L'art de la guerre
Les drones des serial killer
Manlio Dinucci
Mardi 28 avril 2015
A Washington c’est désormais un « rituel
macabre » : une fois par mois des
membres du Congrès, faisant partie des
commissions sur le renseignement, vont
au quartier général de
la CIA
« visionner les enregistrements filmés
de personnes qui explosent, frappées par
les attaques des drones au Pakistan, et
autres pays ». C’est The New York
Times du 25 avril qui le rapporte,
en soulignant que ce «semblant de
supervision » sert à faire apparaître «
un rigoureux contrôle, par le Congrès,
sur le programme de meurtres ciblés ».
Programme que « la Maison Blanche
continue à soutenir » en promouvant aux
plus hauts rangs les fonctionnaires de la Cia qui l’ont élaboré il y a
dix ans, « dont certains ont aussi été à
la tête des programmes pour
l’utilisation de la torture dans les
prisons secrètes ». Les drones killer
sont désormais « intégrés dans le mode
américain de faire la guerre ». Ce
compte-rendu du New York Times
confirme que le président Obama, quand
il a rencontré le Premier ministre Renzi,
ne pouvait pas ne pas être au courant du
meurtre de Lo Porto[i]
par un drone Cia, advenu trois mois
auparavant. Cela démontre que la «
terrible douleur », qu’il a exprimée
tardivement, n’implique pas de
changement de politique sur l’usage des
drones killer. C’est ce même Président
des Etats-Unis (rapportions-nous dans
il manifesto le 12 juin 2012 sur la
base d’une enquête du NYT) qui approuve
la « kill list », continuellement mise à
jour, comprenant des personnes du monde
entier qui, jugées nocives pour les
Etats-Unis et leurs intérêts, sont
condamnées secrètement à mort sous
l’accusation de terrorisme. «
L’évaluation morale finale» revient au
Président, surtout quand « avec le
terroriste, qui sera touché par un
drone, se trouve la famille de celui-ci
». Et quand arrive la validation du
Président, l’opérateur, commodément
installé aux Etats-Unis, à 10mille Km de
distance, à la console de commandement
du drone, lance les missiles contre
cette maison -au Pakistan ou dans un
autre pays- indiquée comme refuge du
terroriste.
C’est surtout la Cia qui utilise les drones
killer en Afghanistan, Pakistan, Irak,
Yémen, Somalie et divers autres pays. Le
Commandement pour les opérations
spéciales du Pentagone, qui effectue des
actions parallèles à celles de
la Cia, a essayé en
2013 de prendre le contrôle de toutes
les opérations des drones, mais n’y est
pas arrivé.
La Cia
continue à opérer avec un nombre non
précisé de drones killer. S’ajoutent à
ceux-ci environ 250 drones d’attaque de la U.S. Air Force, faisant partie d’une flotte
d’environ 7 500 drones de tous types
gérés par le Pentagone. Leur nombre est
en augmentation, si bien que les pilotes
de drones manquent. Ceux qui sont en
service sont contraints à des roulements
stressants, qui accroissent les «
dommages collatéraux ». Mais le nombre
élevé de victimes civiles est dû surtout
au fait que la majorité des attaques des
drones (plus de 60% au Pakistan) est
dirigée contre des maisons habitées
aussi par des femmes et des enfants. Le
nombre de victimes civiles est destiné à
augmenter avec l’utilisation d’engins
volants robotisés en mesure de décoller,
attaquer et rentrer à la base de façon
autonome. Parmi ceux-ci le nEUROn,
construit par un consortium européen
dont fait partie Alenia Aermacchi, qui
sera capable d’ « effectuer
automatiquement la reconnaissance de la
cible ».
En
attendant la guerre robotisée, la
ministre de
la Défense Roberta
Pinotti (qui comme Renzi a débuté comme
chef scout) est décidée à faire
participer l’Italie à la guerre des
drones : elle a demandé à Washington de
pouvoir armer les MQ-9 Reaper, les
drones killer étasuniens achetés par
l’Italie, capables de lancer, chacun, 14
missiles « Feu de l’enfer ». Très bons
pour détruire en Libye les embarcations
des trafiquants d’êtres humains. Sauf «
dommage collatéral » de quelque autre
massacre d’innocents.
Edition de mardi 28 avril 2015 de
il manifesto
http://ilmanifesto.info/i-droni-dei-serial-killer/
Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio
[i]
Giovanni Lo Porto était un
coopérant italien qui, enlevé au
Pakistan par un groupe armé,
était sur le point d’être libéré
à la suite de tractations avec
ses ravisseurs.NdT.
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