L'art de la guerre
Libye, retour de flamme
Manlio Dinucci
Vendredi 20 mars 2015
L’attaque terroriste en Tunisie, qui a
fauché aussi des victimes italiennes,
est étroitement reliée à la situation
chaotique de la Libye, souligne-t-on
dans les milieux gouvernementaux et sur
les médias. On oublie cependant le fait
que le chaos en Libye été provoqué par
la guerre Otan qui, il y a quatre ans
exactement, a démoli l’Etat
libyen.
Le 19 mars 2011 commençait le
bombardement aéronaval de la Libye : en
sept mois, l’aviation Usa/Otan
effectuait 10mille missions d’attaque,
avec plus de 40mille bombes et missiles.
Simultanément, on finançait et armait
les secteurs tribaux hostiles au
gouvernement de Tripoli ainsi que des
groupes islamistes qu’on avait jusque
peu de temps auparavant définis comme
terroristes. On infiltrait en Libye même
des forces spéciales, dont des milliers
de commandos qataris. A cette guerre,
sous commandement étasunien par
l’intermédiaire de l’Otan, participait
aussi l’Italie avec ses bases et forces
militaires (et la France :
« Opération harmattan », NdT [1]).
De multiples facteurs rendaient la
Libye importante pour les intérêts
étasuniens et européens. Les réserves
pétrolifères -les plus grandes
d’Afrique, précieuses pour leur haute
qualité et leur faible coût
d’extraction- et celles de gaz naturel,
qui restaient sous contrôle
de l’Etat
libyen qui concédaient aux compagnies
étrangères des marges de bénéfices
restreintes. Les fonds souverains, d’un
montant d’environ 200 milliards de
dollars (disparus après avoir été
confisqués),
que l’Etat
libyen avait investi à l’étranger et qui
en Afrique avaient permis de créer les
premiers organismes financiers autonomes
de l’Union africaine. La position
géographique même de la Libye, à
l’intersection entre Méditerranée,
Afrique et Moyen-Orient.
Ce sont donc les Usa et les plus gros
alliés Otan, comme il a déjà été
amplement documenté, qui ont financé,
armé et entraîné en Libye en 2011 des
groupes islamistes qualifiés de
terroristes peu de temps auparavant,
parmi lesquels les premiers noyaux du
futur Isis ; qui les ont approvisionnés
en armes à travers un réseau organisé
par la Cia (selon l’enquête du New
York Times, voir
il manifesto
du 27 mars 2013 [2])
quand, après
avoir contribué à renverser Kadhafi, il
sont passés en Syrie pour renverser
Assad ; ce sont encore les Etats-Unis et
l’Otan qui ont favorisé l’offensive de
l’Isis en Irak, au moment où
le gouvernement al-Maliki s’éloignait de
Washington, et se rapprochait de Pékin
et Moscou. L’Isis joue ainsi de fait un
rôle fonctionnel à
la stratégie
Usa/Otan de démolition
des Etats à travers la guerre couverte.
Ceci ne signifie pas que la masse des
ses militants, dont les histoires sont
liées aux tragiques situations sociales
provoquées par la première guerre du
Golfe et par les suivantes, en soit
consciente.
L’attaque terroriste à Tunis est advenue le lendemain du jour où
Aqila Saleh, président du « gouvernement
de Tobrouk », avait averti l’Italie
que
« l’Isis peut passer de la Libye à votre
pays », faisant pression sur Rome pour
qu’elle intervienne en Libye. Le
ministre Gentiloni a promptement répondu
« Nous ferons notre part ». Et le
nouveau chef d’état-major, le général
Danilo Errico, a assuré
que,
« si le gouvernement devait donner le
feu vert » à une intervention en Libye,
« nous, nous sommes prêts ».
Prêts donc pour combattre aux
côtés
de l’ « Armée
nationale libyenne »,
bras armé
du « gouvernement de Tobrouk », au
commandement duquel se trouve
-selon l’article documenté de
The New Yorker du 23 février 2015-
le général
Khalifa Haftar qui,
« après avoir vécu pendant deux décennies
en Virginie (USA), où
il travaillait pour la Cia, est revenu à
Tripoli pour faire la guerre pour le
contrôle de la Libye ».
Edition de vendredi 20 mars 2015 de il
manifesto
http://ilmanifesto.info/ritorno-di-fiamma-libico-tunisino/
Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio
[2]
« Pont
aérien
de la CIA pour armer les
"rebelles syriens" »,
Manlio Dinucci,
il manifesto.
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