L'art de la guerre
De l’huile sur le cessez-le-feu
Manlio Dinucci
Photo:
Sana
Mardi 22 décembre 2015
La résolution
2254 sur
la Syrie, approuvée à
l’unanimité par le Conseil de sécurité
de l’ONU, souligne « le lien étroit
entre un cessez-le-feu et un processus
politique parallèle ». Désamorçant le
conflit, cela favoriserait un
ralentissement des tensions au
Moyen-Orient.
Mais il y a un problème : sur les cinq membres permanents du
Conseil de sécurité, trois -Etats-Unis,
France et Grande-Bretagne- sont ceux qui
ont le plus lourdement violé « la
souveraineté et l’intégrité territoriale
de la République Arabe
Syrienne », qu’ils disent dans la
résolution « soutenir fortement ». Ceux
qui ont organisé « l’afflux croissant de
terroristes en Syrie », pour lequel dans
la résolution ils «expriment la plus
grave préoccupation ». Le
« cessez-le-feu » dépend ainsi surtout
de ces trois puissances de l’Otan et de la Turquie, avant-poste de la
guerre secrète contre
la Syrie, et des autres
membres de l’Alliance à commencer par
l’Allemagne. Il dépend aussi d’une autre
puissance, Israël, qui trempe dans cette
guerre et d’autres. Quelles sont leurs
intentions ?
Plus que les mots valent les faits. Le 18 décembre, le jour même où le
Conseil de sécurité lançait la « road
map pour la paix » en Syrie, l’Otan
annonçait l’envoi de navires de guerre
allemands et danois et d’avions radar
Awacs en Turquie pour renforcer ses
« défenses à la frontière avec la Syrie », coup direct en
réalité contre
la Russie
dont l’intervention contre l’Ei est en
train de changer l’issue de la guerre en
faveur de Damas. Et le jour suivant
l’Otan annonçait qu’est prêt le premier
des drones Global Hawk qui seront
stockés à Sigonella, avec ceux des USA,
pour la « surveillance terrestre »,
c’est-à-dire pour l’espionnage des pays
qui sont dans le viseur stratégique
USA/Otan.
Toujours en ce même jour où le Conseil de sécurité lançait la « road map
pour la paix » au Moyen-Orient,
l’Allemagne annonçait la remise à Israël
du cinquième sous-marin d’attaque
nucléaire. Comme documente Der
Spiegel, ce sont des Dolphin
modifiés pour le lancement de missiles
cruise nucléaires, les Popeye
Turbo avec une portée de 1500 Km, dérivés de ceux des
USA. Avec le nouveau sous-marin
rebaptisé Rahav (Poséidon) -dont le coût
dépasse les 2 milliards de dollars, un
tiers desquels financé par le
gouvernement allemand- Israël renforce
sa position d’unique puissance nucléaire
dans la région, alors que l’Iran (qui à
la différence d’Israël adhère au Traité
de non-prolifération) renonce aux armes
nucléaires et que la Syrie consigne ses armes
chimiques construites comme dissuasion
contre celles nucléaires d’Israël.
Le 19 décembre, le lendemain du jour où le Conseil de sécurité
avait réaffirmé « la souveraineté et
l’intégrité territoriale » de la Syrie, Israël détruisait à
Damas un immeuble entier par des
missiles lancés par deux chasseurs
bombardiers, assassinant (avec des
civils) le militant libanais Samir
Kuntar : après 30 années de prison en
Israël pour avoir combattu pour
l’indépendance du Liban et de
la Palestine, libéré
dans un échange en 2008, il avait adhéré
au Hezbollah en allant combattre l’Ei et
pour cela avait été inscrit par
Washington sur la liste des
« terroristes mondiaux ».
Dans le même temps la
France, soutenant au
Conseil de sécurité le cessez-le-feu en
Syrie, annonçait avoir reçu l’acompte
sur les 7 milliards de dollars pour la
fourniture de 24 chasseurs bombardiers
Rafale au Qatar : le régime qui a
alimenté, y compris avec des commandos
infiltrés, la guerre en Syrie après
celle qui a démoli la Libye. Avec l’Arabie
Saoudite qui, après avoir financé avec
des milliards de dollars l’Ei et autres
groupes terroristes, participe à la
coalition sous conduite USA « contre l’Ei »
et a promu une « coalition islamique
anti-terrorisme ».
Edition de
mardi 22 décembre 2015 de il
manifesto
http://ilmanifesto.info/benzina-sul-cessate-il-fuoco/
Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio
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