Qu'est-ce que
philosopher?
De la stupidité de l'Europe
à le servitude volontaire d'un continent
Manuel de Diéguez
Manuel de
Diéguez
Vendredi 4 novembre 2016
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Préambule
1 - La stupidité est
la clé de la
servitude
2 - De la stupidité
à la folie
3 - La folie et la
croyance
4 - La folie
politique
5 - En attente d'une
révolution
scientifique
6 - Les
monothéismes,
ennemis de la raison
scientifique
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Préambule
C'est
sous nos yeux que la planète de la
science politique et de la science
historique est en passe de changer de
plate-forme cérébrale, d'échiquier et de
champ de manœuvre.
Quand
M. Alain Juppé croit inaugurer la "démocratie
heureuse", nous découvrons qu'il
métamorphose sans le comprendre la
démocratie en une manière d'ange Gabriel
de la République et que notre cerveau
est demeuré celui qui commandait
l'astronomie de Ptolémée.
La
lucidité du genre humain progresse par
saccades. Quand nous aurons appris à
observer la bête parlante en sa giration
perpétuelle autour de son propre
encéphale, nous aurons conquis le recul
de la raison de demain et nous
connaîtrons les arcanes de la vraie
postérité d'Etienne de la Boétie, donc
les ressorts et les engrenages de notre
"servitude volontaire" à
l'échelle de la planète.
Un
préambule est une ambulation prospective
et un discours de la méthode. Le lecteur
trouvera dans le texte ci-dessous
quelques lignes directrices d'une
observation de la démence d'une humanité
oscillante entre ses délires et ses
carnages.
1 - La stupidité
est la clé de la servitude
Mme
Maria Zarharova, porte-paroles du
ministre russe des affaires étrangères,
Sergei Lavrov, a fait une déclaration
retentissante: "La stupidité est pire
que le terrorisme". Elle aurait pu
ajouter que la stupidité est la clé de
la vassalité, donc de la servitude
volontaire.
Nous
en avons un exemple ahurissant avec la
stupidité qui fait dire subitement aux
vassaux groupés sous le sceptre et le
joug de l'OTAN, donc des Etats-Unis, que
tout bombardement des zones de guerre
qui provoquerait la mort de civils
serait qualifié de crime de guerre alors
que, depuis les origines, on n'a jamais
vu aucune armée libérer ou conquérir une
ville sans entraîner, hélas, des
victimes civiles que, pour leur compte,
les Etats-Unis qualifient simplement de
"victimes collatérales".
Quand
Enée emporte son père Anchise sur son
dos, il entend le protéger du sort d'une
"victime collatérale" dont le vieillard
se trouve évidemment menacé. C'est
pourquoi les Etats-Unis se gardent bien,
pour leur part, de s'appliquer une
disposition qu'ils n'entendent appliquer
qu'à leurs adversaires.
La
stupidité du genre humain est donc la
source d'une gigantesque falsification
de l'histoire. Ce n'est pas depuis le
bombardement de Paris par la grosse
Bertha en 1870, c'est depuis le
paléolithique que les "dommages
collatéraux" se révèlent, hélas,
inévitables, c'est depuis les origines
de l'histoire que la sottise, alliée à
naïveté, qu'évoque Mme Zakharova, se
révèle, hélas, pire que le terrorisme.
C'est
pourquoi la servitude évoquée par
Etienne de la Boétie, se montre la clé
de l'histoire guerrière du genre humain,
puisque la première des servitudes n'est
autre que la soumission à une divinité
fort guerrière, elle aussi, dont le
premier exploit religieux fut de noyer
toute l'humanité sous les eaux d'un "
Déluge" : on sait que ce premier
assassinat collectif des peuples de
l'époque n'a laissé survivre, dit la
légende sacrée, qu'un certain Noé et que
la divinité vengeresse aurait ensuite
chargé de construire en toute hâte une
arche du salut afin d'y loger un couple
de tous les animaux.
2 - De la
stupidité à la folie
De nos
jours, la stupidité n'a plus de limites
puisque l'Amérique et ses serviteurs
menacent leurs adversaires de les faire
comparaître à la barre d'un tribunal
international à leur botte. Décidément,
Mme Zakharova aurait mieux fait
d'accuser la stupidité humaine
d'enfanter la servitude volontaire
plutôt que le seul terrorisme, puisque
c'est la foi religieuse elle-même qui
enfante la pire des servitudes, celle
d'une piété vengeresse.
De
plus, il est impossible à M. Poutine de
démontrer l'alliance de la servitude
volontaire avec la folie. Quand le chef
d'Etat major du premier empire militaire
mondial déclare tout de go à la Russie
et à la Chine : "Nous vous
détruirons" et qu'il ajoute,
dans la foulée: "Nous allons vous
stopper et nous allons vous battre plus
durement que vous ne l'avez jamais été
auparavant".
L'ironique Eloge de la folie
d'Erasme et la Nef des fous
de Jérôme Bosch se trouvent
dépassés. Nous devons donc avouer que
notre connaissance de la bête parlante
est demeurée tragiquement insuffisante,
puisque nous ne savons pas s'il s'agit
d'un cas de folie délirante ou d'une
sottise herculéenne.
En
tant que responsable du statut et du
rang de la Russie, sur la scène
internationale, M. Poutine se trouve
dans l'impossibilité politique de
théoriser la folie humaine à la lumière
d'une psychanalyse de l'histoire. Car il
n'y a pas de possibilité d'opposition au
sens rationaliste et moderne du terme au
Président Al-Assad dans une Syrie qui se
veut unie, mais qui demeure entièrement
entre les mains de multiples courants
théologiques et cela bien que le parti
Baas actuellement au pouvoir se déclare
laïc. Car une laïcité non comprise à la
lumière d'une anthropologie critique
n'est qu'un bouche-trou et un alibi.
3 - La folie et la
croyance
Ne
nous laissons pas tromper par l'ombre
seulement d'une laïcité esquissée par
Kemal Ataturk en Turquie. Croire que
l'opposition censée "modérée"
serait laïque est une absurdité: les "opposants"
syriens qualifiés de "modéré"
sont des croyants comme tout le monde en
Syrie, et cela M. Poutine ne peut le
dire en public, hélas, puisque la
religion orthodoxe, lui interdit de
mettre l'accent sur la dimension
théologique de la Russie et cela bien
que Constitution russe ne soit pas
religieuse.
Quand
le Coran dit que l'encre
du savant est aussi précieuse que le
sang des martyrs, le prophète Muhammad
n'imaginait pas un seul instant qu'une
raison prise au sérieux en viendrait à
contester l'existence physique d'un ange
Gabriel voletant dans l'espace. De même,
quand les chrétiens feignent de mettre à
la charge de la raison la quête de son
intellect - "fides quaerens
intellectum", "la foi à la
recherche de son intellect" - le
christianisme n'envisage pas non plus un
seul instant qu'une raison prise au
sérieux réfuterait le Dieu trinitaire.
Pour
comprendre la situation dans laquelle M.
Poutine lui-même se trouve prisonnier en
tant que tributaire de la religion
orthodoxe qu'il a vocation non seulement
de défendre, mais d'illustrer, il faut
observer que cette religion se trouve
elle-même dépendante des deux courants
principaux propres à tous les
monothéismes qui se divisent entre le
courant que symbolise le sunnisme et
celui que figure le shiisme.
4 - La folie
politique
Aussi
M. Poutine ne dispose-t-il pas des
moyens rationnels d'interpréter la
déclaration hallucinante du chef d'Etat
major des Etats-Unis d'Amérique et il se
trouve dépourvu des moyens d'interpréter
la folie politique de la manière que
j'ai explicitée plus haut. Comment
tenterait-il de comprendre cette
déclaration agressive s'il ne saurait
peser à nouveaux frais la folie
spécifique de notre espèce? La raison
d'aujourd'hui est appelée à peser à
nouveaux frais la démence spécifique de
la bête parlante, car l'animal onirique
oscille entre la folie délirante et la
stupidité titanesque.
Comment un chef d'Etat dirigerait-il sa
nation à l'écoute de l'anthropologie
moderne s'il est condamné à demeurer
sans voix face à une menace pure et
simple de détruire la Russie et la
Chine? Il y faut un regard entièrement
nouveau sur l'histoire et sur la
politique, il y faut un regard
révolutionnaire sur les mythes sacrés,
il lui faut changer de cerveau et cela
demeure pour l'instant incompatible avec
l'idée même que M. Poutine se fait
encore de la politique et de l'histoire.
Que
l'ignorance et la sottise de l'hôte de
l'Elysée ne suffisent pas à faire
changer de discours à la chanson: "Tout
va très bien Mme la Marquise" demeure
compréhensible. Mais qu'un Alain Juppé
qui passe pour plus lucide et plus
intelligent tombe dans la même
extravagance, voilà qui devrait nous
faire tomber des nues et nous plonger
dans un éberluement sans issue. En
effet, le maire de Bordeaux salue à son
tour la "reprise" et propose la retraite
à 65 ans ainsi que la suppression pure
et simple du "handicap" de l'impôt sur
la fortune, comme si le prix de la main
d'œuvre ne rendait pas nécessairement
invendables les produits qu'appellerait
l'abondance subite et miraculeuse des
commandes. Voilà qui exige un regard
nouveau sur le genre humain et une pesée
entièrement inédite de l'animal "rationale".
Nous
nous trouvons à un tournant de
l'histoire de l'humanité qui nous laisse
bouche bée: ou bien nous portons sur
Adam un regard révolutionnaire, ou bien
nous périssons dans un aveuglement de la
bête que nous n'aurons pas osé peser sur
une balance entièrement à construire.
5 - En attente
d'une révolution scientifique
Nous
sommes à un tournant de la connaissance
rationnelle de notre espèce et ce
tournant est bien plus crucial que celui
de l'astronomie qu'a illustré Copernic.
Car il ne s'agit plus d'anéantir les
convictions bibliques au chapitre des
dispositions d'un démiurge mythique, il
s'agit de peser le cerveau d'un animal
dément sur la balance de l'humanisme de
demain. Celui-ci observera les
empêtrements actuels de la géopolitique
de la manière que requiert la
connaissance anthropologique de la
démence propre à l'animal devenu pseudo
pensant.
Dans
la foi chrétienne, l'aspect réaliste et
pratique du mythe se trouvait illustré
par le catholicisme et par le
fantastique qui lui appartient en
propre. Le fabuleux chrétien trouve son
pendant dans le sunnisme. Les shiites,
en revanche, entendent purifier la foi à
l'image des protestants du XVIe siècle.
Mais ces derniers sont allés jusqu'à
supprimer purement et simplement la
magie de la messe et toute la
sorcellerie de la prétendue
transformation physique du pain et du
vin du sacrifice de l'autel en chair et
en sang physiques de Jésus-Christ,
tandis que le shiisme est demeurée fort
timide et n'a rien osé changer à la
lettre du Coran.
Tel
est le blocage proprement théologique de
l'islam et ce blocage intellectuel rend
insolubles les apories politiques
actuelles. Il est interdit à M. Poutine
d'expliquer crûment ce qu'il voudrait
dire quand il souligne à plaisir combien
les opposants soi-disant "modérés"
à M. Bachar al-Assad sont, en réalité,
des terroristes déguisés et du même
acabit que les autres et que seule
l'ignorance titanesque et la mauvaise
foi des élites politiques occidentales
permet à M. Hollande d'adjurer le
Président russe de cesser de bombarder
de gentils "opposants".
On se
souvient que tous les spécialistes du
Moyen-Orient au Quai d'Orsay ont été
expédiés en Amérique du Sud ou en Asie
centrale (voir La face cachée du
Quai d'Orsay, Vincent Jauvert,
Robert Laffont, 2016) afin de les
remplacer au pied levé par des sionistes
étrangers à toute connaissance
anthropologique des mythes sacrés.
Certes, parmi ces spécialistes quelques
humanistes naïfs croyaient pouvoir
diluer les croyances religieuses dans la
culture, mais quelques-uns d'entre eux
avaient compris que le sacré est lié à
la guerre, donc au culte du sang, donc
au sacrifice sanglant dont une divinité
féroce fait sa pâture depuis des
millénaires.
6 - Les
monothéismes, ennemis de la raison
scientifique
On
voit combien l'ignorance des fondements
sanglants des religions sacrificielles,
est devenue la clé de la servitude
moderne. Car tous les monothéismes
refusent d'accorder une quelconque
autorité aux preuves scientifiques.
L'Eglise catholique a mis près de deux
siècles à reconnaître l'astronomie de
Copernic et elle ne l'a acceptée qu'à
l'heure où il devenait ridicule de nier
que la terre tourne autour du soleil.
Mais ni l'islam, ni le christianisme ne
sont près d'accepter l'évolutionnisme.
Si vous alléguez l'autorité de Darwin,
ne vous attendez pas à vous trouver
réfuté à la lumière d'une argumentation
scientifique: le musulman se contentera
de vous redire ce que l'ange Gabriel est
censé avoir dicté à Muhammad.
L'oubli de ce que tous les monothéismes
sont des ennemis des preuves
scientifiques est une clé de la
stupidité auto-vassalisatrice de notre
temps. Revenons donc à l'essentiel, à
savoir qu'aussi longtemps qu'on verra un
Vladimir Poutine réduit à l'incapacité
de s'expliquer sur les fondements
anthropologiques tant des islamismes que
des christianismes, la science
historique moderne se tortillera à la
manière de Luther qui, contrairement à
Calvin, n'a jamais osé supprimer
purement et simplement la thaumaturgie
du sacrifice de la messe.
On
voit à quel point seule une
anthropologie critique en mesure
d'observer l'anthropomorphisme des
croyances religieuses délivrera le monde
moderne de la stupidité. On voit
également que la stupidité est rien de
moins que le secret de la servitude,
dont Etienne de la Boétie a compris les
vrais fondements sans en connaître les
sources anthropologiques.
Le
monde moderne se retrouve comme jamais
aux prises avec le message socratique
qui dit non seulement que l'ignorance
est le pire des maux, mais que la
stupidité est la clé de la sottise
vassalisatrice.
Puisse
l'humanisme russe trouver les ressources
intellectuelles qui lui apprendront à
concilier les droits de la pensée
moderne avec la défense des droits de la
raison de demain. .
Le 4
novembre 2016
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