L'art de la guerre
Fonds pour la « défense »,
nouveaux milliards pour la guerre
Manlio Dinucci
© Manlio
Dinucci
Samedi 24 juin 2017
Le « Fonds pour la défense », que
l’Union européenne a lancé le 22 juin, a
été défini comme un « pas historique »
par le président de la Commission
européenne, Jean-Claude Juncker. Reste à
voir dans quelle direction.
Le Fonds représente une injection massive d’argent public dans
l’industrie de guerre européenne. Il
commence avec l’allocation de 90
millions d’euros en 2017-2019 pour la
recherche sur de nouvelles technologies
militaires, en particulier de
systèmes robotiques pour les forces
navales et terrestres. A partir de 2020
l’allocation pour la recherche militaire
grimpera à 500 millions d’euros par an.
A cela s’ajoute une allocation encore plus importante pour
encourager la coopération entre les pays
Ue dans le développement conjoint et
dans l’acquisition de systèmes d’armes :
ils peuvent par exemple investir
conjointement pour développer le même
type de drone ou acquérir en bloc le
même char d’assaut pour en réduire le
coût (une sorte de « groupe d’achats
solidaire » pour la guerre).
Pour ce secteur le Fonds alloue 500 millions d’euros pour 2019 et
2020 et un milliard d’euros par an après
2020. Grâce à l’ « effet
multiplicateur » on prévoit de générer
des investissements d’ensemble dans
l’industrie de guerre Ue équivalents à 5
milliards d’euros annuels après 2020.
Le Fonds n’est pas alternatif mais complémentaire aux engagements
financiers que les pays Ue membres de
l’Otan ont pris dans l’Alliance, dont
font partie (après le Brexit) 21 des 27
membres de l’Union européenne. En 2014
ces pays ont pris l’engagement, requis
par l’administration Obama, de destiner
au militaire au moins 2% du PIB. Jusqu’à
maintenant, outre les USA, seuls Grèce,
Estonie, Grande-Bretagne et Pologne ont
dépassé ce seuil. L’Italie, calcule le
Sipri, dépense pour le militaire 1,55%
du PIB, c’est-à-dire environ 70 millions
d’euros par jour d’argent public. En
montant au niveau de la Grèce (2,36%
malgré la crise économique), elle
dépenserait plus de 100 millions par
jour ; en montant à celui des USA
(3,61%), elle dépenserait plus de 160
millions d’euros par jour. Ces 2%,
insiste Trump, sont désormais
insuffisants pour les missions
croissantes de l’Alliance.
La dépense militaire de l’Italie, que le Sipri place au 11ème
rang mondial en 2016, est en réalité
plus haute que celle inscrite dans le
budget du ministère de la Défense. Dans
la dernière Loi de finance sont inscrits
(toujours en argent public) presque 10
milliards d’euros pour produire des
chars d’assaut Freccia et Centauro 2,
des frégates Fremme, des hélicoptères
d’attaque Mangusta. Au poste
« Construction publique, y compris
scolaire » 2,6 milliards sont alloués
pour le Pentagone italien, voulu par la
ministre Pinotti pour réunir en une
unique structure les sommets de toutes
les forces armées. Cette structure se
trouvera dans la zone aéroportuaire de
Centocelle à Rome, où a déjà été
transférée la Direction générale des
armements avec son staff de 1500
personnes.
La Direction des armements devra à présent s’agrandir pour gérer
l’ultérieure montée en puissance de
l’industrie de guerre italienne, déjà en
excellente forme. En 2016, l’export
italien d’armes a augmenté de plus de
85% par rapport à 2015, grimpant à 14,6
milliards d’euros. Par la vente de 28
chasseurs-bombardiers Eurofighter au
Koweit, grâce à la ministre Pinotti,
efficiente représentante de commerce en
armes.
Dans le projet de loi pour la mise en oeuvre du « Livre Blanc pour la
sécurité nationale et la défense »,
approuvé en février dernier par le
Conseil des ministres, l’industrie
militaire est qualifiée de « pilier du
Système Pays ». Il se trouve maintenant
renforcé par le Fonds Ue pour la
« défense », pendant qu’on démolit
l’Article 11, pilier de la Constitution.
Edition de samedi 24 juin 2017 de il
manifesto
https://ilmanifesto.it/fondo-ue-per-la-difesa-altri-miliardi-per-la-guerra/
Traduit de l’italien par M-A Patrizio
Article 11 de la Constitution italienne
:
« L’Italie répudie la guerre en tant
qu’instrument d’atteinte à la liberté
des autres peuples et comme mode de
solution des conflits internationaux;
elle consent, dans des conditions de
réciprocité avec les autres États, aux
limitations de souveraineté nécessaires
à un ordre qui as- sure la paix et la
justice entre les Nations; elle aide et
favorise les organisations
internationales poursuivant ce but ».
Note pour la
version française :
En France : "création d'une « capacité
militaire de planification et de
conduite extérieure », sorte de QG
qui sera chargé de centraliser les
opérations extérieures (non armées dans
un premier temps comme la formation de
soldats au Mali ou en Somalie). Autre
projet, la mise en place d'une
coopération structurée permanente -
prévue par le traité de Lisbonne - qui
regroupera les Etats volontaires pour
accélérer la défense européenne. Enfin,
la création d'un Fonds européen de la
défense doté à terme d'un budget annuel
de 5,5 milliards d'euros. Il aura trois
usages, tous destinés à mutualiser
l'effort de défense : le financement de
la recherche dans des technologies
innovantes ; le développement de
prototypes de drone ; et l'achat en
commun de matériels".
(
https://www.lesechos.fr/monde/europe/030400384498-macron-arrive-a-bruxelles-avec-un-capital-de-sympathie-et-des-projets-qui-fachent-2096582.php#OLlpZXB6QYUhvsMg.99
)
et
"Le Premier
ministre Edouard Philippe a promis ce
vendredi au Salon du Bourget que le
gouvernement maintiendrait l'objectif
fixé par Emmanuel Macron de consacrer 2%
du PIB au budget de la Défense d'ici à
2025, malgré les contraintes
budgétaires » (http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2017/06/23/97002-20170623FILWWW00190-edouard-philippe-pour-un-budget-de-la-defense-a-2-du-pib.php
)
Grande discrétion du gouvernement et de
ses médias sur le chiffrage de ces
programmes.
Le sommaire de Manlio Dinucci
Le sommaire de Marie-Ange Patrizio
Le
dossier Monde
Les dernières mises à jour
|