L'art de la guerre
Le pacte d’acier Otan-Ue
Manlio Dinucci
Mardi 12 juillet 2016
« Face aux défis sans précédents
venant de l’Est et du Sud, l’heure est
arrivée de donner un nouveau souffle et
une nouvelle substance au partenariat
stratégique Otan-Ue» : ainsi commence la
Déclaration conjointe signée le 8
juillet, au Sommet Otan de Varsovie, par
le secrétaire général de l’Otan Jens
Stoltenberg, par le président du Conseil
européen Donald Tusk et par le
président de la Commission européenne
Jean-Claude Junker.
Un chèque en blanc pour la guerre, que
les représentants de l’Union européenne
ont remis aux Etats-Unis. Ce sont en
effet les Etats-Unis qui détiennent le
commandement de l’Otan -dont font partie
22 des 28 pays de l’Union européenne (21
sur 27 quand la Grande-Bretagne sera
sortie de l’Ue)- et lui impriment leur
stratégie. Enoncée pleinement dans le
communiqué approuvé le 9 juillet par le
Sommet : un document en 139 points -mis
au point par Washington quasiment
exclusivement avec Berlin, Paris et
Londres- que les autres chefs d’Etat et
de gouvernement, y compris le Premier
ministre Renzi, ont souscrit les yeux
fermés.
Après s’être agressivement étendue à l’Est à l’intérieur du territoire de
l’ex URSS et avoir organisé le putsch
néo-nazi de Place Maïdan pour ré-ouvrir
le front oriental contre la Russie,
l’Otan accuse la Russie d’« actions
agressives, déstabilisation de
l’Ukraine, violation des droits humains
en Crimée, activités militaires
provocatrices aux frontières de l’Otan
en Baltique et Mer Noire et dans la
Méditerranée orientale en soutien du
régime syrien, volonté démontrée
d’obtenir des objectifs politiques par
la menace et l’utilisation de la force,
et une rhétorique nucléaire agressive ».
Face à tout cela, l’Otan
« répond » en renforçant la
« dissuasion » (c’est-à-dire ses forces
nucléaires en Europe) et sa « présence
avancée dans la partie orientale de
l’Alliance » (c’est-à-dire le
déploiement militaire au bord de la
Russie). C’est une véritable déclaration
de guerre (même si l’Otan assure qu’elle
« ne cherche pas la confrontation avec
la Russie »), qui peut faire sauter d’un
moment à l’autre n’importe quel accord
économique des pays européens avec la
Russie.
Sur le front méridional,
après avoir démoli la Libye par une
action combinée de l’intérieur et de
l’extérieur et avoir tenté la même
opération en Syrie (échouée grâce à
l’intervention russe) ; après avoir armé
et entraîné des groupes terroristes et
avoir favorisé la formation de l’Isis/Daesh
et son offensive en Syrie et Irak, en
poussant des vagues de réfugiés vers
l’Europe, l’Otan se déclare
« préoccupée » par la crise qui menace
la stabilité régionale et la sécurité de
ses frontières méridionales, par la
tragédie humanitaire des réfugiés ; elle
« condamne » les violences de l’Isis/Dash
contre les civils et, en termes plus
forts, « le régime syrien et ses
soutiens pour la violation du cessez le
feu ».
Pour « répondre à ces menaces, y compris celles venant du sud »,
l’Otan potentialise ses forces à haute
capacité et déployabilité. Ceci requiert
« des investissements appropriés »,
c’est-à-dire une dépense militaire
adaptée que les alliés se sont engagés à
augmenter.
Il résulte des chiffres officiels publiés par l’Otan durant le Sommet que
la dépense militaire de l’Italie en 2015
a été de 17 milliards 642 millions
d’euros et que celle de 2016 est estimée
à 19 milliards 980 millions d’euros,
c’est-à-dire en augmentation de 2,3
milliards. Si l’on tient compte des
dépenses militaires hors budget de la
Défense (missions internationales,
navires de guerre et autres), la dépense
est en réalité beaucoup plus élevée. Si
l’on s’en tient seulement aux chiffres
de l’Otan, l’Italie en 2016 dépense en
moyenne pour le militaire environ 55
millions d’euros par jour (pour les
autres pays de l’Otan, voir note
de fin, ndt).
Pendant que le Premier ministre Renzi se pavanait au milieu des
« grands » au Sommet de Varsovie, et que
le parlement (oppositions comprises)
tourne la tête de l’autre côté, l’Otan
et l’Ue décident de notre vie.
Edition de mardi 12 juillet 2016
de il manifesto
Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio
Apostille pour la version
française (ndt)
On trouvera les
chiffres correspondants à chaque pays de
l’Otan dans le communiqué du 4 juillet :
http://www.nato.int/nato_static_fl2014/assets/pdf/pdf_2016_07/20160704_160704-pr2016-116.pdf
.
Pour la France, la dépense militaire
(chiffres officiels Otan) a été de 39
milliards et 199 millions d’euros en
2015, et estimée à 39 milliards et 835
millions d’euros en 2016. Toujours selon
les chiffres de l’Otan, la France
dépenserait donc en moyenne un peu plus
de 109 millions d’euros par jour en
2016. Pour une population d’environ 66,6
millions d’habitants au premier janvier
2016, ça nous ferait une dépense
militaire d’un peu plus de 1,6 euros par
jour et par habitant…
Le détail de ce qui est compris dans la
dépense militaire est listé à la page 11
du communiqué.
Le sommaire de Manlio Dinucci
Le
dossier Monde
Les dernières mises à jour
|