L'art de la guerre
La nouvelle Campagne de Russie
Manlio Dinucci
© Manlio
Dinucci
Mardi 27 mars 2018
“Poutine va utiliser le Mondial de
foot comme Hitler a utilisé les Jeux
Olympiques de 1936, c’est-à-dire pour
dissimuler le régime brutal, corrompu,
dont il est responsable” : cette
déclaration officielle du ministre des
Affaires étrangères britannique Boris
Johnson montre à quel niveau est arrivée
la campagne de propagande contre la
Russie.
Dans une vignette du
journal britannique The Guardian,
calquée sur une affiche nazie des années
Quarante, la Russie est représentée
comme une gigantesque araignée, avec la
tête de Poutine, qui agrippe le monde.
C’est la Russie accusée
d’avoir empoisonné en Angleterre un de
ses ex officiers, arrêté pour espionnage
il y a 12 ans et libéré il y a 8 ans
(donc n’étant plus en possession
d’informations sensibles), qui utilise
pour l’empoisonner, lui et sa fille,
l’agent neurotoxique Novichok de
production soviétique (afin de laisser
volontairement l’empreinte de Moscou sur
le lieu du crime).
La Russie accusée de
pénétrer avec une exceptionnelle
habileté dans les réseaux informatiques,
en manipulant même les élections
présidentielles aux Etats-Unis (“un acte
de guerre” comme l’a défini John Bolton,
nouveau conseiller pour la sécurité
nationale).
Accusée maintenant
officiellement par le Département d’état
étasunien pour la sécurité de la patrie
et par le Fbi de se préparer à saboter
avec ses hackers les centrales
électriques, y compris nucléaires, les
sites hydriques et les aéroports aux
Etats-Unis et en Europe, afin de
paralyser des pays entiers.
Ainsi fabrique-t-on
l’image d’un ennemi de plus en plus
agressif, dont il faut se défendre.
Dans une conférence
de presse avec Johnson, le secrétaire
général de l’Otan Stoltenberg accuse la
Russie de la “première utilisation d’un
agent neurotoxique sur le territoire de
l’Alliance”, c’est-à-dire d’un véritable
acte de guerre ; de “miner nos
institutions démocratiques”,
c’est-à-dire de conduire une action
subversive à l’intérieur des démocraties
occidentales ; de “violer l’intégrité
territoriale de l’Ukraine”, c’est-à-dire
d’avoir commencé l’invasion de l’Europe.
Face au “comportement irresponsable de
la Russie”, annonce Stoltenberg, “l’Otan
est en train de répondre”.
Ainsi prépare-t-on
l’opinion publique à un renforcement
ultérieur de la machine de guerre de
l’Alliance sous commandement USA,
comprenant le déploiement des nouvelles
bombes nucléaires B61-12 et probablement
aussi de nouveaux missiles nucléaires
étasuniens en Europe.
Un objectif
prioritaire de la Stratégie de défense
nationale des Etats-Unis, annonce le
Pentagone, est d’”améliorer la rapidité
et la létalité des forces USA en
Europe”. A cette fin ont été alloués 6,5
milliards de dollars dans l’année
fiscale 2019, portant à 16,5 milliards
le total du quinquennat 2015-2019.
Cette attribution ne
constitue qu’une partie du total de
l’opération Atlantic Resolve, lancée en
2014 pour “montrer l’engagement USA pour
la sécurité des alliés européens”.
Engagement démontré par le transfert
continu de forces terrestres, aériennes
et navales depuis les Etats-Unis en
Europe orientale, où elles sont
accompagnées par celles des plus grands
alliés européens, Italie comprise.
En même temps l’Otan
monte en puissance avec un nouveau
Commandement conjoint pour l’Atlantique,
inventant le scénario de sous-marins
russes prêts à couler les navires
marchands sur les voies
transatlantiques, et avec un nouveau
Commandement logistique, inventant le
scénario d’une Otan obligée de déplacer
rapidement ses forces à l’est pour faire
face à une agression russe.
Ainsi essaie-t-on de
justifier l’escalade USA/Otan contre la
Russie, en sous-évaluant sa capacité à
réagir quand elle est dans les cordes.
Johnson, qui compare Poutine à Hitler,
devrait se rappeler comment finirent les
armées de Hitler quand elles envahirent
la Russie.
Edition de mardi 27 mars 2018 de il
manifesto
https://ilmanifesto.it/la-nuova-campagna-di-russia/
Traduit de l’italien par M-A P.
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