Qu'est-ce que
philosopher
Qui sommes-nous
Manuel de Diéguez
Manuel de
Diéguez
Vendredi 1er juillet 2016
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1
- Adam a perdu ses repères
cosmologiques
2 -
Psychophysiologie du technosophe
de la philosophie
3 - La
nouvelle déréliction
4 - En
attendant le réveil des peuples,
des nations et des patries
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1- Adam a
perdu ses repères cosmologiques
En 1904 et 1905, le
monde de la pensée a assisté, abasourdi,
au naufrage des deux fondements
universels de la perception et de la
connaissance, l'espace et le temps. On
avait subitement découvert que l'espace
sert de véhicule au temps et vice et
versa; on avait subitement appris que le
temps est une matière dont le rythme de
sa coulée change avec la rapidité ou la
lenteur de son débit; on avait
subitement appris que la durée est une
substance localisée, on avait subitement
appris que l'espace et le temps des
ancêtres s'épaulaient réciproquement et
se comportaient en compagnons de route.
Mais toutes ces
informations stupéfiantes, ahurissantes
et saugrenues étaient une manière de
placer l'univers sur les pistes
traditionnelles que l'humanité
tridimensionnelle avait empruntées. Pour
la première fois le genre humain
découvrait qu'il ne connaissait pas son
identité véritable, qu'il transportait
l'espace et le temps dans des caissons
artificiels et qu'il se trouvait
incarcéré dans un univers dont la
singularité se révélait observable, mais
non décryptable.
Or, l'humanité fait
usage d'une "raison naturelle"
dont les règles s'éclairent de ce qu'il
est convenu d'appeler le "sentiment
d'évidence". Si une pierre
s'envolait sous nos yeux, si un animal
se mettait à parler, nous serions
terrifiés par des évènements
spectaculairement incompréhensibles. Or,
des évènements indéchiffrables
envahissaient soudainement le cosmos.
Dans le même temps,
on a vu paraître une espèce nouvelle de
pseudo philosophes, les technosophes ou
technocrates de la philosophie: ces
sophistes du cosmos ignoraient que toute
théorie de la connaissance n'est jamais
que le reflet des présupposés
inconscients qui conduisent ses pas et
toute sa démarche. Du reste, la
confusion entre savoir et comprendre est
innée et l'étymologie elle-même le
démontre: comprehendere signifie
s'emparer et capturer un ensemble et
intelligere renvoie à ligaturer. La
proie du chasseur se change en oracle.
Mais comprendre et remplir sa gibecière
font deux.
2 -
Psychophysiologie du technosophe de la
philosophie
Depuis des
millénaires un épistémologue sommital
qu'on appelait le Créateur du monde
distribuait les rôles respectifs de la
matière, des végétaux et des animaux. De
grands chambellans du cosmos assuraient
la gestion d'un univers tripartite.
Euclide, Archimède, Newton figuraient
les dignitaires d'un monde bien
orchestré. Puis la divinité avait cessé
d'occuper la fonction suprême d'assigner
sa place à chacun. Alors la raison
s'était construite sur le même modèle
que la divinité. A son tour, elle
divisait le monde en quatre sections, le
minéral, le végétal, l'animal et
l'humain.
Les technosophes de
la philosophie ne se promènent que sur
le devant de la scène. Jamais leur
regard ne porte sur les coulisses,
jamais leur curiosité ne les conduit à
passer derrière le rideau. Leur Discours
de la méthode est celui d'un aveugle
qui, à la manière des animaux, se
construit sa tanière et se convainc que
la solidité de son gîte lui fournit la
clé de l'intelligible.
Mais rien n'est
pire qu'une science historique aveugle,
rien n'est pire qu'une civilisation qui
ignore les présupposés qui la pilotent,
rien n'est pire qu'une cité illustrée
par ses erreurs de jugement. La
relativité restreinte, puis la
relativité générale d'Einstein ont
conduit le genre humain à observer sa
propre dégaine comme celle d'un animal
microscopique et qui s'agite en vain
dans l'infini carcéral qui lui sert
d'habitat.
Dans ce décor, la
technosophie n'est autre que la nouvelle
carapace de l'aveuglement, la nouvelle
surdité, le nouvel escamotage d'une
espèce qui se découvre dérélictionnelle
et qui se cache à elle-même son abandon
dans l'infini. La technosophie est
l'ultime faux-semblant d'une philosophie
qui a renoncé à s'observer dans le
miroir de ses rêveries. Aussi
persévère-t-elle à se calfeutrer dans un
savoir inconsciemment spéculaire. Ce
genre de science privée de regard sur le
miroir dans lequel elle se trouve
enfermée suffit à rendre les ponts
solides et les édifices inébranlables.
Mais qu'adviendra-t-il de cette béance?
3 - La nouvelle
déréliction
En vérité, Einstein
nous livre à un monde plus mystérieux
que celui dans lequel l'homme de
Cro-Magnon ou de Néanderthal avaient cru
trouver leurs repères. Car si le carbone
14 et les détecteurs plus récents de la
durée que nous avons découverts, nous
apprennent que la terre a débarqué il y
a cinq milliards d'années environ dans
un espace et une durée qui se trouvaient
déjà là et si, par conséquent, l'univers
des atomes a eu un commencement, alors
la question des relations que la matière
et le temps entretiennent avec l'espace
et la durée se place au cœur de la
science moderne.
Car l'homme
primitif avait balisé l'espace et placé
une chronologie sûre de sa dégaine dans
un univers bien quadrillé, alors que le
temps est devenu élastique et spongieux
à l'école de la montre molle de Salvador
Dali, que l'univers est devenu à
lui-même. En effet, le temps et l'espace
sont des matières mystérieuses et
indéchiffrables, mais dont l'action
physique se révèle vérifiable et
calculable. Si nous plaçons une horloge
dans un missile, nous constaterons qu'au
cours de ce voyage les aiguilles du
cadran auront subi l'action physique du
temps et qu'elles auront pris un retard,
certes minime. Mais si la vitesse du
missile s'élevait à celle de la lumière,
le cadran de la montre témoignerait d'un
ralentissement de la coulée du temps sur
la terre et les éventuels passagers de
ces missiles découvriraient, lors de
leur retour sur notre astéroïde, que la
durée s'est vertigineusement accélérée à
l'échelle locale.
Or, la plupart des
savants d'aujourd'hui n'ont pas encore
appris à distinguer clairement le verbe
savoir du verbe comprendre. Sitôt qu'ils
ont enregistré un fait nouveau, ils se
croient en possession de la clé de
l'intelligibilité de l'univers. Et il
n'est pas un humain sur cent mille qui
sache nous nous trouvons ballottés dans
un univers plus indéchiffrable de se
trouver mieux connu qu'à l'âge de la
pierre taillée : car l'espace et le
temps se sont dérobés sous nos pas. Nos
deux domiciles, l'étendue et la durée
apostrophent désormais la matière et lui
disent: "Tu n'existerais plus si nous
n'étions pas là. Sans notre double
protectorat, tu t'évanouirais dans le
néant. Mais jamais tu n'apprendras qui
nous sommes, car ton entendement est
rebelle à toute compréhension des
connaissances que tu as acquises à ton
propre détriment et à l'école de ta
déréliction."
Mais dans le même
temps, quelle réouverture de
l'interrogation sur soi-même! La
finitude de notre espèce se révèle la
source d'un éveil nouveau. Le monde
moderne se découvre plongé dans une
sorte de "théologie négative".
Mais cette fois-ci, l'anthropologie
critique observe, la loupe à l'œil, les
régisseurs de son destin. Nous déversons
des cadavres par millions dans un cosmos
désert.
Les technosophes de
la philosophie ignorent le tragique,
mais derrière leurs phalanges bornées
une bête nouvelle se réveille, une bête
nouvelle lutte contre son
endormissement, une bête nouvelle allume
le flambeau d'une autre conscience de sa
lente évasion de la zoologie. Qu'est-ce
à dire? Comme toujours, la langue
française copie le latin. Nous disons "la
condition humaine", ce qui décalque
mot à mot la conditio humana des
Romains. Il se trouve seulement qu'en
latin le vocable conditio renvoie
au verbe condere qui signifie
construire. Les Romains comptaient les
années ab urbe condita,
c'est-à-dire à partir de la cérémonie
religieuse qui circonscrivait et
sanctifiait (sancire, qui fait
sanctus au passé), tout
ensemble la future construction de
ville.
Au plus secret de
son esprit, le latin n'entend pas le
terme de "nature humaine" au sens
biologique du terme, mais, à l'instar de
l'empire romain lui-même, comme une
construction, comme un gigantesque
édifice à bâtir de main d'homme. Nous
avons donc à bâtir la condition humaine
dans un univers où le verbe comprendre
n'a plus de sens, tandis que le verbe
savoir nous renvoie à une énigme à
jamais indéchiffrable.
4 - En attendant
le réveil des peuples, des nations et
des patries
Le 23 juin, les
peuples ont rappelé à leurs classes
dirigeantes et à leurs Etats qu'ils sont
les défenseurs des vrais intérêts des
patries. En automne, ce seront les
peuples qui demanderont à l'empire
américain: "Comment se fait-il que,
vingt-sept ans après la chute du mur de
Berlin, vos bases militaires soient
encore là, comment se fait-il que vous
prétendiez occuper nos territoires du
nord au sud et de l'est à l'ouest de
l'Europe, comment se fait-il que nos
classes dirigeantes aient trahi nos
patries jusqu'à légitimer la présence
militaire perpétuelle de vos armes sur
nos territoires respectifs?"
Alors la question
que je pose sur ce site depuis tant
d'années, ce seront les peuples qui la
prendront à leur compte et qui
demanderont à leurs dirigeants vendus à
une puissance étrangère: "Oui ou non
des sénateurs, des députés, des chefs
d'Etat qui auront accepté de rendre
éternelle l'occupation militaire de nos
nations par un empire étranger,
seront-ils traînés ignominieusement
devant une cour de justice qui les
condamnera pour trahison de leurs
peuples pendant soixante-dix ans?"
Voilà la vraie
question que la voix retrouvée des
patries soulèvera en automne, voilà la
vraie question que le peuple anglais a
rappelée à la conscience démocratique et
à l'éthique mondiales le 23 juin 2016.
* Les mises en
ligne sur ce site reprendront au terme
de la pause estivale.
Le 1er juillet 2016
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