L'art de la guerre
L’Union européenne dans
la stratégie
nucléaire du Pentagone
Manlio Dinucci
© Manlio
Dinucci
Mardi 25 juin 2019
Les ministres de la Défense
de l’OTAN (pour l’Italie Elisabetta
Trenta, M5S,
pour la France, Florence Parly, LREM)
ont été convoqués à Bruxelles les 26 et
27 juin pour approuver les nouvelles
mesures de “dissuasion” contre la
Russie, accusée sans aucune preuve
d’avoir violé le traité FNI. En
substance ils se mettront en rang
derrière les États-Unis qui, en se
retirant définitivement du Traité le 2
août, se préparent à déployer en Europe
des missiles nucléaires à portée
intermédiaire (entre 500 et 5500 km)
avec base à terre, analogues à ceux des
années 80’ (les Pershing 2 et les
Cruise) qui furent éliminés (avec les
SS-20 soviétiques) par le Traité signé
en 1987 par les présidents Gorbachev et
Reagan.
Les plus grandes puissances européennes, de plus en plus divisées à
l’intérieur de l’Ue, se re-compactent
dans l’OTAN sous commandement USA pour
soutenir leurs intérêts stratégiques
communs. Cette même Union européenne
-dont 21 des 27 membres font partie de
l’OTAN (comme en fait partie la
Grande-Bretagne sortante de l’Ue)- a
rejeté aux Nations Unies la proposition
russe de conserver le Traité FNI. Sur
une question d’une telle importance
l’opinion publique européenne est
laissée volontairement dans l’ignorance
par les gouvernements et les grands
médias. Ainsi ne perçoit-on pas le
danger croissant qui nous menace : la
possibilité augmente qu’on arrive un
jour à l’emploi d’armes nucléaires.
C’est ce que confirme le
dernier document stratégique des Forces
armées USA, “Nuclear Operations” (11
juin), rédigé sous la direction du Président
du Comité des chefs d’état-major. Étant
entendu que “les forces nucléaires
fournissent aux USA la capacité de
poursuivre leurs propres objectifs
nationaux”, le document souligne
qu’elles doivent être “diversifiées,
flexibles et adaptables” à une “vaste
gamme d’adversaires, menaces et
contextes”. Alors que la Russie prévient
que même l’usage d’une seule arme
nucléaire de basse puissance amorcerait
une réaction en chaîne qui pourrait
porter à un conflit nucléaire à grande
échelle, la doctrine étasunienne est en
train de s’orienter sur la base d’un
dangereux concept de “flexibilité”.
Le document stratégique affirme que “les forces nucléaires USA
fournissent les moyens d’appliquer la
force à une vaste gamme de cibles en des
temps et moyens choisis par le
Président”. Cibles (spécifie le même
document) en réalité choisis par les
agences de renseignement, qui évaluent
leur vulnérabilité à une attaque
nucléaire, en prévoyant aussi les effets
de la retombée radioactive.
L’utilisation d’armes nucléaires
-souligne le document- “peut créer les
conditions de résultats décisifs : en
particulier, l’utilisation d’une arme
nucléaire changera fondamentalement le
cadre d’une bataille en créant les
conditions qui permettent aux
commandants de l’emporter dans le
conflit”.
Les armes nucléaires permettent
en outre aux USA de “rassurer leurs
alliés et partenaires” qui, se fiant à
ces armes, “renoncent à la possession de
leurs propres armes nucléaires, en
contribuant aux objectifs étasuniens de
non-prolifération”.
Le document indique
cependant que “les USA et certains
alliés de l’OTAN sélectionnés
conserveront des avions à double
capacité pouvant transporter des armes
nucléaires ou conventionnelles”. Il
admet ainsi que quatre pays européens
officiellement non-nucléaires -Italie,
Allemagne, Belgique, Pays-Bas- et la
Turquie, violant le Traité de
non-prolifération, non seulement
hébergent des armes nucléaires USA (les
bombes B-61 qui à partir de 2020 seront
remplacées par les plus meurtrières
B61-12), mais sont préparés à les
utiliser dans une attaque nucléaire sous
commandement du Pentagone.
Tout cela est tu par
gouvernements et parlements, télévisions
et journaux, avec le silence complice de
l’écrasante majorité des politiciens et
des journalistes, qui par contre nous
répètent tous les jours combien est
importante, pour nous, Italiens et
européens, la “sécurité”. Elle nous est
garantie par les États-Unis déployant en
Europe d’autres armes nucléaires.
Édition de mardi 25 juin 2019 de
il manifesto
https://ilmanifesto.it/leuropa-nella-strategia-nucleare-del-pentagono/
Traduit de l’italien par M-A P.
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