Thèmes d'actualité
Discours de campagne d'un revenant
qui aurait changé de tête
Manuel de Diéguez
Manuel de
Diéguez
Samedi 4 octobre 2014
"Interroger
les grands philosophes, c'est
transformer les questions qu'on leur
pose en instruments d'approfondissement
de la connaissance du genre humain."
Jaspers
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Avertissement
1 - La vassalité de l'Europe
2 - Du pacte de l'ignorance avec
la sottise
3 - Les dominos
4 - La future éducation
nationale
5 - La vocation intellectuelle
des chefs d'Etat
Post scriptum
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Avertissement
Si vous parlez
trigonométrie à un maçon, ce ne sera pas
son incompétence que vous découvrirez,
mais le fait qu'il ne saura de quoi vous
lui parlez. Il en est ainsi de la
différence entre l'homme politique local
et l'homme d'Etat. Quand un journaliste
se demande, à la suite de l'appui, dans
la presse, de l'ex-chancelier Gerhardt
Schröder à M. Vladimir Poutine, si "la
communauté internationale peut encore
faire confiance au chef du Kremlin",
il ignore qu'un chef d'Etat voit tout de
suite le déplacement de la cervelle du
journaliste-maçon sur un territoire
étranger au sujet. Car il ne s'agit pas
des relations particulières de la Russie
avec l'Ukraine, mais des armes dont use
un empire mondial afin d'égarer
l'attention d'un demi-milliard de ses
vassaux de la question pour lui en
substituer une autre, qui ne concerne en
rien la science des vrais hommes d'Etat.
J'ai donc imaginé
trois discours d'un Nicolas Sarkozy qui
emprunterait le langage requis des
hommes d'Etat; et le lecteur découvrira
que, dans toutes les démocraties, il est
tout simplement impossible de monter les
marches du pouvoir si l'on s'adresse en
homme d'Etat aux citoyens - ce serait
parler trigonométrie aux maçons.
Mais il arrive que
le peuple élise un maçon à la Présidence
de la République, puis qu'il découvre
avec stupéfaction qu'un vrai regard sur
la planète échappe à l'horizon mental
des notables locaux. C'est ce qui se
passe en France en ce moment : la gauche
cherche en vain un cerveau du calibre
requis et la droite pose sur les
plateaux de la balance de l'histoire des
têtes étrangères à l'enjeu réel de
l'élection de 2017.
1 - La vassalité
de l'Europe
Je me suis beaucoup
instruit depuis que vous m'avez condamné
à un exil utile, et même nécessaire à
l'éducation et à l'information d'un
homme d'Etat. Les livres d'histoire que
j'ai lus m'ont appris à écarquiller les
yeux sur les lacunes de mon instruction.
Je n'ai acquis qu'à l'âge mûr la
connaissance des documents politiques
qui manquaient à ma formation d'homme de
terrain. Mais j'ai également découvert,
à cette occasion, que seule l'action
féconde les savoirs et que, sans
l'expérience du pouvoir, les livres des
greffiers et des huissiers des nations,
ne vous servent à rien, tellement on ne
tient pas le gouvernail d'un Etat avec
un mode d'emploi impriumé à la main. La
classe dirigeante des villes grecques
asservies à l'empire romain faisait
campagne sur la cherté des vivres et sur
les difficultés d'approvisionnement en
blé. Tout le monde l'importait d'Egypte
- mais Osty était le port le mieux servi
et l'on n'en expliquait pas les causes
au petit peuple.
Aujourd'hui, quel
est l'horloger du monde qui vous
entretiendrait du grand silence qui
s'est abattu sur une Europe occupée par
cinq cents bases militaires américaines,
quel est le spécialise de la mémoire des
peuples qui vous dirait que, de Ramstein
à Naples et d'Hambourg à Syracuse,
personne ne vous ouvre les yeux sur le
prix que vous payez à votre vassalité?
Non seulement vous ne trouverez aucun
dirigeant qui chiffrerait le montant du
tribut que l'occupant vous réclame
chaque année, mais si vous n'étendez pas
vous-mêmes le champ de votre information
de citoyens, jamais vous ne prendrez
conscience de ce que vos dirigeants vous
ont asservis à un empire étranger.
Soixante dix ans
ont passé depuis la fin d'une guerre
mondiale censée vous avoir libérés; mais
aucune radio, aucune antenne de
télévision, aucun quotidien, aucun
hebdomadaire ne vous glisse à l'oreille
un seul mot sur l'étendue et sur la
nature de votre assujettissement. Mais
je n'ai pas mission de vous admonester
ou de m'irriter de votre passivité; mon
devoir est de vous informer de ce que
mon expérience politique m'a appris. Je
vous le dis tout net: si le souffle de
la libération de la France et de
l'Europe ne montait pas de vos
poitrines, personne ne porterait remède
à la faiblesse de vos cages thoraciques.
La Liberté ne naît jamais que des
poumons des peuples respirants.
J'ai appris qu'un
chef d'Etat est un décrypteur
d'avant-garde du temps des nations;
sinon, il lui faut renoncer à la mission
que son siècle attend de lui. Le
revenant qui s'adresse aujourd'hui à
vous n'est pas l'homme qui vous a quitté
en mars 2012. Ma vocation est de vous
parler de la France et de vous expliquer
le monde dans lequel nous vivons. Bien
plus, j'aurais honte de détourner votre
attention de l'essentiel et de porter
vos regards sur des sujets secondaires,
tellement il serait indigne de notre
pays et de votre rang de citoyens
devenus seuls responsables de notre
avenir de vous cacher les grandes
difficultés qui vous attendent - il
s'agit, tout simplement, de savoir si le
fonctionnement actuel des démocraties
modernes m'autorise encore à vous
entretenir sérieusement de notre sort
dans une Europe dont les classes
dirigeantes se laissent arracher des
mains les restes de leur pouvoir.
Français, votre souveraineté se trouve
menacée par une puissance étrangère
désormais en mesure de faire la loi dans
nos murs.
La Liberté est une
voix, mais vous avez fait, de votre
Liberté, un convoi mortuaire, la Liberté
est une voix, mais la vôtre orchestre
les funérailles des Etats démocratiques.
J'ai à vous parler des pompes funèbres
de la République, parce que votre
servitude politique repose tout entière
sur votre impuissance à frapper de
l'opprobre qu'ils méritent les hommes
politiques qui vous tiennent gentiment
par la main, mais qui vous ont mis un
bandeau sur les yeux et qui vous
promènent dans un jardin d'enfants.
2 - Du pacte de
l'ignorance avec la sottise
Mon long
éloignement de la politique m'a fait
découvrir que la pensée est la fille de
la solitude, mais également que la
réflexion est un sport de combat. Il m'a
fallu connaître les souffrances de
l'inaction pour apprendre qu'une
politique privée des ressources de la
méditation tombe dans l'ignorance et la
sottise. Mais, au cours de mon
incarcération loin de vous, j'ai
également découvert ce que signifie le
mot réalité. Car toute politique
se veut et se dit réaliste - et
pourtant, personne ne vous dit ce qui
rend la prison du réalisme
politique digne de la réalité que nous
devons affronter. Deux ans de soif dans
le désert de l'inaction m'ont enseigné
que les grands peuples répondent à la
vocation ascensionnelle qui les habite
et que leur élévation intérieure les
appelle à propager le feu qui les
inspire.
En 2007, je ne
savais pas encore que la guerre de
l'intelligence ne s'apprend que dans une
nuit profonde, en 2017, je ne savais pas
encore que l'homme d'Etat est une plante
du désert, en 2007, je ne savais pas
encore que l'apprentissage du destin de
la France et de l'Europe me condamneront
un jour à m'adresser à vous en pédagogue
et en apprenti de votre éternité.
C'est d'un
anachorète que j'ai appris à vous parler
de plus haut et d'ailleurs. L'ermite de
Colombey vous avait avertis que si vous
vous placiez sous le sceptre, le drapeau
ou la houlette d'une puissance
étrangère, elle vous appellera tôt ou
tard à porter sa bannière sur le champ
de bataille qu'on appelle l'histoire,
mais que ce champ de bataille ne sera
jamais plus le vôtre. Et voici que toute
l'Europe s'apprête à suivre son maître
dans une campagne de Russie d'un nouveau
genre.
Mon devoir est de
vous informer de la nature des empires,
mon devoir est de vous instruire des
principes qui commandent l'expansion
naturelle et instinctive de leurs
forces, mon devoir est de vous faire
bénéficier de mon expérience de cinq
années, non point en laboratoire, mais
sur le terrain, des ressorts de monstres
sacrés dont le Général de Gaulle
lui-même avoue, dans ses Mémoires,
qu'il n'a appris que dans l'épreuve à
les connaître et à en décrypter les
secrets.
Je n'avais que
trois ans à l'heure où l'homme du 18
juin est revenu aux affaires. Mais je
n'ai appris qu'au cœur de l'expérience
du pouvoir que l'histoire est un coffre
fermé et que la clé qui l'ouvre est à la
mesure des serruriers qui l'ont
fabriquée. Aujourd'hui, cette clé est
devenue aussi simple que la serrure dans
laquelle il faut l'introduire. Mais
l'art de la soustraire aux regards a
changé. Que dit cette clé ? Que le
départ des troupes américaines se
produira fatalement, parce qu'il n'est
jamais arrivé qu'un empire perpétue
l'exploit d'implanter ses armes sur les
arpents du vaincu. Mais les chefs d'Etat
d'aujourd'hui qui, trois quarts de
siècle durant, auront gardé un silence
complice sur l'occupation militaire
inutile de leur pays au profit d'une
puissance étrangère tomberont dans une
éternelle infamie aux yeux de tous les
narrateurs à venir de la mémoire du
monde.
Mais observez la
part d'ignorance maligne dont la sottise
se nourrit, observez la part de la
cécité d'esprit qui rend apparemment
innocent l'aveuglement astucieux des
Etats. Ne croyez pas qu'un empire serait
une ruche bourdonnante de Machiavel
avisés, ne croyez pas que l'Europe
serait la proie d'un plan de conquête
savamment concerté au profit d'une ruche
vrombissante de Florentins retors.
Sachez que les empires ont le cœur sur
la main et que ces frelons ont des
antennes d'évangélistes. Personne ne
donne des ordres aux apôtres des
puissants. Mais voici ce qui attend
votre candeur si vous n'appreniez pas à
connaître les relations secrètes que la
politique actuelle entretient avec le
messianisme démocratique. Seul le feu
sous la cendre qui s'appelle la pensée
vous conduira dans la crypte du mythe de
la Liberté.
Sachez que
l'empire américain est un temple et un
navire de guerre, sachez que les
idéalités dont il s'auréole en sont les
ailes d'ange et les soutes. Il vous faut
visiter les caveaux de ce temple avant
de tenter de capturer ses séraphins et
de les coller dans vos herbiers. Puis
vous monterez sur le pont de ce
mastodonte de sa foi et vous découvrirez
qu'il conserve ses machines dans sa
coque, mais qu'il a perdu son pavillon.
Certes, vous direz-vous, ce cuirassé
n'arbore plus les couleurs de l'emblème
mondial du Beau, du Juste et du Bien.
Mais voyez avec quelle habileté il tente
de perpétuer le règne et la puissance de
sa bannière. S'il négligeait de placer
son oriflamme à la tête de sa flotte,
s'il ne vous montrait pas du doigt et
jour après jour les ennemis qu'il vous
appartient de combattre en son nom à
lui, comment conserverait-il à la fois
son sceptre et sa couronne? Mais les
empires ne désignent jamais à leurs
vassaux que les adversaires qui portent
ombrage à leur propre expansion. Rome
n'avertissait pas les cités grecques "délivrées"
que Rome était devenu leur véritable
ennemi: ne les avait-elle pas remplies
d'allégresse de se trouver conquises
pour la gloire des légions?
C'est
pourquoi les cinq années que j'ai
passées à courir sur la scène
internationale me conduisent-elles à
vous entretenir de l' Allemagne
vassalisée, de l'Italie réduite au
silence, de l'Espagne hors jeu, de la
Grèce piétinée. Et maintenant, le glaive
et le casque de l'Amérique vous ont
subitement ordonné de cesser de livrer
votre production industrielle et
agricole à la Russie - et vous avez
servilement obéi. En réponse, la Russie
a décidé de renoncer à consommer vos
fruits et vos légumes; et vos paysans
vous disent: "Pourquoi faites-vous de
nous les vassaux de votre vassalité? Qui
a fait de vous les serfs d'une puissance
débarquée d'au-delà des mers, qui a
changé nos démocraties en une armée de
valets de ferme? Qui vous autorise à
nous placer dans le sillage de votre
propre domestication? Votre tenue de
prisonniers, gardez-la - charbonnier est
maître chez soi."
4 - La future
éducation nationale
Français, je ne
vous parlais jamais de la France;
désormais, je vous trahirais si je vous
entretenais exclusivement de notre pays,
parce que notre histoire est revenue
partiellement se placer entre nos
propres mains il y a cinquante huit ans,
en 1966. Mais les devoirs politiques que
seule la solitude enseigne aux hommes
d'Etat m'a appris que les lentes
retrouvailles des nations de l'Europe
avec leur souveraineté perdue auront
besoin de guides avertis d'une dignité
difficile à retrouver. Ma retraite m'a
enseigné, de surcroît, que l'homme
politique de demain devra également se
montrer le pédagogue d'une Liberté plus
étendue et mieux informée que la
précédente.
Vos éducateurs de
demain devront vous dire que vous êtes
devenus les enfants de chœur de la
démocratie mondiale, parce qu'on ne
passe pas d'une chaumine enfumée au
palais de Versailles sans changer de
dégaine. Vos instituteurs vous diront
quelle hauteur d'esprit l'histoire
attend de votre citoyenneté élargie. Les
chefs d'Etat qui vous feront quitter la
défroque dont un empire étranger vous
aura affublés depuis 1945 feront de vous
les cerveaux de leur siècle.
Mais voyez la
noblesse d'esprit de la citoyenneté
nouvelle que le Général de Gaulle a
inculquée à la démocratie mondiale:
cette hauteur me contraint de m'adresser
en votre nom à toutes les nations
asservies de l'Europe. Le Pygmée qui
vous parle vous demande de rendre la
France et l'Europe ascensionnelles dans
vos têtes et dans vos cœurs. Je vous
disais plus haut que la liberté des
peuples monte des entrailles des
nations. Mais si vous n'entrez pas en
politique comme on entre dans les
ordres, vous ne serez jamais qu'en
balade dans les jardins d'enfants de
votre histoire. Si vous voulez en
devenir les horticulteurs, apprenez à
peser les relations frelatées que les
décadences tissent avec la vassalisation
de la raison elle-même, apprenez à peser
les liens gangrenés que les Etats
chargés de chaînes entretiennent avec
l'asservissement de leur capacité de
jugement Car leur entendement affaibli
est devenu l'esclave du mythe cadavérisé
de la Liberté.
Voir:
Les rêves sacrés et la paralysie des
sciences humaines actuelles - La
postérité politique et philosophique de
Freud , 27 septembre 2014
En Allemagne un
Conseil permanent des spectateurs a
d'ores et déjà pris le pouvoir au nom
des vrais citoyens du pays. La
télévision nationale a diffusé une
représentation théâtrale terrifiante :
des acteurs déguisés en nazis
chaplinesques et caricaturés en pantins
hallucinés donnent l'ordre de falsifier
les nouvelles du monde aux rédactions
des principaux journaux de la nation -
le Spiegel et Die
Zeit; puis le spectateur peut
constater en surimpression sur l'écran
que ces ordres déments sont censés avoir
été exécutés, alors qu'ils sont les
produits effectifs de
l'auto-vassalisation d'un peuple
allemand placé depuis trois quarts de
siècle sous le joug de sa classe
dirigeante, qui s'est laissé vassaliser
par l'Amérique.
Exemple: à la suite
de la chute, provoquée par un missile,
d'un avion malaisien transportant près
de trois cents Hollandais, dont
quatre-vingts femmes et enfants, le
Spiegel titrait en couverture
et en rouge: "Jusqu'où ira
Poutine?" Quant au convoi russe
de vivres et de médicaments à
l'intention des villes de Lugansk et de
Donetz dans le Dombass, la presse
allemande titrait: "La Russie
envahit l'Ukraine". Croyez-vous
que vous vivez encore dans une
démocratie si votre classe dirigeante de
fantoches et de pantins vous traite en
poupées mécaniques.
5 - La vocation
intellectuelle des chefs d'Etat
Je pensais venir
modestement au secours de mon pays à
l'heure où l'échec inévitable d'un
socialisme mythique me contraindrait à
reprendre en mains le flambeau d'un
parti de la majorité de droite et du
centre devenus réalistes, parce que,
depuis deux millénaires, la gauche des
évangélistes se révèle viscéralement
utopique sur la scène internationale,
alors qu'une bourgeoisie héritière de la
monarchie ignore encore les devoirs de
la générosité, comme le Général de
Gaulle l'a souligné.
Mais voici qu'un
autre appel au combat contre
l'inégalité, un autre enseignement de
l'esprit de justice, une autre vocation
de la France étouffent ma voix dans ma
gorge. Qu'est-il advenu de l'homme
politique que vous avez élu en 2007 et
que vous avez envoyé en apprentissage de
sa véritable mission en 2012? Je me suis
mis au service d'une autre âme de la
politique et d'une autre histoire de mon
pays - je combattrai pour l' alliance
que l'Europe de ce temps doit sceller
avec la connaissance plus profonde du
genre humain à laquelle la pensée de
demain conduira le monde.
Je vous disais que
la politique se collète avec le réel,
mais que le réel doit se trouver élevé à
la hauteur du destin des nations. Le
moinillon d'une République de la pensée
que je suis devenu vous parlera, la
semaine prochaine, de la vie
ascensionnelle de la France de
l'intelligence.
Post Scriptum
J'écrivais le 25
juillet:
"A partir de cette date, et
compte-tenu qu'on ne luttera
efficacement contre le naufrage de la
langue française que si le Président de
la République et le Premier Ministre se
voient nommément mis en cause, je
relèverai quelques-unes de leurs fautes."
- 1 - M. Valls dit:
nous sommes le 5 octobre. On dit:
c'est aujourd'hui le 5 octobre.
- 2 - M. Hollande
ignore qu'on renvoie au printemps,
mais non à l'été ou à l'hiver.
Reçu de l'auteur pour publication
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