la première fois les serviteurs de Clio à observer de l'extérieur l'animalité spécifique dont la cervelle des semi évadés de la zoologie demeure entachée. Alors seulement les spécimens représentatifs de l'animal saignant à l'écoute de ses songes ont été cloués sur la planche anatomique du destin du monde; et le monde s'est révélé jalonné de témoins des bâts ou de la fierté des Etats.

Mais savez-vous, M. le Président de l'Assemblée des représentants du peuple français, que tout cela n'est encore que la surface émergée de l'iceberg ? Savez- vous que la vassalisation de la France trouvera un champ d'expansion d'autant plus ouvert devant elle que le Président de la République s'est rallié, en échange de quelques avions Rafale, à la guerre à mort de Tel Aviv contre la Syrie et l'Iran? Savez-vous que Pékin, Moscou, Téhéran, et demain New-Delhi, ont aussitôt scellé une alliance universelle contre ce gigantesque changement de cap de la politique internationale et que le déplacement du centre de gravité de la planète en direction des seuls intérêts stratégiques d'Israël au Moyen-Orient ne sera qu'accéléré par le rejet progressif de la Russie vers l'Est? Savez-vous qu'une Europe qui aura rompu les ponts avec la Russie issue du siècle des Lumières se réduira à servir de jambe de bois à l'Amérique.

11 - Qu'est-ce que le courage politique ?

Telles sont, M. le Président, les considérations à l'échelle de la planète qu'appelle votre projet de conduire le corps électoral infantilisé, rabougri et falsifié des Français à la vassalité politique. Mais quel est l'espoir dont s'inspirent les logiciens de la France cartésienne? Que, dans un dernier sursaut, l'Assemblée nationale aidera l'élite politique du pays à rappeler aux citoyens que les vraies Républiques sont dirigées par des têtes bien faites et que les classes dirigeantes des démocraties sont les phalanges d'avant-garde de l'humanité. Votre fonction vous place au carrefour symbolique où la nation fait entendre sa voix à l'Etat et la République sa voix au peuple français.

Mais, alors, M. le Président, Socrate ne demandait-il pas à Lachès et à Nicias de préciser la nature du courage intelligent des Athéniens? Cette vaillance commune au peuple et aux archontes, insistait-il, doit se montrer parallèlement sur le champ de bataille et sur l'agora. L'ultime secret des peuples courageux et des nations éveillées serait-il le même que celui de la philosophie? Cette discipline voudrait élever le cerveau demeuré embryonnaire et superficiel de l'humanité et de ses dirigeants au rang d'un guide digne de l'histoire sommitale du monde. Mais, dans ce cas, sachez, M. le Président, que vous n'en avez pas terminé avec la Torpille.

Il est erroné, dirait Socrate, de prétendre que deux précautions valent mieux qu'une et que ce qui va sans dire ira mieux encore en le disant; car la géopolitique est une chose, la métazoologie moderne en est une autre. Qu'une Amérique superficielle tente de déplacer le centre de gravité d'une planète de la sottise du côté des relations locales et dérisoires de la Russie avec l'Ukraine ressortit à la géopolitique d'autrefois; mais qu'un demi-milliard d'Européens s'imaginent que la victoire de 1945 sur le nazisme les aurait fait débarquer en masse dans le jardin d'enfants d'une démocratie universelle où tout le monde, il est beau, il est gentil, voilà qui ressortit à une métazoologie abyssale de l'histoire et de la politique d'Alice au pays des merveilles; et la métazoologie exige un déchiffrage anthropologique des songes politico-religieux des semi-évadés du règne animal.

M. le Président des songes d'un République du ridicule intellectuel, sortez de la politologie mythologique du Moyen-âge des démocraties de l'abstrait, réfutez votre propre effigie de séraphin de la Liberté, dessinez un autre portrait de la France politique. Le peuple français vous regarde droit dans les yeux; et il vous demande d'apprendre à regarder la France dans un autre miroir de l'histoire et de la politique que celui de l'étranger.

Le 8 mai 2015

 

 

   

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Source : Manuel de Diéguez
http://www.dieguez-philosophe.com/

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