L'art de la guerre
Le Calife, un film CIA entre
fiction et réalité
Manlio Dinucci
© Manlio
Dinucci - Capture
d'écran PalSol
Mardi 29 octobre 2019
“Ça a été comme
regarder un film”, a dit le président
Trump après avoir assisté à
l’élimination d’Abu Bakr al Baghdadi, le
Calife chef de l’Isis (Daesh), transmise
dans la Situation Room de la Maison
Blanche. C’est là qu’en 2011 le
président Obama assistait à
l’élimination de l’ennemi numéro un de
l’époque, Oussama Ben Laden, chef d’Al
Qaeda.
Même mise en scène : les services
secrets USA avaient depuis longtemps
localisé l’ennemi ; celui-ci n’est pas
capturé mais éliminé : Ben Laden est
tué, al Baghdadi se suicide ou est
“suicidé” ; le corps disparaît : celui
de Ben Laden enseveli dans la mer, les
restes d’al Baghdadi désintégré par sa
ceinture explosive sont eux aussi
dispersés en mer.
Même maison productrice du film : la Communauté d’Intelligence, formée de
17 organisations fédérales. Outre la Cia
(Agence centrale d’intelligence) il y a
la Dia (Agence d’intelligence de la
Défense), mais chaque secteur des Forces
armées, tout comme le Département d’état
et celui de la Sécurité de la patrie, a
son propre service secret.
Pour les
actions militaires la Communauté
d’intelligence utilise le Commandement
des forces spéciales, déployées dans au
moins 75 pays, dont la mission
officielle comprend, outre l’”action
directe pour éliminer ou capturer des
ennemis”, la “guerre non-conventionnelle
conduite par des forces extérieures,
entrainées et organisées par le
Commandement”.
C’est
exactement ce qui advient en Syrie en
2011, l’année même où la guerre USA/OTAN
démolit la Libye. Le démontrent des
preuves documentées, déjà publiées par
il manifesto.
Par exemple : en mars 2013 le
New York Times
publie une enquête détaillée sur le
réseau Cia à travers lequel arrivent en
Turquie et Jordanie, avec le financement
de l’Arabie Saoudite et d’autres
monarchies du Golfe, des fleuves d’armes
pour les militants islamistes entraînés
par le Commandement des forces spéciales
USA avant d’être infiltrés en Syrie.
En mai 1013, un mois après avoir fondé l’Isis (Daesh), al Baghdadi
rencontre en Syrie une délégation du
Sénat des États-Unis chapeautée par John
McCain, comme le révèle une
documentation photographique.
En mai 2015, est révélé par Judicial Wtach un document du Pentagone, daté
du 12 août 2012, dans lequel on affirme
qu’existe “la possibilité d’établir une
principauté salafiste en Syrie
orientale, et [que] ceci est exactement
ce que veulent les pays occidentaux, les
états du Golfe et la Turquie qui
soutiennent l’opposition”.
En
juillet 2016 est révélée par Wikileaks
un email de 2012 dans lequel la
secrétaire d’état Hillary Clinton écrit
que, étant donnée la relation
Iran-Syrie, “le renversement d’Assad
constituerait un immense bénéfice pour
Israël, en faisant diminuer sa crainte
de perdre le monopole nucléaire”.
Ceci
explique pourquoi, bien que les USA et
leurs alliés lancent en 2014 la campagne
militaire contre Daesh, les forces de
Daesh peuvent avancer sans être
dérangées dans des espaces ouverts avec
de longues colonnes de véhicules armés.
L’intervention militaire russe en 2015,
en soutien des forces de Damas, renverse
le sort du conflit. L’objectif
stratégique de Moscou est d’empêcher la
démolition de l’État syrien, qui
provoquerait un chaos comme en Libye,
exploitable par les USA et l’OTAN pour
attaquer l’Iran et encercler la Russie.
Les
États-Unis, court-circuités, continuent
à jouer la carte de la fragmentation de
la Syrie, en soutenant les
indépendantistes kurdes, pour ensuite
les abandonner afin de ne pas perdre la
Turquie, avant-poste OTAN dans la
région.
On comprend sur un tel fond pourquoi al Baghdadi, comme Ben Laden
(auparavant allié USA contre la Russie
dans la guerre afghane), ne pouvait pas
être capturé pour être jugé
publiquement, mais devait disparaître
physiquement pour faire disparaître les
preuves de son réel rôle dans la
stratégie USA. C’est pour cela que Trump
a tant aimé le film qui finit bien.
Édition de
mardi 29 octobre 2019 de
il manifesto
https://ilmanifesto.it/il-califfo-film-cia-tra-fiction-e-realta/
Traduit de
l’italien par M-A P.
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