Monde
Brève histoire de l'OTAN de 1991 à nos
jours (5)
Manlio Dinucci
Mercredi 18 octobre 2017
AFGHANISTAN : LA PREMIÈRE GUERRE DE
L’OTAN EN-DEHORS DE L’AIRE
EURO-ATLANTIQUE
Le motif réel de l’intervention
USA/Otan en Afghanistan n’est pas sa
libération des talibans, qui avaient été
entraînés et armés au Pakistan dans une
opération dirigée par la CIA pour
conquérir le pouvoir à Kaboul, mais
l’occupation de cette aire de première
importance stratégique pour les
Etats-Unis.
L’Afghanistan est au carrefour entre Moyen-Orient, Asie centrale,
méridionale et orientale. Dans cette
aire (dans le Golfe et dans la
Caspienne) se trouvent les plus grandes
réserves pétrolifères du monde. Se
trouvent aussi trois grandes puissances
-Chine, Russie et Inde- dont la force
est en train de s’accroître et d’influer
sur l’organisation du monde. Comme
l’avait prévenu le Pentagone dans son
rapport du 30 septembre 2001, « la
possibilité existe qu’émerge en Asie un
rival militaire avec une formidable base
de ressources ».
La décision de délocaliser des forces en Afghanistan, comme premier pas
pour étendre la présence militaire
étasunienne en Asie centrale, va être
prise à Washington non pas après le 11
septembre, mais avant. C’est ce que
révèlent des sources fiables, selon
lesquelles « le président Bush, deux
jours avant le 11 septembre, était sur
le point de signer un plan détaillé qui
prévoyait des opérations militaires en
Afghanistan » (NBC News, 16 mai
2002) : avant donc l’attaque terroriste
qui officiellement motive la guerre en
Afghanistan, était déjà sur la table du
président « le plan de guerre que la
Maison Blanche, la CIA et le Pentagone
ont mis en acte après le 11 septembre ».
Dans la période précédant le 11 septembre 2001, apparaissent en
Asie de forts signaux d’un rapprochement
entre Chine et Russie, qui se
concrétisent quand, le 17 juillet 2001,
les présidents Jiang Zemin et Vladimir
Poutine signent à Moscou le «Traité de
bon voisinage, d’amitié et de
coopération», défini comme une « pierre
angulaire » dans les relations entre les
deux pays. Sans toutefois le déclarer,
Washington considère le rapprochement
entre Chine et Russie comme un défi aux
intérêts étasuniens en Asie, au moment
critique où les Etats-Unis essaient
d’occuper, avant d’autres, le vide que
la désagrégation de l’URSS a laissé en
Asie centrale. Une position
géostratégique clé pour le contrôle de
cette aire est celle de l’Afghanistan.
Sous la motivation officielle de pourchasser Ossama Ben Laden, désigné
comme mandant des attaques du 11
septembre à New York et Washington, la
guerre commence le 7 octobre 2001 avec
le bombardement de l’Afghanistan
effectué par l’aviation étasunienne et
britannique. Précédemment on a infiltré
en territoire afghan des forces
spéciales avec la mission de préparer
l’attaque avec l’Alliance du nord, et
d’autres formations anti-talibans. Sous
les bombardements massifs et l’offensive
terrestre de l’Alliance du nord, les
forces talibanes, à qui se joignent des
volontaires provenant du Pakistan et
d’autres pays, sont contraintes à
abandonner Kaboul le 13 novembre.
Le Conseil de sécurité de l’ONU autorise alors, par la résolution
1386 du 20 décembre 2001, la
constitution de l’Isaf (Force
internationale d’assistance à la
sécurité). Sa mission est d’assister
l’autorité afghane par intérim à Kaboul
et environs. Selon l’article VII de la
Charte des Nations Unies, l’emploi des
forces armées mises à disposition par
des membres de l’ONU pour de telles
missions doit être établi par le Conseil
de sécurité assisté par le Comité
d’état-major, composé des chefs
d’état-major des membres permanents du
Conseil de sécurité. Même si ce Comité
n’existe pas, l’Isaf reste jusqu’en août
2003 une mission ONU, dont la direction
va être confiée successivement à
Grande-Bretagne, Turquie, Allemagne et
Hollande.
Mais soudain, le 11 août 2003, l’Otan annonce avoir «pris le rôle de
leadership de l’Isaf, force sous mandat
ONU ». C’est un véritable coup de force
: aucune résolution du Conseil de
sécurité n’autorise l’Otan à prendre le
leadership, c’est-à-dire le
commandement, de l’Isaf. C’est seulement
après coup, dans la résolution 1659 du
15 février 2006, que le Conseil de
sécurité « reconnaît l’engagement
continu de l’Otan dans la direction de
l’Isaf ».
Depuis le 11 août 2003 ce n’est plus l’ONU qui dirige la mission
mais l’Otan : le quartier général de l’Isaf
se trouve en fait inséré dans la chaîne
de commandement de l’Otan, qui choisit
tour à tour les généraux à mettre à la
tête de l’Isaf. Comme le souligne un
communiqué officiel, « L’Otan a assumé
le commandement et la coordination de l’Isaf
en août 2003 : cette mission est la
première en dehors de l’aire
euro-atlantique dans l’histoire de
l’Otan ». La mission Isaf se trouve donc
insérée dans la chaîne de commandement
du Pentagone. Dans cette même chaîne de
commandement sont insérés les militaires
italiens assignés à l’Isaf, avec
hélicoptères et avions, y compris
chasseurs-bombardiers Tornado.
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