L'art de la guerre
En Italie une école de Prédateurs
Manlio Dinucci
Photo:
D.R.
Mardi 23 juin 2015
Il y a une semaine, au Salon
aérospatial du Bourget à Paris, la Direction des armements
aéronautiques du Ministère italien de la Défense a signé un contrat avec la canadienne Cae
pour la réalisation à Amendola (Foggia,
Pouilles) de la première école de vol
européen de drones militaires Predator
(Prédateurs) de l’étasunienne General
Atomics. Un précédent contrat prévoyait
la fourniture d’un simulateur de vol
seulement pour le modèle MQ-1 Predator,
alors que le nouveau permet d’entraîner
aussi les télépilotes pour le Predator
B/MQ-9 Reaper, les deux étant en
dotation à l’aéronautique italienne.
Ainsi se réalise le rêve de Roberta
Pinotti (ministre italienne de la
défense) qui avait annoncé le projet au
« Colloque sur l’avenir de la domination
aérospatiale nationale et européenne »
(Florence, 24 octobre 2014).
Projet soutenu par le Pentagone, dans les écoles duquel se sont
entraînés jusqu’à présent les
télépilotes européens des Prédateurs :
comme il doit aujourd’hui former plus de
télépilotes de drones que de pilotes de
chasseurs-bombardiers, le Pentagone a
besoin d’autres centres d’entraînement
dans l’environnement Otan.
L’aéronautique italienne et celles des
autres pays Ue appartenant à l’Otan
disposeront ainsi, d’ici 2016, de
l’école d’Amendola. Ici, les télépilotes
européens seront entraînés à des
missions soit de reconnaissance et
identification d’objectifs, type celles
effectuées jusqu’à présent par les
Prédateurs utilisés par l’aéronautique
italienne, soit d’attaque avec les MQ-9
Reaper, type celles effectuées en
Afghanistan, Pakistan, Irak, Yémen,
Somalie et autres pays.
Le Reaper (Broyeur, de vies humaines évidemment), long de
plus de
10 mètres et avec
une envergure d’ailes de 20 mètres, peut être armé
de 14 missiles AGM-114 Hellfire (Feu de
l’enfer), en plus de deux bombes à
guidage laser GBU-12 Paveway II ou
GBU-38 JDAM à guidage satellitaire. Les
télépilotes, assis devant les écrans de
leur console à des milliers de
kilomètres, une fois repéré la « cible »
par l’intermédiaire de senseurs
électro-optique et autres du drone,
commandent avec leur joystick le
lancement des missiles et des bombes.
C’est la nouvelle façon de faire la guerre, présentée comme
« chirurgicale ». Les « dommages
collatéraux » sont cependant fréquents :
pour toucher un présumé terroriste, les
drones killer détruisent souvent toute
une maison en tuant des femmes et des
enfants, ou bien le télépilote
confond-il un groupe de gens à un
mariage avec un dangereux groupe armé et
lance le « Feu de l’enfer » à tête
thermobarique ou à fragmentation ; ou
bien il le lance parce qu’il est stressé
par les horaires épuisants à la console.
C’est à tout cela que contribuera l’école européenne de drones
militaires, dont la localisation en
Italie n’est pas fortuite. L’Italie a
été la première dans l’Ue à acquérir les
Predator étasuniens et à les utiliser
dans les « missions » internationales
(Afghanistan, Irak, Libye, Corne
d’Afrique), la première qui a permis aux
drones militaires d’opérer dans l’espace
aérien national en mettant en danger les
vols civils. De Sigonella (base
étasunienne à Catane, Sicile) opèrent
depuis des années les drones Global Hawk
(Faucons mondiaux), ainsi que des
Prédateurs armés, de la
US Navy.
Dans cette même base entrera en fonction
à partir de 2016 le système Ags de
l’Otan qui, avec Global Hawk,
surveillera une vaste zone, de l’Afrique
au Moyen-Orient, en soutien des
opérations de l’Otan. L’utilisation des
drones militaires s’intensifiera avec la
mission Ue « contre les trafiquants
d’êtres humains en Méditerranée »,
passe-partout d’une opération sous
direction Otan pour une intervention
militaire en Libye.
Et la ministre Pinotti, en visitant Amendola, pourra féliciter les
télépilotes des Prédateurs, comme le fit
dans cette même base le Premier ministre
D’Alema (Parti démocrate de gauche)
quand, le 10 juin 1999, il félicita les
pilotes italiens qui avaient bombardé la Yougoslavie, en
soulignant qu’ils avaient fait « une
grande expérience humaine et
professionnelle ».
Edition de mardi 23 juin 2015 de
il manifesto
http://ilmanifesto.info/in-italia-la-scuola-dei-predatori/
Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio
Le sommaire de Manlio Dinucci
Les dernières mises à jour
|